Citations de Vladimir Arséniev (38)
C'est l'homme principal, riposta le Gold en montrant le soleil. S'il périssait, tout périrait autour. (...) Le feu et l'eau sont aussi des hommes puissants. S'ils disparaissaient, ce serait la fin du monde.
Je lui demandai à qui il laissait le riz, le sel et les allumettes.
-Quelqu'un d'autre va bien venir ici, répondit le Gold. Il verra cette barraque et sera heureux d'y trouver du bois sec, des allumettes et de quoi manger pour ne pas périr.
C'était le moment où le soleil commençait à apparaître. Au début, tel un être vivant, l'astre semble émerger des eaux en nous regardant pour se détacher ensuite de l'horizon et monter lentement dans le ciel.
Je compris tout, certains récits de chasseurs me revenant à la mémoire. D'après eux, un ours a l'habitude d'enterrer toute bête morte qu'il rencontre, pour s'en régaler plus tard, au moment où la chair commence à pourrir. Mais je ne savais point qu'un ours fût capable d'enterrer un de ses confrères. Pour Dersou aussi, c'était du nouveau. Nus eûmes vite fait de dégager l'animal abattu, qui se trouvait couvert non seulement de terre, mais d'une quantité de pierres et d'abattis.
1492 - [p. 136]
Vers le soir le ciel se recouvrit de nuages. Je craignis un renouvellement de la pluie, mais le Gold affirma que c'était du brouillard et non des nuages, ce qui promettait pour le lendemain du beau soleil et même de la chaleur. Sûr du bien-fondé de chacune de ses prédictions, je le questionnai sur le caractère des indices météorologiques.
« Je regarde autour de moi et je m'aperçois que l'air est léger, qu'il ne fait pas lourd. » Il respira profondément, en désignant sa poitrine.
De fait, lui et la nature ne faisaient qu'un, à tel point que son être entier éprouvait physiquement tout changement de temps qui allait survenir ; on eût dit qu'il possédait à cette fin un sixième sens particulier.
1483 - [p. 101]
La terre noire et refroidie, couverte de feuilles mortes, entrait dans un sommeil profond; la végétation se préparait à la mort avec une résignation humble, sans protester.
Quand on a affaire à la nature et qu'on est obligé d'en exploiter les produits bruts, il faut s'en accommoder, même si elle est rude parfois.
Le soir venait. Le silence était parfait. J'avançais avec prudence pour ne pas m'empêtrer en marchant. Soudain un bruit me cloua sur place : une grosse bête se tenait devant moi en soufflant. Je me retins de faire feu pour ne pas provoquer l'animal dans lequel je reconnus aussitôt un ours.
Il flairait l'air. Je ne bougeai pas, le temps me semblait infiniment long. Finalement, n'en pouvant plus, je me déplaçai à gauche. A peine eus-je fait deux pas que l'animal poussa un grognement et fit entendre un bruit de branches cassées. Le bruit s'éloigna. L'ours battait en retraite.
1481 - [p. 77]
... il faut distinguer le « chasseur-trappeur » de ce qu'on appelle un « chercheur ».
Celui-ci s'en va dans la taïga non pour y chasser, mais pour exercer une « industrie » quelconque. Outre son fusil, il emporte une pelle de sapeur et une sacoche pleine d'acides. Parti avant tout à la recherche d'or, il ne dédaigne pas, à l'occasion, de pourchasser le « louchard » (le Chinois) et le « cygne » (le Coréen), de chiper un bateau à son prochain ou de tuer une vache d'autrui pour en vendre la chair en la faisant passer pour celle d'une biche. Rencontrer une de ces « chercheurs » est bien plus dangereux qu'affronter un fauve.
1478 - [p. 72]
Aimant la taïga et tout ce qui la peuplait, il en prenait soin autant qu'il pouvait.
Dans la taÏga oussourienne, il faut toujours prévoir la possibilité de se trouver face à face avec des fauves. Mais rien n'est plus désagréable que de se heurter à un être humain. La bête, généralement se sauve à la vue d'un homme et ne l'attaque que si elle est pourchassée... Un être humain est tout autre chose, il n'y a pas de témoins oculaires dans la taïga, aussi la coutume a-t-elle créé une tactique singulière : l'homme qui en aperçoit un autre doit tout d'abord se cacher et tenir sa carabine prête...
Ces hommes ne craignent pas le froid. Ils habitent toujours la montagne et chassent la zibeline. Ils dorment où la nuit les surprend et se chauffent le dos à la lune.
J'avais devant moi un chasseur primitif qui avait passé toute son existence dans la taïga.
Chacun de ces chasseurs portait des traces de griffes de tigre et de défenses de sanglier, chacun avait affronté la mort et n'y avait échappé que par un heureux hasard.
Ce n'est rien , capitaine, me rassura le Gold. Ces hommes ne craignent pas le froid. Ils habitent toujours la montagne et chassent la zibeline. Ils dorment où la nuit les surprends et se chauffent le dos à la lune.
Je me rappelai alors que les jardiniers avaient l'habitude d'enfumer leurs cultures pour les préserver contre les gelées matinales.
1493 - [p. 140]
Le tigre était donc là, tout près...