AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de Reinaldo Arenas (56)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées


Avant la nuit

« Avant la nuit » est l'autobiographie de Reinaldo Arenas, écrivain né à Cuba en 1943 et qui, atteint du sida, se donnera la mort en 1990 à New York.

Reinaldo Arenas est né à la campagne, près de Holguin dans la province d'Oriente, dans une famille pauvre, dans laquelle les femmes sont, tôt ou tard, abandonnées ou trahies par les hommes. Né sous la dictature de Batista, il est adolescent quand Castro mène sa guérilla depuis la Sierra Maestra avant de prendre le pouvoir. A ce moment, la Révolution suscite espoir et enthousiasme. Arenas lui aussi s'enflamme pour ce vent nouveau, grâce auquel il pourra faire des études, obtenir un premier emploi puis un poste à la Bibliothèque nationale et même remporter un prix littéraire. Las ! Une dictature chasse rapidement l'autre, virage à plus de 180 degrés de la droite vers la gauche. Arenas déchante tout aussi rapidement et s'oppose au communisme. Ecrivain, intellectuel, homosexuel, le voilà considéré comme un dangereux contre-révolutionnaire. Il sera pendant des années la souris essayant d'esquiver le chat castriste, tentant de quitter le pays, réussissant à faire publier ses romans à l'étranger en les faisant sortir clandestinement de l'île, réécrivant à plusieurs reprises certains manuscrits confisqués ou détruits par la Sûreté de l'Etat. Prison, torture, trahisons, délations, paranoïa, il connaîtra toute la panoplie des horreurs d'une dictature absurde, avant de parvenir à gagner les Etats-Unis sur un coup de chance.

Ce récit, écrit sous tension, dans l'urgence, est intense, impudique, édifiant. Si la litanie des (més)aventures sexuelles, crûment décrites, est parfois agaçante et sans intérêt, elle est cependant révélatrice de la recherche d'une liberté totale, de la volonté absolue de s'évader à tout prix de cette île-prison. Quand on pense que le régime castriste interdisait aux Cubains d'aller à la plage par crainte qu'ils s'enfuient à la nage... On est bien loin de l'image pseudo-romantique des barbus de la Révolution. Il est frappant aussi de lire que, si les médias étrangers et une grande partie des Cubains exilés ont mené grand tapage lorsque Reinaldo Arenas se trouvait coincé à Cuba, ils n'ont plus fait grand cas, ni de lui, ni de sa cause, une fois qu'il réussit à s'enfuir de cet enfer.



« Avant la nuit », avant la mort, ce livre raconte, de l'intérieur et avec les tripes, une vie de résistance au harcèlement et aux exactions d'un régime de terreur. En dépit de tout cela, la lettre d'adieu de Reinaldo Arenas se termine sur une note d'espoir poignante : « Cuba sera libre. Moi je le suis déjà ».
Lien : https://voyagesaufildespages..
Commenter  J’apprécie          520
Adiós a Mamá

Le visa en poche, j’atterris sur le tarmac ensoleillé. Je vois déjà les vieilles voitures rutilantes parcourir les rues poussiéreuses de La Havane. Voitures multicolores, immeubles multicolores, filles multicolores. L’autoradio est branché sur une cassette de Buena Vista Social Club, c’est toujours mieux qu’un discours de Fidel. Les jupes des filles virevoltent sous la chaleur pour se donner de l’air frais, je rêve déjà d’un verre de rhum au bord de la piscine. Des bikinis autour de moi, des jambes bronzées, des couples qui font l’amour sur la voix d’Ibrahim Ferrer, des homosexuels qui se tiennent la main avant de s’embrasser… J’ai le droit de rêver un peu… C’est pas ça La Havane ? Alors je revois ma copie…



Les rues sont poussiéreuses. Toujours. L’air est chaud et parfumé à l’iode marin et au poulet recette vaudou. Les filles sont toujours belles, Mais c’est bien le discours de Fidel que j’entends à la radio, à la télévision. Pendant des heures… J’ai envie de leur dire : mais putain mettez un disque de Campay Segundo… Mais rien n’y fait, personne n’ose tourner le bouton de la radio… Je croise des regards, tristes et mélancoliques. J’arrive au tarmac de New-York. Il fait froid, un froid glacial, la température n’est pas en cause, mais les gens oui… Un exilé cubain, dans les années 80. Écrivain. Bon écrivain même à la lecture de ces 8 nouvelles – je vais être honnête, il y a quelques années de ça, j’avais croisé cet écrivain pour un roman qui m’avait profondément ennuyé. Je lui donne une seconde chance. Bien m’en a pris. Reinaldo Arenas a compilé dans ce recueil les écueils de sa vie, entre 1963 et 1987, entre La Havane et New-York, escale à Miami.



