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Critiques de Tamta Melashvili (16)
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Merle, merle, mûre

🐦‍⬛Chronique🐦‍⬛



« Oui, c’est un merle, noir, au bec jaune! Il bat des ailes, il s’envole subitement, là, il passe au dessus de moi. »



Comme l’autrice, Tamta Mélachvili, l’invoque deux fois, dans son titre, j’ai creusé autour de la symbolique du merle. Et cet oiseau qui pourrait devenir l’animal-totem de Eteri, tellement il lui correspond, reflète en tout point cette femme franche et pépiante. Parce que la mort vient la frôler d’un peu trop près, sur le bord du fleuve Rioni, la voilà, qui commence à angoisser fortement. Elle nous fait part de ses pensées pour notre plus grand plaisir, et du coup, cette voix intérieure, cette capacité à ressentir l’entourage, et cette confiance en soi qui symbolise le merle, ressort, tout en finesse, de ses eaux troubles. Sans compter que le merle est un oiseau solitaire, qui n’est guère fait pour la vie en couple. Et ça, forcément dans cette société patriarcale, ça déplaît fortement. En Géorgie, (mais ailleurs aussi, faut pas se leurrer), on n’aime pas trop que les femmes discutent les diktats, qu’elles remettent en question l’ordre établi, qu’elles soient libres. Or, Eteri, est de cette trempe. Parce que le destin l’a voulu, parce que les circonstances étaient favorables, elle est libre comme un merle. Libre, elle parle, et elle parle et elle parle des carcans du mariage, de la famille, des corps fatigués. Tout y passe, les hommes, le bonheur, cette mort qui n’en finit pas de guetter du coin de son œil. Et elle parle, elle parle, elle parle comme pour aider ses Soeurs, parce que le merle est coopérateur, aussi. Alors du coup, je me demande si le merle ne serait pas une invocation féministe…Et deux fois, vaut toujours mieux qu’une…Merle, merle, je crois que nous sommes, mûres…



« Même les gens de mon âge peuvent chercher à vivre leurs rêves les plus osés, non? »



Bien sûr, Eteri continue de rêver! Que je sache à tout âge, rien ne nous en empêche. C’est vrai qu’à l’aube de ta cinquantaine, le temps, les perspectives, les saisons, ça parait bien superflu, à force... Et pourtant, tu t’accroches aux mûres, aux petits détails, à l’œillade du livreur. Tu t’accroches à la branche, tu ne cèdes pas, tu te donnes une chance au bonheur. Tu sais, tu n’es pas une femme comme les autres, et ce qui m’a plu chez toi. Tu as du caractère. C’est rare. Extrêmement rare. Parce que souvent les autres, à ton âge, se sont noyées dans les affres du mariage et la maternité, tu as ce pep’s encore préservé. Ce pep’s qui fait que, cette fois-là, tu vas écouter ton corps, le suivre dans son épanchement, t’essayer à l’amour. Après avoir passé ta vie, à éviter le mode duo, parce que tu savais bien ce que ça sous-entendait une part non négligeable d’asservissement, voilà, que tu prend l’initiative du rapprochement. Parce que c’est bel et bien quand on s’approche de trop près de la Mort, qu’on veut être vivant, le ressentir, l’éprouver. Cette peur phénoménale va te ramener des vagues et des vagues d’angoisses, des vagues et des vagues de questionnements, mais aussi, une vague vertigineuse de liberté. C’est pour cela, qu’il fallait oser. C’est pour cela, que rêver, c’est essentiel, puisque tu peux encore le faire…Alors fais-le!



Qu’est-ce qu’il y a d’autre dans ma vie, à part ça? Qu’est-ce qu’il y a eu d’incroyable?



Dans ma vie, il y a eu de la boue, du froid et des rives sur lesquelles je me suis reposée comme toi, Eteri. J’aurai aimé trouvé de ta confiture de mûre dans mes placards lors des hivers difficiles. Mais ce que j’ai trouvé d’incroyable dans ce livre, c’est ton histoire que tu nous contes dans le prisme de tes peurs, de tes espérances, aussi. Toutes ces confidences, cette condition féminine, ce poids qui pèse sur les épaules des femmes, je les ai ressenties, sincères. Elles disent toutes des peurs. La peur de vieillir, la peur de l’autre, la peur de mourir. Des peurs transparentes, des peurs évidentes, des peurs insensées. Même si Eteri ne mâche pas ses mots, loin de là, je l’ai trouvée incroyable de justesse, de tendresse aussi. Elle m’a touchée en fait, en plein cœur. La fin aussi, est incroyable! Alors que je trouve l’assonance du m dans ce titre Merle, Merle, mûre, si douce à l’oreille, j’espère juste que ce sera une belle invitation pour vous laisser séduire…J’aime. J’aime Merle, merle, mûre, je l’aime comme on aime l’automne, comme un dernier murmure, la bouche pleine du sucre de confiture de mûre…
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Merle, merle, mûre

