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Critiques de Sinclair Lewis (50)
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Babbitt

Une satire mordante d'un certain mode de vie, et surtout d'un certain etat d'esprit, d'une certaine position envers la societe et la vie. Babbitt, son heros ou anti-heros, est devenu, depuis la parution du livre en 1922, archetypique, pour designer les petits bourgeois des moyennes villes americaines, conformistes jusqu'a l'oubli de soi, pensant avec et par une certaine classe qui denigre tout ce qui ne lui ressemble pas.



Babbitt, agent immobilier dans la petite ville de Zenith, est un condense schematique des manieres, des habits, des croyances, des opinions et des sentiments du petit homme d'affaires americain moyen, entre la grande demonstration de force de la premiere guerre mondiale et la grande depression des annees trente. Et Sinclair Lewis denonce l'etroitesse de vues, en fait l'etroitesse de vie, en s'en moquant. Babbitt n'est pas passif, mais tous ses actes sont encarcanes. Ils ne decoulent pas d'une volonte propre mais suivent les formalites, les "rites", les conventions d'une certaine classe, arriviste, arrogante, sure de soi. Ses opinions? Il les lit dans le journal finance par ceux qui ont reussi avant et mieux que lui, et les assene autour de lui d'un air docte. En tout il suit aveuglement un schema preetabli par d'autres. Il ne se regarde que par le regard des autres. Il a quand meme un episode d'echappee, d'aventure, de felure du carcan, mais court et sans effet ni influence sur la vie vers laquelle il s'empresse de revenir. Il revient vite parce qu'il s'apercoit (ou pense) que sans son entourage, sans le regard et l'acceptation des autres il n'est rien. Ou pire: il est ce que sa classe, ses pairs, denigrent.



L'ironie de Lewis est delicieuse. Son humour doux, jamais mechant. C'est peut-etre ce qui a fait le succes de cette satire: une certaine Amerique a pu se regarder en face sans pour autant ni vraiment changer ni jeter le livre au feu. Mais Lewis est quand meme, avec Dos Passos, ou Scott Fitzgerald aussi d'une certaine facon, un des premiers a signaler la transformation de l'esprit pionnier en esprit de profit, de l'American dream en American way of life, et a denoncer la superficialite, la vacuite de mots, de discours ou l'inculture se traduit en poncifs acceptes et repetes sans aucun examen; ou ces poncifs soutiennent un materialisme egocentrique de mauvais aloi. C'est surement ce qui lui a valu le Nobel, les suedois jouissant de pouvoir taper un peu sur l'Amerique, par un de ses ecrivains superpose.



Babbitt n'a pas vieilli. Il se lit avec plaisir. Toujours avec le sourire, un sourire qui n'empeche pas - bien au contraire - la reflexion. Pres de cent ans apres la parution du livre, ne sommes-nous pas entoures de babbitts? En Amerique et partout? Ne sommes-nous pas, nous-meme, des babbitts?





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Impossible ici



Écrit il y a quelque 89 ans, l'œuvre du premier américain Prix Nobel Littérature, Sinclair Lewis, risque de connaître un deuxième regain de lecture et de vente, après 2016 et l’élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis, avec la candidature du même bonhomme cette année-ci à la même haute fonction.



Maintenant que les primaires républicaines viennent de commencer dans l’Iowa avec une longueur d’avance inquiétante du Donald sur Nikki Haley et Ron DeSantis, les Américains feraient bien de lire ou de relire l’ouvrage de Sinclair Lewis avant de se rendre aux urnes. Quand bien même s’il s’agit d’une dystopie politique sarcastique, comparable à "1984" de George Orwell, publié 13 ans après.



Le personnage farfelu que l’auteur a imaginé pour les elections présidentielles de 1940, contre un Franklin Delano Roosevelt (1882-1945) et Herbert Hoover (1874‐1964), s’appelle Berzelius "Buzz" Windrip.



Fils d’un pharmacien, après de médiocres études, Buzz (le "bourdonnant") disposant de qualités oratoires "tantôt violentes, tantôt humoristiques", s’était lancé dans la politique et était devenu le grand manitou de son État, sans jamais briguer les élections de gouverneur, laissant cet honneur à un homme de paille.



Je pense que Sinclair Lewis s’est en partie inspiré du tumultueux gouverneur, puis sénateur, de la Louisiane, Huey Pierce Long, né en 1893 à Winnfield et assassiné le 10 septembre 1935 à Baton Rouge. Un démagogue populiste aux aspirations autoritaires.



Quoiqu'il en soit, l’honorable Buzz, a beau boire "du Coca-Cola avec les méthodistes, de la bière avec les Luthériens, du vin blanc de Californie avec des commerçants juifs de province, et du whisky avec tous", il n’en demeure qu’il s’agit d’un opportuniste dangereux avec des aspirations totalitaires.



Considéré tellement dangereux dans l’autre camp, que ses opposants qui craignent un Mussolini ou Hitler à l’américaine, essaient de se rassurer en se disant : "It Can’t Happen Here" ( titre du livre en v.o.) ou cela ne peut pas se produire ici.



Le programme que le candidat présidentiel Buzz Windrip publie dès sa nomination par son parti, tient en 15 points, qui outre des vagues promesses aux pauvres, constitue un manifeste d’extrême droite : raciste, antisémite, anti--féministe, anti-syndicaliste, avec l’octroi de pouvoirs exceptionnels au président de la République et une augmentation des armements et de la puissance militaire de l’État.



Donald Trump n’est pas Buzz Windrip bien sûr, mais un retour au pouvoir suprême d’un homme aussi imprévisible et superficiel, qui, frustré par sa défaite de 2020 et les 91 accusations pénales contre lui dans 4 dossiers différents, voulant par ailleurs sa revanche, ne laisse présager rien de bon.



Ce n’est pas seulement à Kiev que l’on a peur d’une telle éventualité, face au criminel Poutine, avoir un président à Washington qui considère l’Otan comme un "anachronisme" superflu, n’est guère rassurant pour notre Europe non plus !



