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Critiques de Thomas B. Reverdy (617)
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Le grand secours

°°° Rentrée littéraire 2023 # 34 °°°



Bondy Nord, Seine-Saint-Denis. Sous l'autoroute A3, un carrefour monstrueusement invraisemblable, « deux bretelles qui rejoignent la N3, qui se détachent à trente mètres du sol, un no man's land en dessous, des carcasses de bagnoles, le camp de Roms au bord du canal. Et puis la barre d'immeuble de dix étages qui fait un S en suivant la courbe de l'autoroute, le nez dans les pots d'échappement, impossible d'ouvrir les fenêtres. » La veille, des coups de feu liés au trafic de drogue. Tôt le matin, une violente altercation entre un homme et un jeune qui s'apprête à rejoindre son lycée.



En général, je déteste les romans qui se déroulent dans des établissements scolaires et mettent en scène des élèves et des profs. Parce que je suis prof moi-même en banlieue parisienne. Parce que je tique sur des détails pas crédibles. Parce que je m'agace si l'auteur fait dans l'optimisme lunaire plein de bons sentiments. Parce que je m'énerve si l'auteur tombe dans le pessimisme et dézingue le système ( alors que je suis la première à le faire, mais j'aime pas quand ce sont les autres, chercher la logique ha ha ).



Cette fois, je n'ai tiqué sur rien, rien ne m'a agacé, rien ne m'a énervé. J'ai même adoré ce roman alors même que jusqu'à présent, les romans deThomas B. Reverdy ne m'avaient jamais convaincue plus que cela.



L'auteur est prof de français en Seine-Saint-Denis dans la vraie vie. Cela ne garantit évidemment pas un bon roman sur le sujet, mais assure a minima une certaine authenticité. Ce qui est sûr, c'est qu'il est parvenu à décrire toute la complexité du métier d'enseignant dans ces établissements dits « sensibles ». Il appelle un chat un chat, dénonce les dysfonctionnements avec finesse, sans manichéisme, renvoie gauche et droite à leurs échecs comme la création de ghettos scolaires et ethnicisés qui renvoient aux difficultés des quartiers dans lesquels ils sont implantés.



Mais avant d'être un prof qui parle des profs, Thomas B. Reverdy est un excellent écrivain qui manie les mots à merveille. Il sait construire des personnages qui font des choix, loin des clichés, il sait explorer l'humain : en quelques phrases, il parvient à les caractériser de telle sorte que le lecteur les identifiera sur un ou deux détails comme les bracelets dorées qui tintent sur poignets fins et les lèvres peintes en rouge de la professeure de français Candice ( magnifique personnage ). Difficile d'oublier Mo, le timide poète amoureux, le lycéen modèle qui se retrouve entraîné malgré lui dans le tourbillon des événements et de ses émotions.



Dans le huis-clos d'une journée au lycée, l'auteur a construit un récit totalement propulsif composés de courts chapitres s'achevant chacun sur une punchline qui claque, avec heure et le lieu indiqués. Ce chapitrage minuté épouse ainsi très organiquement la forme d'un emploi du temps scolaire. Se déploie ainsi l'implacable mécanique, celle de l'émeute, celle de la cocotte-minute qui fait monter la tension à coups de rumeurs, de publications des réseaux sociaux et d'esprits qui s'échauffent. On voit les fissures apparaître dans le sanctuaire que devrait être un établissement scolaire, les pressions extérieures s'y exercer … peut-être était-il possible à un moment donné de colmater avant le déchaînement de l'imprévisibilité et de sa violence.



Thomas B.Reverdy pose un vrai regard d'écrivain sur des faits de société mais son roman n'est ni un essai ni un documentaire ni un pensum. Son obsession n'est pas la réalité mais la justesse. Malgré la noirceur du constat, ce sont les éclats de beauté du récit qu'on retient, au détour d'une histoire d'amour naissant ou d'un esprit qui s'ouvre à la poésie. C'est tout l'effort contre le chaos urbain et sociologique que l'auteur semble combattre pour offrir un horizon collectif à ces personnages ainsi que les cartes du destin à rebattre.



J'ai refermé ce roman puissant, engagé et romanesque, très émue par la dernière image, une échappée de beauté et d'espoir tant que la poésie n'a pas quitté nos lycées de banlieue. En ces temps sombres pour l'éducation nationale, j'y ai trouvé du réconfort. Bref, un coup de coeur aux résonances très particulières.





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Le grand secours

Ce retour a failli ne pas voir le jour, mais sur l'insistance de mon ami Berni, je vais essayer d'écrire un petit quelque chose, d'autant qu'entre-temps, le coquin a lu La reverdie, sans nul doute pour que je m'empare de ce Reverdy.



Un lundi à Bondy Nord, plus précisément sur le pont à la balustrade duquel Mo est accoudé et nous décrit le paysage.

Le canal, le bidonville ceint de palissades où vivent les Roms, les entrepôts et magasins de marques, le tentaculaire échangeur.

Alors celui-ci, je vous le déconseille fortement si vous avez le même sens de l'orientation que moi. Mon frangin, qui habite dans le coin, m'avait dit : tu vas voir, ça raccourcit... une heure après je tournais encore.



Mo est là à 7 heures du matin par ce froid glacial parce que sa mère l'a envoyé à l'école de très bonne heure, de peur que les tirs de kalachnikovs reprennent devant leur immeuble, comme la veille.



Très vite, la ville s'anime. Les voitures, les gens, le bruit devient infernal.

C'est simple, je l'entendais comme si j'y étais... En effet, l'auteur a ce talent d'immerger le lecteur.



À 7 h 35, Paul part de chez lui dans le 13e arrondissement de Paris. Il va au collège-lycée de Bondy pour animer des ateliers d'écriture à la demande d'une prof de français, Candice.



Mais alors qu'il rejoint son école, Mo assiste à une altercation. Il identifie les protagonistes, et les réseaux sociaux font le reste...

Vous l'aurez deviné, ce fut l'allumette qui mit le feu aux poudres.



"D'une langue vive comme le feu qui embrase le quartier, le romancier dessine avec une acuité sans concession cet état des lieux. Il nous fait partager la colère et la tristesse de la jeunesse, la violence policière, le racisme ordinaire, la persévérance et le courage des professeurs, seuls face à la charge de plus en plus lourde qui leur est imposée, et qui tentent le tout pour le tout dans des classes de 36 élèves avec l'espoir toujours chevillé au corps d'accomplir leur mission."

(France Info)



Ce roman au goût de réalité m'a fichu une claque monumentale.



Je remercie mes amis de leurs critiques, qui m'ont incitée à le lire, et je le conseille, ne serait-ce que parce que la qualité de la plume vaudrait presque à elle seule le détour.

Ajoutez à ça celle du récit, terriblement réaliste et passionnant, foisonnant de détails.

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Le grand secours

Bondy,

« ….carrefour géant invraisemblable, l'autoroute et les deux bretelles qui rejoignent la N3, qui se détachent à trente mètres du sol, cette espèce de no man's land en dessous, les carcasses de bagnoles, le camp de Roms au bord du canal. Et puis la barre d'immeuble de dix étages qui fait un S en suivant la courbe de l'autoroute, le nez dans les pots d'échappement, impossible d'ouvrir les fenêtres…..Mon Dieu, je n'ai jamais vu d'endroit aussi laid… ».

Le lycée où se passe cette histoire est là ,dans cette banlieue parisienne, plutôt ghetto, un lycée où les élèves ne sont que noirs ou arabes et la violence présente au quotidien. Et puis il y a les Blancs, les profs, le Poète qui s'est chargé d'animer un atelier d'écriture deux fois par semaines, la CPE ….. l'équipe qui doit gérer ce bordel….



J'aborde pour la première fois Reverdy , l'excellent billet de Patsales ( copine babeliote 😊) ayant attisé ma curiosité.