C’est un récit particulier et je sors de cette lecture avec un avis assez mitigé. Pour ne rien cacher, au vu du résumé, j’avais d’autres attentes… Et je n’ai éprouvé aucune tendresse ni pour Étéri, ni pour son récit.



Tout d’abord, Étéri n’est pas un personnage attachant. C’est une femme de quarante-huit ans, célibataire endurcie et fière de l’être, avec un fort caractère. Elle est indépendante, mène sa vie comme elle l’entend, gère son commerce comme bon lui semble et ne doit aucune soumission à un homme. Elle plaint les autres femmes qui sont dévouées et usées par leur famille. Jusque là, bon, au contraire, on pourrait être admiratif face à son parcours hors des sentiers battus. Car au sein de ce petit village de Géorgie, c’est loin d’être banal et Etéri est la seule femme non mariée des environs. Cela lui a valu des réflexions désobligeantes durant toute sa vie et d’être jugée en permanence pour ses choix.



Mais justement, bien qu’indépendante et forte en “extérieure”, Étéri se révèle être une femme aigrie, qui n’aime pas grand monde, ne supporte pas grand-chose. Elle est repliée sur elle-même, constamment méfiante, sur la défensive. C’est une femme anxieuse et anxiogène. Elle aimerait que l'opinion des autres ne l'atteigne pas mais au contraire, elle prend tous ces jugements à cœur. Après tout, lorsque l'on clame haut et fort que l'on s'en fout, que ce sont tous des cons, n'est-ce pas là la preuve flagrante que l'on est piqué à vif ? Bref, Étéri se sent persécutée, et depuis qu’elle a failli mourir, elle a d'autant plus peur que quelque chose viennent ébranler l’ordre et le calme de sa vie toute tracée, jusqu’à cette retraite paisible qu’elle s’est préparée.



Le récit quant à lui est assez cru, et je ne m’attendais pas à un langage aussi grossier. Je n’ai pas trouvé la poésie que j'espérais, induite par ce thème de la mort si proche et de l’amour passion.



De plus, j’ai eu l’impression de tourner en rond dans ma lecture. En effet, nous sommes plongés dans les pensées d’Étéri, directement dans sa tête. Il y a beaucoup de répétitions : c’est un tourbillon de questionnements, elle ressasse ses inquiétudes, essaie de se persuader. Et j’ai même parfois eu un peu de mal à suivre où, qui, quoi ? Et puis, au demeurant, il ne se passe rien, pas grand-chose du moins hormis ce rendez-vous manqué avec la mort et ce dérapage “amoureux”. On se contente d’accompagner Étéri dans son quotidien monotone, bercé par ses pensées entêtantes, telle une litanie incessante.



J’étais malgré tout curieuse de connaître le fin mot de cette histoire, de savoir comment la vie d’Étéri allait évoluer, où toutes ses réflexions allaient-elles la mener ? Cette rencontre avec cet homme lui apporterait-elle un peu de baume au cœur, d’apaisement, de contentement ou au moins un brin de changement dans sa manière de vivre, d’appréhender la vie, les autres, le monde ? Mais j’ai été déçue par la fin, bien trop floue… Je n’apprécie pas vraiment les fins ouvertes. Et je suis demeurée impassible face à ce personnage complexe, c’est certain, mais qui se plaint beaucoup trop à mon goût…



Challenge Multi-Défis 2023

Masse Critique Babelio - Rentrée Littéraire /Septembre 2023
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Merle, merle, mûre