"Impossible ici" a bénéficié de la traduction en langue française par Raymond Queneau, le père de l’inoubliable "Zazie dans le métro" de 1959.

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Elmer Gantry : Le Charlatan

1927. Avec "Elmer Gantry" Sinclair Lewis fait scandale. C'est une satire, mais ce n'est plus l'ironie amene bien que mordante de Babbitt, ce n'est plus de la moquerie, c'est une charge. Ce n'est plus de la raillerie, Lewis use du sarcasme pour accuser. C'est de la lutte a plume armee.



Elmer Gantry est un precheur. Il passe d'une eglise a une autre, devenant tour a tour baptiste, methodiste, presbyterien, congregationniste, ou tout simplement evangeliste, suite a de grandes revelations spirituelles: ou pourra-t-il s'elever plus vite dans la hierarchie, ou gagnera-t-il plus d'argent.

Il est egoiste, machiste, coureur de jupons, evidemment infidele a toutes (et a tous en fait), menteur, trompeur, demagogue, specieux, un inculte qui repete a longueur de journees et d'annees le meme sermon banal et futile, un vil mercantile qui fait de la religion une camelote de pacotille. Mais il reussit, grace a son beau physique, a sa prestance, a sa voix de baryton. En fin de livre c'est un eveque somptueux, adule par des ouailles qui gobent son baratin, craint par des pairs dont certains doutent de lui. Un vieux pasteur, qu'il ira visiter dans un hameau perdu, le percera a jour, lui demandant, du ton dont on s'enquiert de la pluie et du beau temps: "Quand, mon fils, as-tu cesse de croire en Dieu?"



Elmer Gantry c'est la victoire de l'hypocrisie. le triomphe de Tartuffe. Mais ce tartuffe-ci est pourri jusqu'a la moelle des os. Et il contamine son entourage. Il pourrit toute religion, pour en faire une mine d'or exploitable sans scrupules.

Derriere Elmer Gantry, c'est tout un monde de precheurs, de prophetes auto-proclames, de guerisseurs d'ames par des remedes-miracle, d'apotres de Jesus a la petite semaine, qui parcourent les vastes territoires americains pour une poignee de dollars, que Lewis attaque. A cote d'eux il y a aussi beaucoup de sinceres et bons pasteurs, qui se devouent a leur communaute, eux ne s'enrichiront pas mais enrichiront spirituellement les fideles, et auront beaucoup de mal a s'elever dans toute hierarchie ecclesiastique. Leur humble travail est, selon Lewis, sape a la base par la proliferation des cupides, des venaux. Apres une discussion avec Elmer Gantry, qui est devenu entretemps catholique, un pretre traverse par des doutes notera dans son carnet: "L'Eglise Catholique Apostolique Romaine est superieure a l'Eglise Protestante militante. Elle ne t'oblige pas a renoncer au sens de la beaute, ni au sens de l'humanisme, ni aux vices agreables. Elle ne te demande qu'une chose: renoncer a l'honnetete, a la raison, au coeur et a l'ame".



Ce livre a donc ete percu a sa parution comme un pave dans la mare americaine. Il l'est encore aujourd'hui. Et gaves que nous sommes de scandales perpetres par des gens d'eglise (de toutes les eglises, de toutes les religions), nous pouvons nous demander, comme en son temps Lewis: pour chaque emule de Martin Luther King, combien de charlatans?
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Babbitt

Challenge Nobel 2013-2014

1/15



Babbitt, c'est l'Américain de la classe moyenne, d'une ville moyenne du Midwest. Bien installé professionnellement en tant qu'agent immobilier, personnellement en tant que mari et père, il mène une vie réglée comme du papier à musique entre son bureau et sa vie familiale.

Le roman s'ouvre sur une description d'une journée type de Babbitt, du lever au coucher. Si, sur le papier, tout semble idéal, la représentation du fameux american way of life va être rapidement écorné. En effet, si Babbitt possède tout ce qui doit combler un homme de son acabit (une belle maison dans le quartier prestigieux de Floral Heights, une voiture rutilante, une affaire qui marche), une brèche s'entrouve petit à petit dans son esprit le faisant douter que cela suffit à son bonheur.

Minutieusement et avec brio - à la manière d'un Flaubert et son Emma Bovary - Sinclair Lewis nous décrit le craquèlement d'un homme pas tout à fait satisfait de la vie qu'il mène - et d'ailleurs surpris le premier de ne pas l'être - et les tentatives menées par celui-ci pour y échapper. Je m'attendais à mépriser ce personnage imbu de lui-même, qui aime à répéter des opinions dictées par autrui sur des sujets qu'il ne maîtrise pas du tout ; et c'est ce qui est arrivé pendant une bonne partie de ma lecture. Mais, les efforts vains et pathétiques de Babbitt pour fuir une vie que des moments de lucidité lui rendent insupportable finissent par nous le rendre plus sympathiques, du moins à nous le faire prendre quelque peu en pitié. L'empathie fonctionne et on espère à ses côtés qu'il parviendra à se défaire de cette "toile d'araignée" qu'est sa vie

Car ce que démontre l'auteur à travers ce portrait c'est l'enchaînement d'un homme à sa classe qui lorsqu'il commence à se démarquer par des opinions plus libérales - notamment à propos des ouvriers, des immigrants, des grèves - se voit immédiatement mis de côté et comme puni de haute trahison.

J'ai particulièrement apprécié la fin où, Babbitt rentré "dans le rang" va, dans un dernier sursaut de révolte, soutenir son fils dans une situation qu'il n'aurait jamais accepté au début du roman. Et la confession qu'il lui fait à la toute fin du livre est très émouvante.

C'est un roman assez lent au départ, qui peut sembler parfois fastidieux. Mais, dès lors, que Babbitt prend de "l'épaisseur", s'étoffe d'une consistance à laquelle je ne m'attendais pas vraiment, j'ai pris un grand plaisir à cette lecture.
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Babbitt

Il est parfait George Babbit, un citoyen américain exemplaire : une belle maison au goût du jour dans le bon quartier de Zenith, une belle voiture, un commerce immobilier avec lequel il tient son rang dans la grande aventure nationale de l'entreprise individuelle, une épouse terne, des amis comme lui, des tickets d'entrée dans les clubs select de la ville, un parcours sans faute depuis la classe moyenne jusqu'à la classe moyenne supérieure, et l'ambition qui va avec de tutoyer l'élite. Epoux sage, républicain bon teint comme il se doit, père prévoyant, bedaine rassurante, cigares de choix.

