AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de Shigeru Mizuki (145)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées


NonNonBâ

Shigeru Mizuki est un mangaka japonais né en 1922 à Sakaiminato. Il est l'un des fondateurs du manga d'horreur, puisque ses récits regorgent de créatures surnaturelles, de monstres et de fantômes. L'auteur, gaucher ayant perdu son bras gauche durant la Seconde Guerre mondiale en Nouvelle-Guinée, surmonta ce traumatisme et apprit à se servir de son seul bras valide pour devenir le mangaka que l'on connait enfin aujourd'hui.





Dans le Japon des années 30, on découvre l'enfance du jeune Shigeru. Il vit avec ses parents dans une campagne niponne simple, sans accès direct à la technologie et à la culture moderne. Il se lie d'affection avec une vieille dame attachante, Nonnonba, qui lui transmet ses connaissances sur les démons inoffensifs et malicieux que connait ce Japon là, tout de superstitions et de croyances anciennes. L'univers que cette mémé d'adoption fait surgir dans la vie de Shigeru est une réelle bouffée d'air frais, un peu de fantastique dans cette existance monocorde, bien que d'une douceur candide. Shigeru trouve auprès de Nonnonba des sujets originaux, mystiques et cocasses pour écrire ses histoires et dessiner ses mangas. A chaque sursauts de la réalité, agréables et désagréables, le petit garçon court se réfugier en cet échapatoire riche, peuplé de yokaï (démons) et de fantômes. Certaines entités, étranges et familiaires, apparaissent avec les éclairs en jetant des haricots rouges sur les toits, d'autres lèchent la crasse dans les maisons, tandis que d'autres encore aspirent les forces des humains qu'elles possèdent. Chaque visite de démon rythme l'histoire et la segmente en petites nouvelles délicieuses, nous ramenant au temps des histoires qui font peur, racontées par un copain dans la pénombre, sous une couverture, éclairés par une lampe de poche fébrile.



Avec Nonnonba, on touche une histoire universelle de l'enfance, des découvertes qui la caractérisent et des sentiments qui naissent : l'amour, la peur, la créativité, l'amitié, les croyances. Ce pavé de papier se lit de droite à gauche et de la fin vers le début du livre, comme tout bon manga qui se respecte. Le dessin de Shigeru Mizuki est sensible, loin du manga actuel si moderne, si rapide, si pressé. Il a quelque chose de suranné et de nostalgique qui accompagne le propos, sans doute est-ce du à la part autobiographique de l'histoire. La petite mémé ne gronde pas. Elle n'éduque pas mais apprend au garçon à percevoir, à imaginer et à sublimer ce que ses yeux ne voient pas.

Bien sur l'âme vient du Japon où nous ne sommes pas nés, et pourtant Nonnonba a cette proximité touchante. La curiosité de l'enfant est la même sur n'importe quel continent, c'est en grandissant qu'elle prend des voix différentes. Aucun doute, cet album mérite largement le prix du meilleur album de l'année décerné au festival BD d'Angoulème. Cette récompense marque la reconnaissance du monde de la BD envers le manga, enfin reconnu comme style de BD à part entière.
Commenter  J’apprécie          110
NonNonBâ

J'avais à peine 20 ans quand NonNonBâ a débarqué en France et remporté le Prix du meilleur album au festival d'Angoulême l'année suivante. Je ne m'intéressais pas trop alors au folklore fantastique japonais traditionnel et le dessin très old school de Shigeru Mizuki me rebutait, ce qui fait que je n'avais pas investi dans ce riche pavé malgré des critiques unanimes. 15 ans plus tard, je répare cela et découvre un titre vraiment émouvant.





Shigeru Mizuki, c'est le spécialiste des yokai pour nous en France. Il est également connu pour son personnage Kitaro, dont j'avais essayé de lire les premières aventures sans trop de succès, malgré un univers folklorique riche et passionnant. Il m'avait manqué quelque chose et je crois que c'est dans NonNonBâ que j'ai trouvé ce qu'il me manquait, ce qui a fait de cette lecture une vraie réussite contrairement à la précédente.



Avec ce mélange de leçons de vie, d'imaginaire Yokai et d'histoires d'enfants dans le cadre historique du Japon des années 30 et le cadre géographique d'une bourgade de campagne, Mizuki m'a enchantée. J'ai l'impression d'avoir entre les mains à la fois un livre traditionnel pour enfant et l'ancienne d'Une sacrée mamie, manga dont j'adore faire la découverte grâce à sa réédition actuelle.



Avec un trait qui n'appartient qu'à lui où les personnages ont vraiment des têtes surdimensionnées et cartoonesques mais à la mode japonaise, Mizuki plante un décor rétro immersif, dans lequel le dessin des paysages et des intérieurs est particulièrement réussi. On a parfois l'impression d'être en présence de photo redessinées. Il fait également preuve d'une riche et vive imagination pour dessiner l'ensemble des créatures issues des rêveries du héros et de ses proches, et notre offre parfois des pages aux compositions superbes quand un étrange nuage de fumée vient happer le lecteur au milieu de ce décor d'un autre temps. C'est particulier, mais superbe.



L'histoire, elle, dépayse également. Nous sommes dans un décor typiquement japonais avec un auteur qui glisse nombre de références sur l'époque à laquelle a grandi le mangaka : les années 30. Ainsi voit-on comment on vivait à la campagne alors, avec bien moins de modernité que maintenant, plus de misère, mais également plus d'entraide. On retrouve une cellule familiale typique avec le père qui travaille, souvent loin, comme de nos jours, et une mère qui s'occupe de l'éducation de ses enfants. On voit des enfants, en mode Guerre des boutons, qui joue à la guéguerre en singeant les adultes qui eux font véritablement la guerre en Chine. C'est vraiment intéressant de noter toutes les références.