Rien de nouveau à l'Ouest comme dirait Remarque , sinon que la plume de Reverdy est souple, cinématographique, descriptif avec juste ce qu'il faut, «  Les manches de son pull, sorties de son perfecto, recouvrent le dos de ses mains comme des mitaines, et son jean est remonté sur ses chevilles quand elle a croisé les jambes. Elle tremble un peu et le bout de son nez est rougi de froid, comme le tour de sa bouche. Elle mord dans sa pizza, s'essuie avec la petite serviette en papier que la boulangère leur a donnée à chacun. ». S'approchant du vrai sans prétendre au réel, l'écrivain aborde une journée de la vie de ce lycée, entre 7h30 et 17h, se référant à sa propre expérience de professeur en banlieue. « C'est un métier de plus en plus difficile qui attire de moins en moins les jeunes » , en dit-il. Pourtant l'espoir y est pour les deux parties, élèves/profs, car « Tant qu'ils ont en face d'eux des adultes qui leur montrent autre chose, qui les élèvent, qui leur disent que le monde est plus vaste ….ça fonctionne ». Les lacunes graves du système d'éducation et les conflits sociaux qui en découlent , «  on ne peut pas demander à l'école de soigner la société », sont particulièrement bien mise en scène dans le cadre difficile de ce lycée où l'espoir que les choses s'améliorent dans ce sens là semble faible, car « Ils ne veulent pas que ça marche. Juste, que ça ne fasse pas de vagues. »

C'est aussi une ode à La Littérature et l'écriture d'invention à laquelle les élèves sont réceptifs , ici instigué par le Poète et imagé par un superbe poème improvisé* de Mo, un des élèves, poète lui aussi à ses heures. Dans ce lycée où le français semble à l'agonie, ces élèves jouant avec les mots, mélangeant les niveaux de langues et de contextes, et confondant leurs divers sens, ouvrent la voie à leur imagination fertile, où l'humour est omniprésente dans leurs manières de parler. Et si c'était La Littérature, le Grand Secours que Reverdy cache dans son titre, un secours invisible mais efficace ? Cette Littérature qui lui permet de raconter avec panache les émeutes d'une journée particulière comme une rivière qui gonfle et déborde , mais aussi à côté une journée presque ordinaire d'un lycée de banlieue, « …une de ces journées de janvier où le ciel est tellement bleu et l'air tellement froid qu'on a l'impression de manger un bonbon à la menthe rien qu'en regardant au loin. » ? Et le tout aidé d'un tout petit peu 😊par l'Amour? Pourquoi pas ? , car comme dit le vieux Sergio , « Faudrait pas tomber amoureux. Mais je vais pas te mentir, petit. Il y a que ça d'intéressant. Tu peux y passer toute ta vie.😊 ».

Bref lisez le et jugez en vous même , ça en vaut la peine. Je souris, rouge 😊! Merci encore Patsales 😊!





*« Des rues gardées surveillées par les nouveaux rois du quartier / Des terrains vagues où l'on ne va plus jouer / Mais c'est chez nous / Au pied des murs / Ce labyrinthe / Chez nous / Et moi je marche seul le long des allées / Je longe les murs les trottoirs / Je remonte ma capuche et je monte le son / Je prends des rues des chemins des ponts / le soleil se lève enfin et j'arrive / Pour venir te rejoindre / Au sud où c'est une autre ville / Au sud où il y a toi / Toi qui ne m'as jamais parlé de haut / Toi qui ne sauras jamais que je t'aime. »



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Le grand secours

De 7h30 jusqu’à 17h, tout est minuté et localisé par un Thomas B. Reverdy qui m’étonne encore par son sens du récit et sa faculté à embarquer son lecteur, le faire réfléchir, comme il l’avait fait avec L’hiver du mécontentement et Climax, ses deux derniers livres.

Je l’avais écouté avec attention aux Correspondances de Manosque où il parlait de son roman, Le grand secours, livre qui lui permet de revenir au réel, de plonger dans cet univers qu’il connaît bien, le lycée, un microcosme sociétal et romanesque gouverné par l’emploi du temps.

Avec son parler franc et son expérience du milieu enseignant, il m’avait vraiment donné envie de le lire. Aussi, dans ce Bondy Nord dont un croquis permet de comprendre toute l’aberration d’un aménagement urbain défiant le bon sens, il m’a fait vivre une journée qui paraissait, au début, bien ordinaire.

Autour du canal de l’Ourcq, s’entremêlent l’autoroute A3, des routes plus ou moins importantes, des échangeurs saturés et des transports en commun : RER, tramway, métro, bus, très intéressant panorama des moyens de déplacement dans Paris et sa banlieue. Ici, vivent des milliers de gens qui n’ont pas d’autre choix que d’habiter ces immeubles énormes dont l’entretien s’est peu à peu délité.

Tout se passe un lundi de janvier et c’est Mo qui entre le premier en scène. Il regarde le camp de Roms, aperçoit sa prof de français, Candice, qui arrive à vélo car lycée et collège sont tout proches. Un beau lever de soleil éclaire ce début de journée déjà bien chargé en embouteillages.

De son côté, Paul, écrivain, poète, quitte son petit appartement du XIIIe arrondissement pour gagner ce lycée de banlieue où il doit animer un atelier d’écriture. L’auteur n’hésite pas à manier humour et sarcasmes pour compléter sa présentation de Paul.

Les trois personnages principaux présentés, Thomas B. Reverdy peut me plonger dans un récit qui met en évidence tout le drame de ces banlieues surpeuplées ainsi que le naufrage dont notre système éducatif est victime depuis des années malgré quelques ravalements de façade.

Les descriptions et les portraits de ceux qui sont présents sous l’autoroute, à 7h50, sont particulièrement réussis car pleins d’humour et de réalisme. C’est là que tout se déclenche avec une altercation entre un grand costaud et Mahdi, un gros facho contre un lycéen. L’homme frappe, profère des insultes racistes alors que Mo, présent sur les lieux, prend des photos prouvant que l’agresseur est flic, les balance sur Snap après que ce dernier soit monté dans le bus.

S’ensuit une passionnante et édifiante plongée dans la vie du lycée, au plus près de la vie des profs, tous différents. Certains, les plus rares, ont choisi d’enseigner ici mais la plupart n’espèrent qu’une chose, cumuler assez de points pour obtenir un poste ailleurs.

Thomas B. Reverdy, lui-même enseignant, prouve sa parfaite connaissance de la vie d’un lycée, n’oublie pas les surveillantes, la proviseure. Il parle de multiculturalisme, des tenues de filles à la limite des dimensions républicaines laïques, dépeint parfaitement le travail de Candice avec ses élèves. Hélas, le tableau réaliste et désolant de l’évolution des collèges et lycées de banlieue est consternant, tellement juste !

Pendant ce temps, la pression monte à l’extérieur. Certains savent bien envenimer les choses avec l’aide efficace des réseaux sociaux. Malgré toute cette laideur, Thomas B. Reverdy accorde quelques pauses permettant d’apprécier le travail de certains enseignants qui croient encore en leur métier et réussissent à intéresser leurs élèves à la littérature. Surtout, l’atelier d’écriture animé par Paul, grâce à Candice, donne matière à réflexion. C’est d’ailleurs cette dernière qui nous apprend que, dans les théâtres, la vanne anti-incendie est appelée le grand secours.

Humour, tension, poésie, relations humaines, action de la police, Le grand secours offre quantité de ressources pour passionner et informer le lecteur, comme je l’ai été. Voilà un roman qui aurait mérité une distinction de l’un des prix littéraires de cette rentrée. Trop vrai ? Trop dérangeant ? Qu’importe, il faut lire le livre et saluer une fois de plus le talent de Thomas B. Reverdy.


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Climax

J'avais particulièrement apprécié L'hiver du mécontentement (Prix Interallié 2018), dans lequel Thomas B. Reverdy s'intéressait aux années Thatcher, socialement féroces et destructrices. Aussi, après avoir écouté l'auteur lors des Correspondances de Manosque 2021, je n'avais qu'un souhait, lire Climax. D'autant que le sujet portait sur le réchauffement climatique, un thème qui m'intéresse particulièrement, et, je pense, peut, ou du moins devrait intéresser tout un chacun.

L'action se situe autour d'un village de pêcheurs niché au creux d'un bras de mer qui s'enfonce comme une langue, à l'extrême nord de la Norvège, au nord de Tromsø et du cercle polaire où la nuit dure presque trois mois. Ces dernières années, grâce à l'exploration pétrolière, a été construit sur l'autre rive tout un port de commerce moderne, un des premiers ports de l'arcoil, le pétrole de l'Arctique.

Deux évènements se produisent : un accident sur la plateforme de forage au large, dans lequel deux Russes perdent la vie avec un troisième dans un état critique et une fissure qui menace dangereusement le glacier. Et si tout était lié ?

Ces faits vont remettre en présence la bande d'amis des années 1990.

Noah, devenu peu à peu spécialiste de l'offshore pétrolier et des forages en eaux profondes, revient au pays, en mission pour expertiser le plancher océanique et ses couches géologiques, suite à l'accident survenu sur la plateforme Sigurd, la première de ce type à passer l'hiver dans une mer possiblement recouverte de banquise. Il retrouve Anå, son amour de jeunesse qui va voir 43 ans et est mère de deux garçons.