Oui mais voilà, Babbit rêve d'ailleurs...

Babbit a beau ne pas être une oeuvre littéraire remarquable de par son style, on comprend le Nobel attribué à Sinclair à ce que ce roman dresse, pour la première fois, un portrait complet teinté d'ironie distante de cette catégorie sociale qui, juste inférieure à celle de Fitzgerald, a "fait" l'Amérique des années 20, avec son dynamisme forcené, ses valeurs conservatrices et ses codes sociaux particulièrement stricts pour que l'ensemble se tienne et joue sa partition triomphante d'un American way of life d'avant le consumérisme d'après-guerre.

Autant dire qu'en dépit de son énergie, la vacuité de cette société ne fait pas très envie, et l'on respire avec délices quand Babbit se met à faire le pas de côté, emporté par son ami Paul, artiste rêveur déprimé par ce monde matérialiste et vide. Attention cependant au pas de trop: dans cet univers, il se révèle rapidement socialement létal...
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Babbitt

American way of life...

George Babbitt, agent immobilier à Zénith, petite ville du Midwest. Il a tout Babbitt, et il veut tout. Tout ce que peut lui offrir notre société de consommation balbutiante aux Etats-Unis, dans les années 20. Il s'éblouit Babbitt, mais il commence à s'étouffer aussi. Un roman visionnaire sur notre société actuelle.



14/01/2014
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Impossible ici

HIC ET NUNC ?



Nous sommes en 1935 et nous sommes dores et déjà dans la période de l'Amérique triomphante. Tandis que les vieilles démocraties européennes se font tailler des croupières par les jeunes dictatures italiennes, allemande et soviétiques, la démocratie représentative, outre-atlantique, semble absolument invincible. Mais il se trouve, déjà, quelques esprits chagrins, là-bas, pour vouloir remettre en cause ces lendemains qui chantent de la classe moyenne étasunienne, fière de son capitalisme, de ses réussites industrielles, de sa vision conquérante d'un avenir "tout confort", de sa foi en ses Institutions et en Dieu (de préférence non catholique).



L'une de ces personnes-là est l'écrivain américain, premier prix Nobel attribué à son pays, connu pour sa description très profonde et souvent emprunte d'ironie de cette fameuse classe moyenne -blanche, anglo-saxonne et protestante - tellement rétrospectivement cocasse dans sa présomption et ses oeillères, son conformisme, quant à elle-même, quant au monde qui l'entoure. C'est sur cette thématique générale que l'auteur du présent ouvrage, Sinclair Lewis, se rendit célèbre avec son roman Babbitt.



Cependant, entre ce texte antérieur, publié en 1922, et cet Impossible ici, le monde a beaucoup changé et ce grand espoir de paix universelle, de démocratie pour tous et de "Der des Der" qui devait à coup sûr émerger de la fin de la Ière Guerre Mondiale et de la création de la Société des Nations (SDN) ne semble désormais plus qu'un doux rêve utopique.



Ainsi, prenant acte de ces espoirs déçus, de la grande pauvreté d'une partie non-négligeable de la population suite à la fameuse crise de 1929, du durcissement des relations internationales et de l'inexorable montée des extrémismes - fascistes ou communistes - , de la crise de la représentativité (déjà...), Lewis imagine l'impensable : la mise en place d'une véritable dictature, de type fasciste, au sein même du "pays des libertés", et par le biais même de ces institutions dont les américains sont si fiers.



Ainsi, sous couvert de vouloir remettre en avant les "vraies valeurs traditionnelles" du pays, de donner enfin du travail à tous -à commencer par les grands oubliés de l'histoire -, tout en désignant, inévitablement, les ennemis et autres boucs émissaires inaltérables mais efficaces - les juifs, les gros capitalistes et banquiers, les démocrates mous, le travail et le vote des femmes, les communistes, dans une mesure moindre, les "nègres", etc -, de promettre 5 000$ à tous, Berzelius "Buzz" Windrip, véritable parangon de ce qui se fait de plus démagogique, réactionnaire et bassement populiste en matière de politique prend le pouvoir de manière parfaitement légale et sans autre pression que celle, dans un premier temps relativement bienveillante, de ses "MM" (pour "Minute Men", référence éhontée aux fermiers américains ayant pris les armes "dans la minute" contre la couronne britannique durant la Guerre d'Indépendance), véritable milice para-militaire, constituée de laissés-pour-compte, gros bras en mal de violence, repris de justice, chômeurs sans avenir, etc.



Très vite, et malgré des promesses n'engageant, comme bien souvent, que ceux qui les ont écoutées, le nouveau Président, avec l'aide de quelques uns de ses proches, vont instaurer un véritable autocratique, violent, arbitraire (il n'est pas fortuit de noter que Lewis imagine que le despote use et abuse d'une apparence de légalité pour se faire, par exemple, voter les pleins pouvoirs. On songe évidemment à la prise du pouvoir par Hitler. Mais, dans la méthode, on n'est pas bien loin non plus de ce qui se passera en France seulement cinq années plus tard...). L'ensemble se déroulant sous les yeux d'une population très largement apathique, voire enthousiaste, et se fichant assez copieusement des ennuis du voisin, tant que l'ordre règne et que les affaires continuent...



Assez rapidement, tous les opposants finissent dans des camps de concentration, anciennes écoles pour filles, institutions diverses et devenues inutiles, ou bâtiments rapidement construits à cette fin. La presse est muselée, les anciennes autorités politiques, judiciaires, policières, intellectuelles sont mises au ban, envoyées au travail forcé, prolétarisées et remplacées de facto par les petites mains du nouveau régime, parfois à rebours de toute logique et de toute efficacité.



