Citations de Vladimir Nabokov (858)
" Lolita, lumière de ma vie, feu de mes reins. Mon péché, mon âme. Lo-lii-ta : le bout de la langue fait trois petits pas le long du palais pour taper, à trois reprises, contre les dents. Lo. Lii. Ta.
Le matin, elle était Lo, simplement Lo, avec son mètre quarante-six et son unique chaussette. Elle était Lola en pantalon. Elle était Dolly à l'école. Elle était Dolorès sur les pointillés. Mais dans mes bras, elle était toujours Lolita. "
La psychanalyse n'est rien d'autre que l'application de vieux mythes grecs sur les parties génitales.
Nous avions été partout, et nous n'avions rien vu. Je me surprends à penser aujourd'hui que notre voyage n'avait fait que souiller de longs méandres de fange ce pays immense et admirable, cette Amérique confiante et pleine de rêves, qui n'était déjà plus pour nous, rétrospectivement, qu'une collection de cartes écornées, de guides disloqués, de pneus usés - et les sanglots de Lo dans la nuit, chaque nuit, chaque nuit, dès que je feignais de dormir.
p279
Il m’a brisé le cœur. Toi, tu n’as brisé que ma vie.
Le moment est venu, je crois, de présenter au lecteur quelques considérations d'ordre général. Il advient parfois que de jeunes vierges, entre les âges limites de neuf et quatorze ans, révèlent à certains voyageurs ensorcelés, qui comptent le double ou le quintuple de leur âge, leur nature véritable - non pas humaine, mais nymphique, c'est-à-dire démoniaque; ce sont des créatures élues que je me propose de désigner sous le nom générique de "nymphettes".
p27
Rien ne ravive mieux le passé, que l'odeur qu'on lui a autrefois associée.
Le berceau se balance au-dessus d'un abîme, et le bon sens nous dit que notre existence n'est qu'un bref éclair de lumière entre deux éternités d'obscurité.
La réalité est une chose très subjective [...]. On peut s'en approcher toujours plus, pour ainsi dire, mais jamais assez parce que la réalité est une succession infinies d'étapes, de niveaux de perception, de doubles fonds, et qu'elle est donc insatiable, inatteignable. Vous aurez beau en savoir toujours plus sur une chose, vous ne pourrez jamais tout savoir d'elle : c'est sans espoir.
Ma Lolita, en amorçant l'essor ample et ductile du cycle de son service, avait une façon inimitable de lever son genou gauche légèrement plié et, pendant une seconde, l'on voyait naître et flotter dans le soleil la trame d'équilibre vital que formaient le bout de ce pied pointé, cette aisselle pure, ce bras poli et brun, sa raquette levée haut en arrière - et elle souriait, les dents étincelantes, au petit globe suspendu dans le ciel, au zénith de ce cosmos puissant et délicat qu'elle avait créé à seule fin de l'abattre d'un coup bref et retentissant de son fléau d'or.
p369
Ah, gents automobilistes qui passez dans la nuit obscure de l'été, quels batifolages, quelles convulsions lubriques n'épieriez-vous pas de vos autoroutes superbes si tous ces Motels Modèles étaient soudain dépouillés de leur pigmentation pour devenir aussi transparents que des cages de verre !
p186
D'emblée , nous fûmes passionnément, gauchement, scandaleusement, atrocement amoureux l'un de l'autre.
Je t'aimais. J'étais un pentapode monstrueux, mais je t'aimais. J'étais haïssable et brutal et abject - j'étais tout cela, mais je t'aimais, je t'aimais ! Et parfois, je devinais ce que tu éprouvais, et c'était pour moi un supplice infernal, mon enfant. Petite Lolita. Dolly Schiller.
Le présent n'est que la crête du passé et l'avenir n'existe pas.
(Partis pris)
Il faut à mon avis écrire pour plaire à un seul lecteur : soi-même.
Je sentis alors la tendresse du monde, la profonde bonté de tout ce qui m'entourait, le lien voluptueux entre moi et tout ce qui existe, et je compris que la joie que je cherchais en toi n'était pas seulement celée en toi, mais flottait partout autour de moi, dans les bruits fugitifs qui s'envolaient dans la rue, dans la jupe remontant bizarrement, dans le grondement métallique et tendre du vent, dans les nuages d'automne débordant de pluie. Je compris que le monde n'était pas du tout une lutte, n'était pas des successions de hasards rapaces, mais une joie papillotante, une émotion de félicité, un cadeau que nous n'apprécions pas.
page 139 [...] Les nuits de Loujine étaient comme cahotantes. Bien qu'il fût gagné par le sommeil, il ne pouvait s'empêcher de penser aux échecs, et le sommeil n'avait pas accès à son cerveau, dont il cherchait en vain les entrées : à chacune d'elles se tenait en faction une figurine d'échecs, et Loujine en éprouvait une sensation extrêmement désagréable - le sommeil était là, tout près, mais il demeurait de l'autre côté de son cerveau. Il y avait en lui deux hommes, dont l'un dormait, épuisé et comme dispersé à travers la pièce, tandis que l'autre, transformé en échiquier, continuait de veiller, incapable de se fondre avec son bienheureux double. Mais ce qui était pire encore, c'est qu'après chaque séance de tournoi, il lui était de plus en plus difficile de se dégager du monde des échecs, si bien que, même en plein jour, il ressentait un pénible dédoublement. Après une partie de trois heures la tête lui faisait étrangement mal, elle n'était douloureuse que par endroits, des carrés noirs de douleur, et il n'arrivait pas plus à retrouver la porte de sortie, dissimulée par une tache noire, qu'à se rappeler l'adresse de la maison amie. [...]
"J'étais si heureux que j'éclatai soudain de rire, déposai un baiser sur ta clavicule, ta nuque. Je t'aurais même récité des poèmes, mais tu détestais la poésie.
Tu souris d'un sourire ténu et dis : " Comme on est bien après la pluie."
La mémoire et l'imagination sont toutes les deux une négation du temps.
Ce que nous voyons dans toutes les nouvelles de Tchekhov, c'est un homme qui trébuche – mais s'il trébuche, c'est qu'il regarde les étoiles.
Cher lecteur, je vous en prie : quelque exaspération que vous inspire le héros de mon livre, cet homme au cœur tendre, à la sensibilité morbide, infiniment circonspect, ne sautez pas ces pages essentielles !