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Citations de Reggie Nadelson (22)


- (...) Apparemment, d'après ce que j'ai entendu, mais il ne faut pas le prendre au pied de la lettre, ça bataille ferme autour de ce secteur de New York, comme si c'était le dernier morceau de viande dans le plat.
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— Un jour, un gars m’a dit que, dès que tu fourrais ton nez dans une affaire, tu ne pouvais plus la lâcher. Pas vrai, Artie ?
— Il était certainement ivre. Tu ne sais rien de moi.
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Sid McKay m'avait rappelé. Il avait déjà appelé la veille au soir, il m'avait demandé de venir à Red Hook , un truc le tracassait. Je n'y tétais pas allé, j'étais pris par autre chose, puis j'avais eu des remords. Et maintenant, il me laissait ce message urgent.
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— Artie, c’est ça ?
— Oui.
— Vous menez l’enquête ?
— Non, je ne fais que passer.
— Vous n’avez pas travaillé sur une histoire d’engin nucléaire dans le temps, à Brighton Beach ? Vous avez repéré un passeur qui venait de Russie avec des trucs radioactifs dans sa valise. Je m’en souviens. Avec ces enfoirés de Russkofs, non ?
— Oui. Vous pensez avoir trouvé quelque chose ?
Je montrai le portique.
— Je sais pas trop. Vous voulez que je vous appelle ?
Je montrai Bobo d’un mouvement de tête.
— Appelez-le, si vous voulez.
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— Ils devraient arrêter de regarder des films qui n’ont aucun rapport avec la réalité ; toutes ces grosses machines policières avec des menaces nucléaires à la con, ça vaut rien, que dalle, zéro. Ils devraient plutôt dépenser du fric pour inspecter les cargos et les soutes à bagages de tous ces putains d’avions en provenance de chez les maboules. Et les déchets hospitaliers, les centrales nucléaires sans surveillance ? Mais on n’a pas de pognon pour tout ça, pas vrai ? Ça va arriver, c’est sûr, mais pas de cette façon, par sur ce putain de terrain de jeu, ou dans des sushis comme avec ce type à Londres. Un jour, ça va arriver du ciel, bang, comme avec les Twin, bing bang boum !
Il émit un petit ricanement, jeta sa cigarette par terre, l’écrasa avec sa botte et remit son masque.
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Et maintenant que la vermine des dealers de crack avait disparu, la cité était menacée par Trump, ou tout autre promoteur sans foi ni loi, qui rêvait de s’en emparer, d’augmenter les loyers, de tout faire sauter. Apparemment, tout serait réglé à l’automne.
Mais Olga Dimitriovna et ses amis ne bougeraient pas facilement, pas sans se battre, maintenant qu’ils avaient transformé le quinzième étage en village : les anciens aidaient les nouveaux, ils allaient les uns chez les autres ; quand il faisait beau, ils s’installaient dehors dans des transats en plastique vert et jaune, comme si le trottoir était une véranda ; ou bien ils partaient en excursion à Brighton Beach pour faire des courses ou manger au restaurant dans les occasions particulières, ou encore au YMCA de la 92e Rue pour écouter de la musique, une fois par an.
Ils résisteraient. Ils s’organiseraient. S’il le fallait, ils se battraient. Ils avaient survécu à tout le reste. Staline, Hitler. À l’arrivée en Amérique.
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Il fallait que je sache ce qu’il y avait sous ce ruban adhésif.
Tenant le corps d’une main, je soulevai un petit bout de plastique au niveau du visage. Le ruban produisit un bruit râpeux sur la peau. Il s’enlevait facilement, c’était du travail bâclé. Du bout du doigt, je touchai la peau près du nez. Je vis apparaître un œil, et il me sembla que la paupière bougeait, comme si elle allait s’ouvrir brusquement.
Elle était morte. Je n’avais jamais été un spécialiste dans ce domaine, mais elle se trouvait sur cette balançoire depuis un bon moment, autant que je puisse en juger.
D’abord emmaillotée ? Ou d’abord morte ?