Quant à Anders, géologue lui aussi, glaciologue plus exactement, lui n'a jamais quitté le nord, le Spitzberg et la banquise. Il analyse, écoute, observe, surveille le glacier, consacrant son expertise à la recherche, tenant des carnets dans lesquels il fait l'inventaire, garde la trace des animaux qu'il voit peu à peu disparaître sur la banquise. Il y a aussi Knut, revenu un peu fou de l'armée, qui vit isolé avec des chiens qu'il dresse comme une armée secrète.

Dans Climax, ce récit de fin du monde dans le contexte de réchauffement climatique , Thomas B. Reverdy alterne le déroulement des faits et l'action des divers protagonistes avec les jeux de rôle dans lesquels ceux-ci ados se racontaient les vieilles légendes nordiques de la mort des mondes et du crépuscule des dieux, Noah en était alors le « maître du jeu », tout en intercalant des éléments scientifiques montrant comment l'élévation de la température perturbe le fragile équilibre d'un territoire et menace un certain nombre d'espèces. « La banquise fracturée se met à dériver dangereusement. Menaçant le territoire naturel des ours blancs, le lieu de reproduction des phoques et de la morue arctique, elle-même proie de plus gros poissons, ainsi que de nombreux oiseaux migrateurs comme le macareux, le mergule, la fonte de la glace de mer est un désastre ».

J'ai le regret d'avouer que je me suis passablement perdue dans les passages concernant ces légendes nordiques. Elles m'ont empêchée de savourer pleinement ce bouquin. Je les ai trouvées beaucoup trop détaillées et je n'ai même pas apprécié le côté humoristique qui clôturait ces passages conseillant de se rendre par exemple au chapitre 7 pour connaître la suite. Dommage pour moi de ne pas en avoir saisi la portée…

Véritable interrogation sur l'avenir de notre planète, Climax pourrait se lire comme un livre d'aventures mais l'enjeu est trop grave et il est difficile après sa lecture de rester optimiste.

Non seulement, le changement est en cours, mais certains ont compris tout le profit qu'ils pouvaient tirer du réchauffement et vont encore l'accentuer à seul but de profit, mettant tout l'écosystème en péril…

Non seulement l'homme est responsable du réchauffement climatique, mais, plutôt que d'en tirer la leçon et de faire le maximum pour le limiter, continue à l'aggraver. Évidemment, Climax est une fiction, et peut-être tout n'est pas irrémédiable, mais l'urgence est là.

Par bonheur, le personnage de Anders qui garde toujours un oeil rêveur et émerveillé sur la beauté qui l'environne apporte une note poétique. Il aime la solitude et la nature, affirmant « La solitude, dans la nature, ce n'est pas pareil… Dans la nature, on a pour soi la beauté du monde » : une belle note lumineuse dans ce monde déréglé ! Quant à Knut nous savourons par procuration sa vengeance avec ses chiens sur ce Russe trafiquant et son équipe.

Climax est un roman très contemporain et un roman à suspens, même si l'on en pressent l'issue, roman dans lequel Thomas B. Reverdy effectue un constat écologique pour le moins alarmiste. Ce magnifique décor du grand Nord dans lequel se déroule l'aventure apporte une splendide touche lumineuse avec la beauté de la nature mais, malheureusement, avec le réchauffement climatique et la fonte des glaces, prend une dimension crépusculaire.

Lorsque j'avais visité ces fjords, en allant jusqu'au Cap Nord, j'avais été époustouflée par ces paysages enchanteurs à couper le souffle, loin de me douter des conséquences apportées par la présence de l'homme sur terre. C'est terrifiant de savoir que ces contrées magnifiques sont sans doute amenées à terme à être complètement bouleversées…


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Le grand secours

Dans Le grand secours, Thomas B. Reverdy nous plonge dans le quotidien d’un lycée de Bondy Nord en Seine- Saint-Denis. Une fiction qui retrace une journée dans la vie de ce lycée de banlieue parisienne situé à proximité d’ un carrefour géant invraisemblable, une autoroute et ses bretelles à trente mètres du sol pour rejoindre la N3, un no man’s land en dessous, le camp des Roms au bord du canal de l’Ourq et une barre d’immeuble de dix étages qui fait un S en suivant la courbe de l’autoroute. Un plan en début d’ouvrage permet de visualiser précisément ce « bendo », quartier abandonné de la République, un cauchemar urbain laid et fascinant à la fois.

Au petit matin, en ce lundi de janvier, chacun se rend au lycée. Il y a Mo, un élève de seconde, qui habite un quartier pourri, un élève discret, plutôt fluet, et amoureux de Sara, Paul écrivain-poète qui vient du XIIIe par le métro et le tramway pour la première fois, ayant décroché une bourse pour animer un atelier d’écriture, et Candice prof de français qui vient de Pantin à vélo et tente de transmettre une culture aux élèves pour leur permettre de s’émanciper, toujours émue et toujours fière quand elle a l’impression que l’un d’entre eux vient de rencontrer la beauté.

Une agression dans laquelle un flic en civil met une raclée à un jeune arabe et dont Mo est le témoin va enflammer les réseaux sociaux. La tension va monter au fil des heures jusqu’à ce qu’une bande d’adolescents se mue en émeutiers et devienne totalement hors de contrôle.

Le grand secours est un roman choral dans lequel se croisent plusieurs voix pour pointer les problèmes de la société, le rapport à la violence, au communautarisme.

En nous emmenant dans la tête de celles et ceux, qui vivent au quotidien dans ces quartiers abandonnés, en donnant la parole aux profs, à la proviseure, à cet intervenant extérieur qu’est cet écrivain, au délégué syndical, aux élèves, mais aussi aux parents, l’auteur nous fait découvrir ainsi des avis et des facettes différents selon leur métier et leur sensibilité, sans avoir la prétention de les résoudre.

Quant aux policiers, leur intervention ne servira qu’à faire naître la violence ou à l’attiser,

le grand costaud aux épaules larges provoquant la confrontation initiale, pensant que tous ces minables doivent être mis au pas, et plus tard, lors de l’émeute et les autres policiers, brandissant des armes, incapables de gérer leur peur.

Il est intéressant et fascinant à la fois de voir comment peut naître une explosion de violence telle, qu’il paraît impossible de pouvoir la stopper.

Il est navrant de constater comment l’État a pu se désengager et se désintéresser complètement de ces quartiers déshérités et on comprend parfaitement que bien que hyper-motivés, les enseignants puissent avoir, pour le moins, des moments de découragement.

On ne peut être qu’admiratifs devant leur volonté de continuer à se battre chaque jour avec l’espoir de rendre notre monde meilleur.

J’ai particulièrement apprécié le personnage de Candice, la professeure de français, dont le prénom évoque à lui seul la clarté et la pureté. Impossible également de ne pas être émue par la réaction de la classe quand Mo lit son poème, et par sa déception de ne pas avoir été compris par Sara...

Si la narration de la vie dans ce lycée et dans ces quartiers abandonnés de la République apparaît aussi juste, réaliste et crédible, nul doute que cela tienne au fait que les lieux, la ville, le canal, le carrefour sous l’autoroute, le lycée, existent, que les élèves, les profs et le personnel du lycée existent aussi, que Thomas B. Reverdy soit lui-même, enseignant de français dans un collège de Seine-Saint-Denis.

Véritable ode à la littérature, à la poésie, au théâtre, roman puissant, Le grand secours, tout en dressant un constat assez sombre et assez amer laisse cependant émerger l’espoir d’un monde meilleur.

Une fois encore, comme je l’avais été précédemment, avec L’hiver du mécontentement (Prix Interallié 2018) et Climax, j’ai été conquise par l’écriture de Thomas B. Reverdy.


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Le grand secours

Bondy's burning ! Bondy's burning !



Le feu couve à Bondy. Pourtant il fait plutôt froid en ce lundi de janvier.

Une altercation vient de survenir entre un homme et un jeune qui se rendait au lycée. La scène a été filmée et les images se propagent à une vitesse inouïe sur les réseaux sociaux. La colère monte.

Pendant ce temps, la banalité du quotidien ne lâche pas son emprise sur le lycée de Bondy. Coincé dans un entrelac de béton et de bitume, asphyxié par les gaz d'échappements, il accueille, à l'instar d'une grande partie du département, de nombreux "refoulés" de Paris.

