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Citations de Svetlana Alexievitch (925)


J’ai vu un homme dont on enterrait la maison devant ses yeux… (Il s’arrête.) On enterrait des maisons, des puits, des arbres… On enterrait la terre… On la découpait, on en enroulait des couches… Je vous ai prévenue… Rien d’héroïque.
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- On prétend que les animaux n’ont pas de conscience, qu’ils ne pensent pas. Mais ce n’est pas vrai. Un chevreuil blessé… Il a envie qu’on ait pitié de lui, mais tu l’achèves. À la dernière minute, il a un regard tout à fait conscient, presque humain. Il te hait. Ou il te supplie : Je veux vivre, moi aussi ! Vivre !
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J’ai peur… J’ai peur d’aimer. J’ai un fiancé. Nous avons déjà déposé notre demande de mariage à la mairie. Avez-vous entendu parler des hibakushi de Hiroshima ? Les survivants de l’explosion… Ils ne peuvent se marier qu’entre eux. On n’en parle pas, chez nous. On n’écrit rien à ce sujet. Mais nous existons, nous autres, les Hibakushi de Tchernobyl.
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Les journaux ont écrit que le vent, heureusement, soufflait dans l’autre sens. Pas sur la ville… Pas sur Kiev… Mais personne ne soupçonnait qu’il soufflait sur la Biélorussie. Sur mon petit Iouri, sur moi.
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« Pourquoi ne pouvait-on pas sauver les animaux qui sont restés là-bas ? » Je n’ai pas pu lui répondre… Nos livres, nos films parlent seulement de la pitié et de l’amour pour l’homme ! Pas pour tout ce qui est vivant. Pas pour les animaux ou les plantes. Cet autre monde… Mais avec Tchernobyl, l’homme a levé la main sur tout…
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Je crains la pluie… Voilà ce que c’est, Tchernobyl. Je crains la neige… Et la forêt. Ce n’est pas une abstraction, une déduction, mais un sentiment qui gît au plus profond de moi-même. Tchernobyl se trouve dans ma propre maison. Il est dans l’être le plus cher pour moi, dans mon fils qui est né au printemps 1987… Il est malade. Les animaux, même les cafards, savent à quel moment il convient d’enfanter. Les hommes ne le peuvent pas. Dieu ne leur a pas donné le sens du pressentiment.
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De plus, nous avons été élevés dans un paganisme soviétique très particulier : l’homme était considéré comme le maître, la couronne de la création. Et il avait le droit de faire ce qu’il voulait de la planète. Comme dans la célèbre formule de Mitchourine : « Nous ne pouvons pas attendre que la nature nous accorde ses faveurs, notre tâche est de les lui arracher. » C’était une tentative d’inoculer au peuple des qualités qu’il n’avait pas. De lui donner la psychologie d’un violeur. Un défi à l’Histoire et à la nature.
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Le Soviétique est incapable de penser exclusivement à lui-même, à sa propre vie, de vivre en vase clos. Nos hommes politiques sont incapables de penser à la valeur de la vie humaine, mais nous non plus. Vous comprenez ? Nous sommes organisés d’une manière particulière. Nous sommes d’une étoffe particulière.
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Je marche sur les traces de la vie intérieure, je procède à l'enregistrement de l'âme. Le cheminement de l'âme est pour moi plus important que l'évènement lui-même. Savoir "comment ça s'est passé" n'est pas si important, n'est pas si primordial; ce qui est palpitant, c'est ce que l'individu a vécu...ce qu'il a vu et compris...ce qu'il a vu et compris de la guerre, plus généralement de la vie et de la mort. Ce qu'il extrait de lui-même au milieu des ténèbres sans fond... J'écris l'histoire des sentiments. Non pas l'histoire de la guerre ou de l'Etat, mais l'histoire d'hommes ordinaires menant une vie ordinaire, précipités par leur époque dans les profondeurs épiques d'un évènement colossal. Dans la grande Histoire. Ce ne sont pas des héroines célèbres et encensées qu'on entendra parler - j'ai sciemment évité leurs noms -, mais de celles qui disent d'elles-mêmes : "Nous étions des filles ordinaires, comme il y en avait des milliers". Mes héroines, on les voit, dans la rue, dans la foule, et non sur des tableaux accrochés au musée.
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La guerre a duré longtemps, très longtemps... Je ne me souviens ni d'oiseaux, ni de fleurs. Il y en avait, évidemment, mais je n'en ai pas gardé le moindre souvenir. C'est comme ça... Bizarre, non? Est-ce ce que les films de guerre peuvent être en couleur? Au front, tout est noir... Seul le sang est d'une autre couleur...
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- Oui, la Victoire nous a coûté bien des souffrances, mais vous devez chercher des exemples héroïques. Il s'en trouve par centaines. Or vous ne montrez de la guerre que la fange. Le linge sale. Avec vous, notre Victoire devient horrible... Quel but poursuivez-vous?