J’y ai découvert une vision presque burlesque de Cuba, des fantasmagories d’écrivains, un mélange de tristesse et de mélancolie. J’aime la tristesse. J’aime aussi la mélancolie. Ça tombe bien, alors… D’autant plus que certaines histoires apportent son lot de rage et de violence. Je peux même goûter à la scatologie, un parfum de merde et de pus qui contrebalance donc celui de mon verre de rhum. J’ai senti une certaine haine mais aussi un grand amour pour son île. Cuba, la fière, Cuba la malheureuse. Le pire me semble être cet espoir déchu car même à New-York ou à Miami, j’ai l’impression que l’auteur n’est pas à sa place. Mais vivre à La Havane, malgré les jolies filles - remarque il s’en fout des jolies filles -, c’est un peu comme vivre en prison les barreaux en moins, la musique en moins, les discours interminables du fidèle dictateur en plus. Faudrait-il descendre à Key West, le point le plus au sud avant l’enfer, avant l’île ensoleillée où il serait si bon de prendre un verre de rhum au bord de la piscine (j'y tiens à mon rhum). Je ne ferais pas le difficile, me contentant d’un mojito sur la plage, le soleil se couchant, mon âme plongé dans les vagues, mon regard plongé dans les bikinis… et éteindre la radio, parce que le Fidel a plutôt une voix de Castafiore… Au sud de Key Kest, l'enfer.
Lien : http://memoiresdebison.blogs..
Commenter  J’apprécie          372
Le monde hallucinant

Roman multiforme, autobiographique, d'aventure et historique, le monde hallucinant est un récit singulier d'une énergie langagière et d'une richesse narrative époustouflantes.

Ce récit aux allures volontairement picaresques retrace les tribulations, au début du 19ème siècle, du prêtre dominicain mexicain Fray Servando Teresa de Mier, connu pour avoir été exilé et persécuté par l'Inquisition en raison d'un fameux sermon aussi iconoclaste qu'hérétique, défendant la thèse d'une Vierge de Guadalupe apparue au Mexique bien avant l'arrivée des Conquistadors.



Prétexte à un récit où les chapitres sont classés de façon fantaisiste, ces mémoires apologiques du religieux recèlent transpositions, inventions, fictions, où les souffrances endurées par Fray Servando Teresa de Mier évoquent celles de Reinaldo Arenas lui-même.

Entre péripéties burlesques et situations parodiques, décalages, déséquilibres et contradictions, viennent se glisser des éléments autobiographiques de l'auteur, conférant au roman des élans tragiques et subversifs.

Nulle réalité définitive professée sur la vie de ce prêtre, mais des versions parfois paradoxales des évènements qui font un pied de nez aux discours dominants des pouvoirs, prétendument détenteurs d'une vérité incontestable, que Reinaldo Arenes vient comme à son habitude renverser. C'est profond, baroque et magnifiquement dissident.
Lien : https://tandisquemoiquatrenu..
Commenter  J’apprécie          312
Encore une fois la mer

Encore une fois la mer est un roman extrêmement construit où s'affirme avec brio la maîtrise de l'auteur.

Les deux parties du récit, assumées tour à tour par les deux narrateurs-protagonistes (une femme puis son mari artiste homosexuel) dénoncent de façon virulente la mainmise de la Révolution cubaine (donc du système castriste) sur la vie individuelle. L 'écriture est fulgurante, le tout est brillant : Reinaldo Arenas est à son meilleur niveau.
Commenter  J’apprécie          310
Celestino avant l'aube

C'est l'histoire d'un enfant maltraité vivant dans la campagne cubaine, environnement à la fois familier et cruel, qui s'invente un double, Celestino, auteur de poèmes qu'il grave dans l'écorce des arbres.