J’avais envie de me tirer, de foutre le camp, de me retrouver en vacances, mais je devais attendre les renforts. Je ne voulais pas qu’un autre gosse comme Dina vienne ici et tombe sur ça.
Je guettais les sirènes. Je regrettais de ne pas avoir de cigarettes. Je transpirais sous le soleil brûlant et je ne pouvais qu’attendre.
Ne sachant pas quoi faire d’autre, je m’assis sur la balançoire voisine. Ensemble, la morte et moi, on se balança d’avant en arrière, tels deux gamins au petit matin que personne ne pouvait voir.
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Enveloppé de ruban adhésif argenté qui projetait un éclat terne dans la lumière du matin, le corps – sans doute celui d’une femme – était assis sur la balançoire, les bras attachés aux chaînes par une corde ; un vent brutal la faisait bouger d’avant en arrière. Ou peut-être était-ce son propre poids qui produisait ce mouvement de va-et-vient sur cette balançoire, au milieu de ce terrain de jeu abandonné de Brooklyn.
— Quand l’as-tu trouvé ? demandai-je en russe, tout doucement, bien qu’il n’y eût personne dans les parages.
— Elle est morte ? Elle est morte ? demanda Dina.
Brusquement, elle m’échappa et s’enfuit en courant, tête baissée, trop vite pour que je puisse la rattraper : tache floue de jambes et de bras maigrelets et de tee-shirt rose.
J’alertai la police et retournai vers le portique.
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Quand je la vis, au moment où elle jaillissait sur la chaussée, j’étais à une seconde de la renverser, de la tuer. La sueur recouvrait mon visage et coulait dans ma nuque. Le sac posé sur le siège du passager tomba sur le sol, les livres s’en échappèrent, les livres que j’apportais à la vieille femme de la part de Tolya.
J’écrasai la pédale de frein. Je descendis de voiture au milieu de la chaussée. Il n’y avait pas beaucoup de circulation dans ce coin sinistre, mais plusieurs voitures s’étaient mises à klaxonner ; je les envoyai au diable et relevai la gamine qui braillait pour l’asseoir sur le trottoir. C’était une journée chaude et sèche, des rafales de vent provenaient du fleuve, à presque un kilomètre de là. C’était un jour férié. Le 4 juillet.
Sur le trottoir fissuré, à l’endroit où Brooklyn vient buter contre le Queens, je passai le bras autour de la gamine vêtue d’un tee-shirt rose sale et essayai de la faire parler.
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— Tu me parlais d’un service ?
— Il s’agit juste d’apporter des bouquins à une vieille dame à Brooklyn. (Il déposa un sac de courses sur le bar.) Ça ne t’ennuie pas ? Sûr sûr ?
Il savait que je ferais ce qu’il me demandait sans poser de questions. Telle était sa définition de l’amitié. Il croyait uniquement à la version russe de l’amitié, pas celle des Américains qui appellent tout le monde « mon ami ». « Ils disent mon meilleur ami », persiflait-il.
— J’irais bien moi-même, ajouta-t-il, mais j’ai deux employés qui ne sont pas venus hier soir. Ça m’énerve un peu, je l’avoue, parce que je suis généreux avec mon personnel. Je leur verse un salaire en plus des pourboires, contrairement à la plupart des clubs et des restos.
C’était un des griefs de Sverdloff : dans les restaurants de New York, la plupart des employés étaient payés au salaire minimum et gagnaient leur vie grâce aux pourboires.
— Je déteste ce système, dit-il. En Espagne, c’est civilisé. Là-bas, les serveurs sont payés correctement, ajouta-t-il, et je compris qu’il allait enfourcher son dada habituel.
— Oui, dis-je, en sentant couler le vin dans mes veines comme du plaisir liquide. Évidemment, Tolya. Tu es le patron le plus sympa de la ville.
— Ne te moque pas de moi, Artyom. Je suis un très bon socialiste, déguisé en capitaliste.
