Comme punition pour avoir quitté le pays contre le désir du roi, La Fayette avait passé la semaine de son retour assigné à domicile. Il avait pour ordre de ne recevoir que des membres de sa famille - soit les trois quarts de la cour, ce qui rendait la sentence caduque.
Franklin admirait la prose étincelante de Voltaire depuis 1764; et Voltaire avait suivi les travaux de Franklin depuis presque aussi longtemps. Les deux hommes, qui s'étaient élevés par la seule force de leur esprit sur deux continents différents, partageaient la même religion, celle du bon sens, de la liberté et de la tolérance.
À cette confiance dans l'autosuffisance de l'Amérique, Franklin ajoutait une foi absolue dans la valeur de la persévérance. Adolescent, il avait déjà observé que le succès engendre la prétention et la prétention l'inattention ; et que, d'autre part, les malheurs favorisaient l'attention et la vigilance, grâce à quoi on pouvait réparer ses pertes. Il avait codifié ces règles en jouant aux échecs, dans son esprit une métaphore de la vie et en particulier de la guerre.
Il était resté trop longtemps à l'étranger; il avait adopté les mœurs françaises, où régnait le système du clientélisme (système qu'il déplorait; on ne pouvait rien faire en France sans y avoir recours, s'offusquait Franklin, qui en avait usé et abusé pour le plus grand bien de l'Amérique pendant sept ans).
Jefferson se montrait plus critique que Franklin, mais réservait ses piques au climat de la France (insupportable), au gouvernement français (abominable), à la morale française (nauséabonde) et à la pauvreté (indicible) qui régnait en France avant de tomber, sitôt le soleil couché, fou amoureux de Paris.
Dans les annales de la diplomatie, la mission dont il était investi sortait de l'ordinaire: Franklin était chargé de convaincre une monarchie de concourir à l'établissement d'une république.
En politique, la première erreur est d'y entrer