Présenté en mai dernier, au Festival de Cannes, au sein de la Quinzaine des cinéastes, le film de la Géorgienne Elene Naveriani, Blackbird Blackbird Blackberry, a commencé à jouir d'une flatteuse réputation, lui valant d'enfin sortir sur les écrans français, à compter du 13 décembre, sous le titre raccourci de Blackbird, Blackberry. Mais avant cela, à la grande surprise de ceux, comme votre serviteur, qui ignoraient que le film était une adaptation, le roman de Tamta Mélachvili a été publié par ces si précieuses éditions Tropismes, le 20 octobre, sous le titre français (c'est nettement mieux, non ?) de Merle, Merle, Mûre. Le film n'a pas trahi l'essence du livre mais disons qu'il est plus léger, traçant un portrait largement plus sympathique de son héroïne, une femme géorgienne de 48 ans, Etéri, qui gère son petit magasin loin de la capitale Tbilissi, avec un caractère farouchement indépendant, qui se retrouve également dans sa vie personnelle, de célibataire endurcie qui n'a jamais connu l'amour. Là où le film est factuel et souvent comique, le roman se présente sous la forme d'un monologue d'Etéri qui nous fait partager ses bonheurs (la confiture de mûres) et ses malheurs, dans un langage fréquemment fleuri, surtout quand elle envoie balader tout le monde, y compris celles qui sont censées être ses amies, mais dont elle se moque ouvertement du mariage qui les réduisent au rang de servantes. Cette femme, qui manifeste aussi souvent son aigreur que sa liberté de penser et d'agir, n'est pas traitée de façon si tendre par la romancière, même si elle parvient à la rendre sympathique in fine, dans un dénouement identique à celui du film. En tous cas, même en connaissant les grandes lignes du récit, avant même d'en avoir commencé la lecture, le style tranchant et truculent de Tamta Mélachvili se révèle souvent plaisant et incite à espérer de nouvelles traductions d'une autrice d'un pays dont la littérature n'est que rarement disponible en français.
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Merle, merle, mûre

Étéri approche le demi-siècle. Elle vit seule, dans la campagne géorgienne ; savoure cette solitude qui lui permet de se reposer de la vie d'esclave qu'elle a menée à la mort de sa mère, parce qu'elle avait un père et un frère, et parce qu'elle était de sexe féminin.



Aujourd'hui, ce qu'elle fait, elle le fait pour elle. Quand à ses vieux jours, ils seront le lieu d'un délicieux repos. Elle a tout prévu, et ce n'est pas à la vue du quotidien de ses comparses qu'elle échangerait tout cela pour une vie de couple. Vie de couple, tu parles ! Vie de servitude serait plus juste. D'abord un homme, puis les enfants, les petits-enfants, à cette vie-là, il n'y a pas de retraite. Une femme y sera toujours perdante.



Un jour en ramassant des mûres pour ses confitures un faux-pas près du fleuve la conduit à tutoyer l'idée de sa propre mort. Profondément chamboulée, elle se surprend à laisser libre cours à la passion et à son attirance pour un livreur de lessive.



Ce roman se présente sous la forme d'un dialogue interne intense, honnête, fort de ses contradictions. Qui peut prétendre être cohérent quand il nage en eaux troubles ? Il faut en intégrer le contexte, être humble sur ses propres fébrilités, reconnaître que nous aussi sommes le fruit de nos perceptions, en boucle sur nos obsessions et perturbés par nos pulsions.



Étéri peut paraître acariâtre, elle peut être parfois énervante je le concède volontiers, mais elle est palpable, si réelle, si intense, si unique et forte de ses convictions dans cet environnement ultra-patriarcal.



J'ai la sensation que ce roman sera sans doute clivant, personnellement il m'a saisie et sa fin m'a bouleversée.

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Merle, merle, mûre

Géorgie, de nos jours. Eteri, quinquagénaire célibataire à l'existence bien rangée, voit son quotidien basculer le jour où elle parvient, in extremis, à ne pas tomber dans le fleuve Rioni, alors qu'elle cueille des mûres. Dès lors, elle aborde la vie différemment et décide d'en profiter, allant jusqu'à coucher avec son livreur de lessive…



On voit toute l'hypocrisie des voisines et «amies» d'Eteri dans ce petit village de Géorgie, où tout se sait. D'ailleurs Eteri est inquiète. Et si on apprenait qu'elle entretient une relation avec son livreur, elle, la vieille fille ?



Ce roman est écrit avec une plume vive, nous sommes clairement dans la tête d'Eteri et nous suivons son trouble face à la mort qu'elle a évitée de peu et face au désir nouveau de son corps. le texte se répète un peu, mais n'est-ce pas ce que fait le cerveau dans ce genre de situation !



