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Critiques de Serge Latouche (54)
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Pour une écologie du vivant

Voilà, c’est le moment gênant où l’homme commence à capter qu’il est l’invité lourdingue dont ses hôtes donneraient cher pour se débarrasser, après avoir bu la coupe de trop. L’ambiance est clairement post-Noël entre nos trois rois mages de la décroissance, l’éthologue Pierre Jouventin, l’économiste Serge Latouche et le philosophe Thierry Paquot ; dans leurs présents, point d’affolant pack 5G, pas même un misérable I-phone, non, on oublie tout ça.



La vie de Serge Latouche, économiste défroqué, est un plaidoyer en elle-même : il débarque en Afrique en 1964, puis au Laos en 1966, avec sa bible d’économie et son crédo de progressiste, plein d’allant pour une planification aux petits oignons , et là, de gros doutes l’assaillent : il se sent comme un missionnaire du développement, et ça coince de plus en plus avec l’objectif d’une société épanouie locale. De prof d’économie, il se reconvertit en philosophe de l’économie.



Au Laos, « la culture de la rizière occupait une cinquantaine de jours, puis, selon l’expression locale, « on écoutait le riz pousser ». Les Laotiens vivaient tranquillement et ne voyaient pas ce que le développement aurait pu leur apporter ».



Quant à l’éthologue Pierre Jouventin, sa démarche est elle aussi inspirée d’un revirement de bord : il tiquait sur l’aspect circulaire des sciences humaines, tournant aveuglément sur elles mêmes, autour de l’être élu, l’homme. Il existe maintenant une sociologie des animaux, qui fait apparaître une continuité d’intelligence, de morale altruiste et de culture à travers le vivant, et non une césure à notre gloire justifiant toutes les dominations .



Sous forme de dialogue, les 3 auteurs nous livrent leurs points de vue, croisant leurs savoirs, concepts et méthodes, partant du principe qu’il y a une solidarité organique entre les savoirs, des entrecroisements en rhizomes :



-en continuité avec cette notion de rhizome, l’état de l’environnement nous rappelle que tout est interdépendant dans la nature, l’Occident étant probablement la seule civilisation à ne pas l’avoir pris en compte. L’homme figure en bonne place sur la liste des espèces menacées ; quant à la biodiversité, elle a peut-être de beaux jours devant elle, mais dès qu’on aura rendu les clés de la boutique.



- l’éthologie nous apprend que dans la nature il y a un équilibre entre compétition et coopération, celle-ci étant aussi importante que la 1ére (contrairement au capitalisme qui s’auto-justifie par un darwinisme social, galvaudant les convictions profondes de Darwin).



- le concept de « progrès » n’a pas le sens univoque qu’on lui associe spontanément, il pourrait avantageusement passer par une phase de « régrès », de gré ou de force d’ailleurs ; il semblerait en tout cas que notre conception actuelle du progrès ait une espérance de vie très flageolante et s’oriente vers le crash-test



-l’ère du « capitalocène » entraîne l’illimitation de la production, induisant l’illimitation de la consommation, relancée par la création de besoins artificiels, aboutissant à une illimitation de la pollution. Mention spéciale pour la Chine qui fait le tour de force de coupler le communisme dans la théorie et le capitalisme dans la pratique, l’Etat confisquant la plus-value [mais quels fourbes ces Chinois quand même ;)]



-à quand remonte le grand bazar ? vers 1850, la révolution industrielle, mais on peut placer le curseur 10 000 ans avant : de chasseur-cueilleur, l’homme entamerait une ère élevage-agriculture, ce qui induit stockage, marchandage, concupiscence ; de là naissent argent, défense, guerres. On situerait en effet les 1ers massacres de belle envergure (aaah, enfin un peu de poil aux pattes, quand même) vers cette période, liés aux conflits de possession. A noter au passage que c’est également à cette période charnière que cessent les représentations de Vénus, (qui laisseraient penser à un archaïque équilibre des statuts féminin/masculin ? allez, j’y crois) au profit de représentations d’hommes armés.



-cette vision lointaine les pousse à méditer sur le concept de bien-être : le citoyen qui passe parfois jusqu’à 10 heures par jour entre temps de déplacement et temps de travail a-t il vraiment un sort plus enviable qu’un chasseur-cueilleur (un mode de vie qui nous aurait duré 300 000ans) dont la durée de « temps de travail » est estimée à 3 ou 4 h par jour ? mpfff…



Quels nouveaux chemins emprunter ?



-faire décélérer la machine infernale de l’économie capitaliste qui, plus qu’une science hors sol, est une idéologie, voire une religion



- désoccidentaliser le monde de ce nouveau colonialisme terriblement efficace, qui boulotte toutes les consciences, confisque les histoires des peuples, kidnappent les imaginaires, multiplient les désirs artificiels



-plus qu’un changement de technologie, c’est un changement culturel qu’il nous faut accomplir : recalibrer nos véritables besoins, brodant sur un mode de vie beaucoup plus frugal. Ce sera difficile : 1)parce que nous sommes tous toxico-dépendants à la marchandise (matérielle et virtuelle ) 2) les représentants politiques nationaux sont les marionnettes d’un système mondial à grande force d’inertie



-ralentir le rythme dingo de la croissance démographique, facteur aggravant tous les maux pré-cités en annexant plus encore la surface du globe volée aux autres êtres vivants, tout aussi légitimes que nous



-à quand une éducation réellement fondée sur la transversalité et non sur un cloisonnement des matières, produisant un élève hors sol ? des ateliers où les mains serviraient à quelque chose ? un atelier jardinage débouchant sur botanique, climatologie, cuisine, physique de la cuisson, diététique, géo-histoire des légumes et condiments, etc.



Un dialogue qui m’a beaucoup intéressée, qui brasse des notions sur le grill d’aujourd’hui , convie aussi éventuellement à une remise en cause individuelle : que serions nous prêts à lâcher ? (ah non, pas babelio !), à quel degré d’addiction sommes nous arrivés ? Comment intégrer la décroissance sans faire vriller toute la société ? A méditer, en écoutant le riz pousser .





[Merci à Babelio et aux éditions « Libre et solidaire» pour ce livre, d’une lecture riche et accessible à tous .]

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Petit traité de la décroissance sereine

Cet ouvrage constitue le second volet de "Survivre au développement. de la décolonisation de l'imaginaire économique à la construction d'une société alternative", du même auteur, également paru aux éditions Mille et une nuits. Néanmoins il peut se lire de manière indépendante.



