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Citations de Sarah Chiche (414)


La ligne de partage entre les vivants et les morts s'est déplacée depuis les Lumières. On a soudain banni les morts du monde des vivants, et on les a enterrés au plus loin de nous. Pourtant, la mort n'est pas une chose triste si l'on considère qu'elle fait partie intégrante de la vie. Penser la personne humaine, c'est également penser sa fin.
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La nuit, à demi assoupis sur le lit, ils se regardaient, cheveux défaits, sans plus oser bouger, silencieux, brûlant de faire le geste minuscule qui ferait aller cette bouche près de l'autre bouche, et ces mains dans la broussaille d'une chevelure ou l'échancrure d'un tee-shirt. Mais les bouches et les mains se retenaient, ils pressentaient que l'acte qui parachèverait leur symbiose les pousserait ensuite à rechercher sans répit ce paradis perdu. Ils avaient peur. Ils étaient heureux. C'était presque une souffrance ; elle était délicieuse. C'était donc une souffrance ;
c'était bien de l'amour.
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Notre sensibilité au mal et à la catastrophe est façonnée de manière souterraine par Goya. Ce qu’il montre est bien plus efficace que n’importe quel discours sur la guerre ou les passions humaines.
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Rues inondées de soleil, soûles de vent. Vent chargé du sable des dunes et des pins de la Devesa, qui s'engouffre dans la bouche à six voies de l'avenue Blasco Ibáñez, et lèche les vitres des immeubles de quinze étages. Étages recouverts de faïence carrelée ou de polyuréthane orange, porches à voussures, cris des enfants courant dans les entrailles du quartier del Carmen, vacarme de couverts, de verres et de conversations des clients des restaurants de plein air ensevelis sous les plantes. Plantes languides. Lambeaux de visages sans nom, tout juste entrevus, vieilles couvertes de dentelles noires qui éventent leur cou flétri, assises sur une chaise devant la porte au rideau perlé d'où s'échappent les attaques percutantes de la guitare de Sabicas, jeunes filles au furtif sourire, en short ou jean peau de pêche, drag queens fatales foulant le pavé du quartier Cabanyal en talons vertigineux.
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Elle avait écrit un livre sur Madeleine Brès, la première femme autorisée à exercer la médecine à la condition expresse qu’elle ne s’occupe que de bébés, de mères et d’allaitement ; même si depuis les années 1960 les femmes avaient pu investir la médecine générale, racontait Léa, on entendait encore toutes sortes d’horreurs sur leur présence dans les cabinets. Tantôt on disait qu’elles s’installaient à domicile pour s’occuper de leurs enfants. Tantôt on leur reprochait de travailler cinquante heures par semaine et de sacrifier leur maternité. À l’occasion de la parution de son livre, Léa avait accordé un entretien qui avait fait grand bruit. Au journaliste qui lui demandait si, compte tenu de son engagement auprès de ses patients, elle n’avait pas l’impression de passer à côté de la maternité et de sacrifier sa vie personnelle, elle avait répondu : « Si j’étais un homme, jamais vous ne me demanderiez si, médecin avec un enfant en bas âge, je ne crains pas de passer à côté de la paternité. Je ne sacrifie pas ma vie personnelle. La médecine est ma vie personnelle. »
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C’est ça, le miracle de l’art : nous raconter en un détail des choses incroyables sans jamais les dire tout à fait.
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Il ne faut jamais mentir à personne, me dis-je en contemplant un masque chirurgical usagé qui gisait à mes pieds. À personne, sauf peut-être aux gens qu’on aime.
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Toute extase passionnée a son pot de chambre. Ce bonheur ne fut qu’un intermède. Si notre passion commune pour la chose sexuelle avait cimenté d’emblée notre couple, et qu’elle était demeurée intacte après la naissance de notre fille, elle finit par faire le lit de notre enfer. Après plusieurs années de pratique de la cardiologie pédiatrique, des courriels incidemment retrouvés dans la messagerie de Thomas m’avaient informée qu’il s’occupait aussi du cœur d’un certain nombre de femmes, qu’il situait anatomiquement un peu plus bas. Il y en avait trop. Trop souvent. Il ne pouvait pas s’en empêcher, et puis oui, m’avait-il avoué, quand il couchait, il se figurait qu’il tombait amoureux. « Trop de stress, trop de pression à l’hôpital, la dose quotidienne de sensations érotiques qu’il me faut pour faire face à l’horreur, ces valves minuscules, ces vaisseaux sanguins d’un millimètre d’épaisseur que je dois opérer, parfois pendant douze heures d’affilée, sans savoir si le cœur du bébé que des parents me confient va se remettre à battre ou non, cette petite de dix-huit mois que je n’ai pas pu sauver, sa mère qui a hurlé de douleur dans mes bras, son visage qui continue à me hanter, des mois après… Tu comprends ? »
À la longue, je n’avais plus voulu comprendre.