J'ai aimé ce petit texte un peu désuet, à la naïveté rafraîchissante, qui aborde finalement des thèmes universels comme la possibilité de la mort, la vieillesse et la maladie. C'est un portrait de femme touchant, presque un récit d'initiation érotique, avec en toile de fond le contexte de la guerre russo-géorgienne de 2008, conflit qui a fait rage dans la région de l'Ossétie du sud.



Ce roman a été adapté au cinéma par Elene Naveriani sous le titre «Blackbird blackbird blackberry».



Une bien jolie découverte !



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Merle, merle, mûre

Écoutez voir Tamta Mélachvili ! L'éminente littérature !

Posséder ce livre, c'est comme se voir offrir une corbeille de mûres sucrées et juteuses.

Splendide, magnétique, « Merle, merle, mûre » est le fronton d'une histoire belle et triste.

D'une élégance rare, c'est le portrait sensible et sublime d'Étéri qu'on aime d'emblée de toutes nos forces.

Solitaire, célibataire, elle cueille des mûres sauvages comme un rite.

« Et savez-vous ce qui m'a sauvée l'hiver dernier, ce qui m'a permis de survivre ? Ma confiture de mûres ! Non, vraiment, je dois avouer que cette confiture de mûres était la seule raison pour laquelle j'arrivais à me lever le matin, cette confiture et du pain tout chaud…. Voilà, lorsque j'aurai traverser le pont, les mûres commenceront à luire dans les fourrés de ronces ».

Dans cette aube auréolée de silence, elle cueille les mûres. Rite pavlovien , « je cueillerai les mûres avant elles ». Mais le seau sombre dans le fleuve Rioni. Elle perd l'équilibre et manque de se noyer. Elle ressent un déclic en plein coeur. Sa vulnérabilité mise à nue.

« Bon, enfin, me voilà déjà chez moi, mais pourquoi mes jambes tremblent-elles ainsi ? .

Étéri reprend des forces. Elle va bousculer son quotidien réglé comme une pendule. Seule trop longtemps, son père et son frère décédés, elle qui a depuis ses plus jeunes années été domestique dans la maisonnée comble d'hommes. Bien plus tard, elle achètera une petite parfumerie. Entre les savonnettes, les lessives, les clientes, comme des courtes visites. Elle retient tout. Elle est de mimétisme. Elle se fond dans le décor de ce village géorgien. Mais voilà, le risque de mourir, a bousculé ses jours. Elle pressent en elle, cette foudre qui la blesse. Elle remarque le spartiate de sa vie. Elle a faim d'amour et soif de désir. Elle veut s'éveiller. Elle sait l'urgence de l'heure. L'aube de ses cinquante ans est une robe sombre, laide et frustrante. Étéri va saisir l'opportunité de ses fragilités. En faire une force implacable et assouvir à grandes enjambées ce qui lui a toujours manqué : l'accolade d'un homme. « … Je le regarde, à genoux devant moi. Il me fait penser à un oiseau, à un oiseau de proie, mais un bon oiseau, gentil, serein. Je sens son odeur malgré la puanteur que dégage la lessive en poudre, l'odeur de son après-rasage, l'odeur de sa peau. Je sens l'odeur d'un être humain , d'un homme ! ». Elle est dans cette supériorité de clairvoyance. Elle ose le printemps. Se laisse apprivoiser par le livreur de lessives. L'émancipation comme une étoile de mer sur son coeur. Elle s'éveille à la cartographie de son corps. Désirable, malgré ses vieux habits et sa disgrâce brouillée par le manque d'une gestuelle masculine. Elle perce au grand jour l'abcès des silences. Les habitudes chamboulées, qu'importe si le lait déborde. Elle cache tout aux voisins qui épient ses faits et gestes. Elle met en sourdine cette mélopée viscérale qui fait rougir ses lèvres et briller ses yeux. Elle est l'écho entendu, enfin. Elle retient dans ses mains, cette relation adultère, avec ce livreur de cinquante ans et plus, grand-père aux cheveux blancs, un peu maladroit et fou amoureux d'Étéri.