Candice, la prof de littérature "aux lèvres rouges", y a convié Paul, un écrivain un peu en perdition, pour animer des ateliers d'écriture. En parallèle, Mo, un élève timide et discret ne sait pas comment aborder Sara qui l'ignore royalement. Ses talents de poète ne semblant pas suffire. Témoin privilégié de l'altercation matinale et également à l'origine de la diffusion des images, il est loin de se douter des répercussions à venir...



Thomas B. Reverdy , lui même professeur de français à Bondy, maîtrise bien son sujet et fait preuve d'une grande justesse dans l'évocation de la crise que traverse l'éducation nationale. Un véritable chaos qui résonne d'autant plus fort dans les régions économiquement et sociologiquement défavorisées. Sans clichés, ni stéréotypes, la réalité est ainsi parfaitement mise au service de la fiction.

Les chapitres courts et bien calibrés s'associent aisément au style cinématographique employé pour décrire presque heure par heure cette journée volcanique.

La poésie appliquée ici tel un vernis donne à ce roman une luminosité inespérée au milieu de cette grisaille déprimante.

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Le grand secours

Ancien prof , à la retraite désormais , j'avoue ne plus lire aucun roman se rapportant à ce métier qui fut une passion , plus même une vocation , tant je vis avec tristesse la chute d'un édifice qui , en son temps , nous était envié car admiré .A qui la faute ?

Pour quelles raisons lire alors "Le grand secours " .Oh , c'est bien simple , c'est un livre en course pour un prix et on me demande un avis et surtout , surtout , ma libraire Isabelle me l'a chaudement recommandé et Isabelle , elle se trompe rrarement .

Et c'est parti .Bondy . Une banale altercation vers l'arrêt de bus Un portable qui filme . Un lycée de quartier .Le compte à rebours commence , scandé en haut de chaque page ....Intéressant .

Le Lycée . Ses protagonistes . Sa vie .Ses règles .Les profs . La hiérarchie .La machine à café (!)...mais pas que !

Vous allez me dire , " oui , mais vous le savez tout ça " et vous avez dit que vous ne vouliez plus en parler ?

Oui , mais , franchement , quelle acuité chez cet auteur, quelle finesse d'analyse des différents caractères , quelle description intelligente des fissures qui aident à comprendre l'affaissement de notre système éducatif , aujourd'hui dans les quartiers et , demain , demain ....

Le lycée , un monde à part qui voit ses portes céder face aux problèmes de notre société malgré les efforts , l'envie , la bonne volonté d'hommes et de femmes qui perdent pied peu à peu , pliant sous la force d'un tsunami inarrêtable , qui cèdent sous la pression et courent ailleurs ...voire nulle part , pour sauver leur peau et se noyer dans leurs désillusions . Un Tsunami aussi pour une hiérarchie avide de carrière , de promotions , un comble pour une catégorie qui a toujours prôné le " pas de vagues "...

Ce n'est pas un livre " fielleux " ou revanchard , pas un règlement de comptes , non , c'est bien plus subtil et fin et , si j'en crois ma propre expérience ( alors que je n'ai pas enseigné dans les quartiers ) , plutôt l'annonce de l'aboutissement d'un long processus d'érosion ; comme pour les côtes , la mer , la chute des falaises . Bref , "une mort annoncée depuis bien longtemps ".

Livre politique ? Chacun y verra ce qu'il veut . L'affaire de tous plutôt .

Et l'altercation , me direz-vous ?Allez , un petit passage à la machine à café et je vous dis ....

Et bien , une émeute , tiens , pour finir . Un tsunami ,humain ...

Quoi , un bain de violence ? Ben oui , avec les réseaux sociaux , hein ....

Je vous laisse mais je vous recommande chaudement cet ouvrage qui est vraiment addictif et se lit d'une traite au point qu'on en sort complètement ahuri , ou plutôt non , pas ahuri , bouleversé , bouleversé , songeur , inquiet ...

Allez , amis et amies , à trés bientôt .Bon week end .

Au fait , " le grand secours ".Pourquoi ? Ben , j'vous l'dirai pas .



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Climax

Et dire que je voulais visiter les fjords.

Je vais me limiter aux yaourts après la lecture de ce roman qui n'a pas fossilisé ma mémoire.

J’avais pourtant beaucoup aimé les derniers romans de Thomas B.Reverdy et spécialement « Les Evaporés ».

Une plateforme pétrolière gigantesque est installée au large d’un village portuaire au nord de Tromso, à proximité du cercle Polaire. Un accident de forage inquiète la population et les experts locaux pour qui la fonte des glaces ne se limite déjà pas à une panne de freezer.

Le glacier gronde, les plaques « tectoniquent », les ours blancs plient bagages à la nage, les morues transhument au Portugal, et le roman suit quelques habitants dépassés par la fin du monde qui s’annonce et par des retrouvailles avec Noah, un ancien enfant du village, expert géologue appelé d’urgence par la compagnie pétrolière pour apporter une caution scientifique au forage. A la recherche du pétrole, tout ce petit monde broie du noir.

Comme à son habitude, l’auteur tisse des liens complexes entre ses personnages et il réussit une nouvelle fois à unir des solitudes. Si le roman avait pu se limiter à ce club des 5 version doudoune et au glacier, personnage vivant à part entière, le roman aurait éclairé de plus d’étoiles ma nuit arctique. En l’occurrence, c’est peut-être plutôt les pieds froids de ma tendre mais ce n’est pas le sujet.

Entre Emma, mère célibataire désabusée, Magnus, son frère besogneux, un ex militaire qui vit à l’écart dans une église désertée avec des chiens de combat, Anders, le géologue local qui tutoie le glacier, les souvenirs sont restés prisonniers des glaces jusqu’au retour de Roy, l’ancien meneur d’une bande qui se passionnaient pour les jeux de rôles et les livres dont on est les héros. Certains comme moi doivent se souvenir : vous avez deux portes, rendez-vous au chapitre 123 si vous prenez celle de droite, rendez-vous chapitre 32 si vous préférez prendre celle de gauche et fermez le bouquin si vous vous êtes trompé d’étage.

Hélas, l’auteur intercale dans l’histoire des épisodes de la mythologie nordique plus ennuyeux qu’un film de super-héros pour faire converger transcendance, jeux de rôles et petite apocalypse. Ingénieux mais le procédé a maintenu mon attention à distance. Idem avec les chapitres consacrés au recensement des espèces en voie de disparition, expulsés hors période hivernale par le réchauffement climatique. Autant je peux être sensible à l’ours polaire qui flotte sur un iceberg s’éloignant de son congélateur, la banquise c’est son Picard à lui, pov’bête, ou à un loup obligé de se reconvertir en chien de traineaux pour jacter gratos, autant les pages sur le phytoplancton ou la sexualité des crevettes naines sont à réserver aux insomniaques.

Certes, tous ses éléments mis bout à bout soulignent l’engrenage infernal et l’ambition du roman, mais les chapitres parasites m’ont fait rejeter plus de CO2 en soupirant qu’une centrale à charbon.

Aurore boréale de ces pages, le dénouement est addictif et sauve le lecteur de la glaciation scientifique.

Roman surgelé.

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L'hiver du mécontentement

Mon avis après ce message publié avant la date de fin d’interdiction de tout commentaire :



Attention, il ne s'agit pas d'une critique...

Je remercie les éditions Flammarion et Babelio pour l'envoi de ce livre dans le cadre d'une Masse Critique spéciale Rentrée littéraire.

Cet ouvrage est sous embargo jusqu'au 15 août, je ne peux donc rien en dire pour le moment...

Mais le décompte fatidique après réception arrivant bientôt à expiration, c'est pourquoi je publie ce message.





Mon avis :



Je n’y arrive pas. C’est ainsi. Après deux essais, je n’arrive pas à accrocher.



J’avais publié cette "fausse" chronique pour les raisons que j’ai donné, mais aussi, j’avoue, pour attendre de m’y remettre...



Mais le personnage principal, Candice, ne me touche pas. Trop lisse, trop simpliste, sa neutralité devient agaçante. Dans une époque et un contexte qui ne l’était pas. Bien sûr elle est peut être apolitique ou dépolitisée, mais le contexte dans lequel elle évolue rend cette option peu crédible.

Son rôle d’observatrice extérieure sans opinion, mais qui s’en sort par sa propre détermination, ne colle pas.



C’est dommage, car je pense que cet ouvrage est intéressant à plusieurs égards... alors, qui sait, j’essaierai peut-être une troisième fois !



