Citations de Robin Cook (II) (296)
Quant aux gens qui l'accusaient d'être amoral, Viper savait bien que ce qu'ils lui reprochaient surtout, c'était de ne pas dissimuler cette amoralité, ni même de faire le moindre effort pour y parvenir. L'amoralité était essentielle dans le monde des affaires, se dit-il, puisque toute entreprise est amorale. Proudhon avait raison ; l'argent n'a pas de morale. À défaut, le mieux que l'on pût faire - bien que cela n'eût guère de sens - était de donner à son existence une apparence de respectabilité. Mais, dans la branche qu'avait choisie Viper, même cela était un luxe exorbitant, comme d'ailleurs tous les faux-semblants. Il savait qu'il déconcertait les gens parce que le visage qu'il leur présentait était invariablement le sien propre, sans aucune dissimulation. Cela lui semblait suprêmement logique, ce visage étant le seul qu'il possédât. D'autres que lui, Viper en était conscient, suivaient le même raisonnement, et leur visage semblait plus agréable que le sien, car leur bonté était plus grande.
Ma chère mère,
Quand j'étais enfant, tu me disais que le diable n'a pas de reflet dans un miroir ; tu devais avoir raison, car il n'y a pas de miroir dans cette cellule...
Cependant, s’il connaissait le sens de l’expression « s’en sortir », il ignorait tout de l’adverbe « proprement », si bien qu’il se retrouva confronté à un vrai problème pendant une minute.
Pour une fois il ne pleuvait pas ; il y avait un pâle soleil, mais un nuage de la couleur d'un costume de banquier filait au-dessus de Waterloo Bridge.
Son regard fixe me dépassa, ses yeux s'assombrirent : sa vie s'échappait comme en s'excusant, disparaissait hors du faisceau de ma torche, là-bas vers le périmètre de pluie incessante, au-delà des phares de la voiture.
«Autant vous prévenir tout de suite. Ceci n'est pas une autobiographie. Enfin, pas au sens où on l'entend habituellement. Certes, vous y trouverez des dates, des anecdotes, certains des faits marquants de la vie d'un écrivain hors du commun, né dans l'Angleterre des lords et des ladies avec une cuiller en argent dans la bouche, et qui, dans un haut-le-cœur, vomit cuiller, lords, ladies et Angleterre pour endosser tour à tour la défroque de chauffeur de taxi, d'escroc immobilier, d'homme de main de la pègre londonienne, pour finir exilé en france dans un mas abandonné, à cultiver la vigne en écrivant quelques-uns des plus intenses romans noirs de ces vingt dernières années... Mais surtout, vous entendrez au fil de ces pages un écrivain parler de son amour de la littérature, du roman noir, avec une sincérité rarement atteinte.»
Christian Lehmann (Extrait de la préface)
Le but du roman noir, dans ce qu'il y a de mieux, a toujours été de détruire le mal en le décrivant ; c'est une littérature positive et non pas négative, ne serait-ce que parce qu'elle montre tout ce qui dans notre société est négatif.
Il secoua la tête ; perplexe, il dit à mi-voix :
– Il y a des moments où je ne sais vraiment pas comment je fais pour ne pas devenir fou.
Neuf exhibitionnistes sur dix sont inoffensifs, lui avais-je fait. Le dixième est un tueur.
Il n’avait pas la moindre idée de ce que signifiait le terme « culpabilité ». Il se contentait d’obéir à sa propre force, à ses impulsions.
— Tout le haut du crâne éclaté, expliqua Stevenson. Il n’y a plus que la mâchoire inférieure, le reste décore le papier peint, sans supplément de prix.
Décrochant le téléphone, j’appelai la morgue : […]
– A propos, vous vous appelez comment ?
– Veale.
– Vous m’avez l’air aussi sinistre que le troisième larbin du diable, la nuit où l’enfer a été inventé. Maintenant, remuez-vous sérieusement. Je veux ce rapport, je veux que ça bouge, et je veux tout ça maintenant, tout de suite, immédiatement. […]
– Mais, il n’y a pas le feu tout de même, bêla-t-il. Elles ne risquent pas de s’envoler. Je ne comprends pas ce qu’il y a de si pressé.
– Dieu merci, on ne vous paie pas pour comprendre, dis-je. Mais si vous voulez le savoir, je suis pressé d’avoir ce rapport parce que j’en ai besoin pour coincer le salaud qui a massacré ces deux femmes. Vous ne saviez pas que c’était à ça que servaient les inspecteurs ?
Décrochant le téléphone, j’appelai la morgue : […]
– A propos, vous vous appelez comment ?
– Veale.
– Vous m’avez l’air aussi sinistre que le troisième larbin du diable, la nuit où l’enfer a été inventé. Maintenant, remuez-vous sérieusement. Je veux ce rapport, je veux que ça bouge, et je veux tout ça maintenant, tout de suite, immédiatement.
Décrochant le téléphone, j’appelai la morgue
échos infinis de cet ultime cri interminable pour réclamer une aide qui ne vient pas
Il vit tout de suite qu’il avait bien travaillé; la vieille mourut sous le choc. Après le vacarme que provoqua son corps en brisant l’horloge – le fracas soudain du bois qui éclate, le bruit de linge mouillé d’un cerveau heurtant le fond d’un crâne – elle poussa un unique soupir, macabre réplique d’un sanglot; et ce son qui franchit ses lèvres, tandis qu’elle mourrait, la tête dans l’horloge, éclipsa tous les autres bruits de la pièce.
Interrompu par la vieille, venue voir ce qui se passait dans la pièce d’à côté, alors qu’il n’en avait pas encore terminé avec la fille, le tueur se rua sans un mot sur l’intruse, l’empoigna comme un paquet de linge sale, puis l’expédia à travers le panneau frontal de son horloge à balancier, située à l’entrée de l’appartement, avec, avec une violence dont lui-même ne se savait pas capable.
Elle ne s’était jamais véritablement demandé si la longue et pénible histoire de sa vie avait eu le moindre intérêt, ni même le moindre sens. Mais, en revanche, elle avait toujours supposé qu’elle possédait un certain droit sur son propre corps : celui de le donner ou de le refuser tant qu’il méritait encore qu’on le regarde, et celui de continuer à y vivre après qu’il eut cessé d’être désirable.
Je voulais préserver le sens de ma dignité, mais c’est la chose la plus difficile à conserver quand on est pauvre.
Son membre lui avait fait faux bon, comme un pneu crevé, la première fois qu’il l’avait mis à l’épreuve à l’âge de quinze ans, à cet instant redoutable, dans la vie d’un jeune homme, où, par son refus obstiné et catégorique de se dresser, une partie de son corps lui avait démontré qu’il n’était pas l’être supérieur que le reste de lui-même croyait être. (…) Cette petite portion toute ratatinée, et pourtant vitale, de son anatomie pendait mollement contre sa cuisse, comme elle l’avait toujours fait depuis, avec une insolence exaspérante et pourtant inévitable, étant donné la situation, comme un vieux poivrot avachi contre un comptoir, lui adressant plus ou moins un clin d’œil narquois, pour le mettre au défi de remédier à la situation.