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Critiques de Rohinton Mistry (194)
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L'Équilibre du monde

L'équilibre du monde nous emmène au cœur de l'Inde des années cinquante, secouée par de violents conflits internes : système de castes toujours présent dans de nombreuses régions, mouvements séparatistes, affrontements entre hindous et musulmans, mise en place de l'état d'urgence.



Au milieu de ce tourbillon, quatre personnages vont bon gré mal gré devoir vivre ensemble pour garder quelques lambeaux de dignité : Dina Dalal, destinée à des études de médecine jusqu'à la mort de son père, et la prise en charge de la famille par son frère, qui la destine à un rôle d'esclave domestique, ou à devenir rapidement l'épouse d'un de ses amis. Elle parvient tout de même à conserver son indépendance, au prix d'un travail acharné ; Maneck, qui vient des montagnes, et a été envoyé à l'université par ses parents, inquiets par la soudaine modernisation de tout le pays, et qui ont bien du mal à s'adapter aux nouvelles règles du jeu ; Et enfin Ishvar et Omprakash, les deux personnages les plus poignants du récit. Le père d'Ishvar fait partie de la classe des Intouchables, destiné à travailler le cuir, et a l'interdiction formelle de toucher à quoi que ce soit des plus hautes classes, sous peine de le souiller définitivement. Après une énième injustice, il décide de faire l'inconcevable : ses fils ne travailleront pas le cuir, mais seront tailleurs. Cette transgression aux lois ancestrales lui coûtera toutefois très cher.



Avec l'instauration de l'état de l'état d'urgence, les choses se compliquent encore pour le quatuor. La police a désormais le pouvoir d'arrêter n'importe qui sans procès, et se vend dès lors au plus offrant. Les rafles dans la rue se font de plus en plus nombreuses : pour former des assemblées importantes lors des discours du Premier ministre, pour s'approvisionner en main-d'œuvre bon marché ou pour des campagnes de stérilisation forcée.



Le récit est dur : si les quatre héros parviennent de temps à autre à être heureux, on sent bien que ce bonheur est précaire, et qu'ils peuvent se retrouver à la rue sans ressource en un rien de temps. Pire encore, il n'y a pas vraiment d'échappatoire : à l'encontre de tout ce qu'on ressent d'habitude quand les héros de roman sont oppressés, on a envie ici qu'ils plient encore plus l'échine, plus vite, sans discuter, pour s'éviter des ennuis futurs.
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L'Équilibre du monde

En 1975, en Inde, dans un train, se trouvent trois personnages, Ishvar Darji, tailleur, Omprakash Darji, dit Om, tailleur lui aussi, son neveu, et Maneck Kohlah, un jeune étudiant. Une accélération impromptue du train provoque une chute des livres que transporte Maneck sur Om ; les trois personnages font ainsi connaissance. Ils se rendent compte qu’ils vont exactement au même endroit, chez Mrs Dina Dalal. Les tailleurs vont y travailler car elle vient de créer une petite entreprise de couture, tandis que Maneck sera un hôte payant. En effet, Dina, malgré un frère riche et prospère, manque d’argent et veut conserver son indépendance. Ensuite, on va remonter le temps dans les premières années de l’indépendance de l’Inde, à la fin des années quarante et au début des années cinquante, pour observer les jeunes années de Dina en ville ainsi que celles d’Ishvar, dans un village pauvre à l’écart des métropoles. ● C’est une fresque fascinante, très romanesque et aussi très réaliste, qui porte à la fois sur un pays et sur trois familles : les Darji, les Schroff-Dalal et les Kohlah. On y voit combien le système des castes, au moins dans les campagnes, autorisait tous les abus de pouvoir des hautes castes, sous prétexte de l’« équilibre du monde » : une place pour chacun et chacun à sa place. ● Mais « l’équilibre » du titre reçoit d’autres définitions dans le roman, comme : « ‘ Il faut parfois utiliser ses échecs comme marchepieds vers le succès. Maintenir un bon équilibre entre l’espoir et le désespoir. ’ Il s’arrêta, considérant ce qu’il venait de dire. ‘ Oui, répéta-t-il. Au bout du compte, tout est une question d’équilibre.’ » ● On se rend compte aussi de l’autoritarisme du régime indien sous le gouvernement d’Indira Gandhi (dont j’avais pourtant une image plutôt positive), et tout spécialement sous l’état d’urgence et le « MSI » (Maintien de la Sécurité Intérieure) des années 1975-1977, qu’elle décréta pour être en mesure de conserver le pouvoir. Cet état d’urgence a autorisé tous les abus, toutes les corruptions, toutes les violences. ● La première ministre est ridiculisée dans les meetings qu’elle tient en forçant des milliers de pauvres hères à y assister pour faire nombre. ● Le roman montre avec brio la vie des « gens ordinaires » broyée à la fois par les hautes castes et par le gouvernement, la police et tous leurs affidés. C’est ainsi par exemple que sous prétexte de limiter la population, des stérilisations forcées furent réalisées à grande échelle, ou encore, sous prétexte de l’embellissement des villes, on démolit les bidonvilles à tour de bras et sans préavis, jetant leurs habitants dans la rue du jour au lendemain. « Tu ne comprends donc pas ? Pour eux, nous sommes moins que des animaux. » ● Une ironie féroce est parfois utilisée par l’auteur : « Certaines blessures sont si banales que ça ne marche plus. Par exemple, arracher les yeux d’un bébé ne rapporte plus automatiquement d’argent. Des mendiants aveugles, il y en a partout. Mais aveugle, avec les orbites vides, des trous à la place des yeux et un nez coupé – pour ça, n’importe qui paye. Les maladies aussi, c’est pas mal. Une grosse tumeur sur le cou ou la figure, d’où suinte du pus jaune, ça marche très bien. » ● J’ai appris beaucoup de choses que j’ignorais sur cette période dans ce pays. Mais le livre n’est pas didactique, c’est un vrai roman, d’une ampleur et d’une flamboyance magnifiques. On ne voit pas passer les 880 pages, on ne s’ennuie pas une seconde, car l’auteur est un conteur hors pair. Il donne d’ailleurs une sorte de définition du récit : « Veillait-il à agencer les événements spécialement pour elle ? [Maneck raconte sa vie à sa mère.] Peut-être pas – peut-être que le fait même de raconter créait un dessin naturel. Peut-être les êtres humains possédaient-ils ce don de mettre de l’ordre dans leurs existences désordonnées. » ● Les personnages, fort bien décrits, complexes, riches, sont extrêmement attachants, y compris les personnages secondaires, comme le mendiant Shankar, le Maître des mendiants, Ibrahim le collecteur de loyers ou encore les parents de Maneck. ● C’est aussi une réflexion sur la précarité de la vie, sur l’impossibilité du bonheur qui pourtant n’empêche pas de rester au moins fataliste dans l’adversité. « La vie ne garantit pas le bonheur. […] Tout finit mal. C’est la loi de l’univers. […] En ce qui concerne les êtres humains, les seuls sentiments valables qu’ils puissent nous inspirer sont l’étonnement, pour leur capacité à supporter l’adversité, et la tristesse, car ils n’ont rien à espérer. » Car Dieu nous a abandonnés : « Maintenant je préfère croire que Dieu est un géant qui fabriquait un patchwork. Avec une infinité de motifs. Et le patchwork a tellement grandi qu’on ne peut plus discerner le modèle ; les carrés, les rectangles et les triangles ne s’emboîtent plus les uns dans les autres, tout ça n’a plus de sens. Alors Il a abandonné. » ● De plus, cet ouvrage est particulièrement bien traduit. ● Je remercie l’ami babeliote @traversay qui m’a recommandé ce livre superbe, qu’à mon tour je recommande vivement.
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L'Équilibre du monde

