Citations de Sandrine Kao (32)
Je me complais dans ce drame, j'ai besoin qu'il soit arrivé quelque chose à mon père, besoin de faire son deuil, besoin d'expliquer pourquoi il n'écrit pas, ne répond pas, ne revient pas. Evidemment qu'il pourrait ne pas être mort, être tout simplement allé chez quelqu'un, chez sa maîtresse par exemple, ce qui justifierait le fait qu'on ne l'ait pas retrouvé chez lui. Mais je préfère ne pas le savoir. S'il ne veut plus revenir, pour moi, il n'existe plus ; pour moi, c'est comme s'il était mort.
Je n'arrive à rien avec des personnages humains ! C'est trop concret, trop réel...Et si je gardais les lapins et qu'il leur arrivait de sacrés pépins ? Et s'ils se faisaient tous bouffer un par un ?
Bonjour qui a écrit tout ça sur le banc que mange Alexandre tout les jour .
Merci de me repondre
J'avais beau avoir rejoint la bergerie, je faisais toujours partie des plus faibles sur lesquels les loups jettent leur dévolu. (p.45)
Ca semblait être une constante dans les familles asiatiques : rien n'est jamais vraiment dit, surtout pas les sentiments.
le mot "fou" en chinois se compose de la clé signifiant la maladie et du caractère "vent". Comme si la folie était une maladie dans laquelle le vent dérangeait l'esprit...
Je me sentais comme un oiseau en plein hiver, qui aurait oublié de migrer mais qui chantait malgré tout.
Peut-être que le fait de raconter à cette vertu de mettre en lumière ce qui ne va pas, et de l'expulser de soi ?
La seule solution que j'avais trouvée, c'était de l'éviter. Je devenais parano. Je croyais distinguer sa silhouette partout. Je commençais à avoir des comportements étranges aux yeux de mes copines (...) Parfois, je me retournais brusquement, parce que j'avais la sensation qu'il était là, juste derrière moi. Où que j'aille, j'avais le sentiment de me jeter tout droit dans la gueule du loup. Je n'arrivais plus à faire semblant que tout allait bien. J'alternais entre un réelle peur d'être à nouveau confrontée à lui et l'impression que je dramatisais les choses (...).
Je m’applique à rester discrète, en me cachant sous d’amples vêtements : je porte quasiment toujours le même pull, très large et tout déformé. Les manches recouvrent mes mains, mais je tire encore dessus, avec une préférence pour la gauche, un peu plus longue.
De toute manière, qu'on soit étranger, gros, laid, boutonneux, ou même sans défaut visible, les gens trouvent toujours de quoi se moquer.
Oui, c’est courant que l’on se moque de moi et de mes traits typés d’Asiatique. Il arrive que des inconnus me ricanent au nez en me traitant de « chinetoque » dans la rue, sans même connaître mes origines. Ou bien ils tirent le coin de leurs yeux, prennent un accent idiot en ânonnant des « ching, chang, chong ». Je les laisse dire, ce ne sont que des abrutis qui s’ennuient. En même temps, avec tout ce qu’on entend aux infos, comment pourrait-on avoir une bonne image des Chinois ? On dit sans cesse qu’à cause d’eux les entreprises sont délocalisées, qu’ils ne respectent pas les droits de l’homme, qu’ils ne protègent pas l’environnement, qu’ils s’enrichissent dans le commerce et son trop nombreux... Ça fait peur. Pourtant, la plupart n’y sont pour rien, victimes d’un gouvernement qui encourage la productivité à tout prix, sans se soucier des inégalités. Et puis, on oublie que les pays occidentaux eux aussi sont passés par là pour se développer. Que la recherche effrénée du profit a de lourdes conséquences, quel que soit le pays.
Dans nos petites coquilles de noix, nos grottes improvisées, blottis les uns contre les autres, nous traversons les vagues, contre vents et marées.
Mes origines, je n'en faisais pas tellement cas, ça se limitait au chinois que tu essayais de m'apprendre... Maintenant, je comprends qu'elles font partie de moi, qu'elles me définissent tout autant que mes passions et mes envies. elles sont ma force. Mon histoire. Et disent qui je suis réellement.
Parfois, je me demande si l'infortune de notre famille ne vient pas de là, de toutes ces fillettes délaissées ou abandonnées... Comme si une malédiction nous frappait dès qu'on touchait du doigt la maternité.
« Un jour, on se rend compte qu’on piétine. Que les chemins pris n’ont pas abouti. Qu’il y a sans doute une autre voie, plus facile, plus belle, sur laquelle on ne tomberait pas. Où se trouve-t-elle? On sent la caresse du vent… Devant soi, sûrement. »
« Parfois, on se demande si on n’aimerait pas avoir une autre apparence, avoir l’air plus… l’air moins… Peut-être faudrait-il changer d’air tout court? Ou juste relever la tête… Autour de soi, tout est métamorphosé. Se pourrait-il qu’on soit aussi transformé? Un peu sûrement, car l’air se meut sans cesse, comme la couleur du temps. »
De toute façon, dans leur couple, ça n'allait déjà plus. Alors, au lieu de profiter de ces moments où nous étions enfin réunis, nous restions silencieux, dialoguant à peine. Il m'ébouriffait les cheveux, se contentait de me sourire et de me rapporter un jouet. Un père comme ça, je n'en veux pas.
Les gens, ils ne font pas la différence entre les Vietnamiens, les Laotiens, les Cambodgiens, les Chinois, les Japonais, les Coréens : pour eux, ce sont tous des "chinetoques". Ou des niakoués, des noiches, des bridés, des bols de riz, des bouffeurs de chien... Alors, moi qui suis originaire de Taïwan, n'en parlons pas ! Personne n'est capable de dire où ça se trouve ni ce que c'est.
Parfois, je me demande si l'infortune de notre famille ne vient pas de là, de toutes ces fillettes délaissées ou abandonnées... Comme si une malédiction nous frappait dès qu'on touchait du doigt la maternité.