- Dire la vérité.
- Et vous pensez que la vérité, vous allez la trouver dans la vie? Dans la rue? Sous vos pieds? Pour vous, elle est aussi basse que ça ? Aussi terre à terre ? Non, la vérité, c'est ce dont nous rêvons. Ce que nous voulons être !

(Extrait d'un entretien avec un censeur)
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La "guerre féminine" possède ses propres couleurs, ses propres odeurs, son propre éclairage et son propre espace de sentiments. Ses propres mots enfin. On n'y trouve ni héros ni exploits incroyables, mais simplement des individus absorbés par une inhumaine besogne humaine. Et ils (les humains) n'y sont pas les seuls à souffrir : souffrent avec eux la terre, les oiseaux, les arbres. La nature entière. Laquelle souffre sans dire mot, ce qui est encore plus terrible...
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L’avenir… il devait être magnifique… il allait être magnifique, plus tard … j’y croyais ! On y croyait à une vie magnifique ! C’était une utopie … Vous, vous avez votre utopie à vous. Le marché. Le paradis du marché. Le marché va rendre tout le monde heureux… C’est une chimère !
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" Je me demande pourquoi on écrit si peu sur Tchernobyl. Pourquoi nos écrivains continuent-ils à parler de la guerre, des camps et se taisent sur cela ? Est-ce un hasard ? Je crois que, si nous avions vaincu Tchernobyl, il y aurait plus de textes. Ou si nous l'avions compris. Mais nous ne savons pas comment tirer le sens de cette horreur. Nous n'en sommes pas capables. Car il est impossible de l'appliquer à notre expérience ou à notre temps humain...
Alors, vaut-il mieux se souvenir ou oublier ? "
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" Nous sommes retournés chez nous. J'ai enlevé tous les vêtements que je portais et les ai jetés dans le vide-ordures. Mais j'ai donné mon calot à mon fils. Il me l'a tellement demandé. Il le portait continuellement. Deux ans plus tard, on a établi qu'il souffrait d'une tumeur au cerveau... Vous pouvez deviner la suite vous-même. Je ne veux plus en parler. "
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Une Ukrainienne vend au marché de grandes pommes rouges. Elle crie pour attirer les clients : " Achetez mes pommes ! De bonnes pommes de Tchernobyl ! "
Quelqu'un lui donne un conseil : " Ne dis pas que ces pommes viennent de Tchernobyl. Personne ne va les acheter.
- Ne crois pas cela ! On les achète bien ! Certains en ont besoin pour la belle-mère, d'autres pour un supérieur ! "
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Dans la nuit, il m'arrive de rester éveillée jusqu'à l'aube. Et de penser, de penser. Cette nuit aussi, je suis restée assise toute la nuit sur mon lit, courbée comme un crochet, et puis je suis sortie pour voir comment allait être le soleil.
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Un événement raconté par une seule personne est son destin. Raconté par plusieurs, il devient l'Histoire. Voilà le plus difficile : concilier les deux vérités, là personnelle et la générale. Et l'homme d'aujourd'hui se trouve à la fracture de deux époques...
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" Pouvez-vous imaginer sept petites filles totalement chauves en même temps ? Elles étaient sept dans la chambre... Non, c'est sassez ! Je ne peux pas continuer ! Lorsque je raconte cela, j'ai l'impression de commettre une trahison. C'est mon cœur qui me le dit. Parce que je dois la décrire comme une étrangère. Ses souffrances... Ma femme ne pouvait plus supporter de la voir à l'hôpital : "Il vaut mieux qu'elle meure, plutôt qu'elle souffre comme ça ! Ou que je meure pour ne plus voir cela !" Non ! Je ne peux plus continuer ! Non !
Nous l'avons allongée sur la porte... Sur la porte qui avait supporté mon père, jadis. Elle est restée jusqu'à l'arrivée du cercueil... Il était à peine plus grand que la boite d'une poupée.
Je veux témoigner que ma fille est morte à cause de Tchernobyl. Et qu'on veut nous faire oublier cela. "
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Je n’ai pas peur de la mort en elle-même, mais je ne sais pas comment je vais mourir. J’ai vu agoniser un ami. Il a gonflé. Il est devenu énorme, comme un tonneau… Et un voisin. Il était là-bas lui aussi. Opérateur d’une grue. Il est devenu noir comme du charbon et a rétréci jusqu’à la taille d’un enfant. Je ne sais pas comment je vais mourir. La seule chose que je sache avec certitude, c’est que ma vie ne sera pas longue avec ce que j’ai. Si seulement je pouvais sentir l’approche du moment, je me tirerais une balle dans la tête… J’ai fait l’Afghanistan, également. C’était plus simple d’y recevoir une balle.
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