Somptueux, grandiose, émouvant, l'idiosyncrasie géorgienne dévoile ses secrets. Les habitus, les coutumes, les petites manies, les faux-semblants. L'ère d'un conformisme où pas un faux-pli n'est visible. Nous sommes dans le charme de l'innocence, un couple qui se découvre dans les rebords d'une Géorgie empreinte de quand dira-t-on et de commérages. Étéri va être de panache et de romantisme. Sa vertu existentielle, elle va vivre une passion absolue.

« Je ne t'emmène pas n'importe où, tu sais ? Ses yeux verts brillent de plus en plus. -Je veux te montrer un endroit magique, magnifique, un endroit où il n'y a personne ! Je vais te montrer le Vardzia de l'Iméréthie ! ».

« Merle, merle, mûre » est une épopée gracieuse, sentimentale. Innovante car intuitive. Sa fulgurance est pudique. Stylistiquement brillant, nous sommes dans l'orée d'un féminisme qui se révèle au monde. Le portrait d'une femme-merle, avec ses petites manies qui sont autant de tartines de confiture de mûres. C'est l'envol d'une relation crépusculaire avec l'ombre des passions rimbaldiennes. La poésie de la révélation amoureuse. La noblesse du commencement dans cette gloire des premiers pas. L'initiation à la féminité. Le canevas d'Étéri qui découvre sa polyphonie intérieure. le chant du merle.

Ce touchant livre boréal, a fait l'objet d'un film par la réalisatrice Elene Naveriani, (Quinzaine des Cinéastes au Festival de Cannes). L'émancipation au garde à vous.

Traduit du géorgien par Alexander Bainbridge & Khatouna Kapanadzé. Publié par les majeures Tropismes éditions.
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Merle, merle, mûre

Cela commence comme un pépiement d'oiseau, un merle peut-être ? Non, il s'agit d'une femme entre deux âges. En réalité elle a déjà vécu au moins 3 vies, plus ou moins tranquilles, lus ou moins heureuses, mais cela nous le découvrirons progressivement au fil des pages. Depuis un moment déjà, elle fait tout pour s'assurer une retraite paisible et sans difficultés financières. La question revient comme un leitmotiv... Préparer l'avenir, ne pas se laisser surprendre. D'ailleurs, au tout début livre, il s'agit pour elle de préparer des confitures de mûres pour adoucir le prochain hiver. Elle s'est levée à l'aube, mais les mûres repérées ont déjà été cueillies par d'autres et là tout se dérègle dans cette vie que nous percevons un peu routinière de célibataire endurcie. Tout va même vraiment se dè-régler, et l'on n'en découvrira pour qu'elle raison dans les dernières pages.

Entre temps, la narratrice se dévoile peu à peu, et nous découvrons que son tempérament n'est pas si endurci, mais que la vie l'a conduit à préférer la liberté du célibat et à assumer ce choix dans un environnement social et culturel qui ne le reconnaît pas.

Le reste, c'est l'histoire du livre je ne vous le dévoilerai pas.

Sachez que le pepiement continue tout au long des pages. Que faut-il faire, que faut-il penser ? Et qu'en diront les voisins ? Au tout début, cela m'a fait rire : j'ai cru me retrouver dans ma tête. Néanmoins, ce long soliloque se lit sans problème, et même avec beaucoup de plaisir dans mon cas. On aimerait savoir comment l'auteure imagine son personnage se débrouiller ensuite. Quels seront ses choix ? Ses réactions ? Quelles stratégies mettra-t-elle en œuvre pour s'adapter à sa situation ?

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Merle, merle, mûre

Étéri, célibataire de quarante-huit ans, part de bon matin à la cueillette de mûres. Mais d’autres femmes sont déjà passées par là. Aussi, doit-elle prendre des risques sur la rive meuble du fleuve Rioni afin d’atteindre quelques fruits.

Elle glisse et faillit se noyer dans les eaux noires du fleuve.

De retour chez elle, encore toute tremblante, elle se jette dans les bras du lessive. Elle perd sa virginité dans la réserve de son magasin.

Tamta Mélachvili décrit toutes les pensées de son personnage principal. Au fil des jours, nous allons ainsi découvrir son passé, son voisinage, ses craintes et ses joies.

Les épreuves de l’enfance et de l’adolescence ont forgé le caractère de cette femme indépendante et solitaire. Étéri n’avait qu’un an quand elle a perdu sa mère. Elle fut élevée par Domna jusqu’à ses six ans.

