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Citations de Sébastien Lapaque (144)


Dans l'ancien temps, on installait une bibliothèque lorsqu’on ne savait plus où ranger tous les livres qu'on avait lus. Mais désormais, on se donnait bonne conscience en remplissant des bibliothèques de livres qu'on n’ouvrirait jamais. Malgré les apparences. Ie slogan d'lkea préparait ce renoncement. "Billy, la plus ingénieure des bibliothèques ! Peut-être le début d'une riche collection de livres, tous bien protégés et qui donnent envie de les lire." Cette formule était caractéristique de l'Immonde, elle permettait d'en ressentir l'amertume. Dans un monde encore vivant, plus ou mains humanisé, on aurait dit Ie début d'une riche collection de livres, tous lus et qui donnent envie de bien les protéger"
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Car sur ce monde tellement beau s'en est glissé un autre, un monde injuste, atroce, agité, capricieux, narcissique, infernal, cruel, infantile, cupide, un monde criblé par l'angoisse et par Ie malheur, un monde qui n’en est plus tout a fait un,un monde malade de l'avoir, un monde qui mérite un autre nom : l'Immonde.

Je me souviens parfaitement quel jour et dans quelles circonstances ces pensées me sont venues, sans que j’y songe vraiment, ni même que je Ie veuille, et de quelle manière ce mot atroce s'est imposé dans mon esprit, lorsque ses sept lettres se sont allumées une à une en capitales de feu au tréfonds de moi : I'IMMONDE.
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Le refus a toujours constitué un geste essentiel. Les saints, les ermites, mais aussi les intellectuels. Le petit nombre d'hommes qui ont fait l'Histoire sont ceux qui ont dit non, jamais les courtisans et les valets des cardinaux. ( extr. ultime interview de P. P. Pasolini, le 8 novembre 1975)
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Je me souviens des premières pages d’un roman de Balzac proposant une description fascinante de l'univers des typographes, Illusions perdues, je crois. Lesquels typographes, si j'ai bonne mémoire, tenaient le cordon du poêle à l'enterrement du romancier.

Quelques années plus tard, les mêmes pleuraient en composant Les Misérables de Victor Hugo, qu'ils lisaient page après page, à l'imprimerie, en levant la lettre et en exécutant les corrections - une histoire trop belle pour être fausse. Les ouvriers d'imprimerie étaient des poètes. Durant la révolution de 1848, ils tiraient sur les horloges pour faire cesser le temps bourgeois, le temps des cadences productives, le temps de l'Immonde.

Lors de la répression de la Commune, ils ont été fusilles en premier. Ils étaient les plus menaçants : non seulement ils savaient lire, mais ils avaient des idées dangereuses.

Des aspirations, comme on disait.
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L'important n'était pas de tout savoir sur les cartes postales, mais d'en envoyer et d'en recevoir, aujourd'hui, demain et tous les autres jours. Pour écrire de bons livres, il ne s'agissait pas d'être bien documenté, comme on l'imaginait naïvement, mais d'avoir bien vécu, de s'être souvent perdu et toujours retrouvé.
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Tous ces mots, toutes ces cartes postales, c'étaient les rites des vacances, les timbres, les crayons jetés en désordre sur la table. C'étaient l'improvisation, l'ombre fraîche derrière les persiennes, les fous rires. On n'est pas sérieux quand on écrit des cartes postales. Ce n'est pas un devoir, c'est un jeu ; ce n'est pas un emploi, c'est un passe-temps. À force de chercher des mots plus amples, plus moelleux, on improvise des exercices de style.
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C'est une chose que j'avais souvent remarquée. Contrairement aux théories pédagogiques dominantes, les enfants ne se plaignaient pas qu'on leur enseignât trop de choses. Ça, c’était le discours des docteurs Folamour de l'Inspection générale de l'Êducation nationale et des associations de parents d'élèves. Les élèves, eux, se désespéraient plutôt de voir leurs professeurs leur servir année après année un brouet pédagogique dilué, accompagné d'un savoir émietté. Le rabâchage les accablait. C'était pour tuer le temps qu’ils s'envoyaient des messages sur leur téiéphone portable pendant les cours. Je ne perdais pas mon calme, je leur parlais des nuages.