Oscilllant entre fiction et réalité, lyrisme et dénonciation, ce livre est le premier récit d'une série de romans fondés sur la douloureuse et violente confrontation de personnages excentrés, marginaux, habités par le doute ou le désarroi, tentés par la révolte et la dissidence, au sein d'une société sentie et vécue comme coercitive.
Lien : https://tandisquemoiquatrenu..
Commenter  J’apprécie          300
Fin de défilé

Cette Fin de défilé est une suite de neuf nouvelles subversives, stupéfiantes d’énergie, mêlant la propre histoire de Reinaldo Arenas, qui se surnommait lui-même la Lugubre Moufette, à un univers onirique, parfois emphatique ; neuf temps d’un discours narratif labyrinthique dans un tout très cohérent, dénonçant dans un style irrévérencieux, cette révolution cubaine qui s’oriente à pas lents mais sûrs vers le totalitarisme, rythmé comme un hamac par une alternance passé/présent.

Arenas-le-marginalisé n’est pas partisan d’une vérité unique qu’il juge totalitaire. La richesse plurielle de la réalité enflamme ici, comme dans toute son œuvre, ses contradictions, ses fantasmes et ses souvenirs. Ce n’est pas la vraisemblance qui lui importe, mais bien la métaphore. Au dogme machiste révolutionnaire, à l’homme nouveau du castrisme, Arenas oppose la chimère et l’humour.

Anticastriste et homosexuel déclaré, Arenas a cumulé les mandats anti-révolutionnaires, a connu la répression la plus dure pour son cas déclaré asocial, dont les UMAP ou camps de rééducation, et a choisi l’exil avec les Marielitos à destination des Etats Unis.

Malade du sida, il se suicide à New York, laissant une œuvre magnifique, lui qui défendait le pouvoir de l’écrit, cette victoire littéraire, cette illumination qui porte en elle la revanche et la libération, laissant une trace durable de l’absolue désobéissance de l’auteur au conformisme obligé. Arenas ne jouait pas sur du velours mais de la toile de jute, il n’avançait pas à pas feutrés mais avec une magistrale urgence de vivre.
Commenter  J’apprécie          300
Le portier

Juan est un jeune cubain exilé à New-York. Il devient portier d'un immeuble résidentiel dans la partie la plus luxueuse de Manhattan. Dans cet immeuble qui ressemble à une île vivent des personnages excentriques avec leurs extravagants animaux de compagnie. Tout le monde passe devant le portier.

A partir delà, un carnaval fantastique se met en place, fait de scènes cocasses. Pourtant, Juan a une mission pour certains des habitants de cet immeuble, leur donner accès à une porte invisible pour aller vers leur propre vie, celle du bonheur véritable.

Un roman très caustique qui nous décrit quelques spécimens de la société américaine vus à travers les yeux d'un jeune cubain exilé. Cette société nous est décrite avec sa méchanceté, son mépris et son manque de charité.

Ce livre va nous parler de suicide, d'homosexualité et de sida.

Quiproquos et rires grinçants parcourent ce récit.

Une lecture agréable.

Commenter  J’apprécie          280
Le monde hallucinant

Critique de l'ordre établi, du confort moral, des basses flatteries politiques, remise en cause des pouvoirs en place, de la religion, de la monarchie et même de la république, ce livre est un joyeux brûlot. Pas surprenant qu'il fut interdit à sa sortie à Cuba... Tout, dans l'hyperbole, la surenchère fantastique et/ou burlesque, dans le dérapage toujours contrôlé, dans les clins d'oeil à Voltaire et aux aventures du Baron de Münchhausen, tout est réjouissant à défaut d'être terrifiant. Monde halluciné, auteur halluciné, lecteur en extase...
Commenter  J’apprécie          260
Termina El Desfile, Seguido De Adios a Mama

Ce livre, Termina el desfile, est une suite de neuf nouvelles subversives, stupéfiantes d'énergie, mêlant la propre histoire de Reinaldo Arenas, qui se surnommait lui-même la Lugubre Moufette, à un univers onirique, parfois emphatique ; neuf temps d'un discours narratif labyrinthique dans un tout très cohérent, dénonçant dans un style irrévérencieux, cette révolution cubaine qui s'oriente à pas lents mais sûrs vers le totalitarisme, rythmé comme un hamac par une alternance passé/présent.

