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Critiques de Valentine Goby (1474)
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Kinderzimmer

Quel roman ! Quelle force ! Quel réalisme !

En écrivant Kinderzimmer, la chambre des enfants, Valentine Goby a réalisé quelque chose d’essentiel : traduire l’indicible, nous le faire partager afin de ne pas oublier, jamais !

Cela, Suzanne Langlois tente de le faire face à une classe de lycéens, garçons et filles de dix-huit ans. Témoigner, plus de cinquante fois elle a réussi à le faire, quand une fille avec un anneau rouge dans le sourcil droit lui demande si elle savait qu’elle était à Ravensbrück. Elle qui disait « nous marchions jusqu’au camp de Ravensbrück » est déstabilisée car elle ne savait rien en arrivant là-bas.

C’est alors que Valentine Goby commence à raconter l’histoire de Mila, déportée politique, arrêtée pour son rôle dans la Résistance. Elle est partie comme quatre cents autres femmes, de Romainville, avec sa valise, enceinte. Trois jours, quatre nuits en train jusqu’à la gare de Fürstenberg. Jean Ferrat l’a si bien fait ressentir dans Nuit et Brouillard.

J’ai déjà lu beaucoup de récits, de documents, vu des films mais jamais je n’avais plongé aussi prêt du quotidien de ces femmes, dans leur vie abominable du camp de concentration.

Valentine Goby, par l’intermédiaire de Mila, détaille tout, émaille son texte de mots, de phrases, d’ordres en allemand et je me demande, au fil des pages, comment des femmes ont pu exercer autant de violence, imposer tant de souffrances, provoquer la mort atroce de centaines de milliers d’autres femmes déportées depuis tous les pays d’Europe sous la botte nazie ? Pour les hommes, l’horreur a été aussi la règle.

Les sévices sont effroyables. Ils sont décrits au jour le jour et nous sommes à la mi-avril 1944 quand Suzanne Langlois (Mila) part pour l’Allemagne.

Si Mila est enceinte, elle n’en dit rien car elle ne voit pas d’autres femmes comme elle. Il faut travailler dur, vider les wagons remplis de tout ce que les Allemands ont pillé dans les pays occupés, d’autres tricotent, cousent des vêtements mais la faim et les maladies font des ravages. Comment peuvent-elles tenir debout, immobiles à n’importe quelle heure du jour et de la nuit pour les fameux Appells, alors que la température est nettement en dessous de zéro ?

Valentine Goby montre bien la solidarité qui se développe, même si personne n’hésite à voler une autre pour pouvoir survivre. Puis il y a les conditions sanitaires inimaginables et leurs conséquences, irréparables. Pourtant, il faut tenir et tenter de se souvenir. Pour cela, Mila se met à répéter les dates : « 15/16 juin 1944 : transfert Kommando Neubrandenburg – 15 à 30 juillet : Wera vingt-cinq coups de bâton – Novembre : transport noir Zwodan – Décembre : femmes d’Auschwitz partent pour Uckermark… » Mila réussit à ne pas oublier, même à noter ces atrocités qui prouvent l’existence de ces camps de la mort où des quantités de vies ont été sacrifiées dans d’immenses souffrances.

Je n’oublie pas les bébés qui meurent au bout de quelques jours pendant que Schwester Martha réserve le lait pour ses chatons. Mila a accouché dans les pires conditions mais elle réussit à s’occuper épisodiquement de James puis de Sacha-James que nous retrouverons plus tard.

De par le monde, les hommes et les femmes ont prouvé, hélas, qu’il n’y avait pas de limites à l’horreur et aux sévices exercés sur leurs semblables mais ce qui s’est passé au cœur de l’Europe au cours des années 1940 va au-delà de l’imaginable.

Je ne peux que rendre un vibrant hommage à Valentine Goby, déjà beaucoup appréciée avec Un paquebot dans les arbres et Murène, pour ce Kinderzimmer découvert un peu tardivement et saluer les personnes qu’elle remercie à la fin de l’ouvrage car elles lui ont apporté leurs témoignages afin qu’il soit impossible d’ignorer ce qu’elles ont dû endurer et se souvenir des victimes de la barbarie nazie.


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Murène

♫Elle revient toujours, la colère

Chaque jour depuis des millénaires

Elle revient toujours la colère

Chaque jour sur un bras de mer

Elle revient toujours, la colère

Chaque nuit comme en plein coeur

Je crois qu'elle vient de la douleur

Chaque jour, même les plus ordinaires

Elle revient toujours la colère♫

-Gaëtan Roussel-2021-

---♪---♫----😡---👤---😡---♫---♪---



1956, C'est l'hiver

Ma ladie ou myster2 Winter

Abbé Pierre Vs Caténaire

Un corps s'arque au-dessus du wagon

Où va le blanc quand la neige fond ?

Indubitable Mousse que terre...

Ebloui par la nuit

A coup de lumière mortelle

Il ne reste presque rien

Que tes cendres au matin...

Triste réalité devenue cruelle

Presque Pas mort !

Sans l'indispensable envie !?

Démonstration par A + B virgule

Dire tout haut

Ce que les prothèses

Précieuses parfois ridicules

Ça n'empêche point à la ligne

Réel ou vrai,( les membres fantômes

Quasi maux d'os?

(tiens v'là du Hugo, ça c'est cadeau !!)

Oulipo dirait Tic

Appareillage, symptôme,

c'est pas automatique

Refus net, catégorique

ferme et, les parents taisent)







Style Oulipo, multiplie phonèmes

pour valider un digne phénomène

Il rassure le langage des outils

Well done Goby Valentine

Avec cet accent à la Jane Birkin

Une encre circule dans l'écrit veine

Interstices entre tes lignes

Tu te faufiles comme ton roman Anguille

Maintenant te voilà Promue Reine

Pro- Murène CQFD





Un merci aussi Omar Sy

Ton appareillage mieux vo s'y faire

Elle revient toujours ta colère

Depuis que t'as Plus d'bras,

L'effroi souffle lait chaud qu'aux las !

On meurt pas en une seule fois

Doigt te projeter pour deux mains

Un avenir à petits pas

Ne plus pouvoir baisser les bras

J'aimerais lever mon verre à pied

A ceux qui n'en ont pas.

Un hommage à celui qui fut mon P'pa

A pareil âge,18 ans, section Art Taire fait Morale

Redoutable le temps

Infirme à M'man...

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Kinderzimmer

Encore un texte sur la déportation ? Oui, mais abordé avec une profonde intelligence par Valentine Goby, qui dévoile des faits hallucinants sur le sort réservé aux déportées enceintes à Ravensbrück. Un roman grave et bouleversant.