Mais le coeur de l'histoire est dans la relation entre Gege, le héros ou plutôt le mangaka qui se dessine lui-même, et la vieille femme pauvre du coin qui lui raconte plein d'histoire sur les esprits du folklore traditionnel japonais. A leurs côtés, nous allons vivre leur quotidien rythmé par ces légendes qui vont sans cesse s'insérer dans leur train train quotidien, entre les études de Gege, ses histoires avec ses copains, ses balades dans le village, ses histoires de famille mais aussi celles d'une famille de nouveaux arrivants. Tout est prétexte à une histoire fantastique, à une créature car les deux mondes sont encore très intriqués l'un dans l'autre.



Il est amusant de voir ce mélange de peur et de plaisir que le narrateur - héros prend face à ces créatures, qui sont également le sujet des histoires qu'il aime tant dessiner. Il est touchant de voir combien cela le rend proche de cette mamie, qui n'est pas vraiment la sienne, mais qui est toujours là pour raconter des histoires aux enfants et ainsi s'occuper d'eux, ce que ne font pas vraiment leurs parents, plus pris dans leurs histoires d'adultes à eux. Ce sont vraiment ces dynamiques qui ont fait tout le succès du titre pour moi.



NonNonBâ est un titre qui a vraiment sa place dans le patrimoine du manga pour ce qu'il apprend de l'Histoire de ce pays et de sa culture. Cornelius lui offre en plus une édition de qualité avec un bel objet livre et surtout un appareil critique et des notes pertinentes et passionnantes pour enrichir encore nos connaissances. Je suis donc plus que ravie de cette découverte aussi bien du point de vue du plaisir que j'ai pris comme lectrice et de l'enrichissement historique et culturel que j'ai gagné en tant que personne. Un livre deux en un qui ne m'a nullement déçue, mais m'a plutôt touchée et passionnée.
Lien : https://lesblablasdetachan.w..
Commenter  J’apprécie          100
NonNonBâ

Cette BD japonaise s’avère plus adulte, plus réfléchie que bien d’autres. Shigeru Mizuki est un grand raconteur. Qu'il aborde le merveilleux par l’intervention récurrente de yôkaï, ou évoque le des leçons de vie, il sait faire usage de charme et de simplicité. Cette histoire est forte par la richesse des enchaînements, son graphisme jubilatoire et les enseignements objectifs fournis par les protagonistes. Un album d'une haute tenue, d'une écriture légère où se font entendre mille messages "qui font grandir". C'est par là que les personnages s'affirment, prennent vie, extraient leurs peurs et amusent le lecteur.
Commenter  J’apprécie          100
NonNonBâ

Quelle jolie bande dessinée que ce NonNonBâ, qui est en fait une vieille dame attachante, pieuse et superstitieuse, qui aime raconter les yôkaï, créatures fantomatiques issues du folklore japonais.

L’histoire se déroule au début des années 1930 dans une petite ville de la côte ouest du Japon. L’auteur, Shigeru Mizuki, étant lui-même issu de cette région qu’il connaît très bien et dont il s’inspire dans ses mangas. Il est un fin raconteur de la culture populaire et des yôkaï et ses dessins reflète sa jeunesse et sa vie trépidante ainsi que ses débuts comme dessinateur.

NonNonBâ est une œuvre très instructive sur la variété et l’importance des différentes formes de hiérarchie dans la société japonaise. Le personnage de NonNonBâ sert de lien aux histoires car elle est une femme de peu de choses qui vivote grâce à ses activités de prieuse. Elle se lie à la famille de Shigéru Murata (Gégé) et fera son introduction au yôkaï, petits êtres surnaturels et fantomatiques.

Il y a plusieurs personnages intéressants, parfois difficiles à différencier, mais chacun a sa raison d’exister dans l’histoire. La tradition est bien mise en évidence et les planches sont très jolies et bien représentatives de l’époque.

J’ai adoré cette lecture car remplie d’une forme de sagesse liée aux générations et au surnaturel japonais.

« C’est étrange la vie…Sans y penser, je me suis passionné pour le dessin et les yôkaï…Je n’aurais jamais pensé qu’ils me seraient d’un si grand secours tout au long de ma vie.

Dieux qui n’existez pas…Merci! »
Commenter  J’apprécie          90
NonNonBâ

Nous allons suivre Shigeru, cet enfant à l'imagination débordante. Il aime dessiner, il crée ses propres Bandes dessinées. Il vit avec ses parents et ses deux frères. Il n'aime pas vraiment l'école car il n'est pas doué en calcul, il préfère jouer avec ses amis à la guerre entre clans. Ainsi nous allons le suivre dans ses différentes aventures : celles du jeu entre amis, celles qu'il parcourt auprès de Non-Non Bâ (qui pourrait être traduit comme 'mémé'), sa grand-mère, celles qu'il vit durant ses dessins. Nous découvrirons de nombreux personnages tous aussi amusants que Shigeru. Non-Non Bâ racontera tout au long de ce récit des histoires de Yôkaï, ces êtres restés sur Terre après leur mort et qui peuvent hanter les humains. Nous serons comme fascinés par ces 'contes' comme le seront les personnages qui les découvrent, nous avanceront par histoires de quelques pages chacune mais qui restent liées chronologiquement entre elles. Nous passerons par des contes, de l'amour, des peurs, des tristesses, des découvertes, des jeux, des rêves. C'est un ouvrage que je recommande à tous, peu importe l'âge, car c'est aussi une manière de comprendre différents moments réels et sérieux de la vie comme la mort, la maladie, les sentiments, le travail, le rejet, le manque d'argent... Le dessin n'est pas très compliqué comme certains manga mais tout de même très attachants et les paysages sont vraiment magnifiques. Nous avons l'impression d'entrer dans un conte plein de poésie et de finesse. Ce fût une très belle découverte qui malheureusement ne dure que 420 pages ! Car oui, j'aurais voulu rester encore auprès de Shigeru, de Non-Non Bâ et de tous les autres.