Arenas-le-marginalisé n'est pas partisan d'une vérité unique qu'il juge totalitaire. La richesse plurielle de la réalité enflamme ici, comme dans toute son oeuvre, ses contradictions, ses fantasmes et ses souvenirs. Ce n'est pas la vraisemblance qui lui importe, mais bien la métaphore. Au dogme machiste révolutionnaire, à l'homme nouveau du castrisme, Arenas oppose la chimère et l'humour.

Anticastriste et homosexuel déclaré, Arenas a cumulé les mandats anti-révolutionnaires, a connu la répression la plus dure pour son cas déclaré asocial, dont les UMAP ou camps de rééducation, et a choisi l'exil avec les Marielitos à destination des Etats Unis.

Malade du sida, il se suicide à New York, laissant une oeuvre magnifique, lui qui défendait le pouvoir de l'écrit, cette victoire littéraire, cette illumination qui porte en elle la revanche et la libération, laissant une trace durable de l'absolue désobéissance de l'auteur au conformisme obligé. Arenas ne jouait pas sur du velours mais de la toile de jute, il n'avançait pas à pas feutrés mais avec une magistrale urgence de vivre.
Commenter  J’apprécie          250
L'assaut

Quasiment toute l'œuvre du cubain Reinaldo Arenas a été écrite dans l'urgence et dans des conditions de précarité et de nécessité absolue. Ses manuscrits ayant été détruits ou confisqués par le régime communiste cubain, et c'est le cas pour ce livre L'assaut, Arenas a donc dû les réécrire plusieurs fois, notamment en exil puisqu'il est un marielito, leur donnant une tonalité à la fois plus libre et plus imprécatoire : dans L'assaut, il allégorise l'histoire de son pays soumis au totalitarisme d'une répression à l'échelle collective et individuelle.

Trop dissident pour s'inscrire dans la lignée littéraire latino-américaine consacré au dictateur-caudillo d'Alejo Carpentier, García Márquez ou Roa Bastos, Reinaldo Arenas joue en individuel et sans nuance aucune, parce que sa furie existentielle est aussi déchainée que son écriture.



Certainement le plus cruel et le plus anti-rhétorique de ses romans, L'assaut porte à son comble la dénonciation du régime castriste et de son absurdité, " une sorte de fable aride sur le genre humain quand l'État l'emporte sur ses rêves ou ses projets" dit Arenas.

Dans un Etat ou le dictateur Réprimeurissime est vénéré et obéit de tous, le protagoniste-narrateur, un policier misanthrope, en quête obsessive de sa mère pour l'anéantir, devient agent du gouvernement spécialisé dans la répression d'insurgés. Sous prétexte de mater toute forme de rébellion, il tente de mettre en œuvre son projet personnel d'assassinat de sa mère, conduisant le récit à un crescendo d'atrocités que le protagoniste justifie à ses supérieurs comme nécessaires au maintien de l'ordre et de la moralité révolutionnaire.



Moins carnavalesque que son livre précédent, La couleur de l'été, L'assaut a un ton plus grave et revient au fantastique de ses premières œuvres. Si le regard porté par le narrateur protagoniste sur l'humanité est pessimiste, l'auteur quant à lui conserve un faible espoir puisque Reinaldo Arenas a toujours été à la lisière de la colère révoltée et du désenchantement. Arenas ajoutera : "Bien que le poète périsse, le témoignage de l'écriture qu'il laisse est celui de son triomphe face à la répression et au crime".
Lien : https://tandisquemoiquatrenu..
Commenter  J’apprécie          240
Avant la nuit

Un forcené de la vie dans un contexte mortifère. La maladie de l'auteur, qui s'est suicidé en 1990 avant que le SIDA ne l'emporte, n'est évoquée que dans l'avant-propos et la lettre accompagnant son geste reproduite en guise d'épilogue. Tout le reste parle de vie.

Arenas est un gajiro – un paysan cubain, né sous l'ère Batista, rejeton sans père d'une famille nombreuse. À la campagne, il découvre la poésie et la Révolution. Et le sexe, surtout le sexe : le corps des hommes sera toute sa vie le cordon ombilical qui le relie au monde, à la littérature (que l'on me pardonne ce pléonasme).