Abandonné en août 2018
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Les évaporés

Qui n’a pas eu un jour ou l’autre l’idée fugace, le désir insensé, de disparaître pour toujours, de partir pour ne jamais revenir?

Fermer la porte un beau matin, irrévocablement. Marcher sans se retourner. Aller droit devant. Et s’évaporer tout doucement, comme la rosée du matin sous le souffle tiède d’un soleil naissant. Disséminer aux quatre vents les choses qui vous parlaient de vous, devenir un autre, sans passé, sans mémoire, étranger à vous-même et aux autres, repartir de zéro dépouillé de tout ce qui faisait votre identité. Votre nom, votre maison, votre travail, votre famille…à jamais effacés.



Au Japon, nombreux sont ceux qui prennent la fuite sans explication. On les appelle « les Johatsu », les évaporés.

Considérée comme une fugue, leur disparition n’entraîne aucune enquête policière et pour les familles, le silence qui entoure cet acte déshonorant les décourage bien souvent d’entreprendre des recherches.

Pourtant, les motifs qui poussent un individu à abandonner son foyer incombent rarement à un désir impérieux de changement.

La récession des années 1990, l’endettement auprès d’organismes criminels, la crise, le chômage ainsi que l’ampleur du désastre de Fukushima, ont accru cette pratique ancestrale remontant à l’époque Edo, quand voleurs et criminels venaient se purifier aux sources du Mont Fuji et disparaissaient dans les vapeurs d’eau chaude.

Depuis le tsunami et la catastrophe nucléaire de 2012, de nombreux japonais accablés de dettes, à la dérive, jetés sur les routes, n’ont eu d’autre choix que celui de l’exil.



« Parfois, pour survivre, il faut partir ».

Partir, c’est ce que se résout à faire Kaze, honorable salaryman de Tokyo, après avoir été l’intervenant involontaire de scandaleuses spéculations pour la grosse société d’investissements pour laquelle il travaille. Devenu gênant, il est mis sur la touche et licencié. Menacé par la pègre, il comprend que pour protéger sa femme et préserver sa vie, il lui faut désormais devenir l’un des nombreux fantômes sans nom et sans passé qui hantent le Japon.

Lorsqu’elle apprend la nouvelle de sa disparition sa fille Yukiko, installée aux Etats-Unis depuis dix ans, s’envole immédiatement pour le Japon. Elle est accompagnée de son ancien compagnon, le détective et poète Richard B., qui, dans l’espoir de la reconquérir, a accepté de l’aider à retrouver son père.

A Tokyo, alors que Yukiko renoue avec ses racines, Richard lui, découvre la complexité d’un monde intrigant et fascinant, tandis que dans son errance anonyme, Kaze croise la route d’Akainu - un jeune garçon qui a perdu sa famille dans le chaos du tsunami - et qu’ensemble, ils entreprennent de gagner le nord du pays.

Richard, Kaze, Yukiko, Akainu, ces quatre personnages qui incarnent chacun à leur manière une forme de fuite, entre espoir et peur, quête d’amour, de justice ou des origines, vont nous faire approcher la civilisation japonaise dans toutes ses énigmes et tous ses paradoxes, dans toute la fantasmagorie que cette société mystérieuse et déconcertante inspire.



Sous l’égide du poète et écrivain Richard Brautigan, auquel il rend hommage à travers le détective amoureux Richard B., Thomas B. Reverdy nous fait partager un peu du mystère nippon. Il nous ouvre les portes d’une terre pleine de séduction et de singularité, nous fait pénétrer au cœur d’une société en perpétuel équilibre entre tradition et modernité, sur la ligne de faille entre le raffinement et l’élégance de son cérémonial et la violence de ses règles, entre la soumission à des codes sociaux ancestraux et l’attrait du mouvement et du modernisme. Deux univers parallèles qui se superposent, cohabitent, s’entremêlent sans jamais toutefois se confondre ou se rejoindre tout à fait.

Des Familles disloquées, des maisons en ruine, des recruteurs de main d’œuvre bon-marché, des quartiers miséreux, des camps de réfugiés, des montagnes de détritus radioactifs dans la zone sinistrée de Fukushima, des entreprises de sous-traitance, des hommes corrompus pour qui « la misère est une énergie renouvelable »… Thomas B. Reverdy nous donne une vision pourtant bien sombre et terrible du Japon un an après la triple tragédie.

Malgré tout, le récit baigne dans une ambiance évanescente et délicate qui a la douceur crépusculaire et la puissance d’envoûtement d’un songe doux-amer.

Nimbé d’opalescente beauté, d’une poésie claire et mélodieuse, le roman est ainsi comme un voyage au cœur d’un monde flottant, à la fois fortement ambivalent et vivement enchanteur.

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Climax

Lecture intéressante à bien des égards, naturellement d'abord l'aspect écologique habilement présenté, sans profusion de détails techniques, mais avec suffisamment de précisions sur les effets néfastes pour la terre du réchauffement climatique.



Ensuite, j'ai vraiment aimé toutes les descriptions de la nature, qu'il s'agisse du glacier, des couchers de soleil, des levers de lune, de la nuit noire peuplée de loups, et même de la plateforme pétrolière.



Deux points m'empêchent d'aller au-delà de trois étoiles :



- d'une part, la partie fantastique qui ne m'a vraiment pas accroché, même si elle comprenait aussi quelques descriptions intéressantes



- d'autre part, et peut-être surtout, une certaine fadeur des personnages, particulièrement du géologue transi sur son amour de jeunesse inabouti, mais aussi de la belle Ana, certainement malheureuse dans sa vie et qui, pourtant n'a pas éveillé d'empathie de ma part en tant que lecteur. Le plus travaillé est sans doute le dresseur de chiens et les scènes où il est en action avec eux sont très réussies.



Un bon roman quand même, malgré ces quelques perceptions moins positives, qui se lit avec plaisir, en accéléré pour ma part sur la partie fantastique.
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Les évaporés

"Je ne mettrai plus les chaussons"... C'est la seule phrase qui lui vient à l'esprit en cette nuit froide. Kazehiro ne trouve pas d'autres mots pour expliquer à sa femme qu'il ne rentrera plus à la maison. Il dépose ses clés et son portefeuille, prend l'argent qu'il a retiré, ses trois cartons qui contiennent toute sa vie et s'enfonce dans la nuit noire, à l'heure où tout le monde dort encore. Il s'en va. Tout simplement. Il s'évapore dans la nature. Comme tant d'autres l'ont fait avant lui, pour échapper à leurs dettes. Mais, Kaze, comme il se fait appeler maintenant, va essayer de comprendre pourquoi son patron l'a viré du jour au lendemain. En chemin, il rencontrera le jeune Akainu, victime de Fukushima et qui a perdu ses parents...

A des milliers de kilomètres de là, Richard B., détective privé et poète à ses heures perdues, s'apprête à quitter son quartier de North Beach. Parce qu'il n'a pas su dire non à Yukiko, son ancienne petite amie qui lui a demandé de l'accompagner au Japon, son pays natal qu'elle n'a pas revu depuis une dizaine années. Il va l'aider à retrouver son papa qui a disparu sans crier gare et essayer de comprendre son geste...



Dans ce roman empreint de nostalgie et de rêverie, Thomas B. Reverdy décrit une société japonaise où les évaporés semblent tenir une place importante. Déshonorant les leurs et fuyant leurs responsabilités, ces hommes et ces femmes sont souvent rejetés par la société. L'auteur aborde ici des thèmes essentiels tels que la tragédie de Fukushima, la fuite en avant ou bien encore la recherche d'identité en la personne de Yukiko qui a bien du mal à se trouver une place en ce monde. Kaze, Yukiko, Akainu ou Richard, chacun à leur manière incarne une fuite. L'auteur nous emmène loin de nos contrées familières. Porté par une écriture sobre, tout à la fois poétique et tragique, ce voyage au bout du monde se révèle bien mystérieux.



Les évaporés... tout en légèreté...
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Il était une ville

Une vieille maison, la neige, au premier plan une bicyclette d'enfant abandonnée au pied d'un poteau. L'illustration parfaite pour un roman de Stephen King, j'ai pensé, en le regardant. Il fallait que je choisisse un livre au hasard à la bibliothèque (foutus challenges tiens) alors je me suis dit que le hasard avait peut-être bien fait les choses. Il était une ville, un petit jeu de mot avec il était une fois, sympa.