Suzanne, ancienne déportée, est invitée dans un lycée pour parler de son expérience des camps. Une question lui est posée, elle doute et cherche à répondre correctement sans fausser l'histoire...C’est alors qu’elle déroule son récit. Sous le nom de Mila elle fait partie d’un réseau de résistance à Paris. Elle a 22 ans. Arrêtée, elle arrive au camp de travail de Ravensbrück au printemps 1944. Mila découvre l’horreur du quotidien des 40 000 femmes venues de toute l’Europe. L’appel à 3 h 30 du matin, la saleté et la puanteur insoutenables. Les infections aux noms barbares qui emportent les femmes les unes après les autres. Les bagarres et les vols dans les baraquements. La faim qui tord les entrailles. Le froid. Les abus permanents. Mais aussi la solidarité, le partage et l’espoir, qui donnent chaque jour la force de continuer à vivre. Mila a peur, elle a un secret, qu’elle doit garder à tout prix : elle est enceinte. Elle ne sait rien de ces choses-là, sauf que si elle parle, elle meurt, voire pire. C’est sa façon à elle de résister, tant que les SS ne savent rien, elle a encore quelque chose qui lui appartient, qu’elle peut contrôler et protéger. Arrivée à terme, elle découvre la Kinderzimmer, la chambre des nourrissons. Même si les enfants y meurent très vite, Mila y voit un point de lumière dans les ténèbres…



Âmes sensibles s’abstenir. Kinderzimmer est un roman éprouvant, extrêmement dérangeant, qui vous prend à la gorge de la première à la dernière page. On suffoque, on tremble, on a la nausée. Une écriture sans concessions, tour à tour dépouillée et glaciale – à l’image du camp – puis poétique et bouleversante, sert ce texte virtuose. À coups de phrases urgentes, de mots crus, d’alternance de rythmes et de langues, elle nous entraîne dans un univers dont la noirceur est sans égale et nous immerge au cœur même de l’horreur. Mais elle nous donne à voir aussi la formidable énergie de vie qui vibrait dans les camps et la minuscule lueur, là-bas, tout au fond, qui continue de briller et qu’il ne faut surtout pas laisser mourir. Entre ombre et lumière, désespoir total et foi inébranlable en la vie. Un grand livre. Très fort.
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Murène

Oser plonger pour retourner à l’eau, la grande matrice. S’il veut survivre, il devra nager. S’il veut devenir un homme, ce sera un poisson. Depuis ses vingt-deux ans, François n’a plus de bras, jusqu’aux moignons. L’image de la murène, animal hideux aux mouvements gracieux, nichée dans des profondeurs insoupçonnées, pleines d’une humanité révélée, justifie le titre de roman éblouissant.



Une étreinte oubliée : celle de Nine dans ses bras. Le choc de l’accident lui fera perdre une partie de sa mémoire, notamment celle, tactile, qu’il ne retrouvera jamais. De son coma, il se réveillera amputé.

«  La caresse brûlante de l’arc électrique qui traverse la chair, enflamme les tissus, projette le corps à plusieurs mètres  ». De son accident et de sa lente guérison, aucun détail ne nous sera épargné. Mais le plus dur reste à venir, car comment vivre sans pouvoir attraper un objet, s’habiller, manger, marcher droit ? Comment vivre sans ne pouvoir plus pisser seul ? Comment vivre sans ne plus jamais rien pouvoir toucher de ses mains ?



Nous sommes en 1956. A cette date, la prise en charge des grands brûlés et des handicaps qui peuvent en découler n’en est encore qu’à ses balbutiements. Cantonnés aux mutilés de guerre, les handicapés civils sont ignorés. C’est cette histoire que nous propose de suivre Valentine Goby dans ce roman particulièrement émouvant.

Cependant, vous n’y trouverez rien de voyeuriste, juste la description minutieuse, quasi clinique, d’un être humain désemparé :«  six litres de sang très rouge irriguent parfaitement son corps de vingt-deux ans, pulsent à travers cent mille kilomètres de vaisseaux  ».



De son infirmière dévouée, Nadine, à l’attention sensible et salvatrice ; de sa mère anglaise qu’il appelle Mum, à laquelle les médecins n’auront qu’un seul conseil : «  aimez-le sans relâche  », vous n’y trouverez rien de pathétique. Juste la lente reconstruction d’un homme à l’«  anatomie lacunaire  ». Ses membres atrophiés le feront entrer dans une nouvelle espèce d’humanité. Le deuil de son corps d’homo sapiens sera sa seule porte de sortie.



Valentine Goby connaît l’art du kintsugi, cette méthode ancestrale d’origine japonaise consistant à réparer des vases brisés pour en créer de nouveaux. François trouvera sa résurrection dans l’eau. Puisant dans cette force aquatique, François nous amènera sur des terrains et des concepts qui n’existent pas encore, dans cette France d’après-guerre - jeux paralympiques, handisport -, posant habilement la question sociale du handicap et de sa reconnaissance personnifiée par la renaissance d’un homme :

«  C’est un combat, et le premier champ de bataille est celui de nos corps  ».



Passionnée par la mémoire et sa transmission, Valentine Goby nous offre dans ce treizième roman, un récit de mutilation étincelant d’humanité, car «  seules les fêlures laissent passer la lumière  ».



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Kinderzimmer

Pour avoir rendu quelques services à la Résistance, Mila, de son vrai nom Suzanne, après avoir été dénoncée, a été arrêtée, emprisonnée puis déportée en Allemagne. Au printemps 1944, elles sont 400 femmes comme Mila parties de Romainville qui arrivent épuisées devant l’entrée du camp de Ravensbrück qui compte plus de quarante mille femmes. Mais voilà, dans ce lieu où la mort règne, Mila est enceinte et veut que sa grossesse reste invisible et dans sa tête les questions se bousculent, ignorante de son propre corps. Après la mort de Lisette, la cousine de Mila, Teresa va se rapprocher d’elle et sera là pour lui insuffler le devoir de tenir et partagera maintenant avec elle le double fardeau.

Lors de la naissance de l’enfant, elle découvrira alors, à l’infirmerie, la Kinderzimmer, la chambre des enfants.

Avec ce roman, Valentine Goby révèle une parfaite connaissance de l’époque et nous dévoile l’existence de cette Kinderzimmer qui a vraiment existé et dans laquelle la grande résistante Marie-Jo Chombart de Lauwe, a œuvré tant qu’elle a pu pour sauver les vies de ces bébés de la mort et à qui cet ouvrage est dédié.

Valentine Goby a rédigé là, un livre remarquable écrit au présent qui nous plonge véritablement dans cet enfer concentrationnaire et ceci sans pathos malgré l’horreur décrite avec précision. Rien ne nous est épargné de la faim, du froid, de la promiscuité, du supplice de l’Appell qui peut durer des heures et où les déportées doivent se tenir immobiles dans le froid glacial, telles des stèles, de la peur de la maladie et de devoir aller au Revier, l’infirmerie véritable antichambre de la mort.

Pour ce qui est de la Kinderzimmer, ce n’est qu’en septembre 1944 que les nazis décidèrent de la créer. Jusque-là, les déportées enceintes étaient obligées d’avorter, même tardivement.