Récupérée par son père, elle devient alors la domestique de son père et de son frère. De cette servitude, elle tire sa volonté de ne plus jamais servir un homme. A la mort de son frère, un toxicomane violent, elle repousse, armée d’une carabine à plomb, les ardeurs de Ramaz, le meilleur ami de son frère.

Elle connaît tant de ses amies mariées de force et parties en Russie. Le mariage fait des plus belles filles de l’école des grands-mères décrépites.

Grâce à l’argent trouvé dans la poche de son frère, elle ouvre un magasin dans son garage. Là, elle est souvent la confidente des femmes du quartier et la proie de commentaires indiscrets.

Mais aujourd’hui, depuis qu’elle a perdu sa virginité et qu’elle voit régulièrement son amoureux en cachette, Étéri se sent mal. Non seulement, elle craint que sa relation soit découverte mais elle sent son corps vieillissant et graisseux en proie à d’étranges symptômes. Ses amies, plus jeunes qu’elle, lui parlent de ménopause. Elle, consciente de la mort étrange et brutale de sa mère, pense avoir un cancer. Pour la première fois de sa vie, elle envisage d’aller voir en secret un gynécologue.

Ce court roman est construit comme une longue nouvelle. Avec un personnage central face à un moment important de sa vie, un cadre de lieu et de temps resserré et surtout une chute remarquable.

Le style reflète l’expression naturelle d’une femme simple et spontanée . Nous sommes ainsi dans une atmosphère bon enfant entre difficultés de la vie et ragots du quotidien.

L’auteure évoque très peu le contexte de la Géorgie. Nous ne savons pas en quelle année se déroule le récit. Mais elle évoque très vaguement le rejet de l’Ossétie et l’influence de la Russie. On y trouve aussi à plusieurs reprises la difficile condition des femmes.

Une lecture originale et agréable, peut-être pas suffisamment ancrée dans le contexte du pays.
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Merle, merle, mûre

C'est dans un monologue que nous découvrons le personnage d'Etéri, femme à l'aube de ses cinquante ans, qui a résisté de toutes ses forces au mariage. Au service de son père et de son frère dès son plus jeune âge, elle a ensuite refusé farouchement toute alliance, persuadée que ce serait une nouvelle aliénation. C'est une décision qui demande une résistance et une opiniâtreté incroyables, surtout quand on vit dans un village au fin de fond de la Géorgie.

Ce roman avait tout pour me plaire avec cette héroïne au caractère bien trempé et courageuse mais j'ai eu du mal à avoir de la sympathie pour elle : sous sa carapace de femme endurcie, elle est seule, sans compassion pour personne, sans sympathie. Et puis, son monologue tourne en boucle et rend le récit ennuyeux par moment. Je le regrette. Le langage cru parfois, dans l'acte sexuel ou dans les insultes, m'a semblé inutile et choquant, pourtant, j'en ai lu d'autres, mais ça n'a pas sa place et enlève de l'admiration que j'aurais pu avoir à son égard parce qu'elle avait su sortir du carcan que la société lui réservait.

En somme, la couverture magnifique m'a attirée, la perspective de lire mon premier roman géorgien aussi, ainsi que l'envie de découvrir le parcours d'une battante... Le livre n'a pas tenu ses promesses mais j'ai apprécié malgré tout de découvrir la société géorgienne.
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Merle, merle, mûre

J'ai lu ce livre rapidement, pour pouvoir en ouvrir un autre rapidement !



Je m'attendais à un livre poétique, qui m'aurait amenée à une réflexion sur le sens que nous donnons à notre vie et qui, parfois, évolue à la faveur de circonstances dramatiques. Que nenni !



Ce livre dresse simplement le portrait d'une femme seule, indépendante, forte dans une société patriarcale, mais très anxieuse et ignorante des choses de la vie. J'ai trouvé que ses pensées tournaient un peu en rond avec de nombreuses répétitions et je me suis parfois ennuyée.



J'ai par ailleurs vraiment été déçue par la vulgarité du personnage, très éloignée de la poésie que j'attendais. Cette grossièreté était à mon sens inutile et souvent gratuite. A part nous rendre cette femme antipathique, elle n'apporte rien au récit.



J'ai tout de même eu envie de terminer le livre pour savoir comment allait réagir cette femme à l'annonce de ce qui était évident, et je suis restée sur ma faim ! Elle est dans le déni, choquée, se laisse tomber comme une loque et point final. Aucune réflexion, aucune remise en question ou prise de décision courageuse à la clef, quelle qu'elle soit. Très décevant.



