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Citations de Svetlana Alexievitch (920)


"J'ai appris et senti à Tchernobyl quelque chose dont je n'ai pas envie de parler. Peut-être à cause de la relativité de nos représentations humanistes. Dans les situations extrêmes, l'homme n'est pas du tout comme on le décrit dans les livres. Cet homme-là, je ne l'ai pas trouvé dans la réalité. En fait, c'est le contraire. L'homme n'est pas un héros, nous sommes tous que des vendeurs d'apocalypse. Plus ou moins grands."
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C'est plus qu'une catastrophe... Justement, tenter de placer Tchernobyl au niveau des catastrophes les plus connues nous empêche d'avoir une vraie réflexion sur le phénomène qu'il représente. Nous semblons aller tout le temps dans une mauvaise direction. Dans ce cas précis, notre vieille expérience est visiblement insuffisante. Après Tchernobyl, nous vivons dans un monde différent, l'ancien monde n'existe plus. Mais l'homme n'a pas envie de penser à cela, car il n'y a jamais réfléchi. Il a été pris de court. (...) Il s'est produit un événement pour lequel nous n'avons ni système de représentation, ni analogies, ni expérience. Un événement auquel ne sont adaptés ni nos yeux, ni nos oreilles, ni même notre vocabulaire. Tous nos instruments intérieurs sont accordés pour voir, entendre ou toucher. Rien de cela n'est possible. Pour comprendre, l'homme doit dépasser ses propres limites. Une nouvelle histoire des sens vient de commencer...
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Je garde en mémoire une aide-soignante âgée qui m'expliquait : "Il y a des maladies que l'on ne peut pas traiter. Il faut s'asseoir près du malade et lui caresser les mains."
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Manger ! On ne pense qu’à ça. Dès le petit déjeuner, on se dit : qu’est ce qu’on aura au déjeuner ? Et, à peine on a déjeuné qu’on se demande ce qu’il y aura pour le dîner.
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Moi j'aime bien le mot "camarade", et je l'aimerai toujours
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On nous a dès l'enfance inculqué, gravé dans I'esprit, l'amour des hommes en armes. Nous avons grandi comme si nous étions toujours en guerre, même ceux qui sont nés des dizaines d'années après. Aujourd'hui encore après les crimes de la Tcheka, les exactions staliniennes et les camps, après les récents événements de Vilnius, de Bakou, de Tbilissi, après Kaboul et Kandahar, nous voyons toujours dans un homme armé le soldat de 1945, le soldat de la Victoire. Tant de livres ont été écrits sur la guerre, tant d'armes ont été fabriquées par la main et par l'intelligence de l'homme que l'idée de meurtre est devenue normale. Alors que les esprits les meilleurs s'interrogent sur le droit qu'auraient les humains de tuer les animaux, nous autres, sans trop hésiter ou forgeant à la hâte un idéal politique, nous sommes capables de justifier la guerre. Allumez votre poste de télévision le soir et vous verrez avec quelle secrète exaltation nous portons en terre nos héros. En Géorgie, en Abkhazie, au Tadjikistan... Et sur leurs tombes nous élevons des stèles et non des chapelles funéraires...
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Svetlana Alexievitch nous a donné un concentré des horreurs afghanes, et aucune mère ne peut croire son fils capable de choses pareilles. Et pourtant ce qui est dit dans le livre, ça n'est rien comparé à ce qui se passe à la guerre, et ceux qui se sont battus en Afghanistan pourront vous le jurer la main sur le coeur. Nous sommes placés aujourd'hui devant une cruelle réalité: les morts ne connaissent pas la honte, et s'il y eut des infamies, c'est aux vivants de les assumer. Les vivants, c'est nous ! Et finalement c'est nous, c'est-à-dire ceux qui ont exécuté les ordres, qui se retrouvent coupables maintenant, qui devons répondre de toutes les conséquences de la guerre ! C'est pourquoi ce serait plus juste si paraissait un livre de cette force et de cette vérité non pas sur les garçons du contingent mais sur les maréchaux et sur les dirigeants qui les ont envoyés se battre. Je pose la question : Svetlana Alexievitch devait-elle parler des horreurs de la guerre ? Oui ! Une mère doit-elle prendre la défense de son fils ? Oui ! Les Afgantsy doivent-ils prendre la défense de leurs camarades ? Encore une fois oui !
Bien sûr, il n'y a pas à la guerre de soldat sans reproche. Mais au jour du Jugement le Seigneur sera le premier à lui pardonner..
Le tribunal va donner une conclusion juridique à ce conflit mais il doit y avoir une conclusion humaine qui est celle-ci : les mères ont toujours raison d'aimer leur fils ; les écrivains ont toujours raison de dire la vérité ; les soldats ont raison quand vivants ils défendent les morts.
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Il n'y a pas longtemps, j'étais chez le dentiste. Nous sommes tous revenus avec le scorbut, de la parodontose On aboufé tellement de chlore!On m'a arraché une dent, puis une autre. De douleur (l'anesthésie n'avait pas pris), je me suis mis à parler... Je ne pouvais plus m'arrêter. Et la dentiste me regardait presque avec dégoût, je pouvais voir tout ce qu'elle ressentait : il a du sang plein la bouche et il trouve le moyen de parler. J'ai compris que tout le monde pensait ça de nous : ils ont la bouche pleine de sang, et ils trouvent encore le moyen de parler.