Néanmoins l’espérance de vie des nourrissons était très limitée, elle tournait autour de trois mois et très rapidement les bébés déclinaient et mouraient. L’auteure s’attache à montrer le courage, la solidarité et l’ingéniosité dont vont faire preuve les compagnes de Mila pour garder cet enfant en vie, enfant qui, pour elles toutes est un ultime espoir dans cet enfer.

Seulement trois enfants français nés à Ravensbrück ont survécu.

Avec cette fiction romanesque, Valentine Goby porte à notre connaissance un aspect peu connu de la vie des camps, à savoir la naissance de bébés dans les camps de concentration. À la fin du bouquin, elle n’omet pas de parler de la joie lors du retour de retrouver certains proches mais surtout de la communication presque impossible à établir. « Ils disent qu’ils ont eu peur pour elle. … En fait, ils ont peur d’elle . Ce qu’elle a vu, entendu, ils ne veulent pas le voir, pas l’entendre ». « Elle sait qu’elle va porter Ravensbrück comme elle a porté son enfant : seule et en secret ».

C’est un livre qui se lit avec douleur, c’est une lecture éprouvante et qui secoue mais une lecture ô combien nécessaire pour ne pas oublier et éviter que l’homme ne retombe dans ce complet avilissement !

Je suis restée sidérée, tétanisée devant cette cruauté monstrueuse perpétrée par des hommes et des femmes, envers leurs semblables. Peut-on, d’ailleurs, encore dénommer ainsi ces bourreaux, véritables barbares? Mais je suis également restée ébahie et quasi incrédule devant le courage, l ‘énergie, l’audace souvent dont ont du faire preuve ces femmes pour supporter ces conditions inqualifiables.

L’écriture est brillante, juste, sobre et terriblement percutante et impressionnante.

Kinderzimmer prouve déjà tout le talent littéraire de Valentine Goby que j’avais déjà eu le plaisir de découvrir avec Un paquebot dans les arbres et Murène.


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Un paquebot dans les arbres

Comment ne pas être touché, séduit, emporté par ce récit solaire lu en deux jours inspiré d'un témoignage?

Où comment se rendre compte que les fameuses "trente glorieuses "ne furent pas que du bonheur?

Un hymne magnifique à l'amour fou, à l'amour filial qui interroge à travers le personnage exceptionnel de Mathilde, la cadette de cette famille ,sur la capacité à puiser au fond de soi pour mieux rebondir?

Malgré les privations, l'ostracisme, le dénuement, le mépris, les bassesses et la misére......





Nous sommes au milieu des années 50. C'est l'histoire d'un couple, aimant et doué pour le bonheur Paul et Odile Blanc et leurs trois enfants Annie, Mathilde et Jacques, tenanciers du café Le Balto qui fait les beaux jours de La Roche -Guyon. On s'y réunit , on y fait la fête, Paul joue de l'harmonica et égaye les soirées de tous........



Las! Bientôt , une maladie silencieuse , dévastatrice et pernicieuse s'invite :la tuberculose , la famille Blanc n'a pas cotisé à la Sécurité Sociale que la France vient d'inventer.En "cigales" ils ont vécu leur bonheur au jour le jour, amoureux, gais et insouciants.

Lorsqu'ils partent au sanatorium , ce paquebot blanc niché au milieu des arbres, les nuages s'accumulent , les dettes s'amoncellent, l'état de santé de Paul connaît des hauts et des bas. Ils laissent leurs deux plus jeunes enfants dans la précarité.



Mathilde au bord du gouffre, tant affectif que matériel entre lycée, placement en famille d'accueil;petit frére et parents au sana tente de mettre fin à ses jours. Dés son réveil, elle décide de continuer plus que jamais à faire face à la cruauté de l'existence et se bat avec détermination.

L'auteur nous décrit , à travers la personnalité exceptionnelle de Mathilde une tentative fort réussie de sauvegarde de la dignité, une personne combative, volontaire, forte, pleine de vitalité, droite, qui luttera seule face aux huissiers et autres fâcheux , , qui fera "tout"pour réunir sa famille brisée.

Sa détermination force l'admiration.

Un roman rude, fort, lumineux et tendre , un style à la hauteur des personnages, dépouillé, simple , à la troisième personne souvent ,qui donne de la vie et de l'épaisseur aux personnages.



L'écrivain les transcende comme elle sait si bien le faire grâce à sa plume d'une sensibilité infinie.

L'écriture franche, directe, vivante, vibrante dans sa sobriété déjoue le pathos, ne tombe jamais dans le misérabilisme ou le naturalisme , elle se concentre sur la seule volonté de l'héroïne.

Un ouvrage extrêmement bien documenté , pétri d'humanité qui combine merveilleusement portrait de femme, soif de liberté et émancipation des corps !

Oeuvre sociale riche, précieuse et populaire, du Grand Art !

Quel roman! Un vrai coup de cœur que je n'oublierai pas comme "Kinderzimmer".

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Murène

Février 1956, un hiver sibérien sévit à Paris. François Sandre, un grand et beau jeune homme de vingt-deux ans a la vie devant lui. Il vient de rencontrer Nine et ne rêve qu'à la serrer dans ses bras. Il rejoint ce jour-là, Porte de Clichy, Toto, un camionneur qui doit le conduire dans une scierie près de Charleville-Mézières, dans les Ardennes, pour aider Georges, un cousin. Mais le camion se retrouve immobilisé sur la route gelée et François part dans la neige chercher de l'aide. Toto attendra en vain... le corps de François est retrouvé inanimé au pied d'un wagon désaffecté au lieu-dit hameau de Bayle, près des rails d'une voie ferrée, sous une caténaire. Grièvement brûlé, il ne devra sa survie qu'à l'amputation de ses membres supérieurs.

Magnifique écriture de Valentine Goby qui réussit à nous faire entrer dans la tête de François et à nous faire ressentir les souffrances de ce corps mutilé, à une époque où la chirurgie et la médecine en étaient encore à leurs balbutiements de même que les appareillages et prothèses, même si, avec les guerres, des progrès avaient été faits. Elle brosse également un très beau portrait de cette infirmière Nadine qui saura accompagner chacun de ses gestes de paroles lors de son hospitalisation.

Puis, ce sera le retour à Paris, chez ses parents. François va devoir combattre pour affronter cette nouvelle vie où " Il ne pourra plus se brosser les dents, boutonner une chemise, se raser, cirer-lacer-délacer ses chaussures, enduire un mur, pincer la joue de Sylvia, boire une chope, attraper un ballon, écrire une lettre, sculpter un bâton, glisser la clé dans la serrure, déplier le journal, rouler une cigarette, tirer la luge, décrocher le téléphone, se peigner, changer un pneu de vélo, ceinturer son jean, se torcher, payer à la caisse, couper sa viande, se suspendre aux branches, tendre un ticket de métro, héler le bus, applaudir, mimer Elvis à la guitare, signer, serrer une fille contre lui, danser avec une fille, donner la main à une fille, passer les cheveux d'une fille derrière son oreille, dénouer un ruban, toucher l'oreille d'une fille, la cuisse d'une fille, le ventre d'une fille, le sexe d'une fille, son sexe à lui, se pendre, s'ouvrir les veines, se tirer une balle, même se foutre en l'air il ne peut pas." Terrible, bouleversant, les mots me manquent pour exprimer ce que j'ai ressenti à l'évocation de l'avenir qui lui est réservé.