Cet essai de Serge Latouche (professeur d'économie) s'avère fort instructif bien que quelques critiques puissent lui être adresser. Tout d'abord il balaye large, au niveau des champs de savoir qu'il convoque. C'est à la fois une force et une faiblesse. Une force (voire peut-être une nécessité, au regard de son objet) car on conçoit aisément que la thématique de la décroissance soit transversale : ainsi il se situe au carrefour de l'économie politique, la philosophie politique, l'anthropologie, l'écologie, voire la philosophie tout court. Une faiblesse car chacun de ces aspects auraient pu mériter un livre à part entière. Il faut donc l'envisager avant tout comme une introduction aux théories qui nourrissent la réflexion sur la décroissance.

Par ailleurs, je trouve que l'aspect technologique (sur les énergies vertes par exemple, qui ne sont d'ailleurs peut-être pas celles que l'on croit) est un peu trop absent de l'ensemble, cette dimension aurait surement nourri davantage encore la réflexion.



Pour autant, Serge Latouche, dans une logique partisane, avec conviction et honnêteté intellectuelle, avance un certain nombre d'idées fortes :



-une croissance infinie, qui est le moteur de nos sociétés occidentales actuelles, est théoriquement insoutenable, du point de vue de l'empreinte écologique, dans une biosphère finie.



-l'économie capitaliste, comme le communisme orthodoxe, se nourrit d'un imaginaire peuplés de fantasmes, notamment celui du progrès, qui ont colonisé nos cerveaux (d'où l'expression "décoloniser nos imaginaires")



-le concept de développement durable est une vaste fumisterie, inventée par ceux-là même qui nous vendent des tonnes d'objet inutiles et qui espèrent perpétuer leur méfait en l'habillant d'un vernis écolo.



-l'industrie de la publicité est leur bras armé pour nous faire avaler leurs salades.



-l'aide au développement des pays du tiers monde est une forme perverse de néo colonialisme. Et par ailleurs (petite aparté en relation avec l'actualité) la dette écologique que nous leur devons (ressources pillées et pollution exportée) justifie à elle seule l'accueil des "migrants économiques".



-la pub, l'emballage, le transport, la distribution du yaourt ne lui confère pas, dans l'absolu, une valeur supplémentaire mais ces activités créent une pollution bien réelle.



-il en résulte que nous travaillons trop, qu'il n'y a pas besoin de tous ces travailleurs pour satisfaire les besoins primaires (or consommations intermédiaires inutiles) et que le partage du temps de travail s'impose de lui-même. Serge Latouche ne propose rien de moins que 20h par semaine. A ce propos, je regardais hier l'émission "C dans l'air" qui parlait des programmes des candidats à la primaire de gauche, vous savez cette émission où l'on retrouve toujours les mêmes "experts" et autres commentateurs patentés. Et ceux-ci de dénoncer avec force les propositions de Benoit Hammon (qui propose "juste" 32h par semaine) et de s'écrier mais le travail ce n'est pas que de l'argent c'est aussi la "dignité"...D'où ma question : peut-on être digne autrement que par le travail ?



Quant aux solutions qu'ils proposent (résumées par les huit R), on peut toujours en discuter. Il est vrai que leur radicalité peut heurter de prime abord (par exemple, pour la France seule, il préconise une réduction des deux tiers de notre consommation). Mais il est également vrai que nous sommes abreuvés de tellement de mensonges et de cynisme depuis si longtemps...



Serge Latouche n'est pas naïf, il sait bien que ce qu'il propose il ne le verra pas de son vivant. Néanmoins s'il qualifie la décroissance "d'utopie concrète" c'est bien pour signifier qu'elle s'autorise à réfléchir sur les conditions de son avènement. Une révolution ? Certainement, dans le sens de sa radicalité, mais une révolution à envisager sous l'angle de l'éthique de la responsabilité et non de l'éthique de la conviction.







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Bon pour la casse

Si votre lave-linge vous lâche subitement, sans signes avant coureurs, alors qu'il vous paraissait encore neuf, si les aiguilles de votre montre refusent définitivement d'avancer après trois ans d'usage, si on vous annonce qu'il est difficile et très coûteux de réparer le lève-vitre électrique de votre voiture, etc. c'est NORMAL ! voulu, même. Ceci est le fruit de l'obsolescence programmée, destinée à faire consommer plus, dans nos pays où la croissance économique est présentée comme incontournable.



Trois types d'obsolescence :

- l'usure rapide de l'objet lui-même, programmée par les concepteurs à la demande des industriels

- sa désuétude due à l'apparition de nouveaux produits plus performants (essayez internet avec un coucou de plus de 5 ans d'ancienneté, à supposer que la bécane fonctionne encore...), ou plus "à la mode" (registre vestimentaire, entre autres)

- les besoins soudains de nouveaux biens - besoins créés par la publicité et encouragés par le mimétisme social. Rappelons à ce titre que la pub "constitue le 2e budget mondial après l'armement (...) 15 milliards d'euros en France en 2003" (p. 25). Le crédit à la consommation lui emboîte le pas, entretenant l'idée fallacieuse que tout le monde peut tout (ou presque) s'offrir tout de suite...



Après une cinquantaine de pages où l'auteur expose ces idées via des théories économiques, il creuse la question à grand renfort d'arguments historiques, sociologiques, politiques, mais aussi d'anecdotes. Et cela devient aussi passionnant que perturbant. Cette logique consumériste s'est développée dès la fin du XIXe siècle avec l'émergence de la société industrielle, et le problème de l'obsolescence programmée a été abondamment analysé par des économistes du XXe siècle. Le phénomène n'est donc pas nouveau, mais son ampleur n'a cessé de s'étendre, favorisée par la pression croissante des gros industriels et des grands groupes, et par la production à moindre coût (économies d'échelle, délocalisations).



Cela pose bien évidemment le problème de la pollution et de l'épuisement des ressources naturelles, entre autres. Ces réflexions sont l'occasion de constater à nouveau le double discours de nos dirigeants (en harmonie avec les intérêts des industriels et de la grande distribution) qui nous font hypocritement trier les déchets, réduire notre consommation d'énergie tout en incitant à renouveler fréquemment voitures (prime à la casse), TV, téléphones portables, etc.



PS : Serge Latouche est Professeur d’économie à l’Université d’Orsay , "objecteur de croissance" (pour en savoir plus : http://www.entropia-la-revue.org/spip.php?breve91 )
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Bon pour la casse

Comment vendre toujours plus à des individus qui ont déjà beaucoup de choses dont ils ne se servent pas souvent ? Question angoissante pour beaucoup d'entreprises qui ne veulent pas disparaître, et dont l'obsolescence est souvent la réponse : en proposant un objet de meilleure qualité, en ringardisant l'objet précédent pour vanter le nouveau à grand renfort de publicité, ou en faisant en sorte que les objets aient une durée de vie plus limitée, obligeant le consommateur a en acheter plus régulièrement.



