AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Théodore Agrippa d` Aubigné (90)


p. 29
Après aboir soupai en vone compenio, un home maigre me demanda si ye boulois passer l’après souppeio. Y ne cerchois autre chause, pour faire baloi tous les traits de cartes que y’abois appris des laqués de Monsur de Roquelaure : y’entendois la carte courte, la longue, la cirée, la pliée, les semences, la poncée, les marques de toute sorte, l’attrappe, la ripousse, le coude, le tour du petit doigt, la manche, lou chappeau, l’ange et lou mirail*… Pou ! Cap de you ! Abec tout cela, mon homme, qui s’appeloit Montaison, m’empourta les trois pistoles qu’on m’avoit laissai, encores fut-il si honneste homme que, pour ma varbe**, il paia l’hoste, et me monstra, de courtesie, une façon d’escamouter et de mettre aryent bif dedans lou dai pour faire petit. Comme au matin ye me lebois fort triste, y’abisai lou chapelet et lou fouët qui m’estoit demeurai ; ye bous ben l’un vrabement huict bons sous pour me mener yusques dans Paris, et me sers du fouët pour contenance et pour parestre ; et cela me faisoit hauneur, car ye disois aux passans qu’ils fissent haster mon poustillon… Ensi lou chapelet me serbit dux fois, et le fouët m’aida à louyer au fauxbourg Sant Yaques, non sans peno. Mais y’en eus vien dabantaye à trouber lou logis de Monsur lou comte, car ces vadaux se rioient quand ye le demandois. Il me soubenoit de l’arvaleste, mais non pas de la ruo***… Mon recours fut aux payes et laqués, à qui ye n’eus poent sitost demandai Monsur lou comte, qu’ils se prirent tous à crier : Au renard ! Il a chié au lict**** ! Comme s’ils eussent crié bibe lou Ré… et boilà mon entrée que bous demandiez.
//
* Je ne me flatte pas d’interpréter exactement tous ces termes d’ancien argot ; cependant il me semble que les cartes courtes, longues, pliées, poncées, cirées, sont des inventions à l’usage des escrocs, pour connoitre au tact le jeu qu’ils donnent à leurs dupes. Les semences sont, je crois de petits points distribués ou semés sur l’envers d’une carte, et qui servent à la faire remarquer. Je présume que le tour du petit doigt est l’ecamotage par lequel on remet le paquet de cartes dans l’ordre où il se trouvoit avant qu’on eût coupé ; c’est ce qu’on appelle aujourd’hui faire sauter la coupe. Le coude, la manche, le chapeau, servaient sans doute à cacher des cartes préparées. L’ange désigne, à ce que je suppose, un enfant ou tout autre complice du filou, qui, debout derrière la dupe et planant (comme un ange) sur son jeu, le fait connoître au moyen de signes convenus. […]
** Pour me consoler de la perte de mon argent.
*** Faeneste demandoit monsieur le comte, comme s’il n’y en avait qu’un à Paris. Probablement ce comte demeurait rue de l’Arbalète, et notre baron, arrivant tout bourru de son pays, cherchoit quelque place comme un tir pour l’exercice de l’arbalète.
**** Ce passage montre combien est ancien ce cri des enfants qu’on entend encore aujourd’hui pendant le carnaval. Son origine mériteroit peut-être une dissertation, mais j’en fais grâce à mon lecteur. – Dans quelques universités allemandes, on appelle renard un étudiant nouveau venu qui n’est pas encore au fait des usages du pays, et, par extension, un niais qui sert de plastron à tous les mauvais plaisants. Le cri : au renard ! peut encore s’entendre d’une autre manière. Écorcher le renard, c’est vomir. Les gamins vouloient peut-être dire : il est si sale, qu’il donne envie de vomir. – Enfin c’est peut-être tout simplement un cri d’alarme emprunté aux paysans qui découvrent un renard dans leur basse-cour. Au renard ! Voudroit dire alors : voici un ennemi, ou plutôt une victime que nous tenons.
Commenter  J’apprécie          10
L’HYVER


Mes volages humeurs, plus sterilles que belles,
S’en vont ; et je leur dis : Vous sentez, irondelles,
S’esloigner la chaleur et le froid arriver.
Allez nicher ailleurs, pour ne tascher, impures,

Ma couche de babil et ma table d’ordures ;
Laissez dormir en paix la nuict de mon hyver.

D’un seul poinct le soleil n’esloigne l’hemisphere ;
Il jette moins d’ardeur, mais autant de lumière.
Je change sans regrets, lorsque je me repens
Des frivoles amours et de leur artifice.
J’ayme l’hyver qui vient purger mon cœur de vice,
Comme de peste l’air, la terre de serpens.

Mon chef blanchit dessous les neiges entassées,
Le soleil, qui reluit, les eschaulfe, glacées.
Mais ne les peut dissoudre, au plus court de ses mois.
Fondez, neiges ; venez dessus mon cœur descendre,
Qu’encores il ne puisse allumer de ma cendre
Du brazier, comme il fit des flammes autrefois.