Mais une métamorphose, une mutation profonde va s'opérer lorsque, grâce à l'Amicale sportive des mutilés de France, il va pouvoir profiter de séances en piscine. Il faut dire que lors d'une visite à l'aquarium avec sa soeur Sylvia, la rencontre derrière une vitre, d'une murène, cette silhouette grossière, sans écailles ni nageoires pectorales et ventrales, d'apparence monstrueuse mais si gracieuse va le happer. À la suite de cette vision, il n'aura de cesse d'apprendre à nager. Cette murène va en quelque sorte lui réinventer un avenir. le sport va être pour lui l'occasion de se dépasser bien sûr, mais aussi de rencontrer d'autres gens, de discuter, de se trouver un travail... Ce sera une voix de salut, l'eau lui permettant de découvrir une nouvelle forme de sociabilité, ce sera une véritable renaissance. Il va de nouveau vivre, c'est à dire adhérer à l'existence.

Valentine Goby, à travers ce roman va retracer tous les balbutiements du handisport, un pari incertain pour ces sportifs, avec toutes les difficultés rencontrées pour être crédibles, jusqu'aux jeux paralympiques de Tokyo en 1964. Cette dimension historique contribue beaucoup à la force de ce roman.

Si ce roman est une totale fiction, Valentine Goby que j'ai eu la chance de rencontrer aux Correspondances de Manosque dit avoir été frappée par la beauté insolite de ce nageur chinois Tao Zheng triomphant aux jeux paralympiques de Rio en 2016. C'est cette image qui a tout déclenché !

Quel magnifique roman que Murène ! C'est un roman très riche, d'une grande sensibilité, d'une grande justesse de ton, dans un style dense et puissant sur un sujet pas facile qui sait nous faire partager la moindre émotion, le moindre découragement, le moindre espoir de François. C'est un roman qui continue à m'habiter, même une fois achevé.


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L'île haute

La possibilité d'une île …



Roman sensoriel dans lequel l'explosion des couleurs le dispute aux fragrances de haute montagne, L'île haute de Valentine Goby explore avec sensibilité le thème du territoire, à la fois lieu d'accueil, lieu de refuge et de cachette, lieu d'apprentissage, lieu de mémoire atavique offrant des racines auxquelles s'accrocher à un enfant dont les racines deviennent précisément des menaces, donc des racines à terrer et à taire. C'est un roman aussi beau que le promet la couverture dans lequel les paysages, au-delà de l'histoire narrée, m'ont enveloppée.

Valentine Goby retranscrit avec poésie la découverte d'un paysage totalement inconnu, la sidération produite, ici par la montagne et sa force tellurique, puis l'appropriation progressive du lieu au cours de trois saisons durant lesquelles la montagne se transforme, modelant par là-même les êtres.



Vadim, devenu Vincent Dorselles afin de cacher ses origines juives, arrive en hiver 1943 dans une région de haute montagne. Parisien de douze ans, il découvre la neige pour la première fois. Son asthme explique ce voyage, mais il n'est pas la seule raison : sa mère l'a également éloigné de la capitale car les juifs se font rafler. le paysage que le garçon découvre va être pour lui un choc immense…Malgré tout ce qu'il a pu apprendre à l'école sur la montagne, il découvre, émerveillé, un décor impensé, impensable, majestueux qui se dresse devant lui, cerné de pics et de glaciers qui par instant se dessinent dans l'épaisseur du brouillard. Là-haut, la nature règne en maître au rythme des saisons, ces cycles immuables au cours desquels des hommes et des femmes, des gosses, aux vies modestes mais d'une humanité décuplée par le sens et la nécessité de leurs tâches, vont partager leur monde avec ce citadin, ébahi. C'est avec son regard de garçon sensible qui associe à chaque mot des couleurs, que Valentine Goby nous offre un véritable hymne à la montagne.



« Son regard a changé. Au début, le blanc lui suffisait. C'était si nouveau cette texture aux métamorphoses constantes, tour à tour dure, molle, craquante, poudreuse, feutrée, lourde, légères, compacte, aérée, tendue, bosselée, mouvante et rampante et volatile dans l'avalanche, inerte au fond de la vallée, qui piégeait la lumière et la réfléchissait, accueillant toutes les nuances, bleue la nuit, diamantine ou mate le jour selon l'épaisseur des nuages, rose au coucher du soleil, grise dans l'ombre de l'envers et parfois translucide, quelle bizarrerie qu'un mot unique couvre un tel éventail d'images ».



Ce lieu magique et pour lequel les mots semblent si faibles pour parvenir à le décrire, c'est la possibilité d'une île… Vincent apprend qu'il y a des millions d'années, la mer recouvrait cet endroit. Et lui d'imaginer l'océan tout recouvrir, avec seule cette montagne des Aiguilles Rouges, la toute première montagne qu'il découvre à son arrivée, transformée en île, l'île haute…Les autres montagnes sous la mer contre lesquelles ondulent des algues turquoise, qu'habitent des bélemnites, devenus désormais fossiles végétalisés d'animaux marins.

Vincent, coupé de ses parents, accueilli par une famille aimante et bienveillante, entouré de nouveaux camarades extrêmement touchants, réunit sur ses dessins, la force tellurique de la montagne avec le berceau aquatique où la vie a commencé, réunit inconsciemment son père et sa mère en ce lieux totalement nouveau où il n'a, au début, aucun repère sur lequel s'appuyer…Un pays insoupçonné rien que pour lui. Avant que cette montagne devienne finalement, peut-être, un endroit pour vivre.



La possibilité d'une île, c'est un peu l'effet que procure cet endroit isolé en plein hiver, coupé de tout, les routes et les passages recouverts d'une épaisse couche de neige suite aux différentes avalanches. Isolée comme sur une île, une île en altitude, loin de la guerre, loin des allemands, loin des dangers. Un monde parallèle avec la possibilité de se réinventer, de pouvoir devenir un autre, de passer pour un enfant d'ici sans aucun compte à rendre à la vie antérieure, pour mieux oublier l'éloignement et la douleur. Se dissoudre dans l'espace face au feuilleté des reliefs à l'horizon. Éprouver à chaque nouvelle découverte la transe de la verticalité et s'intégrer peu à peu en faisant adhérer à ce paysage majestueux tous ses sens, le peintre devenant peu à peu tableau, le citadin désormais modelé par la montagne, en écho à l'altération sans fin du paysage.