C'était suffisant pour que la classe écoute. Victoire et Fatoumata, Pierre, Chloé et Cameron, Thomas et Matiss, Antoine-Alexandre et Quoc-han. La terminale L1, ma classe préférée au cours de l'année scolaire 2013-2014. Les garçons et les filles qui la composaient m'avaient souvent donné l'occasion de vérifier ma théorie sur les élèves : tout ce qui était nouveau les attirait, tout ce qui était rebouilli les écœurait. Leur esprit critique devait être stimulé. Aimais-je encore mon métier ? Peut-être pas tous les jours, mais j'aimais mes élèves. Et je n'affectionnais pas cet enseignement qui semblait conçu pour les faire bâiller. Tout cela ne devait probablement rien au hasard. Le capitalisme total avait tout intérêt à ce que l'école devienne une fabrique de crétins. Une vérité que la plupart de mes collègues ne voulaient pas entendre.
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La carte postale, c'étaient donc les mots alliés avec la vie. Dans l'empire de la marchandise, c'étaient l'amour et l'amitié tracés en belles lettres avec la main ; le bonheur et la beauté racontés avec de l'encre et du papier.
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On sentait que ces deux êtres si différents par ailleurs écrivaient le chapitre d'une histoire. Il y avait un avant, il y aurait un après, cette certitude les rendait constants. Vivre, pour ces deux-là, consistait à honorer leur destin. Ce mélange de force et d'humilité, dont je commençais à comprendre qu'il caractérisait les âmes supérieurement qualifiées, était frappant dans la façon qu’avait Xavier de me parler des arbres, révoquant tout orgueil possible lorsqu'il s'aventurait dans ses parcelles. « Ces arbres étaient plantés en profondeur dans la terre de Bretagne longtemps avant moi, ils le seront encore longtemps après que mon souvenir aura disparu, à la quatrième ou à la cinquième génération de mes petits-neveux. En aucun cas la mesure de ma vie n a le droit de servir de mesure à la leur. »

Son intérêt pour les méthodes culturales anciennes de l’habitat rural traditionnel et son goût pour des gestes tombés en désuétude me permettaient de comprendre qu’un passé, ce n’était pas tant un patrimoine dont on héritait qu'une histoire qu’on s'appropriait.
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Le ciel était très bleu, par la fenêtre, c'était une belle journée en Bretagne. "Il paraît que tu es un intellectuel ?" souffla brusquement Xavier Kildéa en se tournant vers moi. Je ne sus quoi lui répondre. Un intellectuel ? "Walter m'a parlé de toi. Il m'a dit qu'il fallait que je t'arrache à tes pensées trop nombreuses pour t'emmener en forêt. Ensemble, nous allons parler aux arbres. Leur parler et les écouter. Il y a plein de belles choses à voir et de belles choses à apprendre dans une forêt. Autant que dans une bibliothèque ! Et parfois plus. Ce n’est pas à toi, le professeur d'hîstoire, que j'apprendrai que le mot livre vient du latin liber, qui désigne la pellicule située entre le bois de l'arbre et son écorce. Au temps des papyrus, les habitants des forêts européennes, qui n’étaient pas plus bêtes que les Égyptiens, avaient trouvé de quoi écrire avec cette pellicule prélevée sur le tronc du bouleau. Un arbre sacré ! Mais je n ai pas besoin de t'en raconter plus. Tu sais tout cela mieux que moi.'

