Robin Cook (II)

Qu’est-ce que l’existence, s’il n’y a personne pour vous prouver que vous existez ? Et si vous niez que ce dessein existe, c’est votre psychisme tout entier qui cède à la colère, à la tristesse, à l’écœurement.

J’ai commis des erreurs tellement épouvantables, à vivre seul comme cela : en essayant d’échapper aux raseurs je me suis éloigné de tout le monde, alors que j’aurais pu me précipiter dans les bras d’une femme en disant : je suis moi, tu es toi, et chacun de nous est l’autre .

 Mais mon cas n’est pas encore aussi désespéré. Au point de dire : plus jamais je ne parviendrai à communiquer avec les autres – non, je ne peux pas me résigner à croire que je voyage sur la Circle Line pour l’éternité. Je peux changer. Il suffit que je devine quelle station sera la meilleure pour moi.

 Tout ce que je désirais, c’était vivre, être entier. Je ne voulais pas de cette demi-existence. Je crois connaître l’origine du problème : quand j’étais plus jeune, je voulais croquer la vie à belles dents, mais j’avais les yeux plus grands que le ventre. Je n’avais pas conscience de mes limites ; je me croyais à la hauteur.

Nous ne nous ressemblons pas, mais nous mourrons tous un jour, donc nous sommes pareils sur ce plan-là. Mais les gens n’ont pas l’air de tenir à ce qu’on raisonne de cette façon, alors, dans son coin, on se laisse aller à la colère parce qu’on doute, et le doute vous pousse à faire des choses absurdes.

Si je devais vivre dix fois plus longtemps que la normale, je pourrais contempler l’humanité à travers ce pan de ténèbres crasseuses sans jamais la comprendre.

Le maître d’école ne révèle sa vraie personnalité qu’au moment où il vous punit.

Je préfère n’être rien du tout que de faire les choses de façon malhonnête.

Et la balle qui m’est destinée, je la verrais alors se diriger lentement vers moi, et non plus à toute vitesse. Mais si je bois avant de rentrer chez moi, je trouve souvent le moyen d’oublier qu’elle a déjà quitté le canon de l’arme, et c’est justement l’effet recherché, n’est-ce pas ?

Un rien suffit à nous inquiéter – les dettes, les manchettes des journaux, quelqu’un dont nous savons qu’il a des ennuis.

Certaines personnes ne durent pas, lui ai-je dit. D'autres ont plus de chance.

Interrompu par la vieille, venue voir ce qui se passait dans la pièce d'à côté, alors qu'il n'en avait pas encore terminé avec la fille, le tueur se rua sans un mot sur l'intruse, l'empoigna comme un paquet de linge sale, puis l'expédia à travers le panneau frontal de son horloge à balancier, située à l'entrée de l'appartement, avec, avec une violence dont lui-même ne se savait pas capable. Il vit tout de suite qu'il avait bien travaillé; la vieille mourut sous le choc. Après le vacarme que provoqua son corps en brisant l'horloge - le fracas soudain du bois qui éclate, le bruit de linge mouillé d'un cerveau heurtant le fond d'un crâne - elle poussa un unique soupir, macabre réplique d'un sanglot; et ce son qui franchit ses lèvres, tandis qu'elle mourrait, la tête dans l'horloge, éclipsa tous les autres bruits de la pièce.

Et pourtant il n’est de pire meurtre à découvrir qu’un corps mort de froid contre une porte.