AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Sawako Ariyoshi (134)


Hana remonta la mèche de la lampe. Il n’était plus question de dormir.
Elle était bouleversée par ce que Keisaku venait de lui révéler avec un tel
détachement : Kôsaku amoureux d’elle ! Elle ne pouvait y croire. Elle
n’avait pas pris au sérieux les bavardages des servantes, prétendant que
c’était depuis son arrivée que le caractère de Kôsaku était devenu
impossible. Elle n’aurait jamais pu imaginer pareille explication à sa
hargne. Il n’était guère probable que Keisaku en fût arrivé à cette
conclusion ce soir seulement. L’idée que son mari avait gardé si longtemps
le silence troublait Hana. Elle essaya de se rappeler tout ce qui s’était passé
entre Kôsaku et elle depuis son arrivée, dans l’espoir d’enlever toute
vraisemblance aux propos de Keisaku. Mais plus elle cherchait à se
persuader de l’indifférence de Kôsaku, plus son désarroi augmentait.
Kôsaku s’était toujours montré d’une froideur exagérée avec elle. Il
l’évitait, ignorant délibérément son existence. Pourquoi ne pouvait-il se
comporter de manière normale en sa présence ?
Commenter  J’apprécie          00
Pour le cadet de la famille qui devait bientôt quitter la maison avec une
part minime de l’héritage, peut-être était-il inévitable d’éprouver de la
jalousie à l’égard du neveu – destiné, lui, à prendre possession des biens de
la famille ?
Commenter  J’apprécie          00
Puis, comme s’il n’y avait pas eu une année de séparation entre elles, les
deux femmes sentirent que le lien d’antan n’avait rien perdu de sa force –
ce lien qui unissait la Dame de Kimoto à sa petite-fille.
Hana ne parvenait pas à imaginer comment Toyono qui n’avait vécu que
pour elle avait réussi à combler le vide laissé par son absence. Et Toyono ne
voulait pas en parler. Éprouvant de nouveau la joie de se sentir ensemble,
les deux femmes simplement reprirent leurs anciennes habitudes.
Commenter  J’apprécie          00
Hana l’écoutait avec stupeur. Il était impensable en 1900 qu’une famille
de la branche collatérale héritât d’un titre honorifique aux dépens de la
branche principale. Elle qui avait été élevée dans le respect strict des
traditions trouvait cette mesure inconvenante.
Commenter  J’apprécie          00
Hana ne s’était pas doutée une seconde que la procession de mariage à
laquelle Toyono avait si affectueusement et si magnifiquement apporté tous
ses soins avait été un affront pour l’amour-propre du cadet des Matani. Le
sort normal du cadet, qui l’obligeait à quitter le foyer pour fonder une
branche collatérale dès qu’il avait atteint sa majorité, n’avait pas été accepté
de bon cœur par Kôsaku : l’idée du destin qui l’attendait avait aigri et
assombri son caractère. Cette découverte était une surprise pour Hana qui,
contrairement aux autres filles qui devaient se résigner à occuper une
position inférieure à celle de leurs frères, n’avait eu à souffrir d’aucune
ségrégation : elle avait reçu la même éducation que le sien et avait été
l’objet de l’affection intense de sa grand-mère.
Commenter  J’apprécie          00
Keisaku, maire du village d’Isao, incarnait tout l’espoir des habitants. Il
avait fait ses études à Tokyo et avait un certain idéal. Même les plus bornés
des anciens du village l’écoutaient. Ses journées étaient bien remplies.
Quoique propriétaire terrien lui-même, il consacrait tout son temps libre à
rendre visite aux paysans pour les mettre au fait des nouvelles méthodes
d’agriculture et les intéresser aux légumes récemment introduits dans le
pays, comme la tomate, allant jusqu’à construire derrière sa maison une
serre qu’il invitait même les habitants des villages voisins à venir voir. Ses
activités auraient suffi à occuper plusieurs personnes.
Quant au rôle de Hana, il consistait à se lever et à s’habiller avant le réveil
