Citations de Stéphane Carlier (305)
À la lecture de ces pages, quelque chose d’un peu magique s’est passé qui, pour la première fois, lui a laissé penser que les livres pouvaient être meilleurs que la vie.
Marcel [Proust] n’a pas son pareil pour réconforter son lecteur esseulé. D’abord en le rendant plus intelligent, ce qui n’est pas rien, et aussi en lui faisant réaliser que l’amour n’existe pas, qu’il n’est qu’une fabrication de notre cerveau en réponse à notre frustration existentielle, à notre terreur de l’abandon, que la personne qu’on croit aimer n’a rien à voir avec qui elle est réellement, on la désire parce qu’elle nous échappe mais que, une fois qu’on l´a, on ne comprend même plus ce qui nous la faisait désirer, qu’on est de toute façon irrémissiblement seul, et qu’ainsi donc, en amour, on ne fait jamais que souffrir le martyre ou s’ennuyer comme un rat mort.
La profession de croque-mort est à recommander aux personnes déprimées parce qu’être confronté chaque jour au malheur d’autrui est un moyen efficace d’échapper au sien.
Il avait lui aussi un problème d’odeur corporelle, mais différent de celui de Mlle Gouix. La sienne variait sensiblement au cours de la journée. On attaquait sur une note classique de renfermé(dortoir de classe de neige) pour évoluer vers quelque chose de plus animal (bouc par temps de pluie) et finir en beauté, à partir de 16 heures, sur un bouquet de senteurs généralement en rapport avec la pourriture (mulot décédé dans un coin de cave, tennis d’ado portée sans chaussette en été, cocotte-minute contenant du chou-fleur ouverte au bout de plusieurs semaines).
Pourquoi les riches en veulent toujours plus ? Ça ne les rendra pas immortels. Surtout qu’on le sait bien, tous les anciens braqueurs vous le diront - et ce sont des gars qui ont brassé des millions d’Euros : le blé, c’est un mensonge qu’on se raconte à soi même. La vrai richesse, on l’a en se promenant en bord de Saône au début de l’automne, en sentant le parfum du forsythia dans l’air du soir, en faisant rire ou frémir un gamin à qui on lit une histoire. C’est dans ces moments là qu’on est vraiment puissant.
C'était loin d'être une intellectuelle. On lui disait "Homère" et elle pensait "Simpson".
C’est important, les rêves. Les gens prennent la vie au sérieux, ses contingences, qui les écrasent, qui les enfoncent. Et ils se trompent. Ils se retrouvent tout cabossés à quarante ans… Ce sont nos rêves qu’il faut prendre au sérieux. Nos rêves les plus fous. Eux seuls doivent nous guider.
Vivants nous oublions l'essentiel . Qu'il faut , tous les jours ,penser à la mort et aimer ceux que l'on aime .
« Bon, Sabine, je vais vous charger d’une mission très…
–Je m’appelle Sabrine.
–Pardon ?
–Je m’appelle Sabrine, pas Sabine. »
Philippe s’arrêta.
« Qu’est-ce que c’est que cette histoire ?
–C’est pas une histoire, c’est mon nom.
–Depuis quand ?
–Bah, depuis que je suis née.
–Et vous avez attendu tout ce temps pour me le dire ?
–C’est-à-dire que je n’ai jamais eu l’occasion de vous corriger. Vous ne m’appelez jamais par mon prénom. En général, vous ne m’appelez pas. »
Rigaud tombait des nues. Bien sûr qu’il l’appelait par son prénom. Il appelait toujours ses secrétaires par leur prénom… Sabrine, ça n’avait aucun sens, un peu comme s’il lui annonçait qu’il s’appelait Philippre. Sans compter que la pauvre fille avait déjà un patronyme qui ressemblait à un cri de cochon…
- Vous verrez, les animaux, ça change la vie.
C’était exactement ce que je craignais.