J'aime les romans qui proposent une construction un peu originale. La démultiplication en plusieurs narrateurs n'est pas follement novatrice, mais la façon de le faire ici a quelques trouvailles. Un narrateur cadre, qui revient plus souvent, le "héros" principal, français débarqué à Detroit pour le travail, le parfait oeil extérieur pour découvrir le lieu et qui aura en plus l'avantage pour l'auteur d'avoir le même genre de références que son lecteur moyen, français. Des narrateurs secondaires variés, un gamin qui fugue, sa grand-mère qui le cherche, un policier qui s'interroge sur la disparition des gamins. Une barmaid qui offre ses lèvres comme fil rouge de l'histoire, au long de son rire sonore. Une temporalité fractionné, parce qu'on comprend petit à petit que les différentes narrations ne se passent pas tout à fait en même temps, et que ça crée du coup des suspenses pas rassurants du tout, qui nous laissent un temps imaginer le pire, et ne nous rassurent ensuite qu'à moitié. Bref, vraiment sympa à suivre, on ne s'ennuie pas.



On pourrait reprocher à l'auteur un peu trop de bienpensance dans le choix de ses héros, qui sont sans doute les 4 ou 5 personnes les plus gentilles de la ville, pas de vice caché sous l'armure. Mais c'est peut-être nécessaire quand on s'attelle à la visite d'une ville en décomposition, effondrée sous les coups de boutoir du capitalisme mondialiste des subprimes. On pourrait lui dire qu'à part les fuck disséminés à droite à gauche, ses héros pourraient parfaitement ressembler à des Français plutôt qu'à des américains, à part peut-être le policier, volontairement calqué sur les clichés du flic des films noirs américains. On pourrait, oui... mais on en a pas envie.



Parce que l'auteur a le sens de la formule (plongez-vous dans les différentes citations relevées, il y a de quoi faire) et que ses personnages très attachants sont aussi de beaux archétypes de leur époque et de leur monde. Parce que certaines envolées sont plutôt jolies même si le style n'est pas non plus révolutionnaire. Parce qu'on se laisse totalement embarquer dans toutes ces histoires et que le livre fait partie de ceux qu'on referme en soufflant un petit "au revoir" ému aux protagonistes, en leur souhaitant tout le meilleur possible dans ce monde à reconstruire. Parce qu'on ne peut s'empêcher d'entendre Eminem en bande son de ce petit tour à Détroit, d'autant que le petit garçon habite 8 Miles (les vrais sauront).



Bref, le hasard a bien fait les choses, on pensera à lui de temps en temps, il est parfois un aussi bon conseilleur de livre que certains prix littéraires... Ah ben tiens, prix des Libraires 2016, le bandeau n'était même pas présent sur l'édition de la médiathèque, il n'aura pas pu jouer son rôle d'attrape lecteur, le hasard était plus rapide !

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Les évaporés



C’est l’histoire du Japon d’aujourd’hui. C’est l’histoire d’un homme qui choisit de disparaître. C’est l’histoire d’un pays en pleine mutation. C’est l’histoire d’un homme qui décide de changer de vie. C’est l’histoire d’un pays dévasté par la catastrophe de Fukushima. C’est l’histoire d’une fille qui veut retrouver son père. C’est l’histoire d’un pays gangréné par les yakusas. C’est l’histoire d’un homme qui décide de tout quitter. C’est l’histoire d’un amour terminé. C’est l’histoire d’un détective américain qui part au Japon sur les traces du père de son ancien amour. C’est l’histoire d’un gamin désœuvré. C’est l’histoire de plusieurs solitudes. C’est l’histoire d’hommes et de femmes qui tentent de se reconstruire. C’est l’histoire d’hommes qui ont choisi de devenir des évaporés…



"Il faut que vous sachiez d'abord qu'ici, au Japon, un adulte a légalement le droit de disparaître.

- Il n'y a pas d'enquêtes de police.

- C'est comme une fugue. On dit yonige, ça veut dire "fuite de nuit". Dans le fond, c'est une sorte de déménagement, mais sans laisser d'adresse."



Kaze fait le choix de disparaitre en pleine nuit, comme le font des milliers de japonais chaque année. Sa fille, Yukiko, comédienne serveuse exilée aux États-Unis, décide de retourner au Japon pour retrouver sa trace. Pour ça, elle compte sur l’aide de son ex amant, le détective poète Richard B, toute ressemblance avec un auteur américain n’est pas purement fortuite. Des destins qui se croisent, des vies parallèles, des gens qui s’éloignent, pour ne plus jamais se recroiser…



"Un rêve passe derrière ses paupières, au fond de ses yeux noirs, comme un reflet d'obscurité dans l'eau d'un puits."



Avec Les Evaporés, Thomas B. Reverdy nous livre un roman magnifique, étonnamment actuel, porté par une écriture sobre et pleine de poésie, nimbé de l’ombre bienveillante de Richard Brautigan. A la fois polar, histoire d’amour et état des lieux du Japon post-Fukushima, une vraie belle surprise comme je les aime.



Ces temps-ci, je dois bien reconnaitre qu’il m’arrive parfois d’avoir d’irrépressibles envies de m’évaporer…



Un très grand merci à Babelio et aux éditions Flammarion.


Lien : http://bouquins-de-poches-en..
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Le grand secours

L’élève Mo, Paul l’écrivain poète, Candice la prof de français, et d’autres jeunes encore, tous traversent ce carrefour titanesque situé à Bondy et qui mène vers le lycée du même nom.

« La nationale qui longe le canal depuis Paris passe sous une espèce d’échangeur. L’autoroute A3 se scinde là pour envoyer vers la N3, à droite et à gauche, des rampes qui descendent et tournent en pente douce, et font une véritable voûte au-dessus du carrefour où les rues de la ville rejoignent les deux fois trois-voies de la nationale »

Ce lieu est d’une laideur absolue, « un carrefour sous l’autoroute… comme une zone franche », et il forme frontière entre la ville et la banlieue que les jeunes nomment « bendo ». C’est là qu’une altercation entre un policier en civil et un jeune du lycée va mettre le feu aux poudres.

Bien sûr, même si l’histoire est fictive, on pense immédiatement aux émeutes de Nanterre qui ont fait tache d’huile dans la France entière. Mais loin de se complaire dans une description apocalyptique et cynique, Thomas B. Reverdy nous raconte le quotidien de gens ordinaires qui essaient de vivre et de travailler dans des conditions difficiles, auprès d’une population oubliée. Ce roman choral donne la parole à tous, profs, CPE, élèves et délinquants, et l’écrivain, venu pour animer un atelier de poésie, qui se retrouve un peu par hasard plongé dans cette explosion de violence. Ces points de vue différents, éclatés, sont comme un kaléidoscope d’une situation sous tension. L’auteur prend le temps de nous raconter le lycée, ses règles, et ses problèmes. Les professeurs tentent, dans des conditions difficiles, de transmettre un savoir à des élèves désabusés. Mais les moyens font défaut et les pros ne sont pas remplacés. Ils réclament plus de moyens, veulent être entendus, mais y croient-ils seulement ?

« Le problème, c’est que plus personne ne veut faire ce boulot » dit l’un d’eux.

Pourtant, les vertus de l’éducation, tous veulent y croire, à commencer par Candice qui, à travers les cours de théâtre, milite pour plus de tolérance et de respect.

« Le lycée, c’est un peu comme un bateau. Un bateau à la dérive, dans un océan de béton. »



On est impressionné par cette équipe éducative qui tente, malgré les obstacles nombreux, d’instruire des jeunes dans le respect et la laïcité.

On ne peut qu’éprouver de l’empathie pour tous ces personnages, que ce soit l’équipe éducative ou bien les élèves et les jeunes délinquants, et cela grâce à la plume sensible et sans jugement de l’auteur.

Thomas B. Reverdy ne tombe pas dans la caricature des personnages lorsqu’il raconte les bandes rivales, les petites frappes et qu’il choisit de n’évoquer qu’avec distance les policiers et les parents d’élèves. Ce huis clos qu’est le lycée est un fantastique vivier où tous les protagonistes se croisent pour une fin dantesque.



Le roman est particulièrement bien construit, découpé en courtes séquences étalées sur une journée, unité de temps et de lieu comme une pièce de théâtre, et cette pièce qui se joue en vrai rejoint celle que les élèves répètent : le bourgeois gentilhomme.

J’ai aussi aimé tous ces moments de grâce qui émaillent le roman. Car, si le climat est explosif et si la tension est palpable (on sent, dès les premières pages, qu’il va se passer quelque chose de grave) l’auteur s’arrête sur les émois amoureux de Mo, dont les poèmes sincères et naïfs nous touchent. En écho, on assiste à l’attirance de Paul, homme solitaire et désenchanté, pour la prof de français. Il y a aussi ce ballet des pigeons dans le ciel, des pigeons qui survolent l’histoire comme une petite bulle de paix dans ce bouillonnement.