Le petit plus c'est qu'au début, nous avons deux pages d'Introduction nous expliquant les choix des noms car ils ont une signification qui caractérise les personnages, les choix mis en place par le mangaka puis à la fin, il y a cinq pages de Notes afin que nous comprenions mieux tous les termes spécifiques, les sous-entendus ou encore les particularités des Yôkaï (comme : Umi-bôzu, Bétobéto-san, Akanamé, Jizô, Kappa, ostracisé etc..).
Lien : http://steambook.blogspot.fr..
Commenter  J’apprécie          90
NonNonBâ

Adorable, fin, délicat, entre « Pico Bogue » et « la guerre des boutons », vous plongez avec Nononba dans l’univers formidable d’un imaginaire enfantin enrichi d’une culture japonaise foisonnante, une grand mère un peu sorcière riche d’un patrimoine de vieilles légendes, estompant par l’imaginaire les dures réalités de la vie, mort, maladie, pauvreté.

Génial.
Commenter  J’apprécie          80
Dictionnaire des Yôkai

En grand fan de contes et folklore, je me devais de le lire. Ce gros pavé de 500 pages présentes des centaines de yôkai, un par page, avec illustration et explication à chaque fois, il y a également un mot plus personnel de l’auteur rajoutant une touche d’humour ou une anecdote. Il écrit d’ailleurs une excellente définition du yôkai : « Parce qu’à l’époque, on avait pas encore inventé les mots comme « pouvoir surnaturel », « extraterrestre », « autre dimension »… Tout ce qui paraissait bizarre était placé dans la catégorie des « yôkai ».

Pas de blabla inutile, il va à l’essentiel comme tout bon dictionnaire, libre à vous de chercher les différentes versions d’un même yôkai. Il y a ont une grande diversité, allant du classique fantôme à un parapluie unijambiste et cyclope. J’aime beaucoup celui qui vient lécher les baignoires sales la nuit, ça sent le type bizarre avec un passe-temps trop particulier.

Comme chez nous avec les légendes, les yôkai ont su trouver leurs places dans l’époque moderne, par la culture en majorité mais aussi de façon plus étonnante comme mascotte de préfectures au Japon, ils sont aussi présents sur les emballages de sucreries pour enfants, bref ils ont su survivre.

Un indispensable.

Commenter  J’apprécie          82
NonNonBâ

Lu grâce au CE de ma moitié, j'ai eu beaucoup de plaisir avec ce manga. Il n'a pas le format habituel de petits volumes, comportant plus d'une vingtaine de numéros, ce qui rend la lecture fastidieuse car il faut toujours attendre le prochain tome. Ici, il s'agit d'un pavé, qu'on peut approcher d'un livre classique. La seule chose dommage est d'avoir rétabli ici le sens de lecture occidental au lieu de conserver le sens de lecture japonais. Quant à l'histoire, il s'agit de plusieurs péripéties qui arrivent au jeune Shigeru. En filigrane se dessine une chronique familiale, vue par les yeux d'un enfant qui ne comprend pas tout, mais n'est pas aveugle. Il s'accroche à ce monde imaginaire, aux yôkai, comme pour refuser de grandir, refuser d'être confronté au monde des adultes. Une ambiance tendre, amusante et nostalgique.
Lien : http://nourrituresentoutgenr..
Commenter  J’apprécie          80
NonNonBâ

Une histoire qui parle de la transmission orale des légendes. NonNonBâ, cette vieille femme raconte toutes les histoires qu'on lui a appris et qu'elle a vécu. D'une génération à une autre, le savoir des esprits ne se perd pas. La curiosité et l'imagination du jeune Shige lui permet de voir vraiment ces esprits qui viennent parfois le taquiner. On voit ces être grotesques, horribles et étranges. Des légendes plus connues du grand public de nos jours grâce à Miyazaki et ces fabuleux dessins animés. Le dessin peut surprendre le lecteur moderne de mangas. Nous sommes très loin des personnages aux gros yeux et aux histoires très cadrées. Shigeru Mizuki fait parti de ces artistes qui ont donné les lettres de noblesses au genre et qui arrivent en France bien tardivement. Ce qui n'empêche nullement de se laisser porter par le témoignage sensible d'un jeune garçon découvrant la vie. En toile de fond, on présent l'arrivée de la guerre avec une armée de jeunes garçons encore immature. Ils vont tous mourir pour la gloire d'un pays. La frontière entre la ville et la campagne est très marqué aussi bien au niveau de l'éducation, du savoir que des relations humaines. Un choc qui sera plus nivelé pendant l'ère Meiji. 
Lien : http://22h05ruedesdames.com/..
Commenter  J’apprécie          70
NonNonBâ

J’ai découvert Mizuki Shigeru bien tardivement et en commençant par la fin, d’une certaine manière, via sa génialissime autobiographie Vie de Mizuki, publiée dans une édition très luxueuse par Cornélius. L’éditeur avait déjà quelques titres de l’auteur à son actif, dont sa plus célèbre et emblématique série, Kitaro le Repoussant, mais aussi d’autres œuvres au contenu autobiographique simplement un peu moins frontalement avoué que dans Vie de Mizuki – ce qui incluait notamment Opération Mort, et, d’abord et avant tout, NonNonBâ.







En effet, quand Cornélius a publié (déjà de façon luxueuse) ce dernier titre en 2006 – une BD réalisée par Mizuki trente ans plus tôt –, l’auteur était largement méconnu en France, bien loin de son statut colossal au Japon : pas de la stature de Tezuka Osamu, parce que personne ne l’est, mais la catégorie immédiatement en dessous, ce qui est proprement énorme. Le pari s’est avéré payant, la BD étant aussitôt récompensée du prix du meilleur album au festival d’Angoulême, ce qui a permis d’en traduire d’autres titres.







Il faut dire que cette BD précisément avait été très bien choisie, qui permettait de faire la bascule entre l’œuvre autobiographique de Mizuki, et sa passion bien connue des yôkai, un folklore nippon qui n’avait pas forcément jusqu’alors suscité beaucoup d’échos en Occident, mais qu’un Miyazaki contribuait éventuellement à faire connaître – là où Mizuki lui-même, quelques décennies plus tôt donc, avait pour ainsi dire ressuscité aux yeux mêmes des Japonais ce passé mythique qu’ils avaient tendance, et depuis longtemps, à négliger.