Xavier se trompait. Je connaissais un peu l'histoire du livre, je savais que le passage des anciens rouleaux au volumen, le livre tel que nous le connaissons aujourd'hui, s'était produite aux alentours du IVe siècle, dans les derniers temps de l'Antiquité et de la Gaule romaine, mais j'ignorais cette affaire d'écorce de bouleau. Nous n'avions plus pour mission d'enseigner des choses aussi simples et aussi concrètes à nos élèves. Les manuels scolaires étaient emplis d'une matière atrocement cérébrale. Surtout ceux de géographie. C'était de la propagande pour l'unification du monde autour d'une morale planétaire, citoyenne et écoresponsable.
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On ne devrait jamais oublier qu'ailleurs est un mot plus beau que demain...
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Je tenais mon existence pour un relevé de comptes et il m'est apparu qu'elle pouvait devenir tout un poème.
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Les voyelles de Rimbaud, A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu, émerveillaient petits et grands, mais plus personne ne daignait lire le chapitre du -Quart Livre- dans lequel Pantagruel, Panurge et frère Jean des Entommeures embarqués sur l'Océan atteignent les confins de la mer de Glace et rencontrent les paroles gelées qui ressemblent à des dragées -perlées de diverses couleurs- Quelle page, quelle verve, quelle fantaisie, quelles images, pourtant...

" Nous avons vu des mots rouges, des mots verts, des mots bleus, des mots noirs, des mots dorés. Une fois réchauffés entre nos mains, ils fondaient comme neige, et nous les entendions réellement." Il admirait les dons de coloriste de Rimbaud et ses voyelles arc-en-ciel. Mails il lui semblait devoir rappeler les droits d'aînesse des mots rouges, des mots verts, des mots bleus, des mots noirs et des mots dorés de messire François Rabelais. (p.20)
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Je m'appelais Lazare, comme Lazare Hoche, un autre soldat de l'idéal, un autre général qui n’avait pas atteint trente ans, mort épuisé par de longs mois de campagnes. Lui aussi était honoré d'une statue de bronze, je l'avais vue à Versailles où il était né, pas très loin de chez Walter. Je portais son prénom.

Personne dans ma famille n'avait songé à l'ami de Jésus, au subtil lecteur de la Loi, au juif de haute condition que le Seigneur avait arraché au tombeau en prononçant ces mots bouleversants : « Lazare, viens dehors ! »

A Chartres, en retrouvant le général Marceau dans son habit de hussard, avec une main tenant fermement le pommeau de son sabre et l'autre une carte des pays à conquérir entre Sambre et Meuse, je lui avais souri. Sa statue chartraine et l'obélisque qui lui était dédié, plus loin, avaient fait de mon père un admirateur de l'épopée de l'armée du Rhin et des généraux qui chargeaient au galop sur les étriers de leurs grands chevaux.