de son mari pour lui servir le petit déjeuner qu’il prenait en lisant une revue
ou un livre anglais. Après son départ, elle n’avait plus rien à faire. Tahei,
son beau-père, passait le plus clair de son temps à somnoler au soleil et sa
belle-mère, Yasu, s’employait à assembler et à coudre des morceaux de
tissu. Tahei se chargeait de recevoir les visiteurs quand il s’en présentait.
Yasu venait dire quelques banalités puis se remettait à son ouvrage. Leur
bru ne trouvait aucune occupation précise à prendre en charge. Le ménage
et la lessive étaient du ressort de Toku et sa belle-mère régnait sur la
cuisine. Hana souffrait de ces loisirs forcés et elle se sentait frustrée de ne
pouvoir affirmer son utilité dans la maison des Matani. Keisaku rentrait
épuisé d’avoir passé sa journée à discourir. Il était, certes, aussi doux avec
Hana qu’elle pouvait le souhaiter, mais il ne semblait guère se soucier de
savoir à quoi sa jeune femme pouvait s’occuper.
Commenter  J’apprécie          00
Hana ne conserva des événements qui suivirent le départ des Kita que des
lambeaux de souvenirs. Étant donné l’éducation qu’elle avait reçue, le fait
qu’elle se trouvait pour la première fois seule avec une personne du sexe
opposé était déjà une situation traumatisante. Serrée dans les bras de
Keisaku, le corps figé, elle ne pensa même pas à l’estampe d’Utamaro où
l’on voyait des personnages dans des postures bizarres, que sa grand-mère
avait glissée dans son porte-mouchoirs en précisant qu’il s’agissait d’un
talisman. Pour résister à la douleur, elle pressa sa nuque sur son oreiller de
bois, prenant bien soin de ne pas déranger l’ordonnance de sa coiffure.
Même en pareille circonstance, son éducation lui imposait de préserver les
apparences.
Quant à Keisaku il avait, à vingt-six ans, trop peu l’expérience des
femmes pour tenir compte de la réaction de Hana, dont la beauté virginale
le bouleversait.
— Je t’ai attendue si longtemps !
Ce fut la seule phrase que put saisir Hana sur les lèvres de Keisaku quand,
le souffle court, il eut apaisé sa passion. Elle-même n’avait droit qu’au
silence pour exprimer sa gêne ou son plaisir : c’était le lot des femmes. Les
yeux clos dans les ténèbres, elle s’étonna que son angoisse ne se fût pas
clairement manifestée.
Commenter  J’apprécie          10
Ces paroles choquèrent les Kimoto qui, depuis un moment déjà,
s’irritaient du manque de tenue des Matani. Nobutaka était indigné. Les
Matani, chez lesquels il s’était présenté en grande pompe, étaient aussi
éloignés des Suda que la fange l’est de la voûte du ciel. Tahei, le père de
Keisaku, les cheveux relevés en un chignon, les yeux étirés par l’ivresse,
souriait nonchalamment. Pour Nobutaka, Tahei n’était qu’un rustre attaché
à la glèbe. De tout temps, les propriétaires des terres de montagne avaient
regardé avec dédain ceux des terres à riz, et Nobutaka ne faisait pas
exception à la règle. Il se dit que, si Toyono qui tenait tellement à ce qu’on
respectât les convenances avait assisté à ce banquet, elle aurait sûrement
regretté d’avoir accepté un tel parti. Nobutaka pensa que, puisque Toyono
devait venir le lendemain faire visite à la mariée, elle aurait mieux fait de
les accompagner. Pour la première fois de sa vie il éprouva quelque
ressentiment à l’égard de sa mère qui avait pris sa décision sans tenir
compte de son avis. Mais il était trop tard maintenant.
Commenter  J’apprécie          10
Mme Kaseda ne manifestant pas l’envie de poursuivre la conversation,
Hana se rappela que, pendant son voyage de noces, la mariée ne devait pas
se montrer trop loquace et n’insista pas. La famille Kaseda avait beau ne
pas être d’un rang vraiment inférieur au sien, les femmes n’y avaient pas le
goût de se cultiver comme chez les Kimoto. Hana pensa qu’il serait