Pour traiter de ce thème, Mizuki a donc choisi de se replonger dans ses souvenirs d’enfance, sans vraiment se cacher – le petit garçon au cœur de l’intrigue s’appelle bien Shigeru, et ceux qui ont lu la bien plus tardive Vie de Mizuki reconnaissent sans peine l’auteur, ses frères, ses parents, et la petite vieille NonNonBâ (d’autant que certaines planches de NonNonBâ ont finalement intégré le premier volume de Vie de Mizuki !).







Qui est NonNonBâ ? La veuve d’un bonze, qui vivait de mendicité. Elle a toujours une activité de « prieuse », mais vit dans une misère noire. Dans le contexte très pudique de cette petite ville de province qu'est Sakaï-minato, on ne met pas en avant la pauvreté, pas plus que la générosité de ceux qui permettent à la vieille de survivre : de manière plus digne et informelle, on lui confie du travail (pas toujours très utile, à vrai dire) – et c’est ainsi que NonNonBâ se retrouve au service des Murata, et est amenée à fréquenter le petit Shigeru.







Or NonNonBâ exercera une influence (presque) sans pareille sur le garçon. Volontiers bagarreur, mais un peu froussard en même temps, le gamin est éveillé par sa nounou à la présence perpétuelle des yôkai : ce n’est pas parce qu’on ne les voit pas qu’ils ne sont pas là ! Oui, il y a des choses qui existent, et qu’on ne voit pas… Un abondant folklore que la petite vieille connaît sur le bout des doigts ! Quantité de figures grotesques, aux attributs absurdes – mais attention à ne pas le leur dire en face, ils peuvent se montrer dangereux ! Pourtant, si les histoires de yôkai que narre l’intarissable vieille procurent dans un premier temps au petit Shigeru de délicieux frissons, elles en viennent bientôt à remplir d’autres fonctions : la peur est une émotion utile, mais la perception de l’omniprésence des yôkai peut aussi se montrer rassurante, en témoignant d’une sorte d’ordre du monde finalement sécurisant.







On pourrait se contenter de voir en NonNonBâ une petite vieille superstitieuse parmi tant d’autres, a fortiori dans une province aussi nommément arriérée, bien loin des néons de Tôkyô. On aurait probablement tort. Si la foi sincère de NonNonBâ envers les yôkai ne fait absolument aucun doute, elle y trouve visiblement de l’inspiration voire de la ressource au quotidien ; la bonne femme n’est pas seulement généreuse, dévouée, le cœur sur la main, elle est en même temps astucieuse, et fondamentalement pratique – les yôkai, au travers de ses récits, lui viennent en aide, comme ils viennent en aide au petit Shigeru ; ils peuvent aussi s’en prendre à ceux qui le méritent… Mais, dans un sens comme dans l’autre, les yôkai facilitent d’une certaine manière l’harmonie, un vivre-ensemble qui peut certes avoir des connotations spirituelles ou mystiques, mais aussi très pratiques – ce qui n’est au fond pas si étonnant : dans ce registre de la sagesse paysanne, un peu naïve, ou peut-être faussement naïve, le Japon n’est en définitive pas isolé. Et les enseignements de NonNonBâ portent – en tout cas sur le petit garçon qui sera un jour Mizuki, qui avait peur à l’origine des yôkai, mais a ainsi appris à vivre avec eux, partout… peut-être même à survivre, le moment venu. Plus tard...







NonNonBâ remplit assurément un rôle de figure tutélaire pour le petit Shigeru – l’artiste Mizuki lui rend hommage de manière très touchante, vibrante d’émotion. Mais, étrangement peut-être ? elle n’est pas la seule à exercer une influence déterminante sur l’auteur dans cette BD qui porte son nom : il faut y associer aussi un personnage bien différent – le père de l’auteur. On le reconnaît sans peine, ici, quand on a lu la bien plus tardive Vie de Mizuki ; ce qui m’a vraiment surpris, c’est que ce père joue un rôle probablement bien plus déterminant dans NonNonBâ que dans l’ultime série autobiographique de l’auteur. Il est à peu près tout le contraire de NonNonBâ : nonchalant voire tout bonnement paresseux quand elle est une travailleuse acharnée, tourné vers le progrès technique quand elle ne jure que par le passé et les traditions – l’incarnation d’un tout autre Japon, post-Meiji, qui n’a rien de commun avec les yôkai, ces balivernes d’antan (et pas beaucoup plus avec les réminiscences d’un passé familial glorieux dont le serine en permanence son épouse, très fière de son ascendance porteuse de sabres et dotée d’un patronyme, ce qu’elle remet sans cesse sur le tapis). Mais la nonchalance du père le rend drôle et sympathique – le plus souvent (il ne brille pas toujours par l’empathie, contrairement à la très sensible mais aussi très pudique NonNonBâ…) ; et il y a en lui quelque chose d’un vieux désir inassouvi de devenir un artiste – quand il se procure un projecteur pour ouvrir une salle de cinéma dans sa campagne, c’est avec la prétention d’illuminer les paysans avec la technologie moderne ; mais il y a aussi ce scénario qu’il s’est promis d’écrire depuis si longtemps… Et c’est ainsi, paradoxalement, qu’il en vient à remplir un rôle équivalent, complémentaire peut-être, à celui joué par NonNonBâ, en encourageant le petit Shigeru à faire ce pourquoi il semble d’ores et déjà si doué : raconter des histoires…







NonNonBâ et le père de Shigeru sont des figures tutélaires plus qu’à propos dans ce qui ressemble fort à un récit d’apprentissage. Mais la formation du futur mangaka implique deux autres personnages bien différents – deux petites filles, dont le sort tragique contribuera à former l’auteur à la dure, mais qui, chose appréciable, ont une véritable présence, et très empathique, en dehors de cette seule « fonction » un peu navrante : ce sont des personnages à part entière, et c’est bien pourquoi leur sort touche autant.