Mais quoi ! serai-je esteint devant ma vie esteinte[1] ?
Ne luira plus sur moi la flamme vive et sainte,
Le zèle flamboyant de la sainte maison ?
Je fais aux saints autels holocaustes des restes[2].
De glace aux feux impurs, et de naphte[3] aux célestes :
Clair et sacré flambeau, non funèbre tison !

Voici moins de plaisirs, mais voici moins de peines.
Le rossignol se taist, se taisent les Sereines[4] :
Nous ne voyons cueillir ni les fruits ni les fleurs ;
L’espérance n’est plus bien souvent tromperesse ;
L’hyver jouit de tout. Bienheureuse vieillesse,
La saison de l’usage, et non plus des labeurs !

Mais la mort n’est pas loin ; cette mort est suivie
D’un vivre sans mourir, fin d’une fausse vie :
Vie de nostve vie, et mort de nostre mort.
Qui hait la seureté[5], pour aimer le naufrage ?
Qui a jamais esté si friant de voyage.
Que la longueur en soit plus douce que le port ?

(Petites Œuvres meslées.)
Avant que ma vie soit éteinte.
Sous-entendu, de ma vie.
Matière très-inflammable comme on sait.
Sirènes.
sûreté.
Commenter  J’apprécie          10
Le tiers par elle fut nourri en fainéant
Bien fin mais non prudent
Pour servir son jeu lui ordonner pour maistre
Un sodomite athee, un maquereau, un traistre.
Commenter  J’apprécie          10
Mes sens n'ont plus de sens, l'esprit de moy s'envole,
Le coeur ravi se taist, ma bouche est sans parole :
Tout meurt, l'ame s'enfuit, et reprenant son lieu
Exstatique se pasme au giron de son Dieu.
Commenter  J’apprécie          10
Nos désirs sont d'amour la dévorante braise ,
Sa boutique nos corps ,ses flammes nos douleurs ,
Ses tenailles nos yeux ,et la trempe nos pleurs ,
Nos soupirs ses soufflets ,et nos sens sa fournaise .

De courroux ,ses marteaux , il tourmente notre aise
Et sur la dureté , il rabat nos malheurs ,
Elle lui sert d'enclume et d'étoffe nos coeurs
Qu'au feu trop violent , de nos pleurs il apaise ,

Afin que l'apaisant et mouillant peu à peu
Il brule davantage et rengrège son feu.
Mais l'abondance d'eau peut amortir la flamme.