Un homme va être le témoin privilégié de cette montée en puissance de cette dictature américaine "impossible". Son nom est Doremus Jessup, c'est un homme de bonne et vieille souche américaine, fils et petit fils de pasteur, directeur du journal The Informer, créé par son père, et l'un des principaux quotidiens de la petite ville de Fort-Beulah. Doremus se proclame assez ouvertement "libéral", et, de ce fait, se méfie comme de la peste de tous les extrémismes, n'est encarté chez aucun parti et vote selon sa conscience, non d'après les engouements du moment. Aussi, c'est d'abord en témoin dépité et rageur - mais pour le moins inactif, à l'exception d'un ou deux éditoriaux en première page de sa propre gazette - qu'il va observer l'ascension de Windrip et de ses affidés - constatons, au passage, que le futur dictateur a repris les rênes du parti démocrate, à l'électorat sans doute plus populaire et rural en cette époque. Il est d'ailleurs d'abord assez froidement accueilli à New-York, par exemple -. Mais, peu à peu, et en grande partie sans que cela procède toujours de ses choix propres, en bon "héros malgré lui", Doremus va peu à peu se diriger vers une résistance au pouvoir honni plus active, avec tout ce que cela engage de risques, pour lui, sa famille et ses proches. Il va connaître la torture, les humiliations, l'enfermement carcéral, les camps de concentrations mais ne se départira jamais tout à fait de son humanisme ni de son pacifisme viscéral, quelles que soient les violences vues ou vécues. Ainsi refusera-t-il définitivement de rejoindre toute résistance révolutionnaire et armée, telle que les rares opposants communistes la proposent. A posteriori, et si l'on reprend le cours de l'histoire du XXème siècle, il nous est difficile de croire à la possible victoire d'une résistance strictement pacifique, aussi triste cela puisse être. Mais Lewis était un pacifiste idéaliste.



Hélas, triple hélas, Sinclair Lewis manque, et de beaucoup, son but.

Certes, on comprend bien son analyse de la montée en puissance du parti fascisant de ce pseudo démocrate au sein même d'une démocratie s'imaginant pourtant au-delà de ce type d'accident malheureux.

Certes, Lewis fait bien le procès de tous les faux semblants, conformismes, bêtises, petites et grandes lâchetés des américains de son temps, lesquelles peuvent faciliter ce genre de prise de pouvoir.

Certes, on mesure parfaitement la mise en garde que représente ce morceau de littérature.



Mais que tout cela manque de force, d'originalité, de percussion ! Et si l'on s'amuse, ici et là, de l'humour raffiné et gentiment irrespectueux de l'auteur, c'est pour mieux s'ennuyer raisonnablement - toujours avec élégance - de l'essentiel de ces presque quatre cents pages. Par ailleurs, si l'on comprend bien que l'auteur s'inquiétait de voir ce que l'Europe connaissait - et principalement l'Allemagne, d'où sa jeune épouse, reportrice, avait été la première journaliste étrangère expulsée du pays, pour avoir osé de bien indélicates questions au Fürher -, la montée de la dictature aux USA est une telle copie de la prise de pouvoir en Allemagne par les nazis, que cela peut passer pour un manque flagrant d'inventivité, tandis que, par bien des aspects, on peut imaginer que les différences notables entre les deux pays auraient pu donner lieu à une créativité autre de l'auteur. On est vraiment très éloigné des grandes dystopies déjà ou bientôt écrites à cette époque, que l'on songe à cet étonnant La Kallocaïne de la suédoise Karin Boye, au terrible Nous autres d'Ievgueni Zamiatine (récemment retraduit chez Actes Sud) et autres romans qu'on ne cite même plus de Huxley ou d'Orwell.



Dans le même temps, et bien que l'auteur ait pris acte des évolutions dans la monstruosité de ces fascistes maisons, cette prise du pouvoir semble presque plus sortie d'un XIXème siècle finissant et découvrant l'industrialisation des moyens de productions (y compris celle de la mort) que de l'effervescence scientifique et techniciste de ces années précédents la Seconde Guerre Mondiale.



Même dans la mise en place d'une propagande féroce, Sainclair se soucie plus de la bonne vieille presse écrite - de la radio, un peu, mais presque essentiellement lorsqu'il ne s'agit que des discours du futur maître ainsi que la voix d'un prédicateur fameux, ralliant le futur président, et bientôt éliminé pour cause de trop grande popularité -.

Quid de la puissance populaire de l'industrie cinématographique, outils de propagande adoré des "vrais" nazis du IIIème Reich et, au même moment, véritable fer de lance de la culture populaire américaine de ces années trente, que l'auteur n'évoque pas un instant. Quid de la minorité noire américaine dont Sinclair Lewis écarte le sujet en deux temps, trois mouvements, la laissant dans une brume contextuelle terrible et minimisant - c'est le moins qu'on puisse dire - son importance ? Quid de cette spécificité américaine des lendemains de la terrible crise de 29 - dont on sait par ailleurs les répercussions en Europe, mais sans commune mesure avec la virulence des années noires étasuniennes - et des remous sociaux et économiques cataclysmique qu'elle engendra outre-Atlantique ? Sinclair ne nous dit pour ainsi dire rien de toutes ces questions, et c'est plus que fâcheux, parce qu'ainsi, c'est tout une part non négligeable de sa démonstration qui tombe à plat. Ou, pour être plus exact, qui semble tourner à vide.



S'il est vrai que le texte demeure toutefois intéressant - il se lit par ailleurs sans difficulté majeure, dans un style facile et agréable, malgré quelques coq à l'âne étrange (voir ci-après pour un début d'explication) -, s'il est tout aussi vrai que l'éditeur ne nous donne, malheureusement, que la "version" de 1937, taillée à la hache par Raymond Queneau (l'auteur du fameux Zazie dans le métro), l'édition originale étant d'environ un quart plus importante (les méthodes éditoriales en matière de traduction étaient parfois terribles, dans ces années là), même si son préfacier, M. Thierry Gillyboeuf fait assaut de toute son intelligence et de sa verve passionnée pour ranimer la valeur de ce texte quasi préventif, impossible ici de ne pas estimer que l'ensemble manque son objectif, rattrapé qu'il fut par L Histoire elle-même.