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Ma fille me dévisageait. Elle avait un air que je reconnus. Celui que l’on aperçoit dans le miroir quand l’enfance est terminée, qu’on se prépare à sortir, mais que soudain, en vérifiant sa coiffure, juste avant d’éteindre la lumière, on comprend, pour la première fois peut-être, qu’entre les cours, les concerts, les projets de fêtes, les fêtes et les discussions avec sa meilleure amie sur la fille ou le garçon de quatrième qui vous a jeté un regard appuyé, on n’a certes pas assez de place dans son cœur pour tout le monde, mais qu’un jour, il ne nous restera plus que la possibilité de murmurer aux particules qui dansent dans le ciel dégagé : « Maman, autrefois je crois t’avoir aimée plus que tout, et peut-être m’as-tu aimée toi aussi. »
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Dès que l’un d’entre nous soumettait une idée innovante, le directeur se mettait à lisser sa cravate entre le majeur et le pouce, faisait allusion à des instances décisionnelles supérieures, à des circulaires complexes, à des « procédures pour enclencher une procédure », et la décision qui était sur le point d’être prise ne l’était pas. Ce dont, naturellement, le directeur se félicitait toujours : les idées sont méprisables ; les innovations dangereuses ; le pouvoir ne se partage pas s’il veut s’imposer ; mieux vaut laisser les chefs de service humilier les chefs de clinique qui humilient les internes qui humilient les infirmiers qui humilient les aides-soignants qui humilient les patients (du moins ceux qui sont toujours vivants) qui ne peuvent qu’humilier la purée aux trois saveurs qu’on leur sert en n’y touchant pas, et qui donc, depuis leur lit, confits dans leur maladie, finissent par insulter les aides-soignants qui hurlent sur les infirmiers qui critiquent les internes qui n’écoutent plus les chefs de clinique qui se rebellent contre les chefs de service qui se mettent en arrêt maladie ou démissionnent pour empoisonner le directeur, lequel obéit lui-même aux commandements édictés par des gens qui ne nous rendent jamais visite mais semblent atteints du même mal que lui.
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Il y a pire encore que de craindre qu’une chose n’arrive : qu’elle arrive, et s’y résigner.
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Jour. Réveille-matin. Douche. Ma chérie, c’est l’heure d’aller à la crèche, à l’école, au collège. Les années donnent l’illusion que le temps passe mais, décidément, c’est toujours déjà l’heure.
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Elle avait dû être une belle femme avant de rejoindre la rive des innommables.
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Toute extase passionnée a son pot de chambre.
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J’avais envie qu’elle me tienne tout entière dans sa bouche.
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Je m’étais donc retrouvée un matin, maquillée à la truelle, sur un plateau de télévision, aussi à l’aise qu’un caméléon sur un plaid écossais. À la deuxième question que l’on m’avait posée, j’avais répondu : « Il est trop facile d’applaudir ses soldats chaque soir aux fenêtres, puis de les oublier sitôt la bataille terminée. L’hôpital public se meurt. » Et enfin, ma punchline : « À ce rythme, bientôt nous n’aurons plus besoin de trouver des patients hors du personnel hospitalier, tant pour la psychiatrie que pour la médecine légale. »
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Ce dont, naturellement, le directeur se félicitait toujours : les idées sont méprisables ; les innovations dangereuses ; le pouvoir ne se partage pas s’il veut s’imposer ; mieux vaut laisser les chefs de service humilier les chefs de clinique qui humilient les internes qui humilient les infirmiers qui humilient les aides-soignants qui humilient les patients (du moins ceux qui sont toujours vivants) qui ne peuvent qu’humilier la purée aux trois saveurs qu’on leur sert en n’y touchant pas, et qui donc, depuis leur lit, confits dans leur maladie, finissent par insulter les aides-soignants qui hurlent sur les infirmiers qui critiquent les internes qui n’écoutent plus les chefs de clinique qui se rebellent contre les chefs de service qui se mettent en arrêt maladie ou démissionnent pour empoisonner le directeur, lequel obéit lui-même aux commandements édictés par des gens qui ne nous rendent jamais visite mais semblent atteints du même mal que lui.
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Je la voyais se raccrocher à ce cliché selon lequel passer par les ténèbres est nécessairement une aubaine si on les surmonte.
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"Je m'occupe d'innocents morts comme de salauds morts, de bébés noyés dans la baignoire et plongés dans la nuit prématurée de la mort, de héros magnanimes dont le corps a fourni la carrière de la vie, de terroristes, la poitrine explosée, avec le rictus figé de leur carnage dément(...) "extrait page 16.
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Il y avait, au moment même où Goya vivait à Bordeaux, un Autrichien du nom de Gall. Il était médecin et absurdement persuadé qu’on pouvait déterminer l'intelligence, le caractère ou les faiblesses morales d’un individu en étudiant la forme de sa tête. Il avait divisé la surface du crâne en aires, chacune prenant en charge une vertu ou un vice particuliers, une bosse étant la preuve irréfutable du développement d’une faculté; un creux, son défaut: ici, le sens esthétique des couleurs ; ailleurs, la sagacité; plus haut, le goût pour la volupté ou le penchant au meurtre. À sa suite, persuadés d’avoir mis au jour le secret des caractères humains, croyant qu’on pouvait avoir la bosse de la ruse, de la volupté ou du crime, à Londres, à Delhi, à Berlin, à Paris, tout un tas de savants se mirent à tâter des crânes de génies, de fous, de putains ou de criminels. Plus qu’une vague, c’était une véritable épidémie, comme l’avait été l’exorcisme et comme le furent les tables tournantes. On retrouve même la doctrine des bosses chez Balzac ou Poe. C’est aussi à ce moment-là qu'on commença à entreposer dans les recoins de certains hôpitaux des coupes de têtes dans des bocaux, dont vous avez peut-être déjà vu des reproductions dessinées : d'un côté, le visage intact, les yeux clos ; de l’autre, les os et la cervelle mis à nu. p. 142
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