Ce récit de type autobiographique est à rapprocher des Confessions de saint Augustin. Le récit de vie sert d'exemple permettant de tirer de leçon pour pousser le lecteur vers le droit chemin. Et Abélard vante les mérites de la vie de retrait – ermitage ou monastère – pour la pratique de la philosophie. La vie mondaine qui lui a apporté la gloire, lui a aussi apporté la tentation, la jalousie et la souffrance. A cette vie citadine, il oppose la belle école du Paraclet, lieu utopique où les étudiants ayant suivi son exemple, se sont retirés et vivent de travail manuel et d'étude, dans une vie simple comparable à celle des épicuriens, des stoïciens... limitée aux besoins primaires. On pourrait également comparer cette cité d'étudiants ermites aux utopies. On peut également voir des parallèles entre la vie d'Abélard et ce qu'on sait de celle de saint Jérôme, très souvent cité : avec Paula, ils instituent un monastère double (monastère et abbaye en combinaison). Sauf qu'Abélard va constituer son école mais envoyer sa femme dans un couvent lointain, non construire avec elle.
Abélard critique dépeint des monastères où règne la perversion, et également des intrigues dans le clergé. C'est pourquoi la voie de la retraite, de l'isolement, l'ermitage, demeure celle de celui qui recherche la sagesse, le philosophe, davantage que les monastères.
Hormis la portée d'exemple, la vie d'Abélard est un remarquable témoignage sur les mœurs du Moyen-Âge, qui semblent tout à coup si proches des nôtres. Le récit d'Abélard est très vivant, moderne, poétique à certains moments sans pompe et laisse imaginer les talents de rhétorique et de poésie dont il était capable. Sans manquer l'occasion de citer les textes de la Bible ou de ses commentateurs, saint Jérôme en premier lieu, il privilégie d'abord une langue accessible, agréable, claire. Tel que le fera Rousseau, il ne néglige en aucun cas le récit de ses mauvaises actions, qui lui servent d'appui pour tirer la logique de son parcours, sans toutefois s'en délecter. Il ne censure pas non plus les scènes qui pourraient paraître dérangeantes comme la description de ses amours parfois violents avec Héloïse, la violence de la vengeance de l'oncle...
Bon complément à la correspondance avec Héloïse, cette Histoire de mes malheurs permet de vraiment comprendre les relations qu'ils avaient ensemble. Leur histoire d'amour est celle de la jeunesse, de l'inconscience, de l'imprudence, et elle s'oppose à la relation platonique qu'ils ont par la suite, relation qui se voudrait tournée vers Dieu, mais qui n'est telle que par l'impossibilité d'un amour terrestre pour Abélard.
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