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Près de Bagram, nous sommes entrés dans un kichlak, nous avons demandé à manger. Selon leurs lois, ils n'ont le droit de refuser une galette à un homme qui entre dans leur maison et qui a faim. Les femmes nous ont fait asseoir à leur table et nous ont donné à manger. Après notre départ, le village a lapidé à mort ces femmes et leurs enfants, Elles savaient qu'elles seraient tuées, mais elles ne nous ont pas chassés. Et nous qui arrivions avec nos lois... On entrait dans les mosquées sans nous découvrir...
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J'ai peur de commencer à raconter. De nouveau ces ténèbres...
Là-bas, je me répétais tous les jours : «Idiote. Pourquoi as-tu fait ça ?» C'est surtout la nuit que ces pensées me venaient, quand je ne travaillais pas ; dans la journée, je me demandais comment faire pour tous les aider. Les blessures étaient effrayantes... J'étais scandalisée : qui avait bien pu inventer des balles pareilles ? Est-ce que c'étaient des êtres humains ? Le point d'impact était tout petit, mais à l'intérieur, les intestins, le foie, la rate, tout était haché, déchiqueté. Il ne leur suffisait pas de tuer ou de blesser, il fallait encore faire souffrir les gars de cette façon... Ils criaient toujours : « Maman !» Quand ils avaient mal... Quand ils avaient peur... Je ne les ai jamais entendus prononcer d'autres mots...
En fait, j'avais voulu quitter Leningrad pour un an ou deux. Mon enfant et mon mari étaient morts. Plus rien ne me retenait dans cette ville, au contraire tout me rappelait le passé. C'est là que nous nous étions rencontrés, lui et moi... Que nous nous étions embrassés pour la première fois... Que j'avais accouché...
C'est le médecin-chef qui m'a convoquée :
- Vous iriez en Afghanistan ?
- Oui...
J'avais besoin de voir des gens souffrir davantage que moi. J'en ai vu.
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Si je ne lisais pas Dostoievski, je serais encore plus désespérée.
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Ce dont les femmes parlent le plus, c'est de la disparition, de la vitesse à laquelle, à la guerre, tout se transforme en rien. L'être humain, le temps humain. Oui, elles avaient demandé elles-mêmes d'être envoyées sur le front, à dix-sept, dix-huit ans, mais elles ne voulaient pas tuer. En revanche, elles étaient prêtes à mourir. À mourir pour leur patrie. Et aussi - on ne peut pas effacer cela - à mourir pour Staline.
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Avant c'était Staline qui assassinait, et maintenant ce sont les bandits. C'est ça la liberté ?
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Svetlana Alexievitch
Alors la voilà, cette liberté ! Nous attendions-nous à ce qu'elle soit comme ça ? Nous étions prêts à mourir pour nos idéaux. À nous battre pour eux. Mais c'est une vie « à la Tchékhov » qui a commencé. Sans histoire. Toutes les valeurs se sont effondrées. […] Personne ne parlait plus d'idéal, on parlait de crédits, de pourcentages, de traites, on ne travaillait plus pour vivre, mais pour « faire » de l'argent, pour en « gagner ». Cela va-t-il durer longtemps ? 
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On croit que les monstres doivent avoir des cornes et des sabots. Mais là, on a devant soi un être humain... un homme normal... Il se mouche, il est malade, il boit de la voka... Et je me dis... Ce sont toujours les victimes qui restent pour témoigner, les bourreaux, eux, se taisent. Ils s'évaporent dans la nature, ils sombrent dans un gouffre invisible. Ils n'ont pas de nom, pas de voix. Ils disparaissent sans laisser de trace. Nous ne savons rien d'eux.
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Un jour, deux de nos soldats sont entrés dans un doukan ils ont abattu toute la famille du doukanier, pris tout ce qu'ils ont trouvé . Il y a eu une enquête. Au début ils refusaient d'avouer ...mais je me rappelle que quand notre compagnie a été fouillée et qu'on cherchait l'argent volé, nous nous sentions humiliés : comment on nous fouillait pour quelques malheureux Afghans descendus? Vous parlez d'une perte! ...C'était comme si la famille exterminée n'avait jamais existé... Nous accomplissions notre devoir international, tout était classé...C'est seulement aujourd'hui après la révision des idées toutes faites, que j'ai commencé à réfléchir. Et dire que je n'ai jamais pu lire Moumou ¤ de Tourgueniev sans pleurer!

¤ Une des nouvelles des récits d'un chasseur évoquant le sort pitoyable d'un serf et de son petit chien.
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Vous avez tord de vous fier aux gens. À la vérité des hommes... L'histoire c'est la vie des idées. Elle n'est pas écrite par les gens mais par l'époque. La vérité des hommes est un clou auquel tout le monde accroche son chapeau.
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Avant la guerre et après, ils n'avaient pas de passeport intérieur. On n'en délivrait pas aux gens des campagnes, ils n'avaient pas le droit de s'installer dans les villes. Ils étaient des esclaves. Des prisonniers. Ils étaient revenus de la guerre couverts de décorations, ils avaient conquis la moitié de l'Europe, mais ils n'avaient pas de papiers, ils ne pouvaient pas quitter leur village.
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J'ai beaucoup réfléchi. Je cherchais le sens... Tchernobyl est une catastrophe de la mentalité russe. Vous n'y avez jamais pensé ? Bien sûr que je suis d'accord lorsque l'on dit que ce n'est pas le réacteur qui a explosé, mais tout l'ancien système de valeurs. Quelque chose, pourtant, me manque dans cette explication...
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Notre vie tourne autour… autour de Tchernobyl. Où était Untel à ce moment-là ? A quelle distance du réacteur vivait-il ? Qu'a-t-il vu ? Qui est mort ? Qui est parti ? Pour où ?
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