Un roman qui allie subtilité, romanesque et puissance, sublimé par une écriture harmonieuse et maitrisée.



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Les évaporés

Kazechiro travaille dans une banque, où il gère les portefeuilles de gros clients. Il a toute la confiance de son supérieur qui le convoque un jour pour déjeuner dans un endroit raffiné. Il pense qu’il va recevoir une promotion et au lieu de cela, le patron le licencie.



Il cherche à comprendre quelle faute il a pu commettre pour expliquer la situation et fouille dans ses dossiers. Il comprend bientôt que ce n’est pas lui qui a commis des erreurs mais qu’on le soupçonne d’avoir mis à jours des actions frauduleuses, comme le confirme les menaces qu’il reçoit des Yakusas.



Il décide de disparaître en emportant ses dossiers et devient ainsi un « évaporé » Johatsu en japonais. Il quitte tout, famille, maison change de nom. Sa femme inquiète appelle leur fille Yukiko partie, il y a plusieurs années en Californie.



En même temps, Akainu, un adolescent de quatorze ans qui a fui le nord du Japon à la suite du tsunami où sa famille a disparu, est témoin d’un meurtre : le gérant d’un magasin qui ne voulait pas payer la « protection » des Yakusa se fait assassiner. Akainu est obligé de fuir car sa vie est en danger. Il s’évapore lui-aussi et fait la connaissance de Kaze (la nouvelle identité de Kazechiro.



Yukiko décide de revenir au Japon et emmène avec elle son ancien petit ami toujours amoureux d’elle, poète et détective Richard B pour qu’il l’aide à retrouver son père.



Nous allons donc suivre le destin de cet homme et du jeune garçon et leur aventure vers la recherche de la vérité sur fond de Mafia japonaise, tsunami catastrophe nucléaire tandis que Richard B essaie de les retrouver……











Ce que j’en pense :







Ce roman est époustouflant à plus d’un titre. D’abord la notion d « évaporation » qui serait impossible chez nous. On peut d’évanouir dans la nature sans que personne ne fasse quoi que ce soit : la police ne fait pas de recherche car la famille se sent déshonorée donc ne demande pas d’aide. C’est une solution qui permet d’échapper aux dettes pour les personnes qui ont tout perdu lors du tsunami et ont encore les traites de la maison à payer alors qu’ils n’ont plus rien.



On peut faire le parallèle avec le deuil : peut-on oublier quelqu’un qui a disparu, on ne sait rien il peut être vivant ou mort donc comment entamer un travail de deuil.



Il y a le deuil de l’identité : un évaporé n’est plus rien, il a changé de nom, tout un pan de sa vie est partie et sa famille avec.



Reverdy évoque aussi les fugues des adolescents : celle de Yukiko qui a quitté la maison de ses parents quand elle était ado mais aussi sa grande fugue quand elle est partie vivre en Californie. En parallèle la fuite d’Akainu, il pense que se parents sont morts, donc il part loin des lieux du drame pour survivre et aussi pour ne pas connaître la vérité. « il faut que vous sachiez d’abord, qu’ici, au Japon un adulte a le droit de disparaître… c’est comme une fugue. On dit « yonige », ça veut dire « fuite de nuit ». Dans le fond, c’est une sorte de déménagement, mais sans laisser d’adresse. » P 173



D’un autre côté, qui n’a pas été tenté dans son existence de disparaître ainsi, sans laisser de traces, abandonnant un part de sa vie dont on ne veut plus. Mais, ici c’est une question de vie ou de mort, de survie alors qu’en Occident, c’est échapper à un mode de vie qui ne convient plus, donc deux univers totalement différents.



L’auteur décrit très bien l’évolution du Japon après le tsunami qui a emporté tout sur son passage, les biens matériels mais aussi le mode de vie, la culture, une civilisation qui s’envole elle-aussi. Les habitants qui ont tout perdu sont devenus des réfugiés dans leur propre pays.



Il y a d’un côté la gestion catastrophique du tsunami, car le gouvernement a tout minimiser, le nombre de morts, de disparus, mais aussi les malversations, les aides détournées, les spéculations. Le pays croule sous l’eau, la boue, les ruines et certains ne pensent qu’à s’enrichir. Il y a aussi ceux qu’on envoie nettoyer, débarrasser les maisons et qui reçoivent des irradiations dont le taux rappelle Tchernobyl.



On note l’omniprésence des Yakusas que certains défendent car ils représentent une forme d’ordre, de famille toute puissante. (C’est tellement rassurant quelqu’un qui se conduit en dictateur et fait régner la terreur. «Au Japon, les sociétés de crédit sont détenues par les Yakusas. Quand les gens ne peuvent plus payer, ils exercent des pressions, ils menacent. E ne sont pas des banquiers, les gars… Les Yakusas sont partout. Les politiques leur ont vendu le pays. P 218



On pense toujours au Japon, comme à la patrie de la sagesse : les temples, les grands Maîtres de méditation (Deshimaru, Dôgen…) la cérémonie du thé, la lenteur et là on trouve la violence.



Il y a des chapitres savoureux par exemple un rêve de Kyoto où toute l’histoire du Japon défile, les Samouraïs, les femmes en Kimono… Ou un rêve de Fukushima, chapitre superbe sur la désolation les détritus la vision apocalyptique de fin du monde.



L’auteur nous montre l’évolution de Yukiko, avec son immense chevelure noire qui la recouvre comme une vague. Il y a une belle scène d’amour entre elle et Richard, mais y a-t-il un avenir pour eux. Le détective fait des rencontres savoureuses en cherchant Kaze, il rencontre un journaliste qui a fait un travail sur « les évaporés » et également un vieux Fraçais qui lui explique la genèse des Yakusas.



Enfin, je retiendrai le clin d’œil de Thomas B. Reverdy à un écrivain qu’il admire : le nom de notre détective américain Richard B fait référence à Richard Brautigan dont il cite au passage quelques vers qui sont écrits en italique dans le texte.



C’est le premier roman de Thomas B. Reverdy que je lis et c’est un festival, une pépite, tant il est plein de poésie malgré la violence de la situation. L’écriture est belle, déliée. Il nous entraîne avec lui dans ce Japon en ruine qui ne sait plus bien où son ses repères et quel son avenir. Il y aurait encore beaucoup de choses à dire sur ce roman, donc foncez, lisez-le, vous ferez un voyage magnifique.



J’avoue une fascination pour ce pays, depuis que j’ai découvert les grands Maîtres de méditation et Kawabata mais que je connais si mal et l’auteur m’a confortée dans mon désir d’approfondir sa culture et son histoire.







Note : 9/10
Lien : http://eveyeshe.canalblog.co..
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Le grand secours

Bondy, un frais matin de janvier, des centaines de lycéens, des profs, des non-profs, tous se hâtent de gagner le lycée, en passant par ce monstrueux carrefour où s'entrecroisent autoroute, nationale, lignes de métro et de bus, piste cyclable et pont où passe le tramway. Il y a là Mo, en seconde, qui part très tôt à pied de chez lui, parce que dans son quartier ça tire à la kalach, et sa mère s'inquiète, au moins à 7h il se passe encore rien... Il y a Paul, l'écrivain-poète qui a accepté d'intervenir dans quelques classes parce qu'il a besoin d'argent, qui vient du XIIIème en métro puis en tram dans cet établissement inconnu dont il a d'ailleurs oublié le nom. Et puis Candice, la prof de Lettres aux lèvres rouges qui n'a jamais voulu être prof mais qui l'est quand même et essaye d'y croire encore, elle vient de Pantin à vélo par tous les temps. Et puis il y a Lucky, qui vit sous le pont de Bondy, et qui va sans le savoir être le déclencheur d'une mécanique implacable.

A côté de ces premiers personnages, toute une kyrielle d'autres vont évoluer, le microcosme d'un lycée de banlieue délaissé par les autorités, Mahdi de Nordibon (Bondy-Nord) qui est en classe avec Mo, Adama son grand frère, Chantal la "coordo" de français, Nathalie la CPE et son équipe de surveillants, pardon on dit "assistants d'éducation", ou AED à la limite. La proviseure, qui fait ce qu'elle peut avec les moyens qu'elle n'a pas, les profs qui craquent parfois, les élèves absents ou démotivés, quasiment tous issus de classes sociales défavorisés, pas de la bonne origine ou de la bonne couleur pour trouver du boulot plus tard.



