Quand, dans le Paris des années folles, Mahaut épouse le comte Anne d’Orgel, elle l’aime d’un amour sage qui finit par déteindre et devenir réciproque. Mais cette tendresse tranquille bascule lorsque le comte trouve un nouvel ami en la personne de François de Séryeuse, jeune homme d’origine plus modeste mais raffiné qu’il croise à des soirées. François tombe rapidement amoureux de Mahaut mais respecte trop ce couple d’amis et le comte lui-même pour espérer d’avantage. Toutefois, lorsqu’il devient évident que ce coup de foudre est réciproque, ce trio amoureux est en danger. François veut déclarer sa flamme, Mahaut souhaite qu’ils ne se voient plus. Finalement, brûlée par la passion, elle l’avouera au comte avant son bal masqué. Mais que peut-on bien attendre d’une telle tocade à cette époque ?
« La passion s'insinua en lui si habilement qu'il y pu à peine prendre garde. Cette nouveauté datait du jour où Mahaut assise sur la banquette du garde-feu parlait avec François de Séryeuse. Ce jour-là son mari l'avait convoitée comme si elle n'eût pas été sa femme. »
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Je voulais lire ce roman pour découvrir Raymond RADIGUET, mort à seulement 20 ans après deux romans, dont celui-ci à peine achevé qui a été écrémé avant son édition post mortem. Son rang de classique du roman moraliste m’en avait fait espérer beaucoup, et malgré d’indubitables qualités techniques, j’ai été humainement un peu déçue.
« On pouvait donc être fort surpris des extraordinaires mensonges du Comte d'Orgel, destinés à souligner sa gloire certaine. Mais pour lui mensonge n'était pas mensonge ; il ne s'agissait que de frapper l'imagination. Mentir c'était parler en images, grossir certaines finesses aux yeux des gens qu'il jugeait moins fins que lui, moins aptes aux nuances. »
La trame est classique, et la réussite de l’auteur tient en ce qu’il nous la raconte assez bien : D’une jolie plume d’orfèvre, Raymond RADIGUET nous livre des pensées concernant les sentiments, la vie de couple et la psychologie des personnages qui sont d’une maturité surprenante pour son jeune âge. La manière dont il dresse le portrait d’une idée en peu de mots et de manière imagée est extrêmement précise et délicieuse, comme vous pourrez le constater dans les citations précédentes. Le roman ne comptant qu’une centaine de pages, on pourrait ajouter un bel esprit de synthèse ; Gardons tout de même à l’esprit que l’auteur est mort avant sa publication, en laissant un roman bien plus gros d’environ 400 pages, et que celui-ci a été relu et corrigé par Cocteau...
« C'était l'esprit le plus délicieux, mais le plus autoritaire, le plus excessif, que le Comte d'Orgel. Il "adoptait" les gens plus qu'il ne se liait avec eux. En retour, il exigeait beaucoup. Il entendait un peu diriger. Il exerçait un contrôle. »
Mais à vrai dire, j’ai été déçue par deux choses principales lors de ma lecture. D’une part, par l’absence de ressenti des sentiments qui sont décrits. Techniquement plutôt bon, ce roman ne m’a pas touchée alors qu’il raconte une histoire d’amour. La généalogie de départ n’amène pas grand-chose, les personnages (notamment François et Mahaut) manquent d'épaisseur et les noms choisis troublent la lecture dans la mesure où les hommes possèdent des noms à consonance féminine : le comte Anne d’Orgel et François de Séryeuse… alors que Mahaut, l’épouse du comte, a un prénom à consonance masculine.
Surtout, d’autre part, la fin me laisse un goût d’inachevé, d'autant plus au vu de sa réputation de roman moraliste - même si elle est caractéristique de l’époque et que le contexte entourant la mort de l’auteur l’explique : On a lu tout cela pour en venir où, que vont devenir ces personnages soi-disant rongés par la passion ? Vont-ils se séparer, continuer comme avant, ou encore réagir ? Il aurait pu être intéressant d'assister au bal éponyme pour le savoir...
« Vivre un conte de fées n'étonne pas. Son souvenir seul nous en fait découvrir le merveilleux. »
Dommage que la maturité de certains propos, décris avec un génie certain, ne servent pas une histoire plus aboutie et, surtout, que cette dernière ne soit pas parvenue à me toucher. Avez-vous lu « le diable au corps », du même auteur ? Vaut-il la peine ?
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