Il s'engage dans les rangs castristes, doit au régime ses études, son emploi au sein de la bibliothèque José-Marti, son premier prix littéraire… Les premières années sont des jours heureux, emplis de livres et d'aventures sexuelles par dizaines. Et il découvre La Havane, ville-miroir de sa frénésie de vivre. La Havane comme un joyeux asile de dingues, le monde de la nuit et du spectacle, le monde de la culture également. La Havane lui ouvre la porte des livres, littéralement puisqu'il y travaille, métaphoriquement puisqu'elle lui permet un parfait accomplissement. La Havane et les corps seront la vie d'Arenas, dans la jouissance et la douleur, dans l'oubli, le regret, la perte, l'amour fou.



Et puis le pouvoir devient dingue. On n'aide plus le peuple, on le sangle. En prison, les « déviants », au feu leurs œuvres. Dans les années soixante et soixante-dix, l'Occident voit trop facilement en Cuba un bastion de résistance à l'impérialisme… oubliant ce qu'est réellement une dictature communiste. Camps de travail-mouroirs, autocritiques publiques, délation à tous les coins de rues. La Havane s'effondre derrière ses façades, les lézardes s'accumulent sur les murs et dans les âmes. Plus la ville s'enlaidit, plus les affreux travers ressortent, les délations, les mesquineries. On est épié partout. Même l'accès aux plages est interdit et d'aucuns préfèrent les requins aux barbelés de l'île-prison. Sous les yeux de l'auteur, l'utopie castriste vire au cauchemar absurde. Arenas passera deux ans dans le bouge qu'est le Château du Morro, torturé, enfermé avec les folles perdues, ses œuvres censurées ne devront leur salut qu'à l'amitié des amis expatriés qui sortent les manuscrits au péril de leur vie.

Il lui faudra attendre 1980 et l'exode honteux du port de Mariel pour pouvoir quitter l'île qu'il aime pourtant autant que sa vie. Débarqué à Miami, il lui semble vivre parmi un peuple zombie, exilés sans âmes, embourbés dans les circonvolutions de leur nombril, puis fuit à New York, à Paris, sans jamais retrouver ce qui lui a été enlever. Il se suicide quelques années plus tard, fantôme déjà.



Je n'aime pas les (auto)biographies, je ne lis pas l'espagnol et je connais mal l'histoire de Cuba… Aucune importance. En ce qui me concerne, ce fut un grand moment de lecture, un genre de montagne russe où les anecdotes personnelles, souvent très drôles, trébuchent sur la grande Histoire, où le sexe est l'art et l'art est le sexe, les amis, des amants et vice versa. Où l'on vit des expédients les plus inattendus – une bohème pas forcément choisie mais parfaitement assumée. Où les libérateurs sont aussi les bourreaux et les bourreaux restent des bourreaux. Où l'on fuit toujours avec soi-même, évidemment.

Commenter  J’apprécie          210
Voyage à La Havane

Première nouvelle : « Tant pis pour Eva »



Cette nouvelle relate les aventures tragi-comiques d’un couple qui se vautre royalement dans la mégalomanie en arborant, aux quatre coins de Cuba, des vêtements plus exubérants et chatoyants les uns que les autres. En parallèle des aventures vestimentaires rocambolesques de Ricardo et Éva à La Havane, puis dans les différentes provinces du pays, l’on suit aussi la descente aux enfers d’une île où, petit à petit, les vivres viennent à manquer. C’est ainsi que tickets de rationnement et marché noir deviennent le quotidien des Cubains. Une nouvelle qui semble fantaisiste – on parle bien de « l’écriture hallucinatoire de Reinaldo Arenas » et les personnages portent des vêtements en laine (Cuba est quand même un pays tropical où cette matière n’est pas appropriée pour un tel climat !) – mais qui révèle subtilement la réalité du pays… Car ces deux personnages ne supportent plus le conformisme et les normes imposés par la dictature castriste. Ils n’acceptent plus non plus de n’être que des individus banals censés se fondre dans la masse d’un pays où la « différence » n'est pas acceptée. D’où les situations de plus en plus ubuesques dans lesquelles se trouvent nos personnages, poursuivis par les autorités… Le fil à tricoter dans cette nouvelle me donne l’impression d’une métaphore. Au début du récit (qui correspond à la fin des années 50 donc au début du castrisme), le fil est abondant, tout comme les vivres à Cuba. Mais au fur et à mesure, nos deux amoureux du tricot en manquent de plus en plus. Ils finissent par devoir le trouver au marché noir, puis le remplacer par des cordes à linge volées. Et c’est toute l’histoire de Cuba : au fil des années, embargo oblige, les vivres manquent, petit à petit. Les Cubains doivent user de débrouillardise et s’alimenter, se ravitailler au marché noir puisqu’ils sont strictement rationnés…