En Inde, dans les années cinquante. Dina est une jeune fille indépendante. Avant son mariage, de courte durée, puis pendant son veuvage : "si elle désapprenait à vivre seule, un jour elle le paierait cher". Pour survivre, elle emploie deux tailleurs Om et Ishram. Et loge Maneck, le fils d'une amie, étudiant. Om et Ishram, issus de la caste des cordonniers ont échappé à cette destinée par la volonté du père d'Ishram, refusant d'offrir à ses fils cette vie de misère et d'humiliation . Ishram s'en sort mais son frère payera de sa vie son insistance pour faire appliquer la loi qui l'autorise à voter. De sa vie et de celle de toute de famille, à l'exception de son fils Om alors absent. Oncle et neveu tentent leur chance dans une grande ville. Et sont embauchés chez Dina. Les conditions de vie des deux hommes sont épouvantables, et le malheur les poursuit sans relâche. Cependant des liens vont se tisser dans la petite communauté hébergée par Dina, renforcés par les difficultés qu'elle même rencontre pour survivre.



Plongé en plein cœur de cette survie quotidienne des miséreux, alors l'abolition du système des castes n'existe que dans les textes des lois, le lecteur est happé par l'exposé réaliste des absurdités de cette société. Totalement enchaînés par des coutumes ancestrales, peu ont la volonté et la lucidité de se révolter pour s'en sortir, d'où le risque de simplement de faire éliminer. Le maintien des profondes inégalités n'est pas uniquement le fait des privilégiés : on le ressent dans le roman dans les attitudes de soumission des deux tailleurs qui sont sensées être celle de leur caste.



L'exposé des conditions de vie des mendiants, dont la perte d'autonomie les font entrer dans un système pourri de protection payante est odieux. À l'époque où se déroule les faits, le gouvernement a de plus lancé une grande entreprise d'"embellissement" de la ville, c'est à dire de destruction des bidonvilles et de réquisitions de sans abris pour des travaux forcés inhumains. Et c'est la tout le problème, la valeur de la vie humaine semble être extrêmement aléatoire, et marchandable pour le profit de quelques-uns.



Magnifique récit témoignant des conditions de vie aberrantes dans ce pays à la dérive, pour lequel on se demande par quel miracle ou quel drame les choses pourraient changer
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L'Équilibre du monde



Une fresque de l’Inde des années 1970, vue à travers le peuple.

Quelques personnages dont on suit les heurts et malheurs : Dina, jeune femme qui aurait dû avoir un avenir souriant mais que la mort de son père puis de son mari obligé à gagner sa vie comme elle peut. Les tailleurs Ishvar et Om qui travaillent pour elle. L'étudiant Maneck qui ne supporte plus sa résidence universitaire et s’installe chez elle comme hôte payant, le mendiant Shankar…. Et bien d’autres qui gravitent autour de ceux ci. Certaines des parties sont consacrées à l’histoire d’un personnage.



Le quotidien est souvent sordide, outre la faim jamais très loin, il y a la saleté, les vers, les cafards, la distribution d’eau intermittente. Également les relations entre les castes et particulièrement envers les intouchables totalement à la merci de la méchanceté des classes supérieures qui considèrent avoir droit de vie et de mort sur eux. Mendiants ramassés dans la rue et emmenés loin pour travailler contre un logement inconfortable et une maigre pitance.L’administration bien sûr corrompue qui échange droits contre stérilisation ou fait pire encore...