–Il a l’air en forme pour douze ans… Comment il s’appelle ?
Trou. Black-out. Hiver islandais. Impossible de me rappeler le nom de ce chien que j’avais dû entendre deux fois dans la bouche de Mme Halberstadt. Je me souvenais qu’il commençait par C et ressemblait à courgette, mais rien de plus. Un maître hésite rarement quand on lui demande le nom de son chien et comme je voulais qu’elle pense qu’il m’appartenait, j’ai répondu :
–Courgette.
–Courgette ?
–Oui.
Il faut prendre son temps, faire des pauses. Maintenant, quand je le lis, j’ai l’impression de l’entendre me parler.
Mais bon, la vie ne marche pas comme ça. Un homme dans la force de l'âge ne peut pas dire à une famille croisée sur une aire d'autoroute Prenez moi avec vous, je suis vraiment seul et vous ne m'inspirez que de l'amour. Quand on écrit un livre, oui, on peut s'approprier la vie des autres, c'est même encouragé. Mais, dans la vie, c'est plus délicat
- Vous mangez?
- Non, je fais une réussite.
- Vous mangez énormément .
- Toutes les deux heures . Comme Usain Bolt.
- Vous voyez, il pensait faire de grandes choses mais ce sont les petites qui l'ont rendu heureux.
- Est-ce que ce n'est pas toujours le cas ? dit le très beau prêtre en lui pressant la main.
"[...] Susan comprit combien était subtile la différence entre la mort donnée dans la réalité et celle qui l'est dans un livre. Car écrire, c'est tout de même donner une certaine réalité à ce que l'on raconte. Entre les mots et l'absence de mots, il existe bien une différence, non ?"
J’aurais pu intenter un procès à mon enfance, porter plainte contre les années 80. Pour m’avoir induit en erreur, m’avoir fait croire que tout ne basculerait pas, qu’on se méfierait de la technologie, qu’on lirait toujours Aragon, Bukowski, Carson Mc Cullers, que quelqu’un comme Richard Russo serait un peu connu, que l’humanité ne deviendrait pas complètement débile, obsédée par l’argent, le foot, les marques, que nos pires cauchemars resteraient de l’ordre du phantasme. J’aurais dû, je suis sûr j’aurais touché des dommages et intérêts.
Quelques mois plus tôt, elle avait collé sur les enveloppes des 282 exemplaires du rapport annuel de l’inspection générale des étiquettes d’adressage sur lesquelles un bug de l’imprimante faisait apparaître l’acronyme du bureau international du travail (BIT) au début de chaque ligne. Ce qui donnait :
BITSon Excellence M. Jean-Noel Lapoya
BITAmbassade de France aux Etats-Unis
BIT4161 Reservoir Road, NW
Oui, elle s’en était aperçue. Tout de suite, avant même de coller sa première étiquette. Seulement, elle n’avait pas eu envie de « se retaper » les 282 étiquettes. Et puis elle ne voyait pas où était le problème puisqu’on arrivait malgré tout à « comprendre pour qui c’est».
Philippe, lui, vit très bien où était le problème.
Marcel ( Proust) n'a pas son pareil pour réconforter son lecteur esseulé. D'abord en le rendant plus intelligent, ce qui n'est pas rien, et aussi en lui faisant réaliser que l'amour n'existe pas, qu'il est une fabrication de notre cerveau en réponse à notre frustration existentielle, à notre terreur de l'abandon, que la personne qu'on croit aimer n'a rien à voir avec qui elle est réellement, qu'on l'a désire parce qu'elle nous échappe mais que, une fois qu'on l'a, on ne comprend même plus ce qui nous la faisait désirer, qu'on est de toute façon irrémédiablement seul, et qu'ainsi donc, en amour, on ne fait jamais que souffrir le martyre ou s'ennuyer comme un rat mort
Ceux qui vous détestent le plus sont ceux qui vous désirent le plus, ne l’oubliez jamais…