La première se nomme Chigusa, et c’est une cousine de Shigeru – une petite fille de la ville, qui se rend à la campagne pour ménager ses poumons malades… Elle finira bien par mourir, veillée par l’attentive et dévouée NonNonBâ. Mais elle aura eu le temps d’encourager Shigeru à raconter ses histoires et à développer son imaginaire : le folklore et l’art balbutiant se conjuguent pour offrir au petit être condamné une échappatoire onirique indispensable.







Mais la seconde de ces petites filles, Miwa, témoigne quant à elle de ce que les hommes peuvent être odieux – yôkai ou pas. Ils sont en définitive bien plus à craindre que les créatures folkloriques aux attributs un peu grotesques… L’art ne la sauvera pas plus qu’il n’a pu sauver Chigusa – les yôkai finalement pas davantage, s’ils ont pu, là encore, atténuer au moins temporairement la douleur, par l’émerveillement.







Tout cela a de quoi susciter chez le petit Shigeru des crises de foi – celles, je suppose, qui doivent affecter quiconque professe honnêtement une croyance. À quoi bon les yôkai, quand il y a la mort, et le sordide ? Les paroles réconfortantes de NonNonBâ ne suffisent pas toujours.







Car, en même temps que Shigeru découvre les yôkai, et se dévoue d’une certaine manière à leur cause en racontant leurs histoires en bandes dessinées, il s’éveille aussi au quotidien d’un Japon plus prosaïque, tristement prosaïque, au travers de jeux enfantins d’abord envisagés avec un semblant de nostalgie bienveillante, mais qui témoignent pourtant bientôt d’un arrière-plan des plus sombre et menaçant… C’est que les petits Japonais des années 1920-1930 jouent à la guerre. Un lecteur français pensera sans doute aussitôt à La Guerre des boutons, ce genre de choses, mais le contexte de l’époque, ce Japon nationaliste et militariste, rend d’emblée le thème un peu plus inquiétant. La désignation d’un nouveau chef, son sadisme même plus dissimulé à ce stade, sa brutalité de sous-officier, entraînent bientôt l’armée des gosses sur une pente fatale, faite d’agression permanente, de brimades et d’humiliations érigées en mode de vie, présages du grand suicide collectif dans lequel les militaires n’allaient plus tarder à lancer leur patrie entière… Les yôkai interviennent ici aussi – et les exemples de NonNonBâ aussi bien que du père ; ils inciteront le petit Shigeru, ostracisé par la bêtise pure et simple, à se faire le partisan d’une idée bien curieuse : le pacifisme. Et qu’importe si la flemme en est une motivation essentielle… ou, plus noblement, le désir d’avoir du temps pour raconter des histoires ; Shigeru sait se battre, mais cela l’ennuie bientôt – c’est tellement puéril ! Mieux vaut créer des mangas !







On le voit, NonNonBâ, au-delà du seul personnage titre, et des yôkai qui lui sont d’emblée associés comme ils le seront à jamais à l’auteur, NonNonBâ donc est une BD d’une grande richesse thématique, variée, toujours pertinente (même pour quelqu’un qui, comme votre serviteur, est on ne peut plus hermétique aux « choses qui existent même si on ne les voit pas » et à la spiritualité qui va avec). La narration décousue mais pas improvisée produit de délicates et touchantes tranches de vie imprégnées de merveilleux, qui s’associent thématiquement pour former un récit cohérent et subtil. La BD est tour à tour drôle et tragique, édifiante et désolante, enchanteresse et terrible – un jeu des contraires sublimé par un dessin parfait et immédiatement reconnaissable, qui m’avait déjà tant séduit dans la plus tardive Vie de Mizuki : ce que j’en disais vaut également pour NonNonBâ.







C’est une très belle bande dessinée, en même temps je suppose qu’une bonne introduction à l’œuvre de Mizuki Shigeru – elle avait semble-t-il été présentée comme telle par Cornélius en 2006, et à bon droit. On peut, une fois de plus, parler de chef-d’œuvre.
Lien : http://nebalestuncon.over-bl..
Commenter  J’apprécie          70
Vie de Mizuki, Tome 1 : L'enfant

C’est une page importante de l’histoire de la bande dessinée qui se tournait le 30 novembre dernier, alors que Shigeru (Mura) Mizuki s’éteignait à la suite d’une attaque cardiaque, à l’âge – respectable – de 93 ans.



Une vie durant, l’auteur japonais s’est consacré au dessin et il nous a livré une bibliographie d’une richesse incroyable, véritable monde dans notre monde, infesté de créatures fantastiques appelées Yôkai. Vous connaissez sûrement (et dans le cas contraire je vous invite fortement à leur découverte) des titres comme NonNonBâ – Meilleur album à Angoulême en 2007 – ou Kitaro le repoussant. Mizuki a même écrit un Dictionnaire des monstres japonais, se nourrissant allègrement dans le folklore et dans les histoires que lui contaient sa nourrice lorsqu’il était enfant.

Mizuki, c’est aussi le traumatisme de la seconde guerre mondiale. Une blessure physique tout d’abord, puisqu’il perd son bras directeur, ce qui l’oblige à tout réapprendre avec autre bras (y compris le dessin donc, chose extraordinaire quand on voit la finesse de son trait). Une blessure mentale aussi, qui l’affecte jusque dans ses récits où la guerre n’est jamais très loin… Opération Mort est l’un de ceux-là, récompensé par un Prix Patrimoine à Angoulême en 2009 et un Eisner Award en 2012.



[...]



La Vie de Mizuki, c’est aussi Le survivant (tome 2) et L’Apprenti (tome 3), une trilogie pour ne pas perdre le souvenir d’un grand Monsieur qui a traversé l’Histoire.





La chronique complète à lire sur Bedea Jacta Est !
Lien : https://bedeajactaest.wordpr..
Commenter  J’apprécie          72
Vie de Mizuki, tome 2 : Le survivant

Deuxième partie de l'autobiographie de Mizuki.





Le narrateur est toujours aussi minable. Il ne sait pas comment se comporter dans la vie, limite autiste. Malheureusement, si dans la vie civile cela marche, le héros est enrolé dans l'amée. Là il souffre, battu par ses supérieurs, ses camarades de régiment ou n'importe qui. Mais certains de ses persécuteurs, conscients de sa différence (ou de son indifférence), cherchent à le protéger.





