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EAN : 9782228274104
320 pages
Payot et Rivages (01/12/1986)
4.5/5   4 notes
Résumé :

Depuis le Moyen Age jusqu'à l'extermination nazie, un milieu juif unique au monde a existé. De la Baltique à la mer Noire, du Dniepr à l'Oder, enraciné dans les vastes plaines de Pologne, accroché aux flancs des Carpathes, blotti dans les vallées, le shtetl ("bourgade" en yiddish) fut un lieu de vie religieuse, sociale, politique et culturelle foisonnante.

Grâce à son autonomie, à la solidarité de ses membres, à la diversité de sa vie associa... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Le Shtetl, bourg ou bourgade, était indissociable de la vie des communautés juives d'Europe de l'Est, jusqu'à leur extermination. Il s'est perpétué ensuite dans la mémoire des survivants ou des migrants, devenant un monde symbolique évoqué parfois avec nostalgie mais aussi angoisse. Dans cette étude tout à fait remarquable Rachel Ertel en fait le portrait vivant, s'intéressant à son histoire, à son organisation communautaire, à tous les aspects du quotidien, de la politique à la religion, etc. Loin d'être un lieu clos il apparaît plutôt comme un monde en pleine ébullition, entre modernité et tradition.
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Cet excellent ouvrage est le résultat d'une étude méticuleuse et passionnée de Rachel Ertel. Celle-ci est née en 1939 à Slonin en Pologne dans une famille ashkénaze arrivée à Paris en 1949. Agrégée d'anglais et professeur des universités, elle a fondé le Centre d'études judéo-américaine (CEJA), principal lieu d'enseignement de langue et littérature yiddish en France. Elle forme des traducteurs afin d'assurer la continuité linguistique de cette langue en grave danger d'extinction.
Son intérêt pour le Yiddishland de ses ascendants doublé d'incontestables qualités universitaires ont permis ce livre d'une remarquable richesse où sont associés des témoignages d'émigrés, de proches mais aussi de nombreuses études universitaires de spécialistes du monde juif polonais, comme en témoigne l'impressionnante bibliographie en fin d'ouvrage. R. Ertel revient d'abord sur la genèse de la présence juive en Pologne et prend l'exemple de trois shtetls (Zetl, Belhatov, Santz), tous trois situés respectivement dans la zone de résidence tzariste, dans la Pologne du Congrès et en Galicie alors sous domination austro-hongroise. Elle aborde la vie quotidienne des juifs de ces bourgades : religion, travail, école, politique relations entre Juifs et non-Juifs.
Je savais déjà pas mal de choses sur le Yiddishland polonais mais cet ouvrage m'a permis de répondre à des questions jusqu'alors restées sans réponse. de 1815 à 1918, La Pologne est partagée en quatre zones : l'une sous domination russe, autrement nommée Pologne du congrès, et trois autres annexées respectivement par la Russie, l'Autriche et la Prusse. Bien que les Juifs aient connu des conditions de vie différentes selon les décennies et les zones, ils sont à quelques exceptions près, pauvres et régulièrement victimes de l'antisémitisme. le shtetl, présent dans les quatre zones, a une population souvent majoritairement juive et constitue le lieu central de la vie juive où se mèlent préoccupations religieuses, sociales et professionnelles. L'autonomie conséquente, la Kehilla, dont les Juifs de Pologne disposent depuis plusieurs siècles leur permet de préserver une vie repliée et presque exclusivement juive au milieu des Gentils. L'indépendance de la Pologne en 1919, le message révolutionnaire de 1917, l'accession des minorités aux droits civiques et la Déclaration Balfour font naître des espoirs dans les rangs juifs et « libèrent toutes les énergies du groupe dans les domaines culturels, communautaires, organisationnels » et ce en dépit de la misère et de l'antisémitisme d'État ou populaire. le shtetl comme les villes organisent la résistance et se politisent. Des partis politiques juifs font leur apparition : de l'Agudes Israël en passant par le Mizrahi, le Poalei-Tzion, le Al-Hamishmar, le Et Livnot, le Tzirei-Tzion et surtout le Bund (Union générale des travailleurs juifs de Lituanie, de Pologne et de Russie), toutes les tendances et sensibilités du monde juif sont représentées sur fond de sionisme naissant, un peu comme dans La famille Moskat d'Isaac Bashevis Singer. Contrairement à une idée régulièrement véhiculée, le shtetl n'échappe pas à ces changements. L'indépendance de la Pologne s'accompagne en 1920 de l'obligation scolaire pour les garçons comme pour les filles. Si l'étude a toujours été présente dans le monde juif, elle fut d'abord et longtemps centrée exclusivement sur les textes religieux et a été la condition « de la persistance du groupe ». Or la Haskala, les lumières juives, a pénétré le monde juif dans son ensemble et transformé les visées éducatives. Il n'y a pas entre 1920 et 1939 une mais des écoles juives qui correspondent aux différentes tendances politiques émergentes. La grande nouveauté est que les écoles juives ne sont plus seulement religieuses et qu'elles sont obligées d'introduire des disciplines générales ainsi que l'enseignement de polonais ( on se souvient que le père des frères Singer ne savait que deux mots de polonais et qu'il était loin d'être un cas isolé!) et que les religieux se voient dans l'obligation de créer, à contre coeur, des écoles pour les filles afin qu'elles ne se fondent pas dans l'école polonaise des Goyim ! La plupart des jeunes juifs fréquentent les écoles juives bien qu'elles soient payants et c'est un véritable système scolaire qui se met en place et crée une contre-culture juive qui se poursuit dans les activités de jeunesse souvent mixtes. Si le mode de vie traditionnel se voit de plus en plus souvent ébranlé, ces transformations ne sont nullement synonyme d'intégration dans le monde des Gentils. Ni les Gentils ni les Juifs ne le souhaitent, ces derniers réclamant davantage d'autonomie quotidienne et suscitant un « éveil à la conscience de classe des artisans et des ouvriers ».
En plus d'auteurs comme Mendele Moïher Sforim et David Bergelson qui ont fait du shtetl le centre de leur oeuvre littéraire, Rachel Ertel cite les Yitser-Biher, sorte de synthèse de la vie juive rédigés par les survivants de la Shoah pour évoquer l'histoire de ces bourgades qu'ils avaient habitées. Ces témoignages sont un outil majeur de la mémoire collective et de la transmission qu'il me tarde de découvrir !
Rachel Ertel brosse ici un tableau complet de ce que fut le shtetl de Pologne pendant plusieurs siècles. Elle va à l'encontre des idées incomplètes véhiculées par de nombreux émigrés juifs qui ont figé le shtetl « dans une sorte d'atemporalité, renforçant son image pastorale, pré-industrielle- image rassurante d'avant le cataclysme ; Elle tente également de faire admettre l'idée que la culture du shtetl , contrairement à ce que prétend l'idéologie sioniste, a joué une part non négligeable dans la naissance d'Israël. Un excellent ouvrage de référence !
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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
Car, contrairement à ce que l'on a affirmé, à l'aube du XXeme siècle, il n'y a pas eu de déjudaisation du shtetl (...) On ne le dira jamais assez, il n'est pas mort. Il a été assassiné.
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Video de Rachel Ertel (3) Voir plusAjouter une vidéo

Rachel Ertel : Brasier de mots
Olivier BARROT, aux pieds de l'escalier Potemkine à Odessa (Ukraine) nous fait découvrir le grand port sur la Mer Noire, les habitants qui se promènent avec en off deux belles chansons en yiddish, et le livre "Brasier de mots" (éditions Liana Levi) de Rachel Ertel consacré à l'holocauste des juifs.
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