Plus j'avançais dans la journée de ce lycée et de ses acteurs, plus je voyais comme en surimpression certains établissemnts où j'ai moi-même été affectée, notamment un collège où je travaille depuis la rentrée. Les situations, les personnes, je peux leur substituer des faits et des collègues de mon quotidien. Il est vite évident que l'auteur connaît bien le sujet...

Mais pas de misérabilisme ou de dénigrement dans ce roman, juste le déroulement d'une journée dans un lycée de banlieue défavorisée, journée qui aurait pu ressembler à des centaines d'autres, sauf que, ce matin-là, un fait presqu'anodin a déclenché une réaction en chaîne qui va aboutir à...



Pourquoi "Le grand secours" ? Je ne veux rien spoiler, mais ce titre a deux significations, l'une factuelle, l'autre plus symbolique, je pense.

Le roman est divisé en chapitres qui suivent la chronologie d'une journée de classe, en alternant les points de vue de différents protagonistes, ce qui le rend très vivant et permet au lecteur de s'immerger dans le quotidien d'un prof, d'un élève, d'un intervenant extérieur...qui ne voient pas forcément la globalité d'une situation, alors que nous, nous savons, en temps réel, ce qui se passe. J'ai trouvé ce procédé d'écriture particulièrement judicieux ici, il fait monter la pression alors même que certains protagonistes ne voient rien venir. J'ai apprécié également le réalisme des situations décrites, cela parlera à toute personne ayant passé quelque temps dans un établissement de ce genre récemment. Quant à ceux qui ne connaissent pas du tout, ils découvrirons, avec surprise sans doute, cet univers avec ses codes, son jargon, ses routines.



Thomas B. Reverdy a su, contre toute attente, me passionner au point de me faire lire presque d'une traite ce récit d'une journée particulière dans un univers familier, et j'ai tourné la dernière page avec un peu d'angoisse, parce qui sait, un jour je pourrais bien me retrouver confrontée à une situation comparable...
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Le grand secours

« On est [...] dans le département le plus pauvre de la France métropolitaine, dans une de ses villes les plus pauvres, coincés, dans une bordure entre zone franche et zone sensible [...]. »



C'est Bondy Nord plus précisément, en banlieue parisienne, dans le célèbre 9-3. Et c'est plus particulièrement dans un carrefour atypique que l'action se déroule, avec son autoroute suspendue et ses bifurcations, sa Nationale 3, son camp de Roms, ses rangées d'immeubles. Au milieu de cette mare de béton, il y a un lycée. Pour y arriver, rien de plus simple : traverser la Nationale et passer sous l'autoroute.



C'est là-bas qu'on fera connaissance avec les protagonistes : Candice, prof de français ; Paul, écrivain-poète venu animer un atelier d'écriture ; Mo, Momo ou Mohammed, élève plutôt discret, solitaire, sans histoire. Mais aussi Philippe, le syndicaliste ; Chantal, la coordo ; Nathalie, la CPE ; Sara, pour qui en pince Mo ; ou encore Mahdi, à l'œil au beurre noir...



L'action se déroule sur une journée, à heures précises, en des lieux bien précis au sein du lycée ou ses alentours. Une journée qui débute comme les autres, si ce n'est que la veille, des tirs à la Kalach ont eu lieu dans le quartier, si ce n'est qu'un des élèves a eu une rixe avec un individu chelou juste avant l'ouverture des grilles du lycée, si ce n'est que ça tourne en boucle sur les réseaux sociaux, si ce n'est que la tension monte au fil de la journée...



Thomas B. Reverdy, à travers son roman, dénonce plusieurs choses, mais on en retiendra essentiellement deux : le système scolaire en zone sensible et la violence quotidienne dans les quartiers défavorisés. Le point d'ancrage est le lycée et c'est autour de lui que gravitent les protagonistes. De là, sont évoqués le manque de moyens et de profs, le manque de motivation de certains profs et élèves, les pressions sociales et culturelles, les problèmes de vocabulaire, de codes et d'écoute, les infos qui tournent sur les réseaux sociaux et mettent le feu aux poudres...



Grèves d'un côté. Émeutes de l'autre. Mécontentement et colère partout.



Et finalement, la journée ne se déroule pas comme les autres...



Ainsi, avec ce roman que l'on peut qualifier de dénonciateur, l'auteur tape fort et met le doigt là où ça fait mal.



Voilà qui aurait pu me percuter davantage si le style de l'auteur ne m'avait pas fortement déplu. Des phrases saissantes et authentiques, dépeignant tout bien comme il faut (jusque-là tout va bien !), et des tonnes de virgules pour séparer les dialogues des uns et des autres (et voilà, on y est !). Comprenez bien, c'est tellement simple que d'aller à la ligne et mettre des tirets, mieux vaut faire plus compliqué... Séparez les différentes répliques par des virgules, dans une même phrase ou un même paragraphe, et faites deviner au lecteur quand et qui dit quoi. C'est tellement plus gonflant ! Ainsi la tension monte de partout : au sein du récit et chez le lecteur lui-même. Et quand je parle de lecteur, je parle bien évidemment de moi, je ne me permettrais pas de parler pour les autres, chez qui ça n'a visiblement pas gêné. Chez moi, c'est rédhibitoire, ça me gâche complètement mon plaisir de lecture, d'où ma note salée.



Pourtant, les lieux et décors sont partie prenante dans l'histoire, l'atmosphère tendue est palpable jusqu'au bout des doigts, les sujets et thèmes abordés sont évocateurs. Dommage que je sois restée bloquée sur le style trop décousu et méli-mélo...



En bref, j'ai adoré le fond et détesté la forme.

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L'hiver du mécontentement

C'est la première fois que je lis un livre ayant reçu la récompense du Prix Interallié parce que jusqu'à présent, je me faisais une idée complètement fausse de ce prix : me disant : cela va être compliqué, je ne suis pas à la hauteur, je vais me perdre dans les événements relatés etc. bref autant de fausses idées que cet ouvrage a complètement démenti et grâce à lui, je crois que j'apporterai plus d'importance à d'autres (ceux des années précédentes, par exemple, pour voir ce qu'il en ressort). Comme quoi, déjà : premier point fort pour cet ouvrage qui a cassé tous mes préjugés qui n'avaient absolument pas lieu d'être et qui m'a redonné une bonne image (enfin presque de moi) sur le plan intellectuel.



Ici, nous nous retrouvons plongés dans l'Angleterre de la fin de années '70, en 1978 exactement, à l'époque où cette dernière connut une crise économique sans précédent. Alors que Candice, notre jeune héroïne se prépare à interpréter Richard III, célèbre pièce éponyme de William Shakespeare, l'entreprise Ford va mal, pour ne pas dire très mal et les emplois s'écroulent. Les grèves se multiplient, tous corps de métiers confondus mais la musique, elle, est bien et bien là comme le rappelle à juste titre l'auteur en chaque début de chapitre) ainsi que les arts avec la très belle interprétation de Richard III que l'auteur se plaît à décortiquer afin que les femmes qui font partie de la troupe puisse l'interpréter à sa juste valeur. Ce parallèle entre cette pièce shakespearienne et la politique est fort bien trouvée et admirablement mise en scène, se mêlant parfaitement à l'intrigue qui se joue "dans la vraie vie".



Puis, c'est l'apparition de la Margaret Thatcher, celle que l'on surnommait "la dame de fer" et s'il est vraie que j'en avait entendue parler, j(avoue que je ne connaissais jamais jusqu'à présent quel rôle elle avait réellement joué dans ce domaine politique dans lequel je ne m'y entends rien. Je ne m'en tiendrai pas seulement à ce seul et unique avis qui est bien trop résumé et exhaustif à mon goût et qui ne se fit qu'au point de vue d'une seule personne, qui plus est mise en scène de la sorte.



Un roman avec des personnages fictifs très attachants et réels qui m'ont un peu remis les idées en place et qui m'a fait un large rappel concernant ce qui s'est passé très proche de chez nous il n'y a même pas quarante ans et dont je ne savais que très peu de choses jusqu'à présent et cela, je ne peux que le déplorer. Je crois que je vais revoir un petit peu mes cours d'histoire à partir de ce qui s'est déroulé après guerre. Une lecture que je ne peux que vous recommander, même si j'ai rapidement cru comprendre que les avis étaient très mitigés. En ce qui me concerne, je l'ai totalement dévoré !
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