Ci-gisent
tous ceux qui parlaient
tous ceux qui bégayaient
tous ceux qui se taisaient
ils sont tous rassemblés ici.
Même
leur mortalité est éphémère.
Les épitaphes ne sont compréhensibles
et claires
que pour une génération d’amour.
Le deuil y dort dans un nid de serpent
et lui aussi oublie oublie.
Jacob Glatstein
La littérature yiddish est à l'image du peuple dont elle est l'expression. La principale caractéristique de ce peuple est son existence diasporique, celle de sa littérature d'avoir essaimé dans le monde entier.
(préface, page X)
Leivik, dont l'oeuvre tout entière, depuis ses débuts, décline toutes les efflorescences du silence, se fait le témoin après Maïdanek de la mort des mots qui "deviennent muets comme des pierres du désert" (1945). La poésie de l'anéantissement module indéfiniment l'impossibilité de la parole.
A son stade ultime, d'objet de l'écriture le silence devient sujet, principe actif du dire, sa texture même. L'une de ses modalités est d'inscrire la fragmentation du monde dans la fragmentation du mot.
Pour Celan, le poète de notre temps est condamné à bégayer :
S'il venait
venait un homme
venait un homme au monde aujourd'hui avec
la barbe de clarté
des patriarches : il devrait
s'il parlait de ce
temps, il
devrait
bégayer seulement, bégayer
toutoutoujours
bégayer.
p. 137
Car, contrairement à ce que l'on a affirmé, à l'aube du XXeme siècle, il n'y a pas eu de déjudaisation du shtetl (...) On ne le dira jamais assez, il n'est pas mort. Il a été assassiné.
Le shtetl devient un des symboles essentiels de la littérature yiddish et de l'enracinement de son imaginaire.