Lecture sans intérêt particulier en ce qui me concerne.
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Merle, merle, mûre

Un nouveau départ



Étéri est une femme géorgienne, d’un petit village. Elle approche la cinquantaine et par voie de conséquence, sera bientôt débarrassée des remarques à propos d’un éventuel mariage ou les regrets qu’elle aura plus tard de n’avoir ni mari, ni enfant.



Cela l’énerve surtout quand ses amies si bienveillantes, semblent être aveugles à leur propre sort. Comme si elles étaient désireuses que leur amie rejoigne leur cohorte d’épouses et de mères peu épanouies.



Maintenant, ce sont les blagues sur la ménopause qui l’attendent…



Difficile pour les autres de comprendre que les joies d’Étéri et ses choix sont plus atypiques : elle est propriétaire de son petit magasin, elle épargne pour pouvoir profiter de sa retraite et surtout, elle se délecte de confitures de mûres.



Et c’est ainsi qu’un matin, elle décide d’aller cueillir des mûres pour l’hiver. Mais ce qui devait n’être qu’une simple balade manque de tourner au drame quand notre personnage principal manque de se noyer.



Et c’est là, sous le choc de cet accident, qu’Étéri va découvrir la passion entre les bras d’un livreur…mais n’est-elle pas en train de commettre une grave erreur ?



Ce roman géorgien, servi par une couverture magnifique, est une dénonciation de la condition des femmes. Entre celles qui sont malheureuses en couple, mariées contre leur gré, coincées entre leurs devoirs de ménagères et leurs boulots, et Étéri qui est mal vue car célibataire.



L’autrice montre à quel point le bonheur des femmes est fugace, que très vite leurs rêves et espoirs se trouvent confrontés à la nécessité d’engendrer un héritier. Leurs destins sont confisqués par ce que la société attend d’elles.



Ce livre, qui à travers les pages, nous expose les pensées de la presque cinquantenaire, son monologue intérieur, tour à tour émouvant, cru, cynique.



Ce roman permet également de mieux comprendre la vie dans les petites villes géorgiennes loin de Tbilissi.



Mon seul bémol concerne la dernière partie du roman qui, je trouve, souffre de longueurs.



Néanmoins, j’ai apprécié cette lecture qui offre une vision intéressante de la société géorgienne.
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Merle, merle, mûre

Étéri, au seuil de la cinquantaine, tient une petite boutique avec des produits d’hygiène dans un garage bien aménagé à cet effet à deux pas de chez elle. Cet endroit, que tout le monde appelle une parfumerie, est son petit paradis à elle et aussi un ticket pour une future retraite tranquille. A ses clientes, elle offre, à part une large gamme de produits à des prix raisonnables, une oreille attentive (et une bouche cousue). Ainsi, elle connait leurs peines et leurs problèmes familiaux.



Un jour, Étéri va vers le fleuve Rioni pour y cueillir des mûres et échappe de justesse à un accident. Elle a failli se noyer ! Cet événement lui servira de coup de fouet et elle fera ensuite une chose totalement imprévue. On suit donc une Etéri métamorphosée, revigorée qui commente sa vie et son entourage.



Même si quelques virus de passage dans notre famille m’ont contrainte à faire des pauses de lecture plus longues que souhaitées, je me suis glissée dans ce roman à chaque fois comme si je rentrais dans mes vieilles pantoufles favorites, bien adaptées à mon pied. J’ai tellement aimé suivre les pensées d’Étéri, la voir s’affranchir, prendre progressivement courage, donner symboliquement un coup dans les fesses des petits villageois. Naturellement et avec une belle fluidité, elle raconte son enfance difficile marquée par l’absence de sa mère, son travail dans la parfumerie et, à travers ses voisines et ses amies de jeunesse, elle donne une voix aux femmes dans cette société patriarcale. Derrière le tout ressort l’histoire de la Géorgie, d’un pays si abîmé, comme c’est le cas pour tant d’autres, par la présence de son voisin russe.
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Merle, merle, mûre

Une belle lecture et on apprend beaucoup sur les conditions féminines en Géorgie.

Et Etiri avec son statut de célibataire endurcie est une personne très attachante.

Je n'ai pas trop apprécié la fin ouverte. Je recommande malgré cette fin qui m'a chagrinée.