Le titre de l'essai laissait penser que l'auteur allait traiter uniquement de la dernière catégorie, mais il s'attaque pêle-mêle aux objets de mauvaise qualité, à la publicité et au lavage de cerveau, au lobbyisme, au snobisme du consommateur, … Malgré ce côté un peu fourre-tout et le ton teinté de catastrophisme, l'historique de l'évolution de ces pratiques pendant le dernier siècle ne manque pas d'intérêt.



Par contre, on attendra en vain une démonstration convaincante, même les thèmes les plus souvent utilisés (quantité finie des ressources contre croissance illimitée, pollution, gaspillage, …) ne sont que brièvement évoqués, toute l' « argumentation » du livre repose sur une impression d'accélération et d'emballement des processus, et d'une collision imminente avec la réalité. Certains exemples sont aussi de mauvaise foi : si l'anecdote de l'ampoule centenaire est exacte, on oublie de préciser qu'elle ne produit quasiment plus de lumière, ce qui rend son utilité assez contestable. Cerise sur le gâteau, l'auteur nous avoue l'air de rien avoir décidé de changer de voiture après une panne des vitres électriques, et prend cet exemple comme illustration de la perversion du système. Un peu gonflé quand même.



En bref, un livre qui fait trop dans le sensationnel pour être vraiment convaincant.
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Bon pour la casse

Dans cet essai, touchant à la fois les domaines de l' économie, de la sociologie, de la philososophie, de l' écologie....., l' auteur aborde en détails un des travers majeurs de notre société. En plus de l' obsolescence technique naturelle de de tous nos biens de consommation, deux dérives inquiétantes, en lien avec la sacro-sainte idée de croissance à tout prix , sont pointées du doigt par Serge Latouche. D' abord, l' obsolescence programmée, c'est-à-dire, l' introduction d'une défaillance technique calculée, visant à nous faire renouveler de force nos biens de consommation ; en second, l' obsolescence symbolique faisant appel aux effets de mode engendrés par la publicité. Les conséquences de ce consumérisme forcené seront l' accumulation de déchets d' une part et l' épuisement des ressources naturelles de notre planète d' autre part.Restons optimistes, la résistance s' organise avec les objecteurs de croissance.Ainsi, par rapport à une liseuse , ce livre ne tombera jamais en panne et résistera à une chute malencontreuse!
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L'occidentalisation du monde

L'auteur nous livre une passionnante démonstration de ce qu'est l'occidentalisation du reste du monde, des dégâts opérés au fil des siècles par la colonisation mais aussi des limites de cette occidentalisation, d'un projet qui passe par une industrialisation massive qui ne peut s'exporter tel quel dans les pays du tiers monde.

La première partie m'a particulièrement intéressée. Serge Latouche propose une mise en perspective historique pour montrer comment les européens se sont employés à dominer le monde, en s'appuyant sur l'argument religieux et une mission civilisatrice (de Charlemagne, en passant par les Croisades), en imposant une économie libérale, en organisant les structures administratives des pays colonisés. En 1880, l'Europe contrôlait 55% du globe et utilisait 35% de sa superficie... La colonisation a profondément bouleversé tous les systèmes économiques traditionnels ; l'Europe a créé un marché mondial, a instauré l'ère des monocultures. En obligeant tous les pays à participer à l'économie mondiale, l'Europe - pour l'auteur - a détruit le sens de leur système social : "Dès lors, l'économique devient un champ autonome de la vie sociale et une finalité en soi.".

Latouche évoque également l'invasion "culturelle" qui se manifeste à travers la mainmise des agences de presse ( USA, GB et France) qui diffusent l'essentiel des informations mondiales - l'Afrique, par exemple, ne produisant que très peu de programmes - "Ce processus aboutit à la dépossession de soi-même. Le groupe envahi ne peut plus se saisir de lui-même autrement que par les catégories de l'autre."

Un livre engagé, éclairé et éclairant qui se lit comme un roman.
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Petit traité de la décroissance sereine

Serge latouche est un économiste qui a déjà écrit plusieurs ouvrages sur la décroissance. Ce livre est un résumé qui répond aux questions qui lui sont régulièrement posées sur ce sujet qui fait polémique car souvent incompris ou mal interprèté.

La décroissance a pour idée principale d'abandonner l'objectif de la croissance illimitée, dont le moteur n'est autre que la recherche du profit par ceux qui détiennent le capital. Mais la décroissance n'est absolument pas la croissance négative. La décroissance est envisagée dans une ''société de décroissance", c'est à dire dans le cadre d'un système répondant à une autre logique.

Il donne un exemple de ce qui peut choquer les esprits aujourd'hui: des crevettes danoises vont se faire décortiquer au Maroc, pour revenir au Danemark, pour en repartir vers le lieu de commercialisation. Est-ce logique? Ou bien les langoustines écossaises s'expatrient en Thaïlande pour se faire décortiquer à la main dans une usine Findus, puis reviennent en Ecosse pour y être cuites et vendues.

L'auteur élabore une règle en R: Réévaluer, c'est à dire redonner aux choses leur vraie valeur, Reconceptualiser: ce changement de valeur entraine un nouveau regard sur le monde, comme la redéfinission des concepts de rrichesse et de pauvreté dans le monde; Restructurer, donc adapter l'appareil de production et les rapports sociaux en fonction du changement de valeur, Redistribution des richesses, entre le Nord et le Sud et Relocalisation pour produire localement, Réduire l'impact écologique

La recette de la décroissance s'applique à faire mieux avec moins, mais pas dans le sens de la rationalisation économique. Il est aussi possible d'oser la décroissance dans l'hémisphère sud, en enclenchant un principe vertueux, c'est à dire, en renouant avec des produits et des valeurs oubliés ou abandonnés liés au passé de ces pays.

Ces idées font actuellement débat, bien qu'elles ne soient pas si récentes que cela, l'auteur en retrace l'historique. J'ai retrouvé ce petit ouvrage instructif, il éclaire les idées dans un contexte économique difficile, et surtout il permet de faire le point sur tout ce qu'on entend à ce sujet, que l'on adhère ou non à ces idées.
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Le pari de la décroissance

Intéressant, mais ne m'a rien appris que je n'ai déjà lu dans le journal Silence auquel l'auteur fait d'ailleurs fréquemment référence.
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Bon pour la casse

Bon pour la casse : les déraisons de l’obsolescence programmée est un livre d’actualité mené par Serge Latouche, célèbre économiste partisan de la décroissance. Pour la petite histoire, ce livre n’était pas prévu mais a été écrit suite à un refus de traduction de l’essai Made to Break de Giles Slade. Malgré le titre de l’ouvrage, il ne faut pas croire que le sujet est limité à l’obsolescence programmée mais plutôt à l’obsolescence en général, à savoir psychologique (publicité), technique (progrès) et programmée. Terme à la mode, je me suis jeté sur ce livre très court pour en apprendre plus sur ce phénomène.