« Droit devant, Vincent, c'est le mont Blanc – Ca ne l'aide pas, le mont Blanc est un caillou parmi des cailloux aux proportions tronquées par la distance. Ce qu'on ne peut pas mesurer, Dieu s'en empare, tous les dieux ou presque sont nés des montagnes. Dieu, ou l'art. C'est pourquoi au lieu d'écraser Vincent ce décor délirant in fine l'élève. Il flotte à l'intérieur de lui, pris d'un vertige pareil à la faim. Ça ne fait pas mal. Il se sent léger. Cristallin. A peine décollé du sol. Bizarrement reconnaissant. Il ne sait pas bien envers qui, envers quoi mais ça le submerge, il résiste à la vague et il cherche un appui, quelque chose à toucher, à serrer pour ne pas complètement se dissoudre ou plutôt se délester de ce trop plein d'euphorie, et c'est la main de Moinette qu'il rencontre ».



La possibilité d'une île, d'une île haute, avec sa faune et sa flore endémiques. Ses couleurs. Ses odeurs. Valentine Goby convoque tous les sens et donne à voir avec les yeux, avec la peau, les oreilles, les narines, les papilles. Des gerbes de couleur fusent en tous sens, au-delà du blanc de la neige peu à peu mangé par un éclatant nuancier de vert, se mélangeant aux effluves odorants, aux sons, aux sensations. Des violettes, des gentianes bleues, la douceur de l'herbe, le froid de la rivière, l'amertume du pissenlit, l'odeur du fumier, les odeurs qui varient en nuances subtiles selon l'altitude et l'ensoleillement, les cliquetis d'insectes et les pépiements d'oiseaux pour annoncer le petit matin, ce livre est une flamboyance des sens, une richesse de sensations.

« Parfum, ensoleillement, tiédeur, humide chatoient timidement dans son cerveau, violet, bleu électrique, viride, rose, qu'en faire sinon des seules taches de couleur ».

Cette façon de faire m'a enchantée et l'auteure use de cette sensorialité sur les trois saisons que le petit Vincent va passer dans la montagne. Chaque saison est l'occasion d'honorer la nature. C'est renversant de beauté. Là se niche la force véritable du livre, en ces mille et un tableaux.



« C'est un matin ambré, soleil doux, ciel jaune. On sent monter l'odeur de cire qui annonce les journées chaudes. Cartable au dos devant la maison, Vincent se tient immobile, scotché au paysage pelliculé de miel avec cette impression bizarre que le moindre de ses mouvements pourrait le déformer comme la toile d'un décor peint ».



Je ressors enchantée par cette lecture sensorielle et touchante dans laquelle nous voyons comment un paysage est capable de modeler un enfant, pour peu qu'il soit entouré d'adultes bienveillants.

Ce livre, c'est un regard poétique et magnifique sur un lieu, un regard de peintre, un regard immensément respectueux sur la montagne, certes sauvage et âpre, mais aussi à la fois vivante et salvatrice. « Ici, il n'a pas de paupières ».



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Kinderzimmer

S'il fallait trouver une justification au roman de Valentine Goby, on pourrait dire qu'il est utile parce que la montée actuelle des partis d'extrême droite et populistes montrent qu'il est nécessaire de souligner où ont mené par le passé leurs idéologies.



Mais aussi que la solidarité et la force des déportées, malgré le dénuement et l'inhumanité absolus du camp, rapportées dans Kinderzimmer, témoignent de la résistance d'hommes (ou de femmes en l'occurrence) à leur anéantissement programmé.



J'ai souvent pensé qu'il y avait une forme d'indécence de ceux qui n'ont connu que la paix à écrire sur les camps. Pourtant, pour que " plus jamais ça ", il faut raconter, expliquer encore et encore. Peu importe qui le fait, l'essentiel est que cela soit fait.



Ainsi, ce sont les témoins qui l'ont vécu, tel Primo Levi, qui racontent leur calvaire. L'enfer dont la plupart de leurs camarades ne sont pas revenus malgré leur volonté et leur instinct de survie. Mais c'est également Kinderzimmer écrit par une jeune femme pour rappeler jusqu'où peut aller la folie des hommes ; le mal absolu perpétré au nom d'idéologies nationalistes.

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La bataille du rail : Cheminots en grève, écriv..

36 auteurs pour autant de nouvelles, illustrés par les dessins de Mako.

36 auteurs engagés, car cet ouvrage polyphonique n'a qu'une seule ligne éditoriale : celle de défendre les services publics, un certain « idéal de solidarité »

concrétisé ici par le train dans la tourmente de cette nouvelle « bataille du rail ».



36 pierres apportées à l'édifice d'une lutte, puisque les droits d'auteurs sont entièrement reversées aux caisses des grévistes contre cette réforme ferroviaire 2018.

À chacun d'en juger la nécessité bien sûr, mais il fallait le préciser, car il ne s'agit pas ici d'un don seulement caritatif, mais profondément politique.



Bien sûr, ces nouvelles sont très différentes, et parfois inégales, mais toutes réussissent la gageure de parler à nous tous, qui avons en commun cet « imaginaire du rail».

Comme Didier Daenincks dont « le sang noir du monde ferroviaire coule dans [s]es veines. »



Lu en juillet 2018.
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Un paquebot dans les arbres



A cinquante kilomètres de Paris, début années cinquante,une famille heureuse, Odile et Paulot et leurs trois enfants, Annie, la fille aînée, seize ans, Mathilde, le garçon manqué, neuf ans et le petit dernier,Jacques. Le couple gère le Balto, l'Épicerie-Tabac-Bar de La Roche, le centre du bourg, où le bonheur et la fête bat son plein. Et puis un jour, Paulot s'effondre sur une chaise....c'est le début de la fin, pour lui et la famille, il a des bacilles plein le poumon......La maladie et l'ombre de la contagion qui s'ancre au-delà de la conscience, va isoler la famille et endommager leur commerce.....Ils vont errer d’une solitude à l’autre. "La pire est....celle du paria, paraiyar, hors caste parmi les siens dans la langue tamoule du XVIe siècle", l'exil aurait été moins cruel.....

Mathilde, la fille du " tubard" qui pour lui plaire a pris la place du mort, cinquante ans après revient sur ces années-là, les " tubards des années 1960 en marge des Trente Glorieuses, de la Sécurité sociale et des antibiotiques". C'est son histoire et celle de sa famille pour qui elle va se battre.



Inspiré d'une histoire vraie, un livre qui nous noie dans la Vie et ses violents soubresauts. Du jour au lendemain, tout bascule, sans pourquoi, ni aucune justification, ceux qui vous "adoraient" vous ignore,......dans cette chute lente et continue,jusqu'à la débâcle totale en 59, où toute joie est infectée de mélancolie , où l'existence semble "une pièce aux fenêtres murées", comment préserver sa dignité, comment avoir la volonté pour poursuivre une existence de misére profonde, où injustice et méchanceté vont de paire ....