Et au dessus de tout cela la figure du premier ministre, jamais désignée nommément, Indira Gandhi. Il me semble qu’elle bénéficie en Occident d’une image assez positive , mais ce n’est pas le cas sous la plume de Rohinton Mistry. Légèrement ridicule, autoritaire, elle se déplace dans les campagnes pour prononcer de longs discours sur ses efforts en faveur des plus pauvres mais ses meetings ne déplacent les foules que parce que des rabatteurs viennent dans les bidonvilles promettre nourriture et argent à ceux qui montent dans les bus. Promesse même pas correctement tenue. Culte de la personnalité digne d’autres pays considérés comme dictatures, tricherie dans les élections, état d’urgence, Indira Gandhi à bien perdu de sa valeur à mes yeux.



On est souvent entre le rire jaune et les larmes comme dans cette scène ou un homme possédant deux singes qu’il nourrit comme il peut et un chien qui doit se débrouiller seul retrouve après avoir été embarqué pour un meeting, lesdits singes dévorés par le malheureux chien qu’il essaie alors s'étrangler.



Je conseille chaleureusement ce roman dans lequel on ne s'ennuie pas un instant malgré ses 882 pages. Et si vous connaissez un livre équivalent sur l’Inde de ces trente, quarante dernières années parmi les plus pauvres, je suis preneuse. Déjà il y a les deux autres titres de Mistry Un si long voyage et surtout Une simple affaire de famille que je retiens, mais ils concernent les classes intermédiaires.

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L'Équilibre du monde

Ecrivain à succès dont j’ignorais jusqu’alors l’existence, Rohinton Mistry est un auteur canadien, originaire de l’Inde, qui mérite toute mon attention. C’est en me “promenant” dans une librairie, que j’ai découvert, par hasard, le romancier. La première de couverture de son troisième roman, l’Equilibre du monde (1996), édité en Livre de poche, a suscité toute ma curiosité.



La couverture est pleine de couleurs. Du jaune, du vert, du rouge… des couleurs vives. Mes pupilles sont exaltées. La rue est peuplée de monde, tous s’affairent à leurs activités. Je devine l’Inde grâce aux saris portés par deux femmes. Par une telle présentation, j’imagine une histoire aussi colorée et vivante que la première de couverture et me dis qu’en ces temps festifs (le soleil, l’été, les vacances) il me plairait bien de lire un roman de ce type. Ce qui, par la même occasion, me permettrait peut être de découvrir l’Inde et de m’ aventurer vers d’autres horizons.



A la lecture du roman, je me rends compte finalement que mes sens m’ont trompée. Disons que la première de couverture m’a trompée. L’auteur écrit à l’encre noir, pas en rouge, jaune ou vert. Il déverse sur le papier pauvreté, misère, corruption, violence… autant de tâches qui noircissent la page blanche, autant de tâches qui noircissent la vie, si tant est que la vie soit aussi blanche qu’une page.



Au travers de ces quatres personnages principaux- Mme Dina Dalal, Ishvar et son neveu Omprakash et enfin Maneck- et d’autres protagonistes, l’auteur nous raconte l’Inde aux cours des années 70-80. Le système de caste qui perdure encore dans les villages, les crises politiques, la corruption, la violence entre communauté religieuse, la misère et la pauvreté qui sévissent alors que l’état d’urgence est décrété par Madame le Premier ministre, accusée de malhonneteté lors des dernières élections. Au prétexte de prétendus troubles intérieurs qui risqueraient de mettre à mal la sécurité du pays- c’est pour se maintenir au pouvoir en réalité- Madame le Premier ministre applique le MSI, décret sur le maintien de la sécurité intérieure. Ce décret installe le pays dans le chaos le plus totale.



Et comme souvent, ce sont les plus pauvres que choisit le chaos. Alors que les plus riches se satisfont de la politique gouvernementale et de l’état d’urgence, parlant d’ “ordre” et de “sécurité”, désignant les salariés et les SDF de “bandes de paresseux”, les plus pauvres sont livrés à eux mêmes et tentent de survivre dans cette jungle immense qu’est devenue l’Inde. Les syndicats, les mouvements d’oppositions sont interdits. La liberté de la presse condamnée. Le chômage explose. La famine accompagne. L’exploitation est de rigueur. La corruption, tel un cancer, se propage à tous les niveaux. La société est malade, profondément. Les plus pauvres sont dans la boue. Dans cette jungle, aucune branche à laquelle ils pourraient s’attacher pour fleurir. Toutes sont pourries. La Justice et l’Etat les ont abandonné… abandonnés à leur sort, le hasard, le destin disent les protagonistes alors que leur vie sont dessinées, en réalité, par un coup de crayon volontaire.



Ainsi, dans ce désordre le plus complet, le Premier ministre décide, au nom de la politique d’embellissement de la ville, de raser les bidonvilles sans se soucier de sort de ces pauvres habitants et citoyens qui déjà s’appauvrissent et subissent les changements d’ordres économiques. Et cas plus absurde, pour faire face à la surpopulation de l’Inde, elle décrète une politique de stérilisation massive dont les pauvres, comme d’habitude, sont les principales victimes. De nouveaux fonctionnaires émergent: les incitateurs, chargés de convaincre les citoyens des bienfaits de la stérilisation. Mais la population étant réticente et les fonctionnaires devant remplir leurs quotas, les dérives et catastrophes humaines apparaissent très rapidement. Très vite, l’Homme ne devient qu’une marchandise, on le vend, le mutile. On l’utilise pour remplir le quotas, pour gagner sa vie, pour avoir de quoi manger, pour survivre. Très vite l’Homme est réduit à bien peu de chose et se voit sacrifié pour des ambitions personnelles. D’humanité, il n’y en a plus et on n’y croit plus… Toute est sombre, noire, vide, sans espoir.