Pour commencer, si vous avez eu l’occasion de regarder le reportage « Prêt à jeter » notamment diffusé sur Arte et disponible sur youtube (http://www.youtube.com/watch?v=J-XGn32vYQU), passez sur ce livre qui ne vous apportera rien de plus. Ce n’est ni plus ni moins qu’une retranscription de ce film. L’ayant déjà regardé à l’époque, je vous laisse deviner ma déception...



Ce détail excepté, ce livre n’a pour but que de faire prendre conscience une nouvelle fois que nous nous faisons manipuler à longueur de journée. Ici pas de solutions, juste des constats, de l’information, de l’histoire de l’obsolescence et une ouverture sur l’impact de cette folie sur notre planète.



Ce livre a le mérite d’être très clair et très bien organisé comme suit :

1. Le mot et la chose

2. Origine et domaine de l’obsolescence programmée

3. L’obsolescence programmée est-elle morale ?

4. Les limites de l’obsolescence programmée



Ainsi bon et mauvais côté de l’obsolescence se côtoie, allant même jusqu’à aller discuter d’une obsolescence éventuelle de l’Humanité. Un livre bien pensé mais qui, malheureusement, ne fera pas avancer la chose comme bien souvent dans ce domaine.



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BILAN

Les plus : Informations, aspect historique, organisation et plan bien pensé

Les moins : Aucun intérêt si on a vu le film, ne fait pas avancer la chose

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Le pari de la décroissance

Sans doute un des livres les plus aboutis sur l'Enjeu (avec un grand E) de la décroissance, mais comme le titre l'indique, la décroissance se définit par rapport à la croissance et c'est tout le problème, on a tellement intégré le capitalisme dans notre inconscient collectif qu'on a du mal à envisager autre chose !

La force du livre est de démontrer ce qu'on gagnerait en prenant une tangente au diktat de la croissance, l'analyse est pertinente sur les conséquences négatives et sur les effets positifs d'une décroissance maîtrisée.

Mais il reste à inventer un système alternatif qui pourrait remplacer ou transformer le capitalisme et là je suis resté sur ma faim ; le communisme s'étant perdu dans des bureaucratie et des dictatures, est donc hors jeu.

En y réfléchissant, l'avenir n'est sans doute pas à la mise en place d'un nouveau système, mais à la prise d'initiative, voire de pouvoir sur le terrain de tout un chacun, dans les interstice laissés par le capitalisme.
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Petit traité de la décroissance sereine

A lire de toute urgence dans un monde où la décroissance ne dit pas son nom mais qui pourtant est belle et vient en route..
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Le pari de la décroissance

Après la lecture de Petit traité de la décroissance sereine, je me réservais l'étude de cet ouvrage plus construit et plus approfondi pour répondre à la question de savoir si la théorie de la décroissance constituait un véritable paradigme antagoniste du capitalisme et du communisme. La question me semble à présent moins importante ; pourtant la force de la théorie réside, à mon sens, justement dans son interdisciplinarité. En effet une lamentation écologiste pure, tout autant qu'une récente réaction à la crise économico-financière actuelle ne seraient que conséquences éphémères et modes passagères. Au contraire, nous sommes ici en présence du fruit de quelques quatre décennies de réflexions (entamées donc en période non suspecte), avec toute l'épaisseur qui en découle, en termes de philosophie politique avant et en sus de telle ou telle "recette" pour conjurer la catastrophe écolo-éconolico-démographique.

L'étude s'articule en deux parties répondant respectivement aux questions "pourquoi la décroissance?" et "comment?". La première assied le concept de décroissance à la fois par rapport à l'idéologie de la croissance (l'auteur parle tantôt de "culte", tantôt de "drogue") et à l'imposture du développement soutenable. La deuxième partie se fonde autour de la schématisation des "8 R" : réévaluer, reconceptualiser, restructurer, redistribuer, relocaliser, réduire, réutiliser, recycler, où se mêlent toujours les côtés économique, écologique sur un fond qui n'occulte en aucun cas le politique.

Avant tout jugement sur la possibilité de réalisation des "utopies concrètes" présentées, il faut garder à l'esprit le rôle que l'auteur accorde à la "décolonisation de l'imaginaire", à savoir à notre capacité de nous immuniser de l'inoculation permanente (sociétale plus encore qu'économique, mais non exempte de manipulations de toutes sortes) du virus de la croissance - venant autant du capitalisme que des gauches - virus qui semble bien être une appendice (la dernière ?) du mythe du progrès, foncièrement ethnocentriste, qui a la vie si dure...!
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Reinventons l'humanité

Il y a des mots, des notions, des valeurs qui nous sont, si souvent, trop longtemps assénés, martelés...

Nous en avons été nourris, gavés.

Nous ne nous posons plus la question de savoir si cela est correct, si cela est cohérent. Paresse de nos esprits.

Il nous faut des hommes comme Albert Jacquard !

Il va falloir préserver ces esprits là.

Ces esprits qui grâce à leur intelligence, leur sagesse, leur humanisme s'arrêtent , posent les problèmes, doutent, s'interrogent, réfléchissent, et délivrent des pistes, des itinéraires. Et puis il faudrait sauvegarder les journalistes comme Hélène Amblard. En prendre soin, pour qu'ils puissent poser des questions, de vrais questions à des interlocuteurs légitimes et pertinents.



« Quand l'absurdité de la finance balaie en quelques décennies l'utopie dessinée en plus de deux cents ans d'histoire, il nous appartient de réagir ».



« Au delà des apparences, l'espèce humaine a voulu comprendre le déroulement des évènements. Pour cela elle a imaginé des concepts, et ces concepts continuent de lui donner un regard toujours nouveau sur la réalité ».



Il faut apprendre à se frotter le yeux pour mieux voir la réalité.

« Je suis une multitude ».



Alors voilà,.... : la croissance !. Car tel est le problème

Ce chancre , ce bubon du capitalisme.

Peste soit de cette maladie !

Une auto, deux autos, trois autos, une télé, deux télés, cinq télés, un aéroport, deux aéroports, ...un véritable marais potager sur les terres de la finance.



Il faut produire, re-produire et puis se reproduire, vite encore plus pour avaler tout ça. Et.. recracher tout ça.