Deuxième nouvelle : « Mona »



Une nouvelle complètement délirante qui m’a « grave » enthousiasmée : j’adore, j’adore, j’adore ! Comment Reinaldo Arenas a eu la géniale idée d’inventer ce fait-divers et tous les personnages qui en découlent, tout en pratiquant une auto-dérision à mourir de rire ? C’est vrai qu’il était frivole cet auteur – il le dit lui-même – mais il était surtout très très talentueux ! Car il fallait l’imaginer cette histoire de femme-Joconde. Arenas fait donc plonger son lecteur dans le célèbre tableau de Léonard de Vinci où Mona Lisa, qui se fait appeler « Elisa », n’est autre que le grand peintre lui-même… ou plutôt ce à quoi il aurait aimé ressembler : une belle « femme aux cheveux raides d’un roux foncé, aux traits parfaits, cette femme dont une main était délicatement posée sur le poignet de l’autre, souriant d’un air presque moqueur sur fond de paysage brumeux où l’on pouvait distinguer un chemin débouchant sur un lac »… Cette nouvelle intitulée « Mona » a un petit côté « Portrait de Dorian Gray », le côté machiavélique d’Elisa-Léonard de Vinci en plus.



Troisième nouvelle « Voyage à La Havane »



La dernière nouvelle de ce recueil est aussi celle où l’on retrouve quelques-uns des thèmes favoris de Reinaldo Arenas : la quête de l’identité, l’homosexualité, la solitude, l’exil et l’inhumanité, à travers la négation de l’individu et de ses besoins, du régime castriste. Cette nouvelle est donc la plus réaliste et la moins « fantaisiste » du recueil. D’ailleurs, elle porte son nom : « Voyage à La Havane ». On y rencontre Ismaël, un exilé qui a quitté Cuba il y a plus de quinze ans et qui rentre au pays, pas tant pour retrouver sa famille, Elvia sa femme et Ismaëlito son fils, que pour se (re)trouver lui-même. Le regard que porte Arenas, lui-même en exil lors de l’écriture de cette nouvelle, sur Cuba, La Havane, les Cubains et le régime castriste est particulièrement noir et presque sans espoir. Heureusement qu’il place l’amour au cœur de tout, y compris du malheur, de la solitude et du désespoir. C’est d’ailleurs par manque d’amour, en tout cas c’est ce qu’il écrivait lui-même dans sa « lettre d’adieu », par « dépression sentimentale » que Reinaldo Arenas a mis fin à ses jours en décembre 1990… Une nouvelle forte, qui met en lumière l’âme poétique d’un auteur profondément sensible.
Commenter  J’apprécie          193
La Plantation

Ecrit avec rage, avec hargne, avec haine contre le système de répression cubain, l'esclavage des indiens et de Noirs est un prétexte pour l'auteur qui règle ici ses comptes sous forme de prose et de poésie. Le document, court et jamais lassant, a valeur de témoignage.
Commenter  J’apprécie          160
La colline de l'ange

Ce texte, au ton humoristique est une satire de la bourgeoisie et des comportements racistes anti-Noirs ou anti-Métis.
Commenter  J’apprécie          140
Avant la nuit

En ces temps de détente relative dans les rapports entre les Etats-Unis et Cuba, voici une autobiographie qui devrait retenir toute l'attention du lecteur avisé.