C'est l'époque aussi de la guerre d'Algérie, et Goby nous rafraîchit la mémoire avec des images qui nous rappellent "des choses laides"....., des images qui vont en paire avec l'histoire de la maladie.





Première rencontre avec Valentine Goby,dont j'avais lu beaucoup de belles critiques sur son précédent livre , "Kinderzimmer ", un livre que je n'ai pas abordé à cause du sujet. Celui-ci acheté uniquement attirée par son titre et la magnifique photo de couverture d'Ellen Kooi, sans rien savoir du sujet ( heureusement d'ailleurs,sinon cette rencontre n'aurait jamais eu lieu ) a été une belle surprise. Des phrases sèches et précises,d'où l'émotion gicle et frappe fort.Une troublante proximité physique aux personnages , sans être explicite, qui nous fait sentir chaque battement, chaque vibration. Des épisodes poignantes, comme celle du vol à l'étalage à l'épicerie,et la suite, qu'on lit la gorge nouée.....

J'ai lu quelques informations sur sa vie. Une personnalité intéressante,engagée, émouvante ,comme son livre, sensible et ouverte aux maux de ce monde .... du coup ça me donne une grande envie de découvrir le reste de son oeuvre.











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L'île haute

Vallorcine, Barberine, le mont Blanc, donc aussi, inévitablement, Chamonix, ces seuls noms suffiront aux amateurs de montagne et de nature pour lire ce livre qui déroule trois saisons passées par un jeune garçon juif de douze ans passées au pays du mont Blanc en 1942-43 pour être à l'abri des nazis.



Trois saisons : hiver, printemps, été. Pourquoi pas l'automne? le mieux est de lire ce joli livre plein de nature, de poésie et de romantisme pour connaître la réponse à cette question.



Vadim, alias Vincent, arrive au village dans le coeur de l'hiver. La nature est figée, la neige a tout englouti. Lui, petit parisien, va découvrir un autre monde, pastoral, aimable, protecteur où la montagne règne en maîtresse incontestée, déclenchant les avalanches dont les vallorcins savent se protéger, en ayant construit là où il n'y a pas de risque, en traversant très vite, vers la fin de l'hiver les pentes où les coulées peuvent survenir. La montagne et le froid enserrent le village, nouveau lieu de vie de Vincent.



Il va peu à peu se familiariser avec ce nouveau décor fait d'aiguilles ouatées de blanc, de mélèzes décharnés, de glace, de froid. Au fil des semaines, il approfondit sa connaissance du milieu montagnard et sera saisi par l'éclatement progressif du printemps avant l'éblouissement fantastique de l'été.



Valentine Goby décrit dans le détail tout cet environnement, s'attardant sur la vie quotidienne, la semaine de labeur, le dimanche de repos, sauf au temps des fenaisons si l'orage menace, la naissance d'un veau, les courses des chèvres et des moutons sur les pentes. Elle déploie tout le florilège de la montagne et c'est indiscutablement, pour ma part, la première raison d'apprécier ce livre.



L'histoire de Vincent est celle de différents enfants juifs qui ont réussi ou non à échapper à l'horreur, notamment à ces gendarmes français collaborateurs pas toujours malgré eux, inféodés trop souvent à un régime honteux. Vincent est devenu presque un vallorcin. Il doit ses connaissances à Moinette, une fillette de deux années sa cadette, qui va lui présenter tout cet inconnu, avec humour et amour. Son corsage n'a pas encore les rondeurs de celui d'Olga qui attire Vincent mais c'est Moinette qui est unique, suscitant ses remords d'adolescent, lui faisant admirer la Voie lactée, les constellations et les étoiles filantes lors de leur ultime rencontre. Moinette, c'est la future femme, la future mère, ce qui inquiète bien Vincent qui a vu la grossesse de Blanche, celle qui l'a accueilli, le risque de la mort avec l'enfant à naître, tout le mystère de la vie qui se renouvelle ici au coeur des montagnes, prenant même une dimension bien plus forte que dans les villes.



C'est donc un beau roman de nature, d'amitié, d'amour que Valentine Goby a inscrit dans l'un des plus beaux cadres pour n'importe quelle histoire, une île haute, celle de la montagne.
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Murène

Gros coup de coeur pour ce roman qui va me hanter longtemps!



Pour l’histoire qu’il conte, une tragédie épouvantable qui vient faucher un destin prêt à éclore, et de la façon la plus terrible. Je me suis tellement glissée dans la peau de ce personnage, qu’après une séance de lecture, c’est avec beaucoup de bonheur que j’ai constaté que je disposais de deux membres supérieurs fonctionnels et sacrément utiles! On partage ses souffrances multiples, physiques et psychiques, on le soutient dans ses efforts, parfois vains, de repousser ses limites, et on suit à son entourage, blessé lui aussi de ne pouvoir l’aider sans l’humilier.



L’auteur explore aussi les réactions de tous ceux qui de près ou de loin constatent le manque : les soignants, qui font ce qu’ils peuvent avec plus ou moins de délicatesse, limités eux-aussi dans leurs possibilités thérapeutiques (nous sommes dans les années 50), la famille, effondrée, aimante, envahissante parfois, les rencontres aléatoires, comme l’écrivain public, et puis la foule des témoins anonymes, dans la rue, entre dégoût et compassion…



C’est aussi l’histoire d’une reconstruction, inouïe, presque qu’inconcevable mais qui advient, malgré tout, après les étapes de sidération, puis de révolte.





Une reconstruction personnelle qui va jusqu’au plus tard jusqu’au prosélytisme, avec la volonté de tirer d’affaires d’autres blessés de la vie.



Et si cette histoire m’a tellement cueillie, émue, bouleversée, c’est grâce à la magie de cette écriture, riche, envoutante, tellement juste. On ressent l’empathie qu’elle éprouve pour ses personnages, qui transparait parfois en clin d’oeil, lorsqu’elle s’excuse auprès d’eux de leur faire subir un tel sort.





Une superbe découverte, et un classement dans mon top 3 personnel de cette année.
Lien : https://kittylamouette.blogs..
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Kinderzimmer

En refermant ce roman, je me suis rendu compte qu'un sentiment inhabituel m'avait envahie. Mal à l'aise. Je me sentais très mal à l'aise. L'avais-je aimé ? Je n'avais pas pu le reposer. Les pages m'avaient absorbée, elles avaient défilé tellement vite que la dernière page arrivée, j'étais déstabilisée. Déja ? Mais l'ai-je aimé ? Je suis incapable de répondre à cette question. Parce que j'ai le sentiment que dire que je l'ai aimé va à l'encontre de cette histoire. Comment peux-ton aimer le malheur humain ? La déchéance ? Comment peut-on aimer Ravensbrück ?