La croissance ce raisonnement géométrique, cette folie qui a juste oublié le fil de son arithmétique.



La croissance n'est pas infinie. La croissance n'est pas salvatrice. Elle nous détruira - elle ne nous sauvera pas.



Jacquard est objecteur de croissance.

Il faut réinventer autre chose.



Nous y sommes contraints. Nous devons nous y obliger. La solution naîtra de notre volonté.

Alors il pose les cartes sur la table.



Le problème de la croissance est une idée d'homme.

Alors commençons par regarder cette humanité.

Elle a grandit, le peuple des terriens a envahi son espace.

Nous ne pouvons plus nous regarder, nous considérer de la même façon aujourd'hui.

Jacquard est généticien, un scientifique pas un technicien.

Et les sciences qu'il a pu apprendre, qu'il maîtrise lui permettent de bien nous connaître, nous les petits humains.

Il nous connaît dans notre chair, dans nos fibres.

Il sait de quoi nous sommes faits. Il sait depuis longtemps ce dont nous sommes capables. Du pire mais aussi du meilleur. Il connaît nos limites, et le potentiel de nos possibilités, et celles de notre espace : La Terre.



"Nous ne sommes en rien des objets soumis à quelque destin, mais des passagers conscients et mortels, agissant sur cette planète. Nous sommes des dépositaires et passeurs d'expériences, de savoirs, échangeant en projections leurs questionnements, leurs ambitions, leurs idées, rêves et idéaux, leurs luttes et combats pour avancer en résonances, par nos unicités partagées."



Alors aujourd'hui c'est en frères que nous devons apprendre à tous nous connaître et avant tout nous reconnaître. 

« Nous avons à réaliser l'unité de l'humanité ».

Ce sera long, sans doute difficile. Mais nous sommes génétiquement tous rattachés les uns aux autres.

Nous avons une humanité commune.

Il évoque la notion de procession, de propriété. Cette idée juvénile , « apparue entre 5 000 et 3 000 ans avant J-C. Le feu remonte remonte à peu près à – 500 000 ans...L'argent n'apparaît que 4 000 ans avant notre ère, à Babylone. Quelques siècles, dans l'histoire humaine, c'est un instant »...



Mais à qui appartient la Terre ? Qui a le droit de revendiquer la possession de ses ressources pour le bien que quelques uns aux détriments des autres.

« Nous sommes propriétaires des galaxies ou de l'éternité, simplement pour les avoir découvertes ».. ;

«  La nature fabrique des planètes, pas de conscience d'être. La question d'appartenance à une planète ou d'une planète a telle espèce et pire encore, à tel individu de cette espèce, n'est pas naturelle ».



La propriété est une idée d'homme, la possession est une idée d'homme.



Concernant notre territoire, la France, en évoquant la domestication de Rhône, il nous met sous les yeux ce que les mots profit, finance, croissance arrachent à notre habitat commun. Car tout ce bien, nous est commun. Oui nous avons des besoins. Bien sûr, mais pas forcément ceux après lesquels nous courront, pas ceux pour lesquels nous sacrifions presque tout, y compris nous mêmes et les chances des générations futures.

L'équilibre des échanges reposent sur « je te dois-tu me dois ». Et si tu me dois alors je te prends tout, et à ce titre j'ai des droits sur toi : ta terre, tes ressources, ton peuple, ta liberté...Plus tu me dois plus mes droits augmentent. Alors mon intérêt ? Que tu me doives encore plus...C'est là que réside l'intérêt de la dette. Il revient à celui qui prête.



«  La propriété n'est pas la loi absolue. Dès lors qu'elle compromet l'intérêt commun, elle doit être mise en cause. ».

Utopie ? Rêve ? On a vu parfois des rêves devenir des amorces de réalité.

I have a dream...



Ne nous contentons pas du désastre annoncé.



« Ce que nous vivons, nous ne devrions pas l'appeler crise. L'économie n'est pas naturelle, mais culturelle. Ce qui est culturel est propre à l'homme ».



Alors il faut changer nos mots, changer notre façon de voir les choses. « Nous vivons une mutation ». Qui dit mutation dit transformation. Il faudra bien arriver à concevoir une gouvernance mondiale.



Greffez les mots égalité et liberté sur le cuir du capitalisme  et votre obtiendrez une bête féroce avec neuf milliards de têtes.



Le problème ce n'est pas les mots, le problème c'est le cuir...

Et c'est également notre vision actuelle de l'humain.

Il faudra bien arriver à reconnaître l'humanité de tous. C'est la base du changement. Et le changement devra s'attaquer à l'origine.



«  Nous ne sommes l'enfant de personne , là est l'important. Ou de tout le monde ; passé, présent à venir. Au passage, nous supprimons toute référence aux races et à toutes les questions liées à des prédestinations innées.

Du point de vue biologique, nous sommes non seulement chacun unique, mais tous, nous sommes une partie de l'autre. Nous sommes donc effectivement fraternels. »



« On ne peut définir l'humain que par la collectivité humaine et non par l'individu. Il nous faut en tirer les conséquences dans la façon dont nous vivons et ce n'est possible que si la liberté et l'égalité existent. »



« Ramener l'enfant, dès que la procréation a eu lieu, à un père et à une mère est vrai pour tout ce qui reste du domaine chimique, mais dérisoire vis-à vis de ce que m'apporte le contact avec l'humanité. Là est l'essentiel.

Je suis le père biologique de mes enfants.

Mais je ne le suis pas de l'aventure qu'ils vont vivre et développer. »



« Être paternel, c'est être fraternel. C'est éduquer.

Je suis le frère éducateur de mes enfants.

Au sens de conduire « hors de soi », pour qu'ils s'émancipent ; deviennent eux-mêmes des êtres autonomes, capables de vivre leur propre aventure en la choisissant librement, consciemment, le plus possible.

Toute la difficulté de cette éducation est qu'il faut être directif sans être privatif ni oppressif. »

Si nous disons « désaproprions la Terre, il nous faut aussi dire désapproprions l'enfant. »

« On a utilisé nos idées reçues sur la procréation pour développer une vision capitaliste du bébé. «  Cet enfant est à moi » dit la mère, « Non il est à moi » dit le père. « Il est mon esclave » dit le planteur. » « Il est au parti » dit Staline. « Il est mon outil » dit le capitalisme. « Il est mon soldat » dit le militaire...

L'objet le plus capitalisé qui soit est la recrue.



Désapproprions la Terre commence par «  Désapproprions l'homme ».



Ainsi nous réinventerons l'humanité.



Et que cesse la démesure, l'excroissance.

Croissance de 1, de 2, de 3 % etc....