Mais à cette noirceur, nos quatres personnages, si attachants, apportent un peu de couleurs vives. Par le jeu du hasard (si l’on croit au hasard), leurs chemins se rencontrent et se tissent entre eux une réelle amitié. La maison de Dina Delal, où ils habiteront tous, illumine de bonheur, de sourires, de rires au milieux de tracas et du chaos qui, dehors, assombrit tout sur son passage. L’humanité, par la solidarité et l’amour, brille de plus belle. Mais la lumière, bien qu’intense, n’est que temporaire… le chaos les conduisant en effet vite à l’ombre.

Où est l’équilibre dans ce monde? Y’en a-t-il d’équilibre? Si il y en a, celui là n’est-il pas fragile? Il a suffit d’une loi, d’un décret pour plonger l’Inde dans le chaos et la violence. Il suffit de bien peu pour que la lumière vire à l’ombre. Un coup de main sur la lampe, un léger vent, un petit changement… et le cours de nos vies se voit modifié. Comment faire pour revenir à la lumière? Comment faire pour équilibrer le monde si celui-ci se penche plus sur un côté que l’autre? L’espoir dans le désespoir semble nous expliquer l’auteur. L’amour dans la haine. La douceur dans l’horreur. La paix dans la violence. La joie dans la tristesse…



L’équilibre du monde est un roman dense, riche, émouvant et drôle quelques fois. Les personnages sont si touchants que l’on s’y attache au point de ne leur souhaiter aucun malheur. Et pourtant… Et pourtant, c’est avec tristesse que nous avons à les quitter à la dernière page. L’équilibre du monde est un de ces romans que je conseillerais au plus grand nombre….
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Une simple affaire de famille

A Bombay, Nariman Vakeel, ancien professeur d’Université en anglais, va avoir soixante-dix-neuf ans et est atteint de la maladie de Parkinson. Il vit avec ses deux beaux-enfants, Jal et Coomy, enfants de sa défunte femme Yasmin, dans un très vaste appartement décrépit. Il a eu avec elle une fille, Roxana, qui vit dans un petit deux-pièces avec son mari Yezad Chenoy et ses deux garçons, Jahengir, neuf ans et Murad, treize ans. Ils appartiennent tous à la communauté parsie, c’est-à-dire qu’ils sont les lointains descendants d’adeptes de la religion du prophète Zarathoustra venus de Perse et ayant trouvé refuge en Inde. Nariman est de plus en plus handicapé par sa maladie, mais, ne voulant pas renoncer à sa promenade quotidienne, il chute dans la rue et se casse la cheville, ce qui le contraint à une immobilité absolue. Ne voulant pas avoir la charge de son beau-père, Coomy va trouver tous les prétextes pour s’en décharger sur Roxana, qui ne va pas pouvoir refuser de s’en occuper. ● J’ai découvert Rohinton Mistry avec L’Equilibre du monde, que j’ai adoré. On passe ici de la fresque d’un peuple à l’histoire d’une famille, mais l’auteur y déploie tout autant ses qualités de conteur. ● On suit avec délectation les tribulations de la famille et les événements les plus tristes sont toujours contés de façon à ne pas plomber le moral du lecteur ; il y a toujours un humour et un optimisme, ou un fatalisme, sous-jacents. On peut du reste le voir dans cette phrase : « Comme il aurait aimé avoir ce talent de donner un sens à la vie grâce au rire, ou du moins se servir du rire comme bouclier contre l’agression du monde. » ● Les personnages sont attachants, très bien campés, et le lecteur tire l’empathie qu’il éprouve pour eux de celle que l’auteur laisse transparaître à leur endroit. ● A partir d’une famille de la petite bourgeoisie parsie, l’auteur brosse un portrait de l’Inde, notamment de la corruption, des conflits religieux, la santé, la misère, etc., mais aussi de l’humanité, tout simplement ! On peut se reconnaître dans ces personnages, dans ces situations. ● Le titre français ne rend pas compte du jeu de mots du titre original : Family Matters (Affaires de famille / la famille, c’est important) ● Un des personnages de ce roman-ci fait allusion au chef-d’œuvre de Mistry, L’Equilibre du monde, de façon amusante : « Il y a quelque temps, j’ai lu un roman sur l’état d’urgence. Un gros livre, plein d’horreurs, comme dans la réalité. Mais aussi plein de la vie, du rire et de la dignité des gens ordinaires. » ● L’auteur aime jouer sur le couple réalité / fiction comme avec ce paradoxe : « Ça prendra du temps. Il n’y a que dans les romans que l’on obtient des résultats immédiats. » ● Merci à 5Arabella de m’avoir conseillé ce roman qu’à mon tour je conseille vivement.
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L'Équilibre du monde

A quoi donc renvoie le titre de ce roman de Rohinton Mistry ? L'équilibre du monde (A fine balance pour le titre original) tel que nous le présente l'auteur, fait référence à la culture hindoue où le système immémorial des castes prime sur toute la société. En Inde où le destin de chaque personne est lié à son karma (कर्म), l'on nait brahmane ou intouchable et il faut l'accepter...



L'histoire se passe entre les années 1970 et 1980. Alors que l'Inde est la proie de tensions entre mouvement centraliste et mouvement séparatiste, l'état d'urgence est proclamé par Indira Gandhi alors premier ministre (1971-1977). Les libertés publiques sont suspendues car la situation économique est désastreuse. Corruption et injustice règnent. De nouvelles vocations se créent : facilitateur, contrôleur des bidonvilles (jodhpadpattis : झोपड़पट्टी), incitateur... Derrière ces noms de métiers se cachent des missions aussi affreuses les unes que les autres. Les gens subissent de force des vasectomies (nussbandhi : शुक्रवाहिकोच्छेदन) dans les planning familiaux destinés à contrôler les naissances ou arrêtés et tabassés de façon arbitraire. Des programmes d'embellissement de la ville imposent la destruction intempestive des taudis. Dans le dédale de la grande ville indienne (Bombay ou Mumbai) où les bidonvilles sont légion, la protection du Maître des mendiants est considérée comme une véritable bénédiction...





