Citations de Victoria Hislop (505)
"Mettez deux Grecs ensemble et vous aurez une dispute."
Un vent automnal s'engouffrait dans les rues étroites de Plaka, et des bourrasques glacées enveloppaient la femme, engourdissant son corps et son esprit sans réussir à apaiser son chagrin. Comme elle peinait à parcourir les derniers mètres qui la séparaient de l'appontement, elle s'appuya de tout son poids sur son père. Sa démarche évoquait celle d'une petite vieille transpercée par la douleur à chaque pas. Une douleur qui n'était pas physique, cependant. Son corps était aussi robuste que celui de n'importe quelle jeune femme ayant respiré toute sa vie le pur air crétois, sa peau aussi lisse et ses yeux d'un marron aussi profond que toutes les habitantes de l'île.
Nous somme liés par une chose : la lèpre. Tant que nous avons la vie, efforçons-nous de la rendre aussi douce que possible. Voilà notre but commun!
Si les élèves retenaient ce qu'elle leur enseignait, c'était surtout parce qu'ils voulaient lui faire plaisir et non parce qu'ils y étaient obligés. Elle encourageait l'apprentissage en inscrivant des mots et des nombres sur des cartes colorées qu'elle suspendait au plafond, si bien qu'on aurait dit qu'une volée d'oiseaux exotiques survolaient en permanence sa classe.
Dans tout Grenade, les gens se pressèrent en petits groupes autour des postes de radio.Les doigts jaunis par la nicotine et les ongles rongés jusqu'au sang. Angoisse, tension et chaleur avait fait transpirer la ville. Des rumeurs d'exécutions en masse dans d'autres parties du pays intensifiaient la terreur. Les gens se méfiaient de ceux qui habitaient leur rue et même ceux qui vivaient sous leur toit. À travers tout le pays, des familles se déchiraient.
Haris se surprit à contempler une fois encore Helena, aux joues rosies par les flammes. Il l'imaginait incarnant Hestia, la déesse du foyer, et du feu sacré, toujours représentée avec une chevelure rousse flamboyante. Il était de plus en plus fasciné par cette fille à moitié grecque au physique éthéré.
Helena, quant à elle, était perdue dans ses pensées. Dès l’instant où elle avait remis les pieds à Nisos, des souvenirs l’avaient assaillie, et plus particulièrement ceux de son arrivée lors de ses deux séjours précédents. Avec le recul, elle mesurait combien il y avait eu un léger malaise à chaque fois, en dépit des paroles doucereuses de Nick et de son ardeur par laquelle elle s'était laissé convaincre. À présent, elle comprenait que ses doutes étaient parfaitement fondés. Naïveté ou inexperience, peu importait le nom qu'on lui donnait. La colère bouillait en elle. Elle n'oubliait pas un seul instant la raison de leur présence ici. Elle voulait punir son « onde » et Nick pour leurs crimes cyniques, et le souvenir du large sourire de ce dernier, assis à côté d'Arsenis dans sa voiture, ne faisait qu'asseoir sa détermination.
Plus de deux cent mille Chypriotes grecs perdirent leur toit dans le nord de Chypre, et quarante mille Chypriotes turcs furent déplacés dans le sud. Tous étaient des réfugiés.
En aucun cas il ne croyait qu'on pourrait guérir la lèpre. Imaginer que la plus vieille maladie du monde serait un jour éradiquée était une illusion dont il refusait de se bercer.
Je me suis interrogé sur le pouvoir du hasard. Nos erreurs peuvent-elles tourner à notre avantage au bout du compte ? Ce que nous prenons pour une catastrophe peut-il conduire en réalité à une amélioration dans nos vies ? Je voulais l'espérer. Ou plutôt je commençais à envisager cette possibilité. Dans les hauteurs sauvages de ces montagnes, je me suis, par instants, senti libre et léger.
La danse s'acheva comme elle avait commencé, d'un cou de talon décidé, tel un point final. Les mains levées au-dessus de sa tête, les yeux au plafond, bas et bombé. La température avait augmenté dans la salle et ceux des premiers rangs humèrent le mélange entêtant de parfums musqués et de transpiration qui emplissait l'air.
L'école fournissait à Dimitri presque tout ce dont il avait besoin: elle structurait sa journée, stimulait son esprit et lui offrait de la compagnie, en la personne d'un nouvel ami, Nikos.... (p.115)
À l'échelle de ce mal ancestral, le plus ancien que l'humanité ait connu, une ou deux années représentaient un battement de cils.
N'est-il pas étrange que le passage du temps rende encore plus difficile l'évocation de certaines choses ?
Si, après les Vénitiens, les Turcs et les Allemands [...], les touristes apparaissaient comme les nouveaux envahisseurs [de la Crète], peu d'entre eux se donnaient la peine d'apprendre le moindre mot de grec.
(p. 33)
Je n'ai presque rien fait pendant les jours qui ont suivi, à part m'asseoir pour contempler la mer Ionienne. Les vagues étaient déchaînées, déferlant sans relâche et venant s'échouer sur le sable. Leur agitation reflétait mon tourment. Il ne semblait pas vouloir refluer. Je ne pouvais ni manger ni parler. Les hommes sont censés être le sexe fort, or je ne me suis jamais senti aussi impuissant.Je crois que la mer m'aurait emporté si je m'étais approché trop près du rivage. Certains jours, j'aurais d'ailleurs volontiers disparu sous l'écume. (p. 19)
- Qu'avez-vous pensé de l'île? lui demanda-t-il.
- J'ai été surprise. Je m'attendais à un endroit très mélancolique, ce qu'il est, mais j'ai senti autre chose. A l'évidence, les gens qui y ont vécu ne se sont pas contentés de passer leur journée à s'apitoyer sur leur sort. Du moins, c'est l'impression que j'ai eue.
Peut-être le monde avait-il toujours été plein de contradictions; elle ne les avait simplement pas remarquées avant.
C'est une chose que nous partageons tous, observait Emine. Quant on perd un être cher, peu importe qui l'on est. La douleur est aussi grande, aussi épouvantable.
Les pendentifs en diamant étaient de rigueur, ainsi que les bracelets qui s'entrechoquaient. Un style chic-décontracté typique de leur génération : féminine aguicheuse, mais pas du tout garce.
- Mais que dirait-on, à Plaka, si on apprenait que je m'aventure dans la colonie au lieu de me contenter de déposer les paquets au pied de la muraille?
- Si j'étais vous, je n'en parlerais à personne. Vous savez aussi bien que moi l'opinion que les gens se font de la vie là-bas.
Ils sont persuadés que la lèpre s'attrape à la moindre poignée de main, sinon en se trouvant dans la même pièce qu'un malade.
Alors s'ils découvraient que vous avez pris un café avec eux, je vous laisse imaginer les conséquences...