« La durée nécessaire au doublement d'un grandeur, nous rappelle Albert Jacquard, est 70 ans pour un accroissement annuel de 1 %, 35 ans pour 2 %, 23 ans pour 3 %, 17 ans pour 4 %.. » Et ? …

Donc plus d'exploitation, plus de bouches pour avaler tout ça, pour produire tout ça, pour rejeter tout ça.

Pour ?

Plus de bien-être, moins de chômage, moins de misère, moins de précarité, moins de conflit, plus de paix, moins de famine ?..

La croissance ne cesse pas et ça ne marche toujours pas.

C'est ce que Jacquard nomme la sottise d'un comportement collectif.

" L'entêtement sans l'intelligence, c'est la sottise soudée au bout de la bêtise et lui servant de rallonge. Cela va loin.En général, quand une catastrophe privée ou publique s'est écroulée sur nous, si nous examinons, d'après les décombres qui gisent à terre, de quelle façon elle s'est échafaudée, nous trouvons presque toujours qu'elle a été aveuglement construite par un homme médiocre et obstiné qui avait foi en lui et qui s'admirait. Il y a par le monde beaucoup de ces petites fatalités têtues qui se croient des providences." écrivait Victor Hugo .

Alors ne soyons pas enclins à la médiocrité, à l'obstination, douter est un acte d'intelligence, l'assurance peut parfois se révéler acte criminel.



Ce qu'un enfant en classe primaire est capable de schématiser, une certaine « élite » que nous autorisons à nous gouverner ne se le représente pas.

« Plus » reste le mot d'ordre. Pas le mot «  Mieux » mais le mot « plus »...Quant au mot "bien"....



C'est une question d'ambition fraternelle, un projet humanitaire, une idée qui ne peut venir que de notre commune volonté.

Un grand rêve d'humanité pour une petite communauté de terriens.



Astrid Shriqui Garain
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Vers une société d'abondance frugale

Gandhi a dit : ‘’Vivre plus simplement pour que tous puissent simplement vivre’’. Cette Citation résume le feuille de route des ‘’objecteurs de croissance’’.



La décroissance est une notion souvent critiquée, essentiellement parce qu’elle est mal comprise et assimilée, à cause de son préfixe négatif, à la croissance négative ou à la croissance zéro. Il n’en est rien, et Serge Latouche est le fervent défenseur de cette idée qu’il devient urgent de mettre en œuvre dans les pays occidentaux, afin de donner l’exemple aux pays en développement.



Ce petit livre analyse donc le ‘’contresens et les controverses sur la décroissance’’ (c’est le sous-titre d’une livre) pour remettre les pendules à l’heure sur le sujet.



Croissance négative, techno phobie, incompatibilité avec la démocratie, appel à la dictature, aux communautarismes, volonté d’éliminer le trop plein de population…

Que d’idées erronées, montrant l’incompréhension du concept de décroissance.



La décroissance est en fait la volonté de rupture avec la société de croissance à tout prix, avec le consumérisme excessif qui caractérise la société occidentale aujourd’hui. Il s’git de donner aux hommes un nouveau projet de société.

Cette notion s’est développée en réponse à la faillite de la quête du bonheur promit par une société de croissance.

Comment sortir du cercle infernal de la création illimitée de besoins et de produits, et de la frustration que cela engendre ?

Les partisans de la décroissance vont donc chercher à lutter contre la croissance à tout prix, celle-ci se faisant au détriment de la nature et de l’avenir de l’environnement mondial, qui est limité. Les ressources de la planète ne sont pas extensibles, nous n’avons pas plusieurs planète à notre disposition !



Mais ATTENTION : la décroissance n’est pas un retour à l’âge de pierre, le progrès est là, accepter, et les sciences doivent être utilisée pour le bien de tous, et non dans un but lucratif. Il doit servir le ‘’mieux-vivre’’ des hommes au lieu de renforcer le capitalisme : encourager la chimie verte au lieu des molécules toxiques, accroitre l’éco-conception des produits, leur durée de vie…



En conclusion, la décroissance est une critique radicale du libéralisme et de la société de consommation.

Il y a un espoir, dans certains pays d’Amérique du Sud, Equateur et Bolivie, l’avenir de cette notion semble avoir des bases solides. Ces deux pays placent la nature comme un droit à respecter, qu’on ne peut pas aliéner, et inscrivent dans leur constitution non pas le PIB par habitant mais la recherche du ‘’bien-vivre’’

Tout n’est pas perdu !



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Cornélius Castoriadis et l'autonomie radicale

Bonjour à tous,



Serge Latouche est professeur émérite d'économie et l'un des théoriciens français de la décroissance. Il fait partie des auteurs qui, depuis plus de vingt ans, accompagnent ma pensée et ma réflexion.

Cornelius Castoriadis, décédé en 1997, était un philosophe, écrivain, économiste, militant politique et révolutionnaire : une pensée foisonnante, dense aux sources de laquelle les objecteurs de croissance ont puisé pour élaborer le concept de décroissance.

Tout au long d'un petit livre clair et concis, truffé de citations de Castoriadis, Serge Latouche dresse des ponts entre les deux pensées, éclaire le projet décroissant à la lumière castoriadienne, précise les notions d'autonomie, de démocratie directe ou encore "d'imaginaire social". Car, nous dit Castoriadis, notre société est une 'institution imaginaire" construite par d'autres. le capitalisme à "coloniser notre imaginaire", nous rendant incapable de penser un autre monde, de donner un sens autre que consumériste à l'existence humaine. Castoriadis et Latouche nous invitent à déconstruire l'idéologie dominante pour inventer une démocratie radicale fondée sur l'écologie.

"L'écologie est subversive, nous dit Cornélius Castoriadis, car elle met en question l'imaginaire capitaliste qui domine la planète. Elle en récuse le motif central, selon lequel notre destin est d'augmenter sans cesse la production et la consommation. Elle montre l'impact catastrophique de la logique capitaliste sur l'environnement naturel et sur la vie des êtres humains." (Une société à la dérive, Seuil, 2005).

Dans un monde au bord du basculement, il est temps de "changer le monde avant que le changement du monde nous y condamne dans la douleur."
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Décoloniser l'imaginaire : La Pensée créative con..

On pourrait ainsi résumer la problématique de ce livre, par l'incipit de son dernier chapitre :

« Que faire face à la mondialisation, à la marchandisation totale du monde et au triomphe planétaire du marché ?

