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Oeuvres complètesThérèse de Lisieux
Éditions du Cerf, Desclée de Brouwer
La physionomie de la jeune carmélite a été admirablement dépeinte par Mgr Gay, et on dirait vraiment qu'elle posait devant lui quand il écrivit ces pages lumineuses sur l'Abandon :
L'âme abandonnée vit de foi, elle espère comme elle respire, elle aime sans interruption. Chaque volonté divine, quelle qu'elle soit, la trouve libre. Tout lui semble également bon. N'être rien, être beaucoup, être peu : commander, obéir ; être humiliée, être oubliée; manquer ou être pourvue, vivre longtemps, mourir bientôt, mourir sur l'heure, tout lui plaît. Elle veut tout, parce qu'elle ne veut rien et elle ne veut rien, parce qu'elle veut tout. Sa docilité est active, et son indifférence amoureuse. Elle n'est à Dieu qu'un oui vivant.
...je fais comme les enfants qui ne savent pas lire, je dis tout simplement au Bon Dieu ce que je veux lui dire, sans faire de belles phrases, et toujours Il me comprend...
Je me faisais vraiment des peines de tout ! C'était le contraire de maintenant, car le Bon Dieu me fait la grâce de n'être abattue par aucune chose passagère. Quand je me souviens du temps passé, mon âme déborde de reconnaissance en voyant les faveurs que j'ai reçues du Ciel, il s'est fait un tel changement en moi que je ne suis pas reconnaissable...
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C’est bien le cas de le dire que la richesse ne fait pas le bonheur, car j’aurais été plus heureuse sous un toit de chaume avec l’espérance du Carmel qu’auprès des lambris dorés, des escaliers de marbre blanc, des tapis de soie, avec l’amertume dans le cœur... Ah ! je l’ai senti, la joie ne se trouve pas dans les objets qui nous entourent, elle se trouve au plus intime de l’âme, on peut aussi bien la posséder dans une prison que dans un palais [...]
Parfois je me sentais seule, bien seule; comme aux jours de ma vie de pensionnaire, alors que je me promenais triste et malade dans la grande cour, je répétais ces paroles qui toujours faisaient renaître la paix et la force en mon coeur:
«La vie est ton navire et non pas ta demeure'!... »
Toute petite, ces paroles me rendaient le courage; maintenant encore, malgré les années qui font disparaître tant d'impressions de piété enfantine, l'image du navire charme encore mon âme et l'aide à supporter l'exil.
J'ai compris encore que l'amour de Notre-Seigneur se révèle aussi bien dans l'âme la plus simple qui ne résiste en rien à sa grâce que dans l'âme la plus sublime ; en effet le propre de l'amour étant de s'abaisser, [...] en descendant ainsi le Bon Dieu montre sa grandeur infinie. De même que le soleil éclaire en même temps les cèdres et chaque petite fleur comme si elle était seule sur la terre, de même Notre-Seigneur s'occupe aussi particulièrement de chaque âme comme si elle n'avait pas de semblables ; et comme dans la nature toutes les saisons sont arrangées de manière à faire éclore au jour marqué la plus humble pâquerette, de même tout correspond au bien de chaque âme.
Les conversations avec les créatures, même les conversations pieuses, me fatiguaient l'âme.... Je sentais qu'il valait mieux parler à Dieu que de parler de Dieu, car il se mêle tant d'amour-propre dans les conversations spirituelles !
Comme le dit l'Imitation, le Bon Dieu se communique parfois au milieu d'une vive splendeur ou bien doucement voilé, sous des ombres et des figures ; c'étaient de cette manière qu'Il daignait se manifester à nos âmes, mais qu'il était transparent et léger le voile qui dérobait Jésus à nos regards !... Le doute n'était pas possible, déjà la Foi et l'Espérance n'étaient plus nécessaires, l'amour nous faisait trouver sur la terre Celui que nous cherchions.
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Il a mis devant mes yeux le livre de la nature et j’ai compris que toutes les fleurs qu’Il a créées sont belles, que l’éclat de la rose et la blancheur du Lys n’enlèvent pas le parfum de la petite violette ou la simplicité ravissante de la pâquerette... J’ai compris que si toutes les petites fleurs voulaient être des roses, la nature perdrait sa nature printanière, les champs ne seraient plus émaillés de fleurettes...
Ah! quelle poésie remplissait mon âme à la vue de toutes ces choses que je regardais pour la première et la dernière fois de ma vie!... C'était sans regret que je les voyais s'évanouir, mon cœur aspirait à d'autres merveilles, il avait assez contemplé les beautés de la terre, celles du Ciel étaient l'objet de ses désirs et pour les donner aux âmes je voulais devenir prisonnière!