Suzanne, dite Mila, est arrêtée en 1944 avec tout son réseau de résistance et est envoyée au camp de Ravensbrück. Elle n'est pas seule. En plus de ses compagnes d'infortune, elle porte en elle l'impossible dans un camp. Un enfant.



La lente descente aux enfers, l'incompréhension, cette langue qui nous échappe et qui ponctue le récit, la faim, la saleté, la maladie, la mort qui se rapproche, inexorable, celle qui nous guette tous, prête à fondre sur nous comme un vautour sur sa proie.



Les coups, l’humiliation, l'épuisement, le désespoir... Mila veut survivre, ultime réflexe de vie. Les femmes veulent survivre : la libération est proche. Les rumeurs courent dans le camp. Bientôt, dans pas longtemps, il faut tenir.



Et au milieu de tout cela, la Kinderzimmer, cette nurserie qui accueille des enfants qui deviennent bien trop tôt des vieillards. Cette nurserie appel à la vie, mais ode à la mort. Cette nurserie qui donne une raison de se battre, pour eux, pour ces nouveaux nés, pour James, le fils de Mila. Cette nurserie qui donne un sens à leur vie.



Au camp, l'espoir ne tient qu'à d'infimes choses : les repas, la musique, la neige, les rencontres qui vous aident à tenir, la solidarité entre prisonnières.



En lisant les premières pages, les difficultés de Mila à comprendre cette langue, à apprendre les codes du camp, j'ai été ébranlée. Le présent de narration avait un côté dérangeant. Point de distance entre le récit et mon présent. Point de distance entre les personnages et moi. Le récit de Mila devenait mon présent. Il devenait mien. J'ai tremblé devant l'inhumanité des gardiennes qui préféraient nourrir les rats que les nouveaux nés, devant les sévices que devaient endurer les prisonnières, et comme toutes ces femmes, je me suis raccrochée à la vie. À Mila d'abord, puis à son petit James. L'âcreté de l’écriture m'a happée, m'a transportée, et m'a poussée à faire défiler les pages sans pouvoir m'arrêter. L'intimité de ce présent m'a donné honte, j'étais presque devenue une voyeuse en observant cette mère qui n'a plus de lait et qui presse son sein sec. Je ne me reconnaissais pas. Comme elles ne se reconnaissaient plus.



Ai-je aimé ce roman ? Je ne sais toujours pas. Mais une chose est sûre, il a laissé une empreinte indélébile en moi. Pour moi un roman magistral.


Lien : http://lelivrevie.blogspot.f..
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Murène

Quel roman extraordinaire !

Je sors de cette lecture passionnante et émouvante complètement bouleversé. De la première à la dernière page, Valentine Goby que j’avais déjà appréciée dans Un paquebot dans les arbres, m’a fait vivre une histoire d’une importance primordiale pour celles et ceux qui se disent valides et j’ajoute que ce roman est aussi essentiel – une formidable bouffée d’oxygène – pour celles et ceux qui souffrent d’un handicap.

Avec François Sandre, grand jeune homme, sportif, amoureux, qui adore l’escalade, j’ai vécu des moments si intenses que j’ai de la peine à trouver les mots justes, ces mots que l’auteure a si bien su agencer et faire vivre avec un souci de la documentation d’une précision remarquable.

Tout débute au cours du terrible hiver 1956 dont je me souviens. L’intérieur des fenêtres était complètement gelé malgré les couvertures et les protections installées par mes parents… François part de Paris, passager d’un camion qui l’emmène chez un cousin, dans les Ardennes. Tombés en panne sur une route déserte, le chauffeur du camion l’envoie chercher du secours. François part, suit des rails, trouve des wagons immobilisés par le gel, grimpe sur l’un d’eux pour tenter de voir où il peut trouver de l’aide et une déflagration électrique le propulse sur le sol, un arc de 25 000 volts depuis la caténaire qui aurait pu le tuer ! C’est une fillette qui trouve ce corps brûlé au deuxième et au troisième degré. Un bras est carbonisé complètement, l’autre presque autant.

Commence alors une période terrible tellement bien racontée par Valentine Goby, avec des déferlantes de mots, de phrases qui prennent aux tripes. Il faut vraiment lire tout ça ! Je dois tout de même révéler que François s’en sort, revient dans sa famille qui tient un atelier de couture mais il n’a plus de bras. Nous sommes à la fin des années 1950 et l’appareillage qu’on lui propose, il ne le supporte pas.

Lui qui est très attiré par l’eau – quelle scène dans ce lac du col de la Loze, au-dessus de Méribel, où le Tour de France 2020 arrivera pour la première fois !… - découvre une murène, poisson sans nageoires, lors de la visite d’un aquarium en compagnie de Sylvie, sa sœur. Au passage, il faut que je salue Mum, sa mère, anglaise, qui fut d’une admirable patience durant son hospitalisation.

Insensiblement, j’ai découvert les débuts de ce que nous appelons aujourd’hui le handisport, mal vu, pas accepté au début des années 1960. Ce qui était, au début, en France, réservé aux mutilés de guerre, s’étend peu à peu. C’est en regardant les Jeux Paralympiques de Rio, en 2016, que l’auteure a été épatée par Zheng Tao qui bat le record du monde du 100 m dos. Depuis 1960 et Rome, que de chemin parcouru !

Hommage vibrant s’il en est, Murène est un livre qui fait honneur à la littérature française, un livre qui redonne dignité et humanité à toutes celles et à tous ceux qui souffrent dans leur corps et trouvent dans le sport, à condition qu’on regarde comme des sportifs, une occasion de se sublimer et d’oublier leur différence.

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Murène

Un roman que l'on peut aimer ou non mais qui , en tout état de cause ne peut laisser personne indifférent. Personnellement , j'avoue en avoir eu une approche favorable dans la mesure où j'ai déjà lu et apprécié certains ouvrages de Valentine Goby et où j'ai suivi avec intérêt son interview par Marina Carrère d'Encausse dans le magazine de la santé sur la 5 . Enfin , les critiques des ami(e)s babeliotes et des chroniques dans des revues spécialisées ont levé mes derniers doutes ( d'autant plus facilement que je n'en n'avais aucun .... mais le dire ajoute à votre curiosité , non ? )

Bon , pour la présentation, c'est fait .

Passons aux choses sérieuses : François , 22ans , beau mec , toute la vie devant lui ....le drame , la perte des membres supérieurs, à pleurer, à se dire que , parfois , la " faucheuse " est d'une cruauté diabolique , parce que , vivre sans bras ....il aurait mieux valu que....

Il y a l'hôpital , le retour à la maison , les humiliations de la dépendance, l'amour maladroit des proches , l'amour , l'autre , qui s'en va ...Terrible.....Émouvant...A pleurer....

L'enfermement dans un ghetto où chacun observe l'autre , le jalouse ou le plaint , les rencontres , valorisantes ou ...désespérantes, l'alcool.....