Le hiatus entre l'ampleur du problème à résoudre et la modestie des remèdes envisageables à court terme tient surtout à la prégnance des croyances qui font "tenir" le système sur ses assises imaginaires. » (p. 165)



Ou bien pourrait-on commencer par rappeler le subtil et très pernicieux bouleversement épistémologique opéré (sur deux versants opposés) par David Ricardo et Karl Marx de transformer la « philosophie morale et politique » en « science économique » [Ma propre conclusion].



D'où qu'on l'aborde, et contrairement à de nombreux ouvrages qui critiquent l'économie mondialisée sous le prisme écologique, ou qui essaient, depuis la Conférence de Rio (juin 1992), de la corriger par la « monstruosité verbale [de l'] antinomie mystificatrice » nommée « développement durable » (p. 31 et passim), cet essai signé par l'un des penseurs les plus représentatifs de la théorie de la décroissance s'occupe très peu des alarmes environnementales et presque aussi peu des alternatives décroissantes. Sa critique est à la fois plus radicale et plus théorétique : il s'agit de démystifier les postulats de la « science économique », dont, en premier lieu, le « développement réellement existant » :

« On peut définir le développement réellement existant comme une entreprise visant à transformer les rapports des hommes entre eux et avec la nature en marchandises. […]

Entreprise agressive envers la nature comme envers les peuples, elle est bien comme la colonisation qui la précède et la mondialisation qui la poursuit, une œuvre à la fois économique et militaire de domination et de conquête. C'est le développement réellement existant, celui qui domine la planète depuis trois siècles, qui engendre la plupart des problèmes sociaux et environnementaux actuels : exclusion, surpopulation, pauvreté, pollutions diverses, etc. » (p. 28)



Nous apercevons en filigrane et en complément de cette définition : le présupposé hérité des Lumières de la domination de la nature par l'homme ; ensuite le postulat de la rationalité de celui-ci dans la poursuite de ses intérêts individuels (cf. Adam Smith), corrélée avec la suppression du jugement éthique de cette action (par sa « main invisible ») ; enfin par un universalisme colonialiste et ethnocentriste qualifiant d'arriération, de sous-développement et associant avec la mythologie de la misère tout autre paradigme qui envisage les rapports socio-économiques autrement que selon la marchandisation du monde, totale et absolue, qui caractérise notre doctrine économique occidentale des trois derniers siècles. Ce sont là, à l'évidence, des postulats arbitraires dont la violence de leur application surpasse et précède les ravages sociaux et environnementaux dont nous prenons conscience progressivement et seulement depuis peu.



Le point d'orgue de ces siècles de « raison déraisonnable » est son dernier avatar, la « mégamachine mondialisée contemporaine », celle qui, sous la domination de l'économie financiarisée, réduit les États à des « machines oppressives […] tout[e]s-puissant[e]s contres leurs administrés […] mais totalement soumis[es] aux ordres » des instances du commerce et de la finance internationaux, celle qui remplace la culture politique et « l'aspiration culturelle refoulée » par l'explosion identitaire et la montée des intégrismes religieux (pp. 98-99) :

« Sous le signe de la "main invisible", techniques sociales et politiques (de la persuasion clandestine de la publicité au viol des foules de la propagande, grâce aux autoroutes de l'information et aux satellites des télécommunications...), techniques économiques et productives (du toyotisme à la robotique, des biotechnologies à l'informatique) s'échangent, fusionnent, se complètent, s'articulent en un vaste réseau mondial mis en œuvre par des firmes transnationales géantes (groupes multimédias, trusts agroalimentaires, conglomérats industrialo-financiers de tous secteurs) mettant à leur service États, partis, sectes, syndicats, ONG, etc. L'empire et l'emprise de la rationalité techno-scientifique et économique donnent à la mégamachine contemporaine une ampleur inédite et inusitée dans l'histoire des hommes. Surtout, à la différence des précédentes, cette mégamachine globale n'a d'autre finalité qu'elle-même. » (p. 56) Le développement pour le développement, la croissance pour elle-même.



Plus en détail :

« Préface à la réédition [...] » : précision sur la parenté disciplinaire entre critiques anti- et post-coloniales et critique du développement/sous-développement, avec un « Aggiornamento » suite à la crise financière de 2007-2008, lequel évoque aussi l'expérience foisonnante en Europe des « villes en transition ».

« En guise d'introduction : Manifeste du Réseau pour l'Après-Développement » : contient la définition de développement, quelques préconisations de la décroissance (dont les célèbres 8 R), ainsi que l'évocation de certaines initiatives d'auto-organisation locale (SEL : « Systèmes d'échanges locaux).

Chap. 1 : « La tyrannie de la rationalité » : aperçu historique de la rationalité économique.

Chap. 2 : « La banalité du mal et l'économie » : de la naissance de la domination économique aux quatre phénomènes de la mondialisation : développement des firmes transnationales, affaiblissement des contrôles étatiques à l'Ouest, écroulement des économies socialistes, prédominance de la finance sur l'économie.

Chap. 3 : « L'hydre du développement » : mise en œuvre de la « religion du développement » en parallèle avec l'entreprise coloniale, et ses séquelles : industrialisation, urbanisation, « nationalitarisme » des États du tiers-monde ; notes sur des expériences non-occidentales de démocratie et de « développement durable ».

Chap. 4 : « La Machine infernale » : impérialisme économique, pillage mondial des ressources, la « Mégamachine » et ses conséquences sur la citoyenneté et sur l'éthique.

Chap. 5 : « La mondialisation et l'impérialisme de l'économie » : « globalisation ou omnimarchandisation du monde », origines du néolibéralisme, « déterritorialisation de l'économie », leurs conséquences culturelles, sociales, politiques.

Chap. 6 : « L'autre Afrique et la culture du don » : l'Afrique « officielle » vs. son modèle alternatif au développement, caractéristiques principales des sociétés africaines y compris dans leurs aspects économiques : argent, prix, don ; du don en Occident et des expériences de SEL, du commerce équitable et solidaire et d'autres alternatives communes ou partageables.

Chap. 7 : « Faire sortir le marteau économique de la tête », répond à la question des possibilités concrètes de « décoloniser notre imaginaire », par 12 propositions économiques pour l'Occident : 1. l'impôt sur les transactions financières ; 2. la renégociation de la dette publique ; 3. la régulation du fonctionnement des fonds de pensions ; 4. l'imposition de « codes de bonne conduite » aux firmes transnationales ; 5. l'établissement de barrières européennes pour la protection sociale et environnementale ; 6. l'adoption d'un « principe de subsidiarité du travail et de la production » ; 7. la taxation d'une fraction du différentiel des salaires et des charges sociales des activités délocalisées à reverser à un fonds international de sécurité sociale ; 8. l'octroi de statuts particuliers aux « marchandises » constituées par le corps humain, la terre et les bien environnementaux ; 9. la soustraction à la concurrence du prix du travail ; 10. l'instauration d'un véritable revenu de citoyenneté ; 11. celle d'un revenu maximum ; 12. la subordination de l'intégration des progrès techniques à la condition de ne porter atteinte ni à l'environnement ni à l'emploi.