Alors que la campagne des Japonaie en Nouvelle-Guinée se transforme en désastre, que leurs troupes sont isolées et affamées, Mizuki trouve refuge auprès des populations indigènes. Là, il y a des scènes formidables d'amitié sincère (et d'egoisme pur, mais franc, de la part du héros envers ses compagnons d'armes). Pourtant, au moment de la paix, Mizuki décide de renter au Japon, malgré les pleurs des Papous.





L'auteur décrit l'opération suicide à laquelle il a du participer, mais avec beaucoup plus de modération que dans "Opération Mort". Il insiste ainsi beaucoup sur l'action des officiers inférieurs pour éviter aux soldats une mort suicidaire.





Après la réddition, il survit dans différents commerces, avant d'essayer de percer dans le Kamishibai, avec autant d'insuccès.



Il faut insiter sur l'humour constant de l'ouvrage, même dans les situations horribles (surtout dans les situations les plus désespérantes ou les plus humiliantes).
Commenter  J’apprécie          70
Opération mort

1942 - Occupation de l'ile de Nouvelle Bretagne par les japonais. Mizuki décrit un bataillon de soldats isolés sous la férule d'un officier supérieur obnubilé par les questions d'honneur et de sacrifice. L'auteur détaille les brimades des gradés et l'incompétence des officiers devant des soldats enrôlés de force, mals nourris et victimes de maladies tropicales. Opération mort pour les japonais est synonyme d'opération jusqu'à la mort. On y constate les ravages d'un code de l'honneur inadapté et de colonels qui sacrifient des milliers de soldats parfois inutilement.
Commenter  J’apprécie          60
Kitaro le repoussant, tome 1

Dans le Panthéon du manga, il y a plusieurs titres érigés au rang de classiques et je pense que Kitaro le repoussant du célébrissime Shigeru Mizuki en fait partie. Il était donc plus que temps que j'ose franchir le pas et que je me lance dans cet univers même si au premier abord ce n'est pas vraiment pour moi ^^!



Shigeru Mizuki est un auteur dont la vie et le parcours m'intéressent beaucoup. Né en 1922, dessinateur prodige, il dû participer malgré lui à la guerre et y vécu des expériences traumatiques. Il ne revint donc au dessin que 10 ans plus tard, à une époque où c'était le futur plus que le passé qui intéressait les lecteurs. Or, lui, il avait avait envie de raconter une histoire empreinte des traditions et du folklore de son enfance. Il réussit cependant à se faire une place malgré tout et Kitaro est à ce jour un titre culte au Japon, qui a inspiré bien des auteurs comme Hiroyuki Takei dans Shaman King, si je dois citer celui qui me semble le plus évident.



Lire Kitaro de nos jours est cependant un brin différent. L'auteur a écrit l'histoire ou plutôt les histoires de son héros comme on les écrivait à l'époque, avec une narration et une mise en scène typique d'alors qui pourra ou non plaire au lecteur actuel. Pour ma part, je n'ai pas été totalement séduite.



Dans ce premier tome édité en 2007 par les éditions Cornélius, se trouvent des nouvelles écrites dans la seconde moitié des années 60, que l'éditeur a agencées pour tenter de nous donner un cheminement logique. Il commence ainsi par le récit de la naissance du héros avant de nous présenter plusieurs de ses aventures, où tel un enquêteur-détective, il aidera son prochain avec ses problèmes surnaturels. Prise séparément, elles sont toutes assez dispensables en dehors de la première, ce sont plutôt des petits récits indépendants mettant en scène le héros dans ce qu'il sait faire, mais c'est tout.



Pour être honnête, on m'avait vendu Shigeru Mizuki comme le maître des yokaïs, je m'attendais donc à ce que ceux-ci occupent une place plus importante et marquante dans ses histoires. Je pensais trouver LES grandes figures du monde des yokaï que j'avais croisés, or ils m'étais tous inconnus. Ainsi, je les ai trouvés parfaitement échangeables et inoubliables. C'est probablement dû à mon manque de culture en ce domaine mais ça ne m'a pas emballée.



J'ai donc trouvé les histoires fort banales, avec à chaque fois un yokaï qui embête un humain, et Kitaro qui lui vient en aide, démêlant un peu l'histoire, trouvant son point faible, etc. Mais personnellement je m'attendais à plus.



C'est dommage parce que le ton trouvé par l'auteur est fort sympathique, lui. Il nous offre à suivre un anti-héros. Le récit de sa naissance est d'ailleurs saisissant. Puis malgré le sérieux des situations vécues, tout est toujours raconté avec un humour grinçant et pince sans rire, grâce à un dessin comique dans des décors qui ressemblent beaucoup au Japon de la première moitié du XXe, avec sa misère et ses croyances fantastiques. De ce côté, l'auteur a vraiment réussi à me marquer.



J'ai aussi beaucoup aimé son coup de crayon. Son mélange de décors réalistes, tels des gravures, et de figures cartoonesques est très sympa. J'ai une affection toute particulière aussi bien pour les premiers que pour les seconds. Je trouve sa technique très réussie et je pense qu'il en a inspiré pas mal depuis, si j'en crois ce que je vois. Il a également une variété de créatures assez intéressante et divertissante. Seule sa narration, sa mise en scène graphique est un peu trop simple pour moi et manque d'originalité et d'impact.



Ainsi, je m'attendais à vivre une petite expérience en lisant ce titre culte. Au final, je reste un peu sur ma faim. J'ai aimé le ton humoristique, j'ai aimé l'ambiance fantastique, j'ai aimé le mélange détonnant des dessins, mais j'ai trouvé l'ensemble trop anecdotique et avec une narration un peu datée. L'avantage, c'est qu'étant une suite de nouvelles, je peux arrêter le titre à ce premier tome sans le moindre regret ^^!
Lien : https://lesblablasdetachan.w..
Commenter  J’apprécie          60
NonNonBâ

Lauréat du Fauve d'Or au Festival d'Angoulême de 2007, « NonNonBâ » nous raconte l'histoire d'une famille dans le Japon rural des années 30. En fait, c'est sur son enfance que s'appuie l'auteur Shigeru Mizuki. Une enfance douce dans une région pauvre et à une époque de tensions croissantes entre le Japon et les autres nations qui débouchera quelques années plus tard sur la Guerre du Pacifique.