Je tromperais l'enfant , car pensant m'embraser ,
Tant de pleurs sortiront sur le feu qui m'enflamme
Qu'il noiera sa fournaise au lieu de l'arroser.
Commenter  J’apprécie          10
"Retourne à ta moitié, n'attache plus ta veuë
Au loisir de l'Église, au repos de Capue.
Il te faut retourner satisfaict en ton lieu,
Employer ton bras droict aux vengeances de Dieu.
Je t'ay guidé au cours du celeste voyage,
Escrits fidellement : que jamais autre ouvrage,
Bien que plus délicat, ne te semble plaisant
Au prix des hauts secrets du firmament luisant.
Ne chante que de Dieu, n'oubliant que lui mesme
T'a retiré : voilà ton corps sanglant et blesme
Recueilly à Thalcy, sur une table, seul,
A qui on a donné pour suaire un linceul.
Rapporte luy la vie en l'amour naturelle
Que, son masle, tu dois porter à sa femelle."
Commenter  J’apprécie          11
Parmi ces aspres temps l'esprit, ayant laissé
Aux assassins mon corps en divers lieux percé,
Par l'Ange consolant mes ameres blessures,
Bien qu'impur, fut mené dans les regions pures.
Sept heures me parut le celeste pourpris
Pour voir les beaux secrets et tableaux que j'escris,
Soit qu'un songe au matin m'ait donné ces images,
Soit qu'en la pamoison l'esprit fit ces voyages.
Ne t'enquiers, mon lecteur, comment il vid et fit,
Mais donne gloire à Dieu en faisant ton profit.
Commenter  J’apprécie          10
Pour vivre il faut fuir de son propre la veuë,
Fuir l'oeil inconnu et l'oreille inconnuë ;
Que dis-je ? pour parler on regarde trois fois
Les arbres sans oreill' et les pierres sans voix :
Si bien que de nos maux la complainte abolie
Eust d'un siècle estouffé caché la tyrannie,
Qui eust peu la mémoire avec la voix lier,
A faire nous forçant, nous forcer d'oublier.
Commenter  J’apprécie          10
Quand Dieu veut nous rendre vainqueurs,
Il ne choisit rien que les cœurs,
Car toutes mains lui sont pareilles ;
Et mesmes entre les Payens,
Pour y desployer ses merveilles,
Il s'est joué de ses moyens.
Commenter  J’apprécie          10
Peut-on mieux conserver sa vie
Que de la perdre en te servant ?
De celui qui aura porté
La rigoureuse verité
Le salair' est la mort certaine.
C'est un loyer bien à propos :
Le repos est la fin de la peine,
Et la mort est le vrai repos.
Commenter  J’apprécie          10
Heureux livre qui en deux rangs
Distingue la trouppe ennemie
En lasches et en ignorans.
Commenter  J’apprécie          10
Car, pour une ame favorable,
Cent te condamneront au feu ;
Mais c'est ton but invariable
De plaire aux bons, et plaire à peu.
Commenter  J’apprécie          10
C'est chose merveilleuse qu'un esprit igné et violent de son naturel ne se soit monstré en aucun cas partisan, ait écrit sous loüanges et blasmes, fidelle tesmoin et jamais jugé, se contentant de satisfaire à la question du faict sans toucher à celle du droict.
Commenter  J’apprécie          10
Pardonne moi chère maîtresse,
Si mes vers sentent la destresse,
Le soldat, la peine et l'esmoy !
Car depuis qu'en aymant je souffre,
Il faut qu'ils sentent comme moy
La poudre, la mesche et le soufre.
Commenter  J’apprécie          10
Financiers, justiciers, qui opprimez de faim
Celui qui vous fait naître ou qui défend le pain,
Sous qui le laboureur s'abreuve de ses larmes,
Qui souffrez mendier la main qui tient les armes,
Vous, ventre de la France, enflés de ses langueurs,
Faisant orgueil de vent vous montrez vos vigueurs ;
Voyez la tragédie, abaissez vos courages,
Vous n'êtes spectateurs, vous êtes personnages :
Car encor vous pourriez contempler de bien loin
Une nef sans pouvoir lui aider au besoin
Quand la mer l'engloutit, et pourriez de la rive,
En tournant vers le ciel la face demi-vive,
Plaindre sans secourir ce mal oisivement ;
Mais quand, dedans la mer, la mer pareillement
Vous menace de mort, courez à la tempête,
Car avec le vaisseau votre ruine est prête.
Commenter  J’apprécie          10
O France désolée ! ô terre sanguinaire !
Non pas terre, mais cendre : ô mère ! si c’est mere
Que trahir ses enfants aux douceurs de son sein,
Et, quand on les meurtrit, les serrer de sa main.
Tu leur donnes la vie, et dessous ta mammelle
S’esmeut des obstinez la sanglante querelle ;
Sur ton pis blanchissant ta race se debat,
Et le fruict de ton flanc faict le champ du combat. »
Commenter  J’apprécie          10
Mais quoy ! c’est trop chanter, il faut tourner les yeux,
Esblouis de rayons, dans le chemin des cieux :
C’est faict : Dieu vient reigner ; de toute prophetie
Se void la periode à ce poinct accomplie.
La terre ouvre son sein, du ventre des tombeaux
Naissent des enterrez les visages nouveaux :
Du pré, du bois, du champ, presque de toutes places
Sortent les corps nouveaux et les nouvelles faces.
Icy, les fondements des chasteaux rehaussez
Par les ressuscitans promptement sont percez ;
Icy, un arbre soit des bras de sa racine
Grouiller un chef vivant, sortir une poictrine ;
Là, l’eau trouble bouillonne, et puis, s’esparpillant,
Sent en soy des cheveux et un chef s’esveillant.
Comme un nageur venant du profond de son plonge,
Tous sortent de la mort comme l’on sort d’un songe.
Commenter  J’apprécie          10
Satan fut son conseil, l'enfer son espérance.
Commenter  J’apprécie          10
Change-moi, refais-moi, exerce ta pitié,
Rends-moi mort en ce monde, ôte la mauvaistié
Qui possède à son gré ma jeunesse première.
Commenter  J’apprécie          10
SONNET XX

Nous ferons, ma Diane, un jardin fructueux :
J'en serai laboureur, vous dame et gardienne.
Vous donnerez le champ, je fournirai de peine,
Afin que son honneur soit commun à nous deux.

Les fleurs dont ce parterre éjouira nos yeux
Seront vers florissants, leurs sujets sont la graine,
Mes yeux l'arroseront et seront sa fontaine
Il aura pour zéphyrs mes soupirs amoureux.

Vous y verrez mêlés mille beautés écloses,
Soucis, œillets et lys, sans épines les roses,
Ancolie et pensée, et pourrez y choisir

Fruits sucrés de durée, après des fleurs d'attente,
Et puis nous partirons à votre choix la rente :
À moi toute la peine, et à vous le plaisir.
Commenter  J’apprécie          10



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Théodore Agrippa d` Aubigné (311)Voir plus

Quiz Voir plus

Tout sur Romain Gary

Dans quelle ville est né Romain Gary ?

Kaunas
Riga
Vilnius
Odessa

12 questions
610 lecteurs ont répondu
Thème : Romain GaryCréer un quiz sur cet auteur

{* *}