Les préconisations pour les pays du Sud, quant à elles, reprennent les contenus de la déclaration de l'International Network for Cultural Alternatives to Development (INCAD) faite par un groupe de chercheurs et de représentants associatifs à Orford (Québec) le 4 mai 1992.

« En guise de conclusion : Il faut jeter le bébé plutôt que l'eau du bain » : tentative de réponse aux objections de ceux qui s'opposent à la décroissance au nom de son caractère utopique et irresponsable.
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Petit traité de la décroissance sereine

Lu à sa sortie, presque en même temps que "Effondrement" de Jared Diamond. Tout petit livre à prix des plus modiques qui m'a redonné foi en l'avenir. Convaincue, j'ai inondé mes amis de ce petit bouquin. Certes un peu technique, mais nous avons besoin de ces solutions.
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Petit traité de la décroissance sereine

Située à la jonction de l'écologie et de l'économie, la théorie de la décroissance s'avère s'être développée en rhizome comme philosophie politique militante ("utopie concrète"), avec une bibliographie abondante et variée (à ma surprise notamment en italien), depuis les années 1970 (et dans la continuité avec les conclusions du Club de Rome). Ses conséquences et ses domaines d'investigation semblent très éloignés - du localisme au rôle du travail dans une société "conviviale", de la reconversion industrielle à des systèmes de fiscalité alternatifs, de nouveaux rapports Nord-Sud à la démarche intellectuelle vis-à-vis de l'humanisme et de l'universalisme... Est-ce suffisant pour en faire, selon les ambitions évidentes de ses plaideurs anciens ou contemporains, un paradigme à opposer à la fois au capitalisme et marxisme tout aussi productiviste ?

Ce livre ne me permet pas de répondre, car il pâtit des contraintes de sa forme pamphlétaire. Ainsi, l'on est un peu submergé par l'abondance de références (touche-à-tout?), perturbé par les formules emphatiques-journalistiques (comme le "cercle vertueux en huit 'R' : réévaluer, reconceptualiser, restructurer, redistribuer, relocaliser, réduire, réutiliser, recycler") juste aptes à être retenues, déçu par des hyper-simplifications de sujets à méditer très longuement (ex. sur la question des besoins que la théorie économique classique postule comme infinis : "Je réponds que les besoins acceptables devraient être déterminés par la communauté tout entière - la municipalité" (p. 86)), intrigué par une certaine ambiguïté sur (les conditions de/l'éventualité de) la réalisation de la décroissance :

"Le programme d'une politique nationale de décroissance apparaît comme paradoxal. La mise en œuvre de propositions réalistes et raisonnables a peu de chances d'être adoptée et moins encore d'aboutir sans une subversion totale. Celle-ci présuppose le changement dans l'imaginaire que la réalisation de l'utopie féconde de la société autonome et conviviale est seule en mesure d'engendrer." (p. 117).

Pourtant, le diagnostic de départ est infaillible: évidence de l'incompatibilité entre la croissance actuelle et les capacités de régénération de la biosphère MAIS quasi inacceptabilité des conséquences de ce constat; la perspective critique très élégante et juste : "Non seulement la société est réduite à n'être plus que l'instrument ou le moyen de la mécanique productive, mais l'homme lui-même tend à devenir le déchet d'un système qui vise à le rendre inutile et à se passer de lui" (p. 21). Ma curiosité est donc éveillée sur cet auteur à la bibliographie séduisante : je pourrai sans doute répondre à ma question du paradigme après avoir lu Le Pari de la décroissance.

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Vers une société d'abondance frugale

Derrière ce titre en forme d'oxymore qui fait penser à la pauvreté radieuse ou à la frugalité enrichissante, se cache le développement du concept de « décroissance » qu'il ne faut pas confondre avec le « développement durable » dont les médias nous rebattent les oreilles et qui n'est qu'une imposture dans la mesure où il ne permet pas de quitter la croissance. En effet, la décroissance n'est pas la négation de la croissance ni la croissance négative, mais une sortie véritable et librement assumée de la société de consommation. Un système qui ne consomme pas les ressources plus vite qu'elles ne se renouvellent et ne rejette pas les déchets plus vite qu'ils ne sont recyclés. En gros moins de travail, mais une vie sociale plus riche et plus conviviale.

Sans ce livre, Latouche tord le coup à bon nombre d'idées reçues et de controverses amenées par ce concept relativement nouveau (quoique Ivan Illich et quelques autres dans la lignée de Gandhi l'aient déjà largement présenté dans les années 1970 de l'autre siècle sans obtenir un grand écho). Ainsi la décroissance permettrait de revenir ou de se rapprocher très largement du plein emploi ne serait-ce que par la relocalisation de l'ensemble des productions vitales et par les gisements d'emploi fournis par les énergies alternatives et le bio. Ainsi 20% d'électricité solaire et éolienne pourrait-il créer 240 000 emplois et 100% d'agriculture biologique en créerait 1 million ! Ce programme s'articule sur quatre axes principaux : 1/ Rejet des techniques polluante et abandon du modèle thermo-industriel.

2/Relocalisation

3/Création d'emplois à teneur écologique

4/Changement des modes de vie et suppression des besoins inutiles (publicité, tourisme, déplacements inutiles etc...)

Et peut se résumer en 8 termes, les 8 R : Réévaluer- reconceptualiser – Restructurer – Relocaliser – Redistribuer – Réduire – Réutiliser – Recycler. Tout un programme pour lequel Serge Latouche ne cache pas les difficultés à être mis en pratique. Un livre passionnant pour qui s'intéresse à ces sujets.
Lien : http://www.etpourquoidonc.fr/
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Ce que nous dit la crise du coronavirus

Ouvrage collectif. Spécialistes en droit de l'environnement (tel Charbonneau), économistes (tel Latouche) ou encore philosophes (tel Verne) analysent la crise sanitaire pour nous permettre d'en saisir le plus simplement possible les enjeux mondiaux et civilisationnels.

Des articles clairs expliquant bien les ressorts de notre politique court-termiste en vigueur et les risques d'un déni tenace à l'heure d'effets domino mondialisés.

Mention spéciale pour la magistrale conclusion de la philosophe C. Verne : synthétique et porteuse d'optimisme, l'intellectuelle permet de prendre du recul et éclaire ce qu'on est en train de traverser en termes simples de façon limpide.
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