Reinaldo Arenas fut un opposant au régime de Cuba; il mit fin à ses jours à l'âge de quarante-sept ans, exilé à New-York, épuisé par le sida, en proie à une profonde dépression, à la solitude, et incapable de poursuivre plus avant sa mission d'écrivain engagé. La reproduction de la lettre d'adieu, en fin de volume, et particulièrement émouvante à ce titre. Né dans un milieu paysans des plus pauvre, mais libre de part sa proximité avec la nature, Arenas vécu une enfance qu'on ne peut qualifier de malheureuse, dans un milieu matriarcale, dont les femmes, à commencer par sa mère, furent abandonnées par des maris peu concernés par leur devoir de père. Enfant de la nature, très tôt son esprit et sa personnalité furent influencés par son environnement, par le mysticisme et la forte personnalité de sa grand-mère, par le fantastique émanant des forêts qui l'entouraient, par la sexualité omniprésente et la violence perpétuelle du monde paysan. Puis vint la révolution, une guerre remportée sans véritable combat, Batista ayant pris la fuite. Ce furent le temps des purges, des exécutions sommaires, des procès à grande audience prenant la forme d'humiliations publiques, des camps de concentration pour les personnes ne rentrant pas dans le moule puritain et machiste du castrisme, du "paramétrage" ou marginalisation des artistes dissidents ou originaux, des travaux forcés dans les plantations agricoles, ainsi que des queues interminables pour les actes les plus bénins de la vie courante. Il fallait se défier de ses amis, de sa famille, ils pouvaient être des agents ou des informateurs de la sûreté de l'état. Arenas subit comme les jeunes cubains de sa génération l'endoctrinement en règle selon l'orthodoxie Marxiste-Léniniste auquel était soumis les étudiants, afin de devenir l'avant garde de la révolution cubaine. Toute manifestation de tendances homosexuelles était durement réprimée mais de telles pratiques avaient bien cours malgré cela. Puis vinrent les premiers essais de poésie, l'emploi à la Bibliothèque nationale, décisif pour sa formation d’écrivain, la tutelle bienveillante de Virgilio Piñera, l'amitié de Lezama Lima, mais aussi l'opposition d' Alejo Carpentier, homme lige du régime. Enfin, il y eu les infructueuses tentatives de fuite, la vie de fugitif, la détention dans les geôles du castrisme, dernier cercle de l'enfer; la libération toute relative, ainsi que les innombrables essais pour obtenir l'asile, enfin la fuite inespérée et providentielle, la liberté décevante de Miami, de New York.



Hormis la description de la vie sous la dictature, des plus intéressante, le sujet, central, omniprésent, inhérent à la personnalité de l'auteur, est celui de l'homosexualité : Arenas confie avec délectation ses innombrables aventures - et mésaventures sexuelles, les lieux insolites, théâtres de ses ébats, l'appétit impérieux et insatiable qu'on assouvi malgré les risques de représailles. Le livre offre aussi un vaste panorama du monde des arts et de la vie interlope cubaine durant les vingt premières années de la dictature castriste. Avant la nuit fut une lecture passionnante, poignante et qu'on ne peut oublier. Un témoignage fort et important d'une lutte de toute une vie, celle de la liberté d'être soi-même et de se tenir debout sans compromission face à l’intolérable tyrannie.

Commenter  J’apprécie          140
L'assaut

On pourrait dire, en refermant ce livre, en plagiant Alain, que la dictature rend fou et que la dictature absolue rend fou absolument. Reinaldo Arenas vomit toute sa haine de la dictature de Fidel Castro dans une espèce de délire maniaque de la surveillance et de la liberté surveillée. Bien sur, il dit vrai et le document a valeur historique mais, ce n'est pas si agréable que cela à lire et surtout, c'est très répétitif.
Commenter  J’apprécie          130
Voyage à La Havane

Trois nouvelles, plutôt drôles à leur chute mais pourtant trop longues au ressenti. L'auteur mêle les phobies et us des cubains en général et ses propres vicissitudes avec le régime castriste dans les trois épisodes.
Commenter  J’apprécie          120
La colline de l'ange