C'était grâce à lui que je m'appelais Lazare, grâce à lui que j'avais hérité de ce prénom sublime, qui m’exaspérait lorsque j'étais enfant, et dont je comprenais les puissances et les merveilles aujourd'hui. "Lazare, m'avait expliqué le frère Odon, est la forme grecque du prénom hébreu Éléazar, qui signifie : Dieu vient au secours."
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Je songeais à mes élèves, dont beaucoup se destinaient à rejoindre les gros bataillons de ce que les experts nommaient les professions intermédiaires. "Des métiers d'interface au cœur de l'entreprise", s'émerveillaient les apôtres de l'Immonde. C'était atroce, cette réduction fonctionnelle. Le langage qui l'accompagnait marquait sa bassesse. Les mots d'aujourd'hui n’avaient plus d'honneur. Ouvrier, ce n'était pas un beau nom ? Il était inutile d'avoir fait beaucoup de latin pour entendre qu'il avait la même origine que le mot œuvre. Professions intermédiaires, qu'est-ce que ça voulait dire ? Les révolutions pédagogiques n’avaient rien émancipé du tout. Réforme après réforme, notre système éducatif avait été réorganisé afin de fournir à la grande machine économique un ensemble de matériaux et de fonctions.
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Nous étions cernés. Comme si les estivants risquaient de s’ennuyer en Bretagne. Ou comme si les responsables politiques locaux craignaient de passer pour des arrières aux yeux des Parisiens. « La vie en province est un mythe, m'avait expliqué Walter qui avait ses habitudes dans le Grand Ouest. Les gens sont intoxiqués de modernité. Surtout les notables. Ils ne parlent que d'optimisation de la communication territoriale. Tu ne peux rien imaginer de plus stupide qu'une société de conseil établie dans une sous-préfecture où une Bovary 2.0 ronge son frein en rêvant de la vie parisienne. Ces gens passent leur journée à définir des cibles et à créer des messages destinés à des villages où vivent six cents retraités et dix actifs qui se partagent un troupeau de trois cents vaches, six cents porcs et quelques chèvres. »
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"Et maintenant, Lazare ? L'eau froide coula longuement, mais la réponse ne vint pas. Si Béatrice m’avait vu, à cette heure, dans cette salle de bains, elle m'aurait reproché ce gâchis d'eau du robinet. A 3 euros le mètre cube d'eau municipale à Paris, il convenait d'être économe. D'après ses calculs, un robinet ouvert laissait s'écouler un mètre cube toutes les heures. Elle savait aussi le volume journalier d'un goutte-à-goutte, mais je l’avais oublié. Un individu un peu étourdi qui laissait couler l'eau un quart d'heure en se grattant le crane comme j'étais en train de le faire pour essayer de remettre mes idées en place perdait chaque jour 75 centimes d'euros, soit 22 euros par mois et 270 euros par an. "Voire 13 000 euros tous les demi-siècles ! Et plus de 25 000 euros par siècle, soit le prix d'une BMW Série 2 Coupé Sport", aurait ajouté Walter qui était doué en calcul.
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Il avait éprouvé de manière nouvelle le bonheur d'écrire une carte postale du bout du monde, puis de la glisser dans une boîte, en sachant qu'un inconnu la ramasserait, la jetterait dans un sac, la porterait dans un centre de tri, puis un autre du centre de tri à l'aéroport, d'où la carte, embarquée à bord d'un avion, s'envolerait dans les airs, traverserait les océans, les plaines, les montagnes, avant d'arriver à destination, d'être déchargée, convoyée, à nouveau triée, distribuée par le facteur et enfin-et seulement enfin- découverte dans sa boîte par le destinataire après une longue course à travers le monde. (p.56-57)
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Dans le train qui me ramenait à Paris, je repensais à ce que m'avait dit Walter à propos de ce qu'il appelait le Club. Il avait raison. Les heureux du monde avaient décidé de faire secession. Il suffisait de lire leurs lamentations permanentes dans les journaux. Leurs problèmes n’étaient assurément pas les mêmes que ceux du reste de l'humanité. Mais pour se maintenir en éveil, et nourrir une juste colère, il fallait les écouter gémir. À la gare de Versailles, j’avais patienté en regardant la presse. En couverture d’un magazine specialisé dans les problèmes conjugaux, un titre avait attiré mon attention : « J’ai quitté ma maîtresse pour ma femme. »

J'avais oublié cette niaiserie et acheté Le Monde. C'était mon côté enseignant. Ce que j’aimais, dans le grand quotidien réputé de gauche, c'étaient les pages dans lesquelles la promotion du capitalisme total était faite en toute bonne conscience.
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Je cédai à ma curiosité et à mon envie de compléter le dossier de l'Immonde. Pour cela, il eût fallu également s'intéresser aux magazines grand public.

Les titres de ceux qui étaient présentés en pile près des caisses s'apparentaient à une coulée de bêtise en fusion... "Il est plus jeune que moi, et alors ?", "Je suis fidèle, c'est grave ?", ‘’Quelle place tient le sexe dans votre vie ?", "J'ai envie de me faire une frange", "Coucher tout de suite, parler ensuite", "Fantasmes, en vrai, c'est comment ?", "Sept raisons de kiffer sa vie en solo".

Ce qui me frappa, c'est que ces conseils pour mener une vie libérée étaient accompagnés de sujets très directifs en matière économique. "Ma retraite, j’y pense dès maintenant , "Au chômage, je rebondis", "Un deuxième enfant, combien ça coûte ?", "Comment bien placer son épargne", "Achats responsables : une question stratégique".
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