Le lecteur est rapidement plongé dans cet univers si typiquement japonais avec ses traditions et sa culture si spécifiques. D'ailleurs, un des fils rouges du manga est cette croyance des personnages (surtout de NonNonBâ) dans les Yokaïs ; sortes d'esprits malins. Shigeru Mizuki tisse une histoire, en plusieurs chapitres distincts, autour de personnages attachants et d'épisodes de son enfances, pas toujours très gais mais dont on peut tirer à chaque fois une leçon de sagesse. C'est donc une chronique familiale mais aussi une BD d'apprentissage à l'image du chemin parcouru par le futur mangaka au cours de ces petites aventures. Amours, Amitiés, famille, travail,... Des thèmes simples abordés d'une fort belle manière. Cela me rappelle, en moins drôle et dans un autre contexte, « Mes voisins les Yamada », une série humoristique adaptée au cinéma par Isao Takahata.



J'ai beaucoup aimé le personnage du père dont les quelques répliques transpirent une magnifique philosophie de vie. « NonNonBâ » est tout à la fois : intelligent dans son propos, instructif dans ce quotidien des japonais d'entre-deux-guerres, poétique, divertissant et bienfaisant. Un excellent manga.
Commenter  J’apprécie          60
Hitler

Hitler a tant fasciné les foules qu’on ne compte plus tous les ouvrages qui lui sont consacrés : études, biographies, romans et même bande-dessinées, la personnalité despotique, mégalomane mais aussi charismatique du Führer interroge et effraie autant qu'elle ne passionne. Et si le véritable "Empire germanique" qu'Hitler avait tant fantasmé était finalement celui de sa propre légende à travers le temps et la littérature ? Si on ne peut pas encore le confirmer de façon catégorique, tout pousse à le croire. La preuve : avec cette bande-dessinée publiée pour la 1ère fois au Japon en 1971, Shigeru Mizuki, l’un des plus grands mangakas d’horreur dont la plupart des œuvres s'intéressent principalement au folklore japonais, avait dans l'idée de sensibiliser la jeunesse japonaise au parcours édifiant de ce dictateur nazi qui avait bouleversé l'ordre du monde et précipité la chute de l'Empire du Soleil Levant. Remontant à la jeunesse misérable de Hitler dont le double échec au concours d'entrée aux Beaux-Arts de Vienne a ruiné la carrière mais non les "ambitions artistiques", le dessinateur japonais dresse ici un portrait dépassionné du Führer en mettant en perspective les événements marquants de sa carrière avec ses actes déments. A la fois bien documentée, informative et didactique, cette biographie illustrée, si elle ne nous apprend rien d’inédit sur Hitler par rapport à nos connaissances actuelles, a pourtant ceci de remarquable qu'elle nous livre un regard extrême-oriental précieux sur le dictateur le plus adulé et le plus haï de tous les temps...



Hitler de Mizuki : quand le manga d’horreur se fait tragi-comique

Mêlant détails insolites (les origines de la moustache du Führer ou ses frasques frisant parfois la farce) et séquences dramatiques (le suicide de la nièce de Hitler ou celui de la famille Goebbels par exemple), Shigeru Mizuki confère à sa bande-dessinée un ton tragi-comique accentué par la superposition de ses personnages comiques sur des tableaux macabres et gothiques réalisés à partir d'images d'archives. C'est vrai que le personnage de Hitler est tellement caricatural et caricaturable qu'on ne peut s'empêcher de sourire aux mimiques grotesques du personnage ou aux propos grandiloquents que lui prête le mangaka : " Je ne serais pas allé jusqu'à me démettre l'épaule pour un titre de ministre ! Pensée mesquine de pisse-froids méprisables ! " (p.106). Mais toujours en filigrane derrière cette trogne truculente, se tapit l'horreur de la Shoah à travers les planches aux décors cauchemardesques. Si ce Hitler de Mizuki n'est pas un manga d'horreur à proprement parler, il en a quelques beaux atouts. Pour cette raison mais aussi parce que cette biographie est rigoureuse, concise et factuelle et qu'elle est servie par un travail graphique unique et original, Hitler mérite largement sa place dans vos bibliothèques... D'autant que les éditions Cornélius ont joué le jeu en proposant une édition lisible de droite à gauche à la japonaise...
Lien : http://embuscades-alcapone.b..
Commenter  J’apprécie          60
Hitler

Ce manga des éditions Cornélius est une biographie de près de 300 pages sur Adolf Hitler, signée Shigeru Mizuki. Ce mangaka qui perdit le bras gauche durant la Seconde Guerre mondiale et qui apprît ensuite à dessiner de la main droite, a déjà accumulé de nombreuses récompenses, dont un prix du meilleur album pour NonNonBâ en 2007, et le prix patrimoine pour « Opération mort » en 2009 au festival d’Angoulême. L’auteur propose ici un récit particulièrement didactique et très fidèle à la réalité, sur un sujet qui l’a touché personnellement.



Si le premier chapitre s’ouvre sur la persécution des juifs et des résistants durant la Seconde Guerre mondiale, le deuxième chapitre entame véritablement l’imposante biographie de ce dictateur qui plongea l’Europe dans l’horreur. Si la fin du récit, connue de tous, a du mal à surprendre, les premiers chapitres, dédiés à la jeunesse d’un loser sans moustache ne manquent pas de surprendre. De ses échecs à l’examen d’entrée de l’Académie des Beaux-Arts de Vienne à son engagement volontaire dans la Première Guerre mondiale, en passant par plusieurs années de galère, proche de la mendicité, où il se forge son antisémitisme, le début de carrière de cet orphelin n’a rien de bien glorieux.