prétentieux de sa part d’expliquer à Mme Kaseda les raisons de sa question
en lui citant les poèmes d’où la légende des montagnes Frère et Sœur était
tirée. Dans sa déception, sa séparation d’avec Toyono prit une douloureuse
réalité.
Commenter  J’apprécie          10
La poupée habillée en garçon,
que la mariée apportait à la famille qui la recevait comme bru, symbolisait
les préceptes inculqués à toutes les jeunes filles, selon lesquels le devoir de
toute épouse était de procréer et de veiller à la prospérité de la famille de
son mari.
Commenter  J’apprécie          30
Accomplir quelque chose par elle-même au lieu de tenir son pouvoir du fait qu’elle était l’ombre de son mari lui paraissait aller contre toutes ces vertus féminines auxquelles elle croyait si fermement. Il lui semblait inconcevable qu’elle pût, alors qu’elle était veuve, devenir quelqu’un d’important dans des groupes de femmes. D’après elle une femme, même forte et intelligente, qui n’avait pas d’homme au côté duquel se tenir, était inévitablement condamnée.
Commenter  J’apprécie          10
Tout le monde trouva que l’accouchement avait été facile pour un premier enfant, sauf Hana qui ne fut pas de cet avis. Elle n’avait eu à l’avance pratiquement aucune information sur ce que devait être un accouchement. Elle avait épuisé toutes les forces disponibles en elle pour donner naissance à cette nouvelle vie.
Commenter  J’apprécie          30
Elle-même n’avait droit qu’au silence pour exprimer sa gêne ou son plaisir : c’était le lot des femmes.
Commenter  J’apprécie          10
Le veuvage, c'est le bonheur parfait pour une femme.
Commenter  J’apprécie          70
Un jour je me marierai, j’aurai une fille et cette fille se révoltera contre moi et sera pleine d’affection pour sa grand-mère. Les gens ont vécu dans le passé lointain et, pour qu’ils continuent à vivre dans les temps à venir, si difficile que puisse être pour moi le présent, je dois le vivre pour que demain existe.
Commenter  J’apprécie          20
Akiko était elle aussi subjuguée par la beauté des larges pétales blancs ruisselant sous la pluie. Elle resta un long moment immobile, sans voix, puis se tourna vers son beau-père. Si le spectacle du magnolia en fleur avait été capable de l'arrêter, c'est donc qu'il n'avait pas perdu le sens de la beauté...Etait-ce le même sentiment qui le poussait à détester les vieillards du centre ? En tout cas, c'était la preuve qu'il demeurait un être humain vivant et sensible.
Commenter  J’apprécie          20
Elle-même n'avait droit qu'au silence pour exprimer sa gêne ou son plaisir : c'était le lot des femmes.
Commenter  J’apprécie          20
Mère, ne croyez-vous pas que le système matriarcale de la société primitive était plus conforme à la nature ? C'est à la famille de la femme qu'on fait appel en cas de besoin.
Commenter  J’apprécie          62
Elle se souvient d'une expérience faite sur deux rats : on avait donné manger à l'un tout en l'empêchant de dormir, tandis qu'on laissait l'autre dormir sans lui donner à manger. Celui qui n'avait pas pu dormir était mort rapidement. Akiko était convaincue qu'elle aussi mourrait la première si elle n'avait pas son compte de sommeil.
Commenter  J’apprécie          10
Sans doute la maison qui avait abrité la famille conforme aux concepts patriarcaux était-elle secouée par la tempête des temps nouveaux, mais il n'était pas permis à Hana de la quitter. Elle resterait tranquillement installée dans la grande pièce jusqu'à ce que les grosses poutres s'effondrent sur elle et que la demeure soit réduite en cendres.
Commenter  J’apprécie          50



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Sawako Ariyoshi (1462)Voir plus

Quiz Voir plus

Vie

Qui a écrit "La VIE d’Henry Brulard" ?

Stendhal
Balzac
Flaubert

10 questions
7 lecteurs ont répondu
Créer un quiz sur cet auteur

{* *}