Demeure tout de même ceci - le profil intrigant à la très blonde chevelure plaquée de la couverture, choisie par les Editions de la Différence le laisse à imaginer - que ce texte peut encore être découvert à l'aune des récentes élections et que loin d'y trouver une parfaite répétition, il peut préfigurer les éventualités plus que funestes et inquiétante d'une certaine dérive de la Démocratie en Amérique, ainsi que partout ailleurs, au sein de nos propres démocraties sociales-démocrates assurément malades.

Un texte qu'il était bon de sortir des placards, sans doute, et qui eut certainement gagné à être intégralement complété et corrigé, mais qu'il faut prendre pour ce qu'il est : un roman mineur d'un auteur américain qui ne l'est pas moins, d'où, vous l'aurez compris, cette lecture en demi-teinte.



Il n'empêche : et si tout ceci finissait par arriver "Ici et Maintenant"...?
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Babbitt

Dans ce bijou de roman satirique, Sinclair Lewis campe un personnage type : L’américain moyen du mid-west. Cette oeuvre connu un tel succès que Babbitt eu la gloire insigne de devenir un nom commun pour désigner un personnage américain symbolique, comme un harpagon désigne un avare ou un don juan un séducteur.



Babbitt est responsable d’une agence immobilière à Zenith. Il est fier de son activité, de sa situation, de son train de vie et de la considération qu’ils lui valent. Il habite une charmante propriété, sise sur les “Hauteurs Fleuries”, lotissement typique doté de tout le confort et réservé aux gens qui ont su s’avancer triomphalement sur les voies de la réussite sociale. Il est membre du club des “Boosters” (de ceux qui se soutiennent dans la vie!) et du club athlétique (où on y prend des déjeuners fort copieux et en manière de sport on peut y jouer au billard...). Bref, George F. Babbitt a su se faire sa place dans la vie.



Avec une verve réjouissante, Sinclair Lewis peint la société américaine dans ce qu’elle a de significatif : culte du travail et du dynamisme, matérialisme des plus puérils, vulgarité désarmante de triomphalisme (le sans-façon yankee), camaraderie hystérique et bruyante, gigantisme général, standardisation des choses et des êtres. Babbitt reste néanmoins un personnage assez attachant avec ses retours de scrupules, personnage bouffi de son importance, mais en somme insatisfait de lui, prisonnier des conventions étouffantes dans une société où la respectabilité est le maître mot pour faire des affaires en nouant des relations fructueuses.



Un roman très drôle, au style simple, enlevé et alerte, on ne s’ennuie pas une minute!
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Impossible ici

Impossible Ici de Lewis Sinclair est un roman dystopique écrit en 1936, décrivant la montée d’un fascime américain et l’instauration d’une dictature.

Ce livre est d’une actualité brûlante au moment où les populistes nationalistes accèdent au pouvoir un peu partout dans le monde et où des suprémacistes fascisants américains marchent sur le Congrés sous le regard émerveillé d’un président Trump.

Ce roman est un classique, bénéficiant d’une écriture simple, parfois un peu datée mais qui fait mouche.

Lewis Sinclair n’est cependant pas un visionnaire à Georges Orwell. L’auteur a écrit un roman destiné à montrer la possibilité de l’avènement d’un régime fasciste aux Etats-Unis pour dessiller le regard de ses compatriotes. Marié à Dorothy Thompson, brillante journaliste qui a affirmé très tôt son engagement contre le fascisme, on a tout de même l’impression que le roman reste un peu léger dans sa dénonciation du fascisme. Cela ressemble même parfois à une parodie du régime hitlérien, à une simple transposition des événements qui se sont déroulés en Allemagne à l’Amérique.

Par exemple : Une milice dépendant du parti politique dirigé par un démagogue devient ainsi un corps de l’armée, institution sur laquelle elle finit par prendre le pas ; la presse perd peu à peu sa liberté et des hommes dévoués au parti dirigent les médias malgré leur incompétence ; des lois sont votées ramenant ainsi les femmes au foyer, c’est le temps du célèbre Kirche-Küche-Kinder ; le crime est éradiqué et les « droits communs » sont enrôlés dans les forces de police ; les Juifs sont spoliés de leurs droits au profit de partisans du parti en place, etc...

Dans "Impossible Ici", on a également l’impression que le fascisme surgit de nulle part. Les références à la crise de 1929 sont très légères et par trop succinctes. S’agissait-il de paresse de la part de l’auteur ou était-il simplement pressé de dénoncer la situation européenne et les regards bienveillants d’une certaine partie de la classe politique américaine de cette époque ?

Quoi qu’il en soit, le roman se lit agréablement, et mine de rien le parallèle que le lecteur fait avec la campagne et les premières actions de Trump est assez dérangeant.
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Babbitt

Babbitt, agent immobilier modèle et père de famille modèle -non pas dans le sens d'exemplaire, mais dans celui de commun, d'universel, habite une demeure type, dans une ville type des Etats-Unis, Zenith la bien nommée.



Cette vie, réglée comme du papier à musique, laisse entendre une mélodie qui sonne faux, et Babbitt, pris dans les fils ténus de ses habitudes et de ses certitudes, tentera de briser ce cycle infernal. Le problème étant que s'il réussit effectivement à casser certains fils, en échappant ou plutôt en fuyant sa routine de couple par le biais de quelques échappées vrombissantes et alcoolisées -dans le contexte de l'enfer de la prohibition- ces fils brisés, au final, en viennent toujours à se renouer et à enferrer encore plus profondément ce bel exemplaire de l'american way of life dans ses angoisses.



La vie de Georges F. Babbitt incarne la version modernisée et aseptisée du rêve américain, standardisé, celui de la réussite financière (-quid de la simplicité avec laquelle un américain vous demande combien vous gagnez?), en s'appuyant sur le dogme capitaliste et sur un socle de valeurs chrétiennes mais qui sont en fait désincarnées, expurgées de leur signification profonde.