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Merle, merle, mûre

Le livre étonnant et insolite d'une écrivaine géorgienne que j'ai lu avec grand plaisir ! Même si je ne peux pas dire que le personnage principal ne m' irritait pas par son esprit étroit de jugement, par son manque de perspective, de pensée critique et, de plus, par manque de sagesse. Mais! Il me semble que ce soit ainsi que l'auteur la voyait, telle qu’elle est, son héroïne Eteri, une femme de 48 ans et une ardente opposante au mariage.



L’objectif principal d’Eteri est d’économiser en vue d’une retraite tranquille afin de vivre grand style à la fin de sa vie : avec une grande télévision (et peut-être même avec Internet), avec une bonne bouffe et sans aucun trouble mental. Cependant, un incident sur la rivière qui a failli lui coûter la vie, où Eteri est allée pour cueillir des mûres, l'a poussée à un «amour» spontané avec l'un des fournisseurs de marchandises de son magasin. Et puis, il y a eu des rencontres, des conséquences et bien sûr des remords.



Un texte à la fois très subtil et simple sur une femme de l’arrière-pays géorgien, sur ses craintes éternelles que les gens penseront mal de telle ou telle chose, sur les «amies bien intentionnées » que presque toutes les femmes ont (et qui ne savent pas que parfois il vaut mieux ne pas avoir de telles amitiés du tout...). Sur l'esclavage domestique, quand la famille te considère comme une servante et, bien sûr, sur le fait que même à 50 ans, on peut se sentir aimée, désirée et regarder des sous-vêtements en dentelle rouge. Mais en acheter? Non! Qu’est-ce que les gens en penseront?!



C’est un très bon livre! Et même, si je n’ai rien vu de commun avec moi en Eteri, cela ne veut pas dire qu’elle mérite d’être condamnée.
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Merle, merle, mûre

J'étais curieuse de découvrir ce roman qui commence plutôt bien. La promesse d'avoir échappé à la mort et de profiter de chaque instant est tenue. Cependant on lit du début à la fin les pensées d'Etéri. Et je dois dire qu'elles m'ont un peu dérangées car trop anxiogène, trop de répétitions, un peu trop négatives à mon goût.



Le personnage d'Etéri est malgré tout remarquable, car c'est une femme indépendante, fière de n'être mariée à personne et de ne pas avoir d'enfants. Elle vie pour elle même et c'est ce que j'ai aimé.

Son aventure avec ce livreur est rapide, crue et en même temps plate. Il n'y a pas de réelle discussion entre les 2 personnages.



Quant à la fin, même si je me doutais du résultat, je ne suis pas emballée par une fin ouverte, sauf une suite est prévue.
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Merle, merle, mûre

Un portrait sensible et sublime d'une femme, Etéri, à laquelle nous nous attachons au fil du récit.



C'est une femme solitaire, célibataire, un peu acariâtre, qui cueille des mûres chaque année pour lui permettre de passer l'hiver avec ses confitures.



Mais voilà en voulant les cueillir, près du fleuve Rioni, elle perd l'équilibre et manque de se noyer. Et c'est ainsi que le cours de sa vie prend une tournure imprévisible qui va bouleverser son quotidien.



A l'aube de ses 50 ans, cette femme va se révéler et surtout vivra tout en s'offrant à un homme qui lui procure milles envies et plaisirs.



Elle s'émancipe, s'affranchit des carcans que la vie impose. Elle qui a grandi entre un père absent et un frère toxico qui ne l'aimait guère.



Etéri, à travers ce récit, se livre sur son passé. C'est un monologue intérieur parfois crû, cynique mais toujours émouvant.



L' autrice nous livre un pan de la vie d'une femme dans un petit village géorgien.



Etéri a su mener sa barque avec sa boutique. Elle a des amies qui lui font des remarques dû à son statut de célibataire endurcie. Quelque part, elles envient Etéri et sa liberté. Elle est sans entraves, sans chaînes



C'est un livre où sont dénoncées les conditions des femmes obligées de faire ce que la société attend d'elles avec toujours, en toile de fond, cette société patriarcale.



Toutefois, la fin m'a laissé perplexe et m'a un peu déçue mais cela n'enlève rien à ce récit féministe et salvateur.



Bref, lisez-le ! C'est un récit qui sort des sentiers battus et qui questionne en tant que femme.



Merci @tropismeeditions pour ce SP.
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