Et puis des projets , des projets fous en 1962 , retrouver une dignité , envers soi , tout d'abord ..... car il est là le gros problème...la résilience....

Le parcours de François m'a ému comme rarement , je n'ai pas pleuré comme certains , mais j'ai revu des images , des situations . Dans ce roman , vous irez déjeuner dans un restaurant avec François et un ami qui mange ...avec ses pieds .Une image que j'ai vécue dans un restaurant de Limoges il y a une vingtaine d'années...On nous a placés plus loin....nous n'avons pas demandé une table plus proche....J'ai revu aussi cette voiture garée sur le seul accès possible aux handicapés alors que le parking était quasi vide...Evidemment , une jeune femme en fauteuil roulant s'est présentée...elle n'a pas pu rejoindre ses ami(e)s au gymnase voisin ....( depuis , la municipalité a interdit le stationnement à cet endroit , suite à notre coup de fil ...) et on doit aujourd'hui menacer de 135 euros d'amende ....Tout ça , on le retrouve , on le devine dans ce roman sans pathos mais humaniste , un roman fort , très bien écrit et très bien documenté, mêlant habilement espoir et désespoir, insistant sur l'importance ,humaine et matérielle ,d'un environnement pas toujours disponible et souvent égoïste et maladroit......

Certes , je vous l'accorde , certains passages peuvent sembler un peu longs , voire un peu techniques mais peut - on reprocher à l'auteure d'avoir " fouillé " un sujet dont il est encore bien difficile de parler sereinement? Pour ma part , je suis sorti " lessivé " de ce roman lu pratiquement d'une traite . François m'a profondément marqué et au moment où je clos mon modeste propos , je l'imagine l' écrivant ....avec le pied ....Vous auriez ce courage , vous ? Moi , sûrement pas ...Mais l'être humain a de telles ressources...

Un coup de coeur , assurément.
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L'anguille

Dans sa chambre, Camille, 11 ans et demie, farfouille dans toutes ses affaires pour trouver la tenue qui lui conviendrait le mieux pour sa nouvelle rentrée. Déjà que la rentrée de sixième était une sacrée aventure, en faire une nouvelle en janvier dans une nouvelle ville, ça la stresse un peu !. Jamais elle n'avait encore quitté Farjevol où elle est née et c'est avec une immense peine qu'il a fallu dire au revoir à tous ses amis. Elle ressent presque déjà les paires d'yeux qui vont se poser sur elle dès qu'elle va faire son entrée. Elle voudrait tant, dans ces moments-là, pouvoir s'enfermer dans une coquille... Ah oui, j'ai oublié de vous dire : Camille est née sans bras..

Halis, lui, de son côté, se réjouit presque d'avoir une nouvelle dans sa classe. Devenu le bouc émissaire d'un bon nombre de ses camarades, le garçon en a marre de toutes ses remarques. Des surnoms par-ci, des quolibets par-là... Il espère bien que la nouvelle que son prof a qualifiée de "différente", "en situation de handicap", prenne sa place de bouc émissaire. Pourquoi pas après tout... Parce que Halis, dans sa peau d'obèse qui lui pèse, en a marre des patapouf, bouboule, gras-du-bide...



Que l'on soit petit, gros ou maigre, que l'on ait des grands pieds, de longues oreilles, l'on a tous une différence que les autres remarquent. Pour Camille, c'est son absence de bras, et elle intrigue beaucoup ses camarades de classe. Une épreuve qu'elle devra surmonter, elle qui, jusqu'alors, avait toujours évolué dans un monde où l'on ne la remarquait plus vraiment. Pour Halis, ce sont ses kilos en trop qui font de lui la cible des moqueries. Une situation qui va rapprocher les deux adolescents d'autant que chacun possède un don et chacun aura l'occasion de dévoiler les trésors qu'il recèle. Valentine Goby s'inspire de son précédent roman, "Murène" où l'on suivait François qui, du jour au lendemain, se trouve amputé de ses bras. Ce roman jeunesse montre combien la différence fait peur, intrigue et qu'il faut aller, évidemment, au delà des préjugés. Un roman intelligent, réaliste, qui aborde tout en légèreté un sujet grave...
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Kinderzimmer

Mila prisonnière politique est déportée à Ravensbruck, comme des milliers d'hommes, de femmes, d'enfants, loin de toute humanité. Enceinte, Mila doit survivre pour l'enfant, pour témoigner, pour ces compagnes disparues.

Valentine Goby met des mots sur l'insoutenable, elle n'omet rien, ces femmes sont d'une humanité déchirante, là ou tout n'est que tristesse et désolation.

Le roman de Valentine Goby est un texte fort, éprouvant, d'une terrifiante cruauté, l'atroce souffrance du manque de tout ou l'espoir a déserté ces endroits maudits. Aucun mot ne peut décrire cette ignominie.

Tout faire pour ne jamais oublier ce que furent les camps de concentration, l'inimaginable vécu à Ravensbruck ou ailleurs. La littérature doit aussi servir à cela. le livre de Valentine Goby en est un bouleversant et indispensable récit.
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Kinderzimmer

Malgré une majorité d’avis élogieux au sujet de ce roman, pour ma part je n’ai pas été séduite ni entraînée par ce roman.

Beaucoup de choses m’ont dérangée ici, la description trop brute et crue du quotidien dans le camp, à quoi bon en rajouter des tonnes quand l’horreur se suffit à elle-même et qu’on la connaît de surcroît. Les personnages ne m’ont pas non plus séduite, je les ai trouvés plutôt lisses et effacés dans ce marécage boueux. L’histoire quant à elle, je la cherche toujours après plus de cent pages, mis à part une transcription d’excréments, putréfaction, plaies et viscères infectés de vers, je n’ai pas rencontré grande émotion ni intérêt. Je suis certainement passée à côté du roman lu au mauvais moment. A moins qu’il ne soit question que de goûts et de couleurs propres à chacun...
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Kinderzimmer

Refermer Kinderzimmer de Valentine Goby et se dire: Je n'aime pas.

Je n'aime pas l'horreur que décrivent les mots de l'auteur malgré leur prudente et délicate retenue.

Je n'aime pas les images que ces mots ont imprimées dans mon cerveau.

Je n'aime pas constater l'accélération de mon rythme cardiaque à la lecture de ces mots.

Je n'aime pas la larme au coin de l'oeil venue par ces mots.

Et pourtant

J'aime ces femmes. J'aime leur histoire.

J'aime leur courage révélé, leur volonté, leur force d'âme quand la force physique n'existe plus.

J'aime leur solidité malgré leur anéantissement, leur solidarité malgré l'adversité. Leur héroïsme, oui j'aime.

Et surtout

Je ne veux pas oublier ces femmes. Je veux continuer de porter leur mémoire parce que c'est aussi la mienne. Je veux aussi retenir leur histoire parce qu'elle demeure, malgré l'horreur ou l'héroïsme encore tellement trop contemporaine.

Merci Valentine Goby.

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