Bref, la vie de G. Babbitt illustre l'individualisme forcené, protégé par l'illusion d'une vie familiale ordonnée, huilé par une vie sociale dont l'intérêt principal est de servir les appétits professionnels, tout en donnant l'impression de faire partie -sinon d'un groupe d'ami, du moins à un groupe social, une sous-caste méprisant les forces laborieuses et enviant, tout en s'en défendant, celle des riches.



Le livre phare de Sinclair Lewis dénonce avec humour, vigueur et efficacité un certain modèle américain, modèle qui, dans notre époque de standardisation et de marchandisation forcée, semble avoir conquis bien des territoires.







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Babbitt

Babbit est un roman intéressant qui nous retrace une routine de la vie quotidienne d'un bourgeois américain des années 20, d'une quarantaine d'année, dont les folies de jeunesse n'ont plus leur place, ce gout pour le rêve est devenu presque inexistant… ce qui compte c'est préserver ce qu'on a déjà...
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De sang royal

Neil Kingsblood est banquier. Grâce à son richissime beau-père, il faut l'avouer. Car Neil est avant tout le mari de Vesta, une enfant gâtée, et le père de Biddy, enfant choyée.

Depuis sa démobilisation pour cause de blessure, Neil ne peu plus pratiquer les sports qu'il aimait tant, et ses copains sont toujours sur le front. Alors, dans sa luxueuse maison de Grand Republic, Minnesota, il passe le temps comme il peut. Il plaisante avec les gens de sa condition. Il surveille la domestique noire qui n'en fait qu'à sa tête et se fiche de lui. Il gère les fortunes de ses voisins et suscite leur jalousie.

Mais rien ne le passionne . Une fois la domestique virée, il n'a plus vraiment de préoccupation digne d'intérêt. Et c'est son père, sans le vouloir, qui va lui fournir un nouveau sujet de réflexion, un objectif. Les Kingsblood, comme leur nom l'indique, seraient issus d'une lignée royale, possiblement apparentés à la couronne d'Angleterre. Voire - le vieil homme devient lyrique - héritiers du trône, qui sait ?

Alors, pour s'occuper l'esprit et complaire à son paternel, Neil va fouiller dans les archives locales. Rien n'indique que la légende familiale soit fondée, et la famille n'a pas laissé de traces. Du côté maternel, peut-être ? Oui, il y a bien des documents permettant de retracer la généalogie de la grand-mère de Neil. Jusqu'à un certain Xavier Pic , coureur des bois.

Et nègre.

Ce qui fait de Neil et de toute sa famille des nègres, eux aussi, puisque c'est la loi de l'époque, le terme employé à l'époque... et tout ce que les gens de l'époque ne supportent pas .

Le héros est face à un dilemme: doit-il bouleverser la vie familiale en avouant son secret, ou garder cette histoire pour lui et continuer à entretenir un système qui écrase ses semblables ?

Avant de se prononcer, il résout d'en savoir davantage sur l'existence d'un nègre au Minnesota.

Et son apprentissage est le nôtre ...



Un roman à la fois drôle et lucide, passionnant pour qui s'intéresse à une période mal connue de la vie américaine , puisque l'immédiat après-guerre n'est pas toujours très documenté pour nous autres Européens ; un roman qui nous montre, surtout , que nos idées reçues sur la ségrégation ne sont pas forcément justes , et que tout n'est pas ... tout noir ou tout blanc.
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Babbitt

J’ai croisé pour la première fois le nom de Sinclair Lewis en lisant Steinbeck. J’avais donc noté dans ma petite tête de découvrir cet auteur un jour ou l’autre (1er écrivain américain à recevoir le Nobel en 1930). C’est chose faite avec le plus célèbre de ses romans, un classique de la littérature américaine.



Babbitt est le nom du personnage principal de ce roman mordant. Sinclair Lewis jette un regard satirique sur la vie d'un homme blanc d'âge moyen, agent immobilier dans une petite ville d'Amérique. Il se moque d'à peu près tout ce dont on pourrait se moquer. Le désir de s'intégrer, l’appât du gain, la prétention, la matérialisme, l’hypocrisie, le manque de pensée individuelle, le conformisme, la fausse vertu.



C’est une critique de la pression sociale qui pousse à se conformer aux normes établies par le reste de la société, du capitalisme et du matérialisme, d’une certaine vacuité de la vie des classes moyennes pour lesquelles le statut social est l’unique échelle pour mesurer la valeur d'un individu.



Le roman est assez long et je ne vous cacherai pas que j’ai eu un passage à vide vers le milieu du texte mais ce creux est absolument essentiel pour comprendre l’évolution de Babbitt. Car si au début notre anti héros est béatement satisfait de lui, il va petit à petit se questionner. Est-ce tout ce que la vie a à offrir ?



Datant de 1922, les thèmes et toute la satire s’appliquent cependant parfaitement à l'expérience humaine des temps modernes. Ça pourrait très bien se passer dans les années 50, dans les années 90 ou de nos jours. Un roman étonnamment contemporain et bien piquant.
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Babbitt

« Babbit », celui par qui, pour qui, en qui le malheur et le scandale arrive... Pauvre « Babbit »...Celui qui se plie, et qui ne rompt pas.. Se plie au diktat social qu’il s’impose et qu’il impose. Valet des affaires, des compromis, pieds et poings liés à l’autel du libre échange. Pauvre Babbit, on pense : pauvre imbécile. Babbit nous le connaissons bien. Il est vrai qu’on est toujours le con d’un autre. Sinclair Lewis excelle dans la description de ces dîners de cons. Ah….lire « Babbit » s’est entrain dans les anfractuosités de son coeur, de son esprit, c’est accéder à la petite mécanique fébrile, fragile, perfide, servile d’un grand ordre. « Babbit », c’est un manque de courage, la volonté d’exister dans le chaos d’un non sens. Il le sait bien Babbit. Il sait ce qui lui en coûte, ce qu’il abandonne. Mais il s’est toujours également ce qu’il gagne. Alors pour ficeler son propre cadavre il se pétrit se larde se barde de grandes idées standardisées, d’un prêt à penser confortable. Il se confrérie, se regroupe, s’agenouille, rampe, bénit, maudit, et se mord les lèvres à la pensée du blasphème.Mais, soudain, il se redresse. Un peu. Mais le courant lui semble trop fort, son courage si petit.