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Son anglais variait selon les occasions. Grâce à ses études dans les écoles de langues de Moscou, il le parlait magnifiquement, avec un accent britannique. Mais quand il était ivre ou d’« humeur festive » comme il disait parfois, il inventait son propre langage, un mélange de russe et d’anglais, celui qu’utilisaient, imaginait-il, les gens incultes : les gangsters, les Russes nouveaux riches. Il me raillait en permanence ; il savait bien qu’à mes yeux, tous les Russkofs étaient des bandits ou des primates. « Voilà ce que tu penses, Artemy », disait-il.
Mais quand il s’en donnait la peine, il parlait une langue russe si pure, si douce, que c’était comme si on caressait mon âme. De son vivant, le père de Tolya parlait de la même façon, m’avait-il affirmé un jour. Il avait reçu une formation d’acteur. Et de chanteur. Paul Robeson avait complimenté son père alors qu’il était encore étudiant. « Il avait une voix, mon père », disait Tolya.
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— Tu es sur une affaire, Artemy ?
Il avait utilisé mon prénom russe. Comme moi, Tolya Sverdloff avait grandi à Moscou. J’en étais parti à seize ans, j’avais débarqué à New York, coupé tous les ponts et jeté mon passé aux oubliettes le plus vite possible. Tolya possédait un appartement là-bas et un autre en Angleterre. Tolya était un nomade désormais. Londres, New York, la Russie. Il avait ouvert des clubs dans tous ces lieux.
— Je suis en vacances depuis hier, dis-je. Dix merveilleux jours de congé, pas d’homicide en cours, pas de Russes fous ayant besoin de mes services linguistiques.
Je m’étirai et bâillai, et je bus encore un peu de vin. Il n’était pas encore neuf heures. Et alors ? me dis-je. Ce bordeaux était délicieux.
Tolya leva son verre.
— La semaine prochaine, c’est mon anniversaire.
— Joyeux anniversaire.
— Tu viendras à ma fête ?
— Bien sûr. Où ça ?
— À Londres.
— J’ai mené une enquête là-bas. J’en ai gardé un sale souvenir.
— Tu as tort. C’est un endroit fantastique, Artemy.
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— Alors, qu’est-ce que tu attends de moi pour me faire rappliquer ici à l’aube, mon premier jour de vacances ? demandai-je. Je veux bien un café.
Il m’arrêta d’un geste. Des enceintes sortait un air d’opéra.
— Maria Callas. Traviata. Bon sang, y a-t-il jamais eu une Violetta pareille ?
Pendant qu’il écoutait la musique, je regardais les affiches soviétiques encadrées sur les murs, parmi lesquelles une œuvre originale de Rodchenko pour Le Cuirassé Potemkine. J’étais curieux de savoir comment il se l’était procurée.
— Et mon café ?
— Essaie le vin, dit-il. Franchement, tu devrais t’associer avec moi, Artie. On s’amuserait bien, tu pourrais gérer ce club, ou alors on en ouvrirait un autre, tu gagnerais enfin un peu de fric. Tu es trop vieux pour jouer aux gendarmes et aux voleurs.
— Je suis inspecteur de police à New York, ce n’est pas un jeu. Tu as rencontré quelqu’un ou quoi ? On dirait que tu es amoureux.
— Ne sois pas si pompeux, répondit Tolya, et on éclata de rire.
— Oui, je sais.
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Tolya goûta de nouveau le vin et sourit, faisant apparaître des fossettes si profondes qu’un enfant aurait pu y enfoncer son poing. Ce géant généreux et expansif, ce sybarite, repoussa les épais cheveux qui tombaient sur son front et roula des yeux de plaisir. Le vin et la cuisine étaient sa rédemption, répétait-il sans cesse.
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Tolya Sverdloff leva les yeux derrière le bar de son club du West Village et me vit.
— Bonjour, Artie, comment ça va, bois un verre ou une tasse de bon café et on va bavarder, j’ai besoin d’un petit service, tu peux peut-être m’aider.