C’est seulement après la signature de l’armistice de 1918 que ce valeureux soldat décoré de la Croix de fer se lance dans la politique et se découvre des talents d’orateur qui feront de lui un personnage charismatique capable de séduire les foules. De son adhésion au « Parti national-socialiste des travailleurs allemands » à sa nomination en tant que Chancelier de la République de Weimar, en passant par le putsch manqué de Munich, l’ascension politique de ce mégalomane hors pair est aussi surprenante que fulgurante. Une fois au sommet du pouvoir, l’auteur de Mein Kampf se lance à la conquête de l’Europe afin de construire son empire qui durera mille ans et d’écrire l’une des pages les plus sombre de l’Histoire de l’Europe.



L’auteur dresse donc différents portraits du célèbre nazi : l’artiste peintre admirateur de Wagner, le clochard, le soldat, le politicien, le chancelier du Reich et le stratège militaire. Ces nombreux visages permettent de dresser le portrait d’un personnage énigmatique, imprévisible, narcissique, rusé et cruel, mais qui demeure malgré tout humain, …alors qu’on aimerait tant se débarrasser de cette dernière étiquette qui le lie encore à nous.



Le fait d’accompagner cet homme durant les différentes étapes de sa vie permet également à l’auteur de distiller de nombreuses informations historiques sur l’évolution de la deuxième guerre mondiale et rend cet album particulièrement didactique. Le fait d’utiliser des photos d’archives pour réaliser les décors, accentue encore le réalisme de cette ascension tragique.



Une œuvre déjà incontournable !
Lien : http://brusselsboy.wordpress..
Commenter  J’apprécie          60
NonNonBâ

C’est à un voyage poétique et onirique auquel nous convie Shigeru Mizuki avec beaucoup de talent. Le jeune Shigeru de l’histoire évolue dans un univers douillet que viennent seulement troubler quelques yokaïs, petits êtres surnaturels, élèments fondamentaux de la tradition populaire japonaise. La vieille NonNonbâ connaît bien ces monstres étranges et ainsi elle peut repérer ceux qui sont dangereux (celui qui aide à tricher en classe, ou celui qui lèche la saleté par exemple, d'où la nécessité de rester propre...) et ceux qui sont davantage pacifistes, souvent des âmes errantes malheureuses.



- Le portrait de cette famille traditionnelle est haut en couleurs, conduit par un père utopiste.



" - C'est simple... En fait, tu n'as qu'à te figurer l'endroit où tu rêves d'aller.



- j'ai compris.



- Tu vois, Shigeru... Ce qui émeut les gens, ce n'est pas les choses telles qu'elles sont... Il te suffit de rêver à comment tu voudrais que ce monde soit, tu vois ?" (p. 187)



ll décide un beau matin d'ouvrir un cinéma :



"Je crois que c'est comme qui dirait ma mission, à moi qui ai acquis la culture de la capitale de faire découvrir et apprécier les nouvelles formes d'art aux habitants de notre province..." (p. 49)



Sa femme se dresse contre cette idée saugrenue en se demandant quand son homme sera enfin sérieux, avant de finalement accepter, "va donc comprendre quelque chose aux femmes" soulignera à cette occasion le petit frère de Shigeru (p. 76)...



- Les bagarres entre bandes rivales rythment l'enfance du jeune Shigeru et la transition vers l'adolescence se fait doucement par l'intermédiaire de jeunes filles qui l'acheminent vers des sujets plus graves que ces batailles rangées...



"Il est temps maintenant de vous laisser découvrir NonNonBâ, ce petit bijou qui marie admirablement fantaisie et chronique familiale, et dont les particularités culturelles, pour aussi intéressantes qu'elles soient, deiennent vite secondaires face au caractère universel des sentiments qu'on y rencontre. Bonne lecture." (Introduction)




Lien : http://lecturissime.over-blo..
Commenter  J’apprécie          60
NonNonBâ

Nous sommes en 1930 dans un village japonnais.



Shigeru est un jeune garçon sans grandes ambitions. Il vit au jour-le-jour et profite des petits plaisirs de la vie : des bagarres organisées avec la bande rivale du village, des temps où il écrit des bandes-dessinées, des moments qu'il partage avec NonNonBâ, une petite mamie au grand coeur.

Les événements conduisent la famille de Shigeru à accueillir NonNonBâ sous leur toit en échange de quoi, elle leur rend de petits services.

La complicité qui unit NonNonBâ et Shigeru fait fi des générations qui les sépare et Shigeru sollicite sans cesse NonNonBâ pour qu'elle lui raconte encore et encore des histoires de Yokaïs, ces petits êtres surnaturels, plus ou moins dangereux, plus ou moins monstrueux.



Il est vrai que ce n'est pas le graphisme que cette BD nous accroche. Cependant, c'est une ouvrage qui mérite réellement que l'on prenne un temps pour le lire.


Lien : http://chezmo.wordpress.com/..
Commenter  J’apprécie          60
NonNonBâ

En complément de la belle critique d'orhal, je voudrais ajouter une information sur la qualité des Editions Cornélius (je n'ai aucun lien avec eux je le jure!). J'ai aussi été très ému par cet enfant qui découvre tout ce qui structure le parcours de toute vie: l'amitié, l'amour, la haine, le pouvoir, la mort. Shigeru est souvent confronté à des choix difficiles à prendre tout autant qu'à des drames et des déceptions terribles . Mais la présence toujours essentielle de NonNonBa mais aussi de ses parents (et surtout de son père, personnage magistral!) lui permet de ne jamais sombrer.
Commenter  J’apprécie          60




Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Shigeru Mizuki (741)Voir plus

Quiz Voir plus

Les Yôkai

Quelle est la particularité de "Futakuchi Onna" ?

Elle peut allonger son cou
C'est une femme serpent
Elle possède deux bouches
Elle peut voler

6 questions
1 lecteurs ont répondu
Thème : Dictionnaire des Yôkai de Shigeru MizukiCréer un quiz sur cet auteur

{* *}