C’est une description sociale percutante. Sinclair Lewis n’a pas son pareil pour décrire l’architecture du Midwest, en ces années 1920… Il y a cent ans. C’était demain.

Babbit c’est un archétype, avec sa vision, son idéal, comme on a sa voiture, son garage, qui ressemblent tellement à ceux de ses voisins. Certains diront qu’après tout ce sacré Georgi n’est pas un mauvais type. Il a le sens des affaires…Il veut être partout chez lui, jamais ailleurs. Pareil, jamais autrement. Même si ailleurs, dans ses rêves, il sait Babbit à quoi ressemble son bonheur.

Mais il faut se lever, mettre de l’huile dans la petit mécanique...

Une vision qui se répand, un idéal sur mesure. L’americain way of life.

Alors Babbit retrouve sa bergerie, à l’abri. Et c’est dans la nouvelle génération qu’il dépose ses espoirs de révolte et de liberté. Ne pas plier et rompre. 1920. C’était demain.

Astrid Shriqui Garain

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Notre monde immense

Notre monde immense de Sinclair Lewis

Hayden Chart et sa femme Caprice étaient en voiture, ils rentraient d’une soirée, elle parlait tant et plus, se plaignait comme d’habitude, il se demandait pourquoi il était encore là, et puis soudain, l’hôpital, avait il perdu le contrôle du véhicule, le chirurgien…Caprice est décédée ! Il est libre, enfin, mais de faire quoi? Va t il pouvoir visiter « Notre monde immense »?. Il avait hâte de quitter l’hôpital, voulait retravailler mais se rendait compte qu’il ne supporterait plus désormais tous ces clients auxquels il lui fallait se plier, il était architecte et avait un associé. Il pensa à prendre une année de congé, il fit des listes, et comprit qu’il ne connaissait finalement rien que ce soit en architecture byzantine, égyptienne, Chinoise ou hindoue, il ne parlait aucune langue étrangère, en dehors de ce qu’on lui avait enseigné à l’école, il était ignare! Il se créa sa propre philosophie »La Doctrine de la Jeunesse Recouvrée », au diable les échecs, en route vers le futur. C’est la rencontre avec Roxy, une amie journaliste, qui va le décider, elle est envoyée en Europe pour un reportage par son rédacteur en chef, il partira donc en Europe et quittera sa ville de Newlife. Départ en bateau, Londres d’abord puis Paris où Roxy lui a laissé une invitation pour Cannes, mais il n’est pas de la Génération Perdue, le casino et l’alcool ce n’est pas son trip, il s’ennuie et en bon architecte, cible l’Italie et Florence. Et là il va découvrir cette petite communauté américaine qui vit regroupée, ces érudits qu’il n’a jamais côtoyés à Newlife ou ailleurs. Il va s’installer dans une pension et croiser la Belle mais froide, peut-être frigide Olivia.

Un roman initiatique pour un homme mûr à la découverte de lui même au milieu de ce microcosme anglo-saxon incrusté à Florence dont il aura fait le tour rapidement et avec lequel il s’ennuiera rapidement.

C’est le dernier roman de Sinclair Lewis, l’auteur du célèbre Babbitt.
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Babbitt

Babbitt, c’est George F. Babbitt, quarante-six ans, marié et père de famille, propriétaire d’une maison moderne et d’une voiture rutilante, agent immobilier prospère et membre influent de diverses associations d’affaires, au sein de la resplendissante ville de Zenith. Digne représentant de l’American way of life, notre homme a réussi (non sans quelques entourloupes et délits d’initiés) ! Mais, le confort matériel et la notoriété suffisent-ils à donner un sens à sa vie ?



Lewis pose un regard critique et satirique sur la société de consommation, le conformisme et plus largement le capitalisme. La lecture est jubilatoire, malgré une baisse de régime au milieu du bouquin, alors que Babbitt cherche à remplir un vide existentiel par une série d’activités peu enthousiasmantes, avant d’opter pour des actions, non moins futiles, mais nettement plus divertissantes.



L’aspect précurseur du roman de Lewis est frappant. Cent ans après sa publication originale, beaucoup de choses n’ont pas changé, elles ont plutôt pris de l’ampleur ! Surtout pour le pire.
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Babbitt

Lire Babbitt, ce fut pour moi des retrouvailles avec les aimables comédies américaines d'avant-guerre de Frank Capra avec Mr Smith, Mr Deeds ou John Doe, respirant la satire, les bons sentiments et dynamitant avec élégance les conventions.

Auparavant, en 1920, à Zénith, ville commerçante et prospère, au cœur du Midwest, s’épanouit Babbitt, replet marchand de biens, ou, comme il le préfère, courtier en immeubles. Personnage sympathique et débonnaire, suivant son petit bonhomme de chemin il est l’archétype de l'Américain moyen adhérant à son milieu, à son confort, et à ses loges ou clubs.

Jusqu'au jour où un doute s'immisce subrepticement. En partie dû à l'échec de ne pas avoir été pleinement admis parmi les notables de la classe sociale supérieure Babbitt a le sentiment d’avoir une vie terne et machinale. Il perd son estime de soi et se laisse aller à des aventures féminines et à des soirées trop arrosées en pleine période de prohibition. Une sérieuse remise en question.

Ce roman est très daté. Des préjugés sur les femmes, les noirs, les étrangers, les pauvres, les syndicats...Tout y passe. C'est un catalogue ! Et pourtant Babbitt n’a pas disparu du paysage. Il est en plein revival.

La grande force de Sinclair Lewis est l'ironie et la bienveillance. C’est aussi sa faiblesse. Les errances de Babbitt ne lui permettront pas de trouver le courage d’aller réellement à contre-courant. Je ne saurais dire si la critique de Sinclair Lewis était novatrice ou s’il s’agissait déjà d’une tendance forte dans les années 20. La réception et le succès du livre laissent penser que Lewis a su exprimer un malaise profond et dérangeant et qu'il a fait mouche.