C'est dans ce climat politique et économique difficile qu'évoluent les protagonistes de l'histoire. Issus de classes sociales différentes, Ishvar, Om, Maneck et Dina (pour les principaux personnages) n'auraient jamais dû se rencontrer et pourtant : leurs destins irrémédiablement liés, les mènera à une cohabitation des plus improbables. Pour l'oncle et son neveu (Ishvar et Om sont originellement intouchables) qui viennent travailler comme couturiers chez Dina Dalal (parsi), le séjour en ville est censé être temporaire. De même pour Maneck (parsi) qui vient étudier en ville et qui loge chez Dina pendant son année d'études. Dénominateur commun entre les couturiers et l'étudiant, Dina est elle-même une femme meurtrie par son histoire. Le patchwork qu'elle confectionne à partir de petits bouts de tissus tout au long du récit raconte leurs destins croisés. Comme si l'auteur voulait montrer que L'équilibre du monde ne tenait qu'à des bouts de tissus disparates rassemblés selon des codes incompréhensibles...



Fidèle à ma relative connaissance de l'Inde contemporaine, ce récit qui montre un envers du décor des plus réalistes, m'a bouleversée, émue, révoltée : l'hindhouisme, cette tradition ancienne fondée sur des concepts philosophiques, imprègne l'écriture de Rohinton Mistry. L'on découvre tout au long du roman des détails surprenants de la vie quotidienne des indiens et l'on ose y croire : c'est pourtant une réalité que l'auteur s'est donné pour mission de retranscrire dans L'équilibre du monde. Plus qu'un roman, ce livre est un poignant témoignage de l'histoire de l'Inde. Et l'on suppose une fin tragique mais l'on ne se résoud pas à renfermer le livre avant de l'avoir terminé. Si c'est un gros pavé de 890 p., pour ceux qui s'intéressent à cette partie du monde, je ne peux que le recommander. Il est passionnant.
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L'Équilibre du monde

Enfin un roman sur l’Inde moderne écrit par un enfant du pays, et non un Occidental. L’équilibre du monde, c’est une fresque sur ce pays fascinant et pourtant si mal connu qui se déroule dans les années 1970-1980.



C’est réaliste, cru et terriblement humain. On est très loin des images d’Epinal des hippies baba-cool, des ashrams de yoga pour cinquantenaires cherchant à renforcer leur énergie vitale, ou encore des touristes amateurs d’acrobaties sexuelles tirées du Kamasutra.



Non ici on pénètre en plein cœur de l’Inde, avec ses paradoxes de modernité dans l’une des civilisations les plus vieilles au monde, son féodalisme dans les campagnes, sa corruption omniprésente, sa gestion très contestable de la pauvreté et de la surpopulation, ses émeutes raciales, ses fondamentalistes hindous, ses mafias de mendiants, …



Et toujours, toujours cet incroyable optimisme, en dépit de tout. L’Inde ce pays dont la devise pourrait être « Tout s’effondre et se reconstruit, joyeux est celui qui reconstruit » (Yeats).
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L'Équilibre du monde

Avec "L'équilibre du monde" se pose la question épineuse suivante : peut-on apprécier un roman qui vous donne la nausée ?



Cette fresque chronologique de presque mille pages décrit une Inde des années 60 à 80 si violente, si noire, si terrifiante et si nauséabonde que plusieurs chapitres sont tout simplement insoutenables d'inhumanité. Et le fait d'être ici dans la chronique plus que dans la fiction n'arrange rien au malaise, tout comme la pensée que le portrait de cette Inde n'est sans doute hélas pas si éloigné de celui de l'Inde actuelle.



Rohinton Mistry est un maître-conteur. Né à Bombay, il connaît son sujet à fond et bien qu'ayant émigré au Canada et y vivant depuis de longues années, il explore ses racines et maîtrise les différents aspects de la culture indienne, cette nation-continent aux multiples identités.



Alors, pour revenir à mon interrogation première, oui, on peut apprécier un récit même s'il donne mal au cœur et à l'estomac. Déjà par la qualité littéraire de son traitement : style, rythme, personnages, recherches, lexique... Ensuite par l'éclairage cru et brutal mais vrai qu'il nous donne sur une période, un peuple, une culture qui nous sont peu familiers. Pour aussi pénibles que soient les sujets abordés à travers les existences de Dina, jeune veuve, de Maneck, étudiant, d'Ishvar et d'Omprakash, tailleurs issus de la caste Intouchable, et de Shankar, cul-de-jatte exploité comme mendiant, il est fondamental d'en prendre connaissance et de regarder la réalité en face, même au prix d'un écœurement et d'un désespoir infinis.



Enfin, impossible de ne pas penser à "La tresse" de Laëtitia Colombani en lisant ce roman puisqu'il y est beaucoup question du trafic de cheveux mais comme ce modeste et récent best-seller semble bien fade et creux en comparaison du riche et coloré "Equilibre du monde" ! L'Inde est un sujet si dense qu'il mérite bien qu'on l'approfondisse, quelles que soient la souffrance et l'absurdité qui résultent de cette étude. Rester à la surface des choses équivaudrait à gravir seulement la partie émergée de ce brûlant iceberg.