Tout ça débité d’une traite, en une seule phrase, comme si, en s’arrêtant pour reprendre son souffle, il craignait de ne pas arriver à tout faire tenir.
Éclairé par les rayons du soleil matinal qui se déversaient à travers deux grandes fenêtres, il ressemblait à un saint sur un vitrail, mais un saint très laïc, un verre de vin rouge dans une main, un havane dans l’autre, et une expression de plaisir intense sur le visage. Il plongea le nez dans son verre, le fit tourner, renifla et but. Il vit que je l’observais.
— Ah, mon vieux, dit-il. Tout est là, voilà une raison de vivre. Goûte-moi ça, ajouta-t-il en versant du vin dans un deuxième verre. Un Ducru fantastique. Je t’en donnerai une bouteille. Pour te remercier.
Je grimpai sur un des tabourets en cuir de son bar.
— Me remercier de quoi ?
— De venir à cette heure-ci, dès que je t’appelle.
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Mon meilleur ami est en train de mourir et je ne peux rien faire ; il dit : « Artie, aide-moi », et puis il meurt, et je me mets à pleurer. « Arrêtez la musique, je crie. Éteignez ça ! » Soudain, je suis obligé de m’asseoir sur une chaise dans cette chambre d’hôpital car je ne peux plus respirer. Quelqu’un tente de m’enfiler un tube dans le nez, mais je me débats. Les tubes me font trébucher, je suis empêtré dans des tubes en plastique transparent, je tombe.
Il arrache les tubes, tire sur les lignes de vie, les intraveineuses, et il dit simplement : « Je connaissais Sacha Litvinenko. Je l’ai rencontré, et ils l’ont tué, et plus personne ne se souvient de ce pauvre gars. »
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Une unique chaussure, en alligator jaune, avec une grosse boucle en or ternie par la poussière, se trouve près du lit, abandonnée. Quelqu’un la ramasse. Les pieds énormes qui dépassent de sous une couverture ont la couleur grise d’un mammifère préhistorique, comme si Tolya revenait à une forme primitive, dévoré de l’intérieur par la maladie.

Puis il meurt.

Il est dans un cercueil ouvert et il se transforme en Staline : la grosse tête, les cheveux, la moustache, les larges narines, pourquoi Staline ? Pourquoi ? À moins que ce ne soit Eltsine ? Des colosses. Des colosses russes.
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D’autres médecins et d’autres infirmières, enveloppés dans des costumes en papier blanc comme des astronautes, vont et viennent. « Mais il n’y a aucune raison, il n’est pas contaminé par un poison radioactif, pourquoi êtes-vous habillés comme ça ? » demande la voix. Tout le monde porte un masque blanc et un chapeau en papier blanc. Des chapeaux d’anniversaire. Quelqu’un souffle dans un sifflet rouge. Des gens entrent et sortent de la pièce, certains sont égarés, d’autres cherchent les festivités. « Ce type est mort, déclare quelqu’un, il n’y a pas de fête. »
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Quelque part, un lecteur de CD diffuse de la musique merdique. « La musique l’aidera », dit quelqu’un, et une voix s’écrie : « Non, pas ça, mettez du Sinatra, il adore Sinatra. Ou de l’opéra. Italien. Verdi. » À qui est cette voix ? C’est celle de Tolya ? Personne ne l’écoute.
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Les médecins, les infirmières, d’autres personnes encore, se pressent autour du lit ; elles secouent la tête pour indiquer qu’il n’y a plus d’espoir.
Il est relié à des machines ; d’épais tubes transparents, bleus ou blancs, lui envoient de l’air et expulsent les saletés. Des perfusions plantées dans ses bras le relient à des poches de médicaments accrochées à une perche métallique. Il porte une blouse d’hôpital sans manches, trop courte.
Allongé sur le dos, ce géant de presque deux mètres, qui pèse habituellement dans les cent trente kilos, semble ratatiné, telle la carcasse d’une baleine échouée. Seules les fossettes qui creusent cet épais visage ressemblant à une statue de l’île de Pâques permettent de le reconnaître.
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