Citations de Wang Wei (87)
La gloriette aux bambous
Seul assis au milieu des bambous,
Je joue du luth et siffle à mesure ;
Ignoré de tous, au fond des bois.
La lune s'est approchée : clarté.
Dans la profonde forêt de bambous, je suis assis tout seul.
Je chante d'une voix forte et accorde mon luth
La forêt est si épaisse que personne ne s'en aperçoit.
Seule la lune vient briller au-dessus de moi.
La pluie nouvelle
La pluie nouvelle mouille le colline.
Le crépuscule est un petit automne.
La Lune brille entre les pins.
Le torrent est clair parmi les rochers.
À travers les bambous j'entends rire les lavandières qui reviennent à la maison.
Le parfum du printemps inspire puis expire.
Comment le retenir avant qu'il ne s'échappe ?
CANICULE
Le soleil rouge emplit ciel et terre,
Les nuées de feu s'assemblent en montagnes,
L'herbe et les arbres se recroquevillent,
Marais et rivières s'assèchent.
Lourds habits de fine soie -
l'ombre est si mince entre les arbres !
Impossible d'approcher les roseaux -
Chemise trois fois trempée dans l'eau.
Je rêve de quitter cet univers
pour me détendre dans l'immensité.
Un vent lointain approche -
Le fleuve et la mer lavent les passions.
Qui prend son corps pour un mal
Ne s'est pas éveillé en esprit.
Soudain aux portes d'ambroisie
j'ai senti comme une fraicheur...
Six poèmes d'été
EN MONTAGNE
La roche blanche émerge du torrent:
Ciel froid aux rouges feuilles éparpillées.
Sur le chemin du mont, la pluie s'est absentée
Le bleu du vide mouille nos habits.
(Extrait de La saison du centre)
Un petit pinceau suffit
à concrétiser l'immensité du vide.
La montagne n'est que silence et solitude
J'aime les sources pures
qui serpentent
entre les rochers;
J'aime une cabane rustique
paisiblement assise
au milieu des pins.
Comment rejeter la poussière du monde,
M'épousseter de sa rumeur?
Vagabond à bâton de chénopode, comment retourner
A la Source des Pêchers en fleur?
(Extrait de La saison du centre)
Au soir de la vie, je n'aime que la paix:
Les dix mille activités m'indiffèrent.
N'observant plus de règle éternelle,
Je ne sais que le retour au bois ancien.
(Extrait de La saison du centre)
Mon être s'envole avec les hérons de la grève
que les monts accompagnent par-delà les nuages
La vague pure s'apaise et c'est le soir...
( " Le jardin des lettrés")
Ruisseau vert
j'entre dans la Vallée des fleurs jaunes,
en suivant l'eau du Ruisseau vert
je longe les montagnes, dix mille tournants,
le chemin parcouru est à peine de cent li
le vacarme dans un chaos de rochers
la couleur apaisante des pins denses
flottent, tanguent les châtaignes d'eau
clairs, immobiles, luisent les jeunes roseaux
mon coeur depuis toujours est serein,
comme le torrent limpide
ah! rester là sur un grand rocher,
avec une canne à pêche à finir mes jours
L'âme s'épuise aux illusions de la conscience -
Flotte la vie, entremetteuse de la mort.
Le recueil de l'automne
Qui le connaît, le temple du Parfum-caché ?
À plusieurs “li” d’ici, sur un pic nuageux…
Sentiers à travers l’antique forêt : nulle trace.
Au cœur du mont, sons de cloche, venant d’où ?
Bruits de sources, sanglots de rocs dressés ;
Teinte du soleil, fraîchie entre les pins.
Au soir, sur l’étang désert, méditant le Ch’an,
Quelqu’un apprivoise le dragon venimeux.
Poème dans la traduction de François Cheng.
(in « Entre source et nuage : voix de poètes dans la Chine d’hier et d’aujourd’hui », éd. A. Michel, coll. Spiritualités vivantes, 2002)
Pin des monts bleutés,
Tu avais disparu,
te revoici!
Je ne te voyais plus,
Mais tu habitais mon esprit:
Cet esprit fait pour toi,
reconnais-le,
Toi dont le visage
noble et tranquille
Flotte là-haut
dans les lointains nuages!
( Extrait de La saison du centre)
j'ignore où se trouve le monastère du Parfum accumulé
à peine quelques li déjà je pénètre dans les nuages et les pics
sur le sentier au milieu d'arbres antiques personne
au profond de la montagne le son d'une cloche d'on ne sait où
la source susurre sous les grands rochers
la couleur du soleil est refroidie à travers les pins verts
au crépuscule l'étang est désert
calme contemplation, dragon venimeux apprivoisé
journée tranquille d'un séjour oisif
les bambous sont hauts, magnifiques
aux jeunes noeuds il y a encore les enveloppes des pousses
le nouveau bosquet émerge de la vieille haie
dans les tiges élancées bruit le vent, elles s'entremêlent
leurs ombres se dispersent dans la lumière froide de la lune
à l'Office de la musique on les taille en flûtes de dragon
les pêcheurs les coupent pour en faire des cannes à pêche
comment comparer avec ceux de cette demeure du tao,
dont le vert émeraude effleure l'autel immortel?
chanson d'adieu au printemps
de jour en jour les hommes vieillissent un peu plus
d'année en année le printemps est de retour
dans la coupe de vin réside une joie amicale
alors pourquoi regretter que les fleurs s'envolent ?
L'écho des grillons à la hutte
se hâte avec l'automne;
Le chant de la cigale aux monts
pleure le crépuscule.
Déserte porte en branches,
nul ne vient -
Au bois vide ai rendez-vous
avec un nuage blanc.
EN MONTAGNE
La roche blanche émerge du torrent:
Ciel froid aux rouges feuilles éparpillées.
Sur le chemin du mont, la pluie s'est absentée -
Le bleu du vide mouille nos habits.
LE JARDIN DES MAGNOLIAS
Sur les monts d’automne au jour qui se replie
Une ligne d’oiseaux se déploie.
Éclair d’un vert vif
Où les brumes du soir ne peuvent s’abriter.
À l’heure pâle du couchant
Les oiseaux délirent au long du torrent.
La route du ravin plonge en tournoyant
– Quand cessera cet attrait du mystère ?
/ Traduction Patrick Carré