Challenge MULTI-DEFIS 2019

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Un si long voyage

1971. Gustad Noble, un employé de banque, vit avec sa femme Dilnavaz et ses trois enfants à Bombay. Sohrab, l’aîné, à dix-neuf ans vient d’être admis au prestigieux IIT, une école d’ingénieurs indienne. Mais pensant que l’ambition d’intégrer cette école appartient plus à son père qu’à lui-même, Sohrab refuse finalement d’y entrer, ce qui désespère son père et est source de disputes violentes entre père et fils. Roshan, la cadette, neuf ans, est souvent malade. Gustad reçoit une lettre de son ami le major Bilimoria qui était longtemps resté silencieux après son départ de l’immeuble qu’habite aussi Gustad. Le major demande un service à Gustad, ce qui le scandalise vu qu’il a paru couper les ponts. Gustad vient d’une famille qui a connu un rapide déclin du fait de la maladie du père, qui avait la plus grande librairie de Bombay mais a fait faillite. ● Par rapport à L’Equilibre du monde, que j’ai adoré, ce roman est une réelle déception. Je pense que cela est dû au fait qu’il n’y a pas de ligne narrative dominante et claire. On a affaire à plusieurs lignes mineures qui s’entrecroisent, comme je l’ai esquissé dans le résumé du début ci-dessus, sans que jamais l’une d’elles soit suffisamment forte pour nous emporter. La lecture est donc poussive. ● Pourtant les personnages sont attachants et complexes comme dans L’Equilibre du monde (j’ai un petit faible pour Tehmu le « demeuré »). Le contexte historique (nous sommes à la veille d’un conflit qui amènera la création du Bangladesh) est également bien présent (même si un tantinet confus pour les non-Indiens, obligeant au recours à Google et Wikipédia car il n’y a aucune note, même pour les quelques mots indiens utilisés). Mais c’est bien du côté de la conception du récit que cela pêche. ● Bref, si vous voulez lire Rohinton Mistry, préférez L’Equilibre du monde, un roman génial.
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L'Équilibre du monde

Om, le jeune tailleur impulsif, Ishvar, son oncle plus modéré et résigné (pas toujours cependant), Maneck, l'étudiant suicidaire et Dina, la veuve esseulée me hanteront longtemps, je pense.

Voilà quelques uns des personnages de ce roman-fleuve sur l'Inde de 1975 à 1985, mais j'ai bien peur que la situation n'ait guère évolué depuis - ou peut-être si, mais en pire.

D'autres êtres, à l'influence souvent néfaste, parsèment aussi ce roman. Mais eux, ces malheureux, en sont les principaux protagonistes.

Accrochez-vous et sortez vos mouchoirs mais ce livre n'est, me semble-t-il, que le reflet de la réalité, dans un pays dominé par des archaïsmes et un système de castes qui s'avère très difficile à abolir (je viens de lire - merci wikipedia - que la constitution indienne a seulement interdit toute discrimination, de quelque ordre qu'elle soit).

Toujours est-il que je recommande vivement ce roman si complet à toutes celles et ceux qui souhaitent en connaître un peu plus sur cet immense pays.
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L'Équilibre du monde

Pépite ! L'auteur, que je découvre, relate les destins de quatre personnes qui vont s'unir et tenter de vivre au mieux dans un pays où le gouvernement maltraite, torture ses citoyens au nom de faux prétextes économiques et politiques. Un livre d'une dureté implacable pour illustrer des faits réels qui se sont déroulés en Inde et sous le gouvernement d'Indira Gandhi. Malgré l'aspect horrifique, j'ai été touchée, émue par ces quatre destins voués au malheur et qui luttent sans cesse pour un semblant de vie. Un livre qui m'a marqué.
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L'Équilibre du monde

Malgré quelques réticences initiales, je ne regrette pas de m'être rangée aux avis de Babéliautes enthousiastes en plongeant dans cet Equilibre du Monde qui m'a toute de suite happée.



J'ai dévoré les près de 900 pages de cette formidable fresque, très accessible grâce à un paradoxe qui na cessé de me surprendre tout au long du livre : le style et la structure narrative sont dans les purs canons occidentaux (R.Mistry est canadien) mais n'empêchent pas, bien au contraire, de ressentir de manière quasi sensuelle toutes les couleurs, la densité, les contradictions de l'Inde des années 70 : l'élégance dans le sordide contre la vulgarité dans l'aisance, la foule contre la solitude, la laideur contre la beauté, la pauvreté du village contre celle de la ville, le tryptique infernal démocratie - bureaucratie - corruption, la fleur chatoyante posée sur un étron.



A travers les pérégrinations d'Ishvar et Om son neveau entre lutte pour la survie et efforts d'ascension sociale hors de leur condition d'intouchables, c'est toute l'histoire de l'Inde post indépendance que traverse le roman, ponctué de scènes marquantes : le vote floué au village; l'enrolement forcé pour assister au meeting d'Indira Gandhi; la scène au tribunal, la brutalité de la politique de planning familial...

Mais aussi la procession pour la mort du mendiant, les repas partagés, le patchwork de Dina...



L'empathie pour les principaux personnages, Ishvar et Om mais aussi Dina la veuve luttant pour son indépendance et Maneck le jeune étudiant qu'elle accueille chez elle, fonctionne à plein.



C'est vivant, c'est riche, c'est palpitant, c'est émouvant et parfaitement rhytmé, et l'on ne sort pas tout à fait indemne de la lecture car autant le dire, ce qui leur arrive à tous en dernier lieu, malgré des moments de lumière, est parfaitement dégueulasse.



