Citations de Régis de Sa Moreira (180)
La vie est une soirée déguisée.
Tu descends ta main sous le drap.
Tu cherches quelque chose entre tes jambes.
Tu ne trouves rien.
Tu te redresses d'un coup.
Tu ne tournes vers l'armoire à glace.
Tu cries.
Ta femme crie à ta place.
Deux destins tragique , deux âmes égarées . La perpétuelle tristitude humaine . Rien de plus , rien de moins , je n'ai pas été conquises
- Alors libraire ! Comment ça va ?
- Mal... Terriblement mal.
- Ah ! c'est comme ça que je vous préfère...
(p.151)
Le libraire aimait l'idée de clients se retrouvant seuls devant un océan, une marée plus exactement, de livres, sans personne pour les observer. (p.19)
Mais au moment où sa main allait se poser sur la poignée, la jeune femme changea d'avis.
Ou plutôt la jeune femme changea le cours des choses.
Elle regarda, à travers la porte de la librairie, la vie telle qu'elle prétendait se dérouler, entendit le poudoupoudoupoudou, se vit marchant, s'en allant, ne se trompant plus jamais entre une boulangerie et une librairie, laissant le libraire seul derrière elle.
Oui, la jeune femme suivit un moment le cours de la vie de l'autre côté de la porte de la librairie, puis elle le prit et le tordit.
Elle tira sur la corde de la vie qui s'étrangla dans la rue et n'eut pas d'autres choix que d'arrêter son cours pour se plier à celui que la jeune femme entendait à présent lui faire prendre.
Elle tira de toute sa force sur la corde et la vie la rejoignit.
Tous mes frères et sœurs me battent au baby-foot, c’est pas normal, je suis sûr que mes parents m’ont adopté… C’est le seul que nous n’avions pas adopté. Des années plus tard il a tout découvert, il a quitté la maison et il ne nous a plus jamais parlé. C’est dur le silence pour une mère…
Je suis sortie sur le parking, il faisait froid, c’était agréable, un homme m’a demandé mon numéro de téléphone, je ne sais pas ce qui m’a pris, je lui ai tout de suite donné…
C’était la première fois que j’osais aborder une inconnue et il a fallu que ce soit la bonne. Nous nous sommes mariés deux mois après. Tout ce travail sur ma timidité pour un seul numéro, j’aurais bien voulu en profiter un peu plus, au moins tenter ma chance avec la fille de l’agence de voyages…
Il passait devant l’agence tous les jours, presque toujours à la même heure. Je ne le connaissais pas mais quand il a cessé de passer, je me suis inquiétée. Qu’est-ce que ça veut dire connaître les gens ? Je ne suis même pas sûre de connaître l’homme avec lequel je vis… Encore heureux. Je suis sûr que si elle me connaissait elle partirait en courant. D’autres l’ont fait avant elle…
tu voyages dans les livres, dans le délice presque enfantin de la lecture, tu as peur, tu ris, tu pleures, tu cesse peu à peu de comparer tes livres à ceux que tu lis, puis tu cesses même de comparer les livres entre eux et tu commences à prendre chacun pour ce qu'ils sont, avec leurs forces et leurs faiblesses, avec plus ou moins d'affection, de tendresse.
Le silence règne dans votre cuisine.
Ta femme t'observe écoeurée remplir son corps de chips et de bière, tu plains le tien qu'elle rationne de tofu et de thé vert.
Ton chat rentre dans la cuisine, saute sur la table, s'avance vers ton corps, recule.
S'avance vers toi, recule.
Hésite. Vous regarde en frémissant.
Ses poils se hérissent. Il recule encore.
Saute de la table.
Et s'enfuit.
L'air s'alourdit.
En redescendant son escalier, une tasse de tisane à la main, le libraire aperçut la question.
Elle venait de se faufiler sous la porte sans déclencher le poudoupoudoupoudou et elle cherchait le libraire dans la librairie. La question entrait de temps en temps et toujours sans prévenir. p. 63
Dire que le libraire vivait parmi ses lectures, refusait d'affronter la réalité, s'échappait dans ses rêveries, aurait été très intelligent.
Et c'était fou le nombre de personnes très intelligentes qu'il y avait dans la ville où habitait le libraire, et ailleurs aussi sans doute.
Il y avait aussi cependant des personnes moins intelligentes, parfois même un peu idiotes, qui ne pensaient pas la même chose. Certaines d'entres elles allaient jusqu'à suggérer que c'était la réalité, elle, qui n'osait pas affronter le libraire.
Quels étaient les trois livres à emporter sur une île déserte?
Quels étaient, du moins, les trois livres qu'il emporterait, lui, libraire, sur une île déserte?
Le libraire angoissa.
Il tourna en rond dans son escalier en colimaçon jusqu'à se retrouver en bas et commença à passer ses livres en revue.
"Trois livres", se dit le libraire.
Pouuuuudouuuupouuuuudouuuuupouuuuu- douuuuuuu.
Un homme entra au ralenti dans la librairie.
Le libraire l'attendit longtemps derrière son bureau et l'homme finit par arriver.
- Boooonjouuuuur, dit l'homme au ralenti.
- Bonjour, répondit le libraire en vitesse normale. - Jeeeeee cheeeeerche deeeees liiivres deeee Maaaaaaarceeeeel Prooooouunuuuust.
- Oui, dit le libraire. Lequel ?
- Tooooouuuuuuuuuussssssss.
En redescendant son escalier, une tasse de tisane à la main, les libraire aperçut la question.
Elle venait de se faufiler sous la porte sans déclencher le poudoupoudoupoudou et elle cherchait le libraire dans la librairie.
La question entrait de temps en temps et toujours sans prévenir.
Le libraire s'immobilise sur l'avant-dernière marche de l'escalier, sa main crispée autour de sa tasse, et ne fit plus aucun bruit.
La question fit le tour des étagères, renifla, longea les livres.
Elle fouilla le bureau du libraire s'attardant près de son fauteuil, tourna encore un peu et commença à faire marche arrière.
Mais une goutte de tisane s'échappa de la tasse du libraire, tomba et éclata sur le sol.
La question se figea.
Le libraire retint son souffle.
Elle se retourna lentemnent, et sapprocha peu à peu du libraire, jusqu'à n'être plus qu'à quelques centimètres de lui.
Le libraire avait cessé de respirer. La question lui tourna autour sans le voir et sans pou- voir l'atteindre.
Le libraire était comme la pierre.
La question abandonna et repartit comme elle était venue, en se glissant sous la porte.
Le libraire souffla enfin. Il regagna son fauteuil et, soulagé, commença à boire sa tisane.
Le libraire se promena dans les allées de sa librairie.
Il prit au hasard un livre sur une étagère.
Il l'ouvrit à la première page, commença à lire, et sourit.
Il tourna la page, continua, se laissa glisser contre l'étagère jusqu'à s'asseoir par terre. Son sourire s'élargit.
Ce n'était pourtant pas un livre drôle, et même loin de là, mais c'était l'effet que les Iivres faisaient au libraire, et c'était d'ailleurs ce pourquoi il était devenu libraire.
On peut souffrir le martyre sans émettre un son, il suffit de prendre le métro et de regarder une personne au hasard...
Un couple, c'est pas fait pour être ensemble tout le temps, une personne non plus d'ailleurs, mais ça on n'a pas le choix. A moins de devenir fou...
J'ai rêvé que j'étais dans le métro et que les stations étaient des années de ma vie où je pouvais descendre ou pas. J'hésitais, j'hésitais et finalement je restais dans le wagon. Je crois que mon analyste va avoir du boulot. (p. 35)