Ce court roman m’a hallucinée, et je crois que c’est ce que Reinaldo Arenas recherchait pour ses lecteurs… Parodie de l’un des romans les plus importants de la littérature cubaine (« Cecilia Valdès » de Cirilo Villaverde), La Colline de l’ange peut porter plusieurs qualificatifs : absurde, burlesque, fantastique, hilarant, quoique souvent révoltant… C’est de cette façon qu’Arenas nous parle de l’inhumanité de l’esclavage et des conflits (qui en ont découlé) entre les différentes castes de la population cubaine, sous domination espagnole, les Noirs d’un côté, les Blancs de l’autre, et les « mulâtres » au milieu. Le tout est abordé de façon tragi-comique, avec, de temps à autre, des interludes où l’auteur nous parle d’amour. Car ce sujet est aussi au cœur de ce merveilleux ouvrage complètement hallucinant. Hallucinant parce qu’Arenas se moque totalement des conventions. Il fait notamment intervenir Cirilo Villaverde dans son roman et transforme quelques-uns des personnages principaux en boules gigantesques et luisantes, suite à une orgie gastronomique lors d’un repas de Noël. Il se prend également pour le peintre Goya et fait référence à un tableau d’Edouard VII, aussi meurtrier que le regard de la Méduse… Quelle joie de lire un roman de ce genre, qui traite d’un sujet aussi sensible et révoltant que l’esclavage, mais peut aussi faire mourir de rire ! Car c'est drôlissime !
Commenter  J’apprécie          110
Avant la nuit

Quel roman que celui-là ! Il est d’ailleurs difficile d’en parler tellement il est riche en anecdotes, en personnages et personnalités, en sentiments et en émotions. Reinaldo Arenas commence ici par la fin : l’annonce de sa maladie, puis il nous fait plonger dans sa vie, depuis sa plus tendre enfance, jusqu’à son exil à Miami puis New York après l’épisode « Mariel » en 1980. Et du début à la fin, il est difficile de lâcher la lecture de cet ouvrage et de cet auteur qui a eu une vie hors du commun et qui vouait un amour absolu pour la liberté et l’écriture. Selon lui d’ailleurs, l’une n’allait pas sans l’autre. Reinaldo Arenas, qui a été persécuté par le régime castriste (pour ses ouvrages et son homosexualité), qui a été emprisonné à l’infâme prison de Morro (qui est fermée depuis) et qui a dû se résoudre à l’exil, n’a jamais cessé d’écrire, même lorsqu’il devait le faire « avant la nuit » dans les parcs de La Havane alors qu’il était recherché par la police. Et que dire de la lettre-testament qu’il livre à la fin de son autobiographie et qu’il conclut par ces mots : « Cuba sera libérée. Je le suis déjà » ! Pour toutes ces raisons, « Avant la nuit » est un roman fort, poignant et magnifique.
Commenter  J’apprécie          110
Le portier

Son œuvre la plus connue, Avant la nuit, a été portée au cinéma par le réalisateur Julian Schnabel avec entre autres Javier Bardem, Johnny Depp, Sean Penn. Grace à ce film, Reinaldo Arenas s'est vu traduire partout dans le monde et c'est peut-être par ce roman qu'il faudrait commencer pour découvrir l'auteur.



Pour ma part, j'ai débuté avec Le Portier :



Juan, jeune réfugié cubain tout frais débarqué à New York, vit une bien étrange aventure. Portier d'un immeuble cossu de Manhattan, il se heurte dans sa quête du bonheur à une peu banale cohorte de personnages : un dentiste fou, un maniaque de l'électronique, une suicidomane (dont il est secrètement amoureux), une pro-castriste nymphomane... Ces habitants du building où Juan officie ont, outre leur manie respective, une seconde caractéristique : tous possèdent un animal favori, serpent à sonnettes, singe ou chienne de race impériale... Ce petit monde des animaux va jouer un rôle déterminant dans le destin tragique qui attend notre héros. Et le pire, c'est que, malgré l'extravagance des situations, on n'aura aucun mal à croire aux rebondissements féeriques de la fable, tant la dure logique de ce non-sens est irréfutable.



Je ne vous en dirai pas plus... En fait, je n'ai pas accroché du tout au récit, alors je vous laisse découvrir par vous-même d'autres facettes de Reinalo Arenas avec peut-être d'autres de ses romans...
Lien : http://leranchsansnom.free.fr/
Commenter  J’apprécie          110




Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Reinaldo Arenas (355)Voir plus


{* *}