L'auteur fait dire à un moment à l'un de ses personnages que l'équilibre du monde est affaire de lutte pour la survie et se joue entre l'espoir et le désespoir: un équilibre plombé dans le roman par l'impossibilité à dépasser sa condition, mais aussi rétabli par la lumière qui le traverse.
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L'Équilibre du monde

Récit de la vie quotidienne en Inde dans les années 70, ce roman va suivre la destinée de 4 personnages principaux (une femme, 2 tailleurs et un étudiant) avec en toile de fond le mode de gouvernement d'un ministre tyrannique qui veut faire plier son peuple.

C'est réaliste, pessimiste et poignant.

Le destin terrible des 4 protagonistes et des personnages secondaires, leurs efforts, leur acharnement pour survivre malgré tout les rendent attachants.

C'est tragique, brutal, cruel avec quelques lueurs de tendresse, de soutien et de solidarité.

La plume de l'auteur rend parfaitement les odeurs, la promiscuité, les bruits, le système des castes et la violence.

Malgré l'épaisseur du volume, il n'y a aucune longueur dans ce roman bouleversant.

L'équilibre du monde est un équilibre entre l'espoir et le désespoir ; quand on tourne la dernière page, il n'y a aucune ambigüité de quel côté penche la balance.
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L'Équilibre du monde

C'est superbe, grandiose, émouvant, bouleversant. C'est l'Inde, la vraie, sa misère, sa corruption, ses contradictions, son immobilisme et ses castes, sa violence et sa douceur, sa sensualité.

Rien ne se passe jamais comme on le souhaite. Toujours on est rattrapé par un sort hostile, son karma, les mauvaises actions de sa vie antérieure. On est rattrappé par la misère, parce qu'on est né dans la mauvaise caste et du mauvais coté. On est rattrappé par ceux qui ont réussi à mieux s'en sortir, ceux qui ont compris le fonctionnement du système, ce qu'on n'a pas osé comprendre et pas osé faire. Alors on se résigne, parce qu'en Inde c'est comme çà, et qu'il n'y a aucune raison pour que les choses changent.

Est-ce cela, l'équilibre du monde, l'équilibre de ce monde à part qu'est l'Inde, quand tout s'acharne sur les héros et quand la fin est pire que le début ?

Et pourtant ce qui reste, c'est l'amour, c'est la joie, c'est les couleurs éclatantes qui jaillissent d'un tas d'ordure. "Ces deux-là la feraient toujours rire" pense l'héroïne à la fin du livre. Et pourtant le sort s'est acharné sur "ces deux-là", comme il s'est acharné sur l'héroïne. Mais c'est çà l'Inde, une immense contradiction. Et des couleurs qui jaillissent des ordures.
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L'Équilibre du monde

Un seul mot pour résumer ce livre : résilience !

Nous sommes en Inde et nous suivons plusieurs personnages dont les destin vont se croiser.

Dina Dalal, une jeune veuve, doit absolument trouver un moment de gagner de l’argent. Deux intouchables, deux tailleurs, Ishvar et son neveu Omprakash, cherchent un emploi. Maneck lui étudie la réfrigération et la climatisation.

On découvre petit à petit ce qui amène toutes ces personnes dans le même quartier et je dois bien avouer que certains passages m’ont fait hurler/pleurer et fermer les yeux devant tant d’horreur : je ne vais pas spoiler mais sachez que tout ce que vous connaissez déjà de plus sordide sur l’Inde est condensé dans ce roman. Et hélas ce ne sont pas des légendes urbaines.

J’ai trouvé ces personnages absolument héroïques, courageux et braves devant chaque obstacle, d’une humanité et d’une intelligence sans limite face à la violence du monde qui les entoure.

Certains passages sont infiniment poétiques : le couvre lit, les chats, le jeu d’échecs … ou comment des objets se retrouvent animés d’espoir et de confiance dans un avenir meilleur.

J’ai retrouvé dans ce roman des caractéristiques que j’attribue aux auteur.e.s indien.ne.s : une sensibilité et une pudeur qui leur permettent de dépeindre les situations les plus abjectes sans de départir d’une grandeur d’âme.

Un coup de cœur !

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L'Équilibre du monde

Une plongée passionnante dans l'inde des années 70 et 80 avec toutes ses dérives : politiciens et policiers corrompus, abus de l'état d'urgence, maintien du système des castes, mise à l'index des musulmans puis des sikhs, campagnes de stérilisation forcée, bidonvilles éphémères et plus généralement extrême pauvreté. A travers la vie de deux tailleurs intouchables, d'une veuve et d'un jeune parsi dont la famille vit la fin d'un monde, ce roman fleuve nous immerge dans une société malheureusement authentique, dans lequel j'ai retrouvé tous les ingrédients du roman documentaire " Bombay" décrivant pourtant une époque plus récente. le livre, bien écrit, est prenant, et ses 800 pages se dévorent sans qu'on ne les voit passer. Je vous en recommande la lecture, non seulement pour le caractère poignant de l'histoire racontée, que vous n'oublierez pas, mais aussi pour son ouverture sur une Inde que l'on a du mal à imaginer.
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Un si long voyage

Bombay. 1971. À la veille d’un conflit majeur qui amènera à la création du Bangladesh. Un immeuble ordinaire. Plein de voisins, tous des personnages haut en couleurs. Mais une famille spécifiquement, celle de Gustad Noble, employé modèle dans une banque et de sa femme Dilnavaz, des parents tout ce qui a de plus ordinaire. Des enfants promus à un bel avenir. C’est un luxe pour une famille modeste. Mais voilà que leur destin sera chamboulé par l’arrivée d’une lettre d’un ami, qui a fui l’immeuble il y a quelque temps, dans la nuit, sans laissé d’adresse et de mots à personne… Ce sera le début d’un long voyage en enfer, qui n’épargnera personne.