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Babbitt

Georges F. Babbitt est un homme d'affaires prospère, un agent immobilier plus précisément, qui vit avec sa famille (une épouse et trois enfants dont l'aînée a 22 ans) dans la petite ville de Zenith. Il possède, dans un quartier résidentiel, une belle maison pourvue de tout le confort moderne, semblable à celles de la plupart de ses voisins, et une voiture.



Le roman débute en avril 1920, Babbitt a 46 ans, l'âge de la plénitude, et il représente l'américain moyen dans toute sa splendeur.



"Pour Georges F. Babbitt, comme pour la plupart des gens aisés de Zenith, son automobile représentait à la fois la poésie et le drame, l'amour et l'héroïsme. Le bureau était son navire de pirates mais son auto la périlleuse descente à terre."



Babbitt est bien évidemment l'un des piliers de la chambre de commerce de sa ville. Il est membre de plusieurs clubs, grâce auxquels il pense faire partie de l'élite, n'a une opinion sur un quelconque sujet que si l'Advocates Times, le journal qu'il lit, s'en fait l'écho,



En homme d'affaires pragmatique, seule la réussite matérielle importe à ce Républicain aux idées étroites, toujours prompt à mépriser la culture. Enfin, pas tout à fait. L'opinion de ses estimés concitoyens compte peut-être encore davantage. Ses collègues en affaires font partie des mêmes clubs que lui et tout ce petit monde s’autocongratule à qui mieux mieux. Certes, Babbitt n’est pas tout à fait le citoyen parfait : sa femme l’ennuie, ses enfants s’opposent à lui sur divers sujets et il n’est pas, à l’occasion, contre une aventure-extra-conjugale ni un bon verre d’alcool. Mais il n’en demeure pas moins un commerçant des plus estimables.



Alors, ennuyeux et banal Georges Babbitt ? Pas tout à fait. Son talon d’Achille est son meilleur ami, Paul Riesling, qu’il considère comme son frère. Lequel a gardé une âme un peu bohème et est flanqué d’une femme frivole et égoïste, limite hystérique. Avec Paul, Georges Babbitt admet enfin ses fêlures et son insatisfaction. Car cet homme si prévisible, si imbu de lui-même, conscient de son admirable importance, ne mène pas la vie dont il rêvait. Même son mariage repose sur un malentendu. Babbitt étouffe, panique, se sent piégé, a des envies de rébellion. Cette nouvelle soif de liberté, provoquée par de menus événements et une amorce de réflexion sur sa place dans la société, pousse ce conventionnel hommes d’affaires à dire et faire des choses dont il ne serait pas cru capable. Peu à peu, son attitude est mal perçue par ses amis et collègues. Ce changement de pensée est remarquablement retranscrit par l’écrivain qui observe à la loupe les hésitations, et emportements de son anti-héros.



J’ai adoré ce roman, adoré la traduction de Maurice Rémon qui est excellente. Tout repose sur des détails, sur la dissection des petits rituels qui ponctuent la vie domestique de Babbitt, sur cette analyse implacable, ironique mais humoristique des conventions sociales. Il y a du César Birotteau chez cet Américain moyen. Personnage à la fois tragique et comique, broyé impitoyablement pas la société capitaliste de ces années là et cependant victime consentante. Le roman est un peu comme une radiographie de cette époque, de ce milieu. Qu’y avait-il à envier dans l’American way of life ? Tous les personnages décrits par Sinclair Lewis sont désespérément mesquins et ennuyeux, poursuivant une existence vide de sens. Un vrai bonheur de lecture, une œuvre magistrale que je suis ravie d’avoir découverte, même si cela est arrivé bien tardivement.
Lien : http://lectures-au-coin-du-f..
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Babbitt

Que celui qui recherche l'insouciance et la juste "un bon moment futile" passe son chemin.

Voilà un roman puissant, presque dérangeant car il oblige à analyser nos vies sans concession.

Voilà une description caustique du rêve américain ou tout peut réussir à celui qui le veut...surtout s'il est prêt à s'assoir sur ses principes.

On ne sait s'il faut mépriser ou plaindre Babbitt. Un homme qui au fond ne cherche qu'un chose, être un homme bien, aimé par ces concitoyens, sa famille, ses amis. Mais qu'est qu'un "homme bien" ? Un homme qui réussit, qui fait parti de tous les clubs "qu'il faut", qui aime et protège sa famille ? même s'il doit pour cela vendre son âme ? ou un homme qui est heureux, et qui aime et aide tous ses prochains autant que possible ?



Bien sûr, un siècle aura bientôt passé depuis les faits décrits dans ce roman, la société a évolué, en mieux...mais à quel point ? et tout comme Babbitt, combien d'entre nous continue "de ne jamais ,dans toute notre vie, faire une seule chose que nous désirons".

Nous suivons le flot, mais au fond - tout comme Babbitt - nous suivons notre petit bonhomme de chemin, nous avançons "d'un quart de pouce sur une centaine de milles possible. " Car nous hésitons toujours à "les" envoyer promener.
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Babbitt

Challenge Nobel 2013-2014

Commencé dans la traduction libre de droits de Maurice Rémon et fini (difficilement) en VO.

Et c'est là le handicap de Babbitt: une traduction approximative qui gêne la lecture. Parce que l'on ne peut pas être gradué d'un collège, ou nourrisson d'une université...Agacements continuels, et lecture difficile en anglais pour moi.

Babbitt est l'archétype de l'Américain qui a réussi: en pleine prohibition, il sait se procurer de l'alcool, il habite une belle maison, avec salle de bains, véranda, épouse, voiture et enfants, il pérore sans fin sur des sujets dont il ignore le premier mot, il avance, de demi-échecs ( la liaison avec une cliente) en vaniteuses réussites (vice-présidence de clubs et comités...). S.Lewis fait preuve d'une belle clairvoyance dans un portrait cynique.
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