Je ressors de cette lecture mitigé… c’est que voyez-vous, j’ai tout simplement adoré L’Équilibre du monde, du même auteur. Et ici, je n’ai pas trouvé ce qui m’avait tant ému dans l’autre bouquin. Pourtant, ce livre est très bon… mais il manquait un petit quelque chose, sans que je ne puisse dire de quoi il s’agit exactement. Dans Un si long voyage, comme dans L’Équilibre du monde, les personnages sont attachants, drôles, simples, mais plein de contradictions intéressantes. L’histoire aussi est bonne, cette famille ordinaire et modeste, qui se retrouve plongé dans un monde en pleine turbulence. Un détour dans des événements dont elle ne soupçonne pas l’ampleur. Et l’écriture est toujours aussi fluide, belle, efficace… Mistry maîtrise l’art de nous narrer le quotidien, avec tendresse, humour, et tragique ; un conteur extraordinaire. Mais…. J’avais surement trop d’attentes, fait qui a gâché mon plaisir. C’est tout de même un très bon bouquin, que je ne regrette absolument pas d’avoir lu. Mais ce n’est malheureusement pas le coup de cœur que j’espérais.

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L'Équilibre du monde

Si, comme moi, vous connaissez très peu l'Inde mais que vous avez envie de la découvrir, alors ce roman est fait pour vous.



Le voyage sera fait d'expressions fleuries, de couleurs, de parfums d'épices, et d'une envie irrésistible de chapatis (petits pains).



En revanche, le voyage aura un prix, celui de l'histoire complexe d'un pays, celui des vies de quatre personnages imparfaits, ballottés par le destin, implacable, et par leurs choix.



Une fois encore, je tombe KO sous les coups de la bêtise humaine, de la sombre folie qui s'empare de l'Homme qui reçoit quelques grammes de pouvoir. Je pleure les morts et leurs cendres ont un goût de sel dans ma bouche. Je hurle aux vivants de s'enfuir, loin, quitte à vivre au fond d'une grotte glacée de l'Himalaya.



Vous l'aurez compris, je suis pourtant d'un naturel optimiste mais à chaque fois que je lis des romans qui nous parlent d'une (triste) réalité, ici les années 70-80 en Inde et notamment l'état d'urgence de 1975 à 77, je ne peux m'empêcher, quelle que soit la beauté de l'histoire ou de l'écriture, de ressentir un profond écoeurement pour les dérives de l'âme humaine.



Quoi qu'il en soit, ce roman est très bien écrit et vaut la peine d'être lu, même s'il fait mal au coeur. (mal au coeur peut-être nécessaire pour que la phrase "plus jamais ça" ait un tout petit peu de sens)



Dina, Om, Ishvar et Maneck, j'ai souffert de ce que Rohinton Mistry vous a fait subir, bien qu'il ait écrit un chef d'oeuvre, et je vous aime.
Lien : http://oxybeurresale.canalbl..
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L'Équilibre du monde

Raconter les années 1970 et 1980 dans cet immense pays qu’est l’Inde à travers le destin de petites gens, voilà le pari réussi de @Rohinton Mistry. On n’est pas loin du coup de cœur mais quelques longueurs, le roman fait 900 pages, et ma préférence pour le roman de @Salman Rushdie, @Les enfants de minuit qui racontait la période antérieure, m’ont empêché de lui attribuer les 5 étoiles qu’il aurait sans doute mérité car j’ai pris un immense plaisir à la lecture de cette histoire à la fois drôle et tragique, et toujours profondément humaine.



Afin de garder son indépendance vis-à-vis de son frère, Dina, la jeune veuve issue de la classe moyenne, ouvre un atelier clandestin de confection dans son appartement. C’est à cette occasion qu’elle rencontrera Ishvar et son neveu Omprakash, deux tailleurs, « intouchables », venus à la ville pour s’offrir un avenir qu’ils espèrent radieux. Une des grandes forces du roman c’est l’évolution des rapports humains entre ces trois personnages, les préjugés des uns envers les autres tomberont au fur et à mesure de l’avancée de l’histoire, un quatrième personnage, Maneck, l’étudiant en pension chez Dina, sera l’élément déclencheur du rapprochement des susnommés.

En plus de ces quatre personnages principaux, il y a toute une galerie d’autres personnages (une vingtaine) comme Shankar le mendiant cul-de-jatte ou Rajaram le collecteur de cheveux qui participent activement à la compréhension de la société indienne.



Car l’autre grand personnage du roman, c’est l’Inde, son Histoire toujours tumultueuse, ses différentes castes, les clivages entre les différentes religions, les différences abyssales entre la vie à la campagne, la montagne et l’effervescence des mégalopoles. @Rohinton Mistry livre ici une fresque magistrale de ce pays aux mille facettes. Il raconte la période où Indira Gandhi fut première ministre, l’état d’urgence décrété par celle-ci, la suspension des libertés publiques avec les conséquences terribles que cela occasionna sur les principaux protagonistes du roman. Il raconte les élections truquées, la pauvreté exacerbée par une corruption endémique. Il raconte la tragédie du temple d’or d’Amritsar qui conduira à l’assassinat d’Indira Gandhi par un de ses gardes du corps Sikh, puis les massacres communautaires qui suivirent.

Il raconte tout cela, et bien plus encore, toujours au travers des yeux des anonymes, victimes collatérales des décisions prises au sommet de la pyramide. @Rohinton Mistry est un conteur brillant, je me suis attaché à ses personnages, il y a toujours de l’espoir et beaucoup d’amour dans son roman fleuve dans lequel j’ai plongé passionnément. A la relecture de mon billet écrit plusieurs semaines après que j’ai terminé le roman, je vais lui attribuer sa cinquième étoile bien méritée.





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