Citations de William Somerset Maugham (444)
Grotesque malentendu que de voir dans l'art un artisanat qui ne serait parfaitement intelligible qu'au seul artisan qui le pratique : l'art est une manifestation d'émotion et l'émotion parle une langue que tous peuvent comprendre.
Le cas d'Arnold Bennett est exemplaire à cet égard. Il n'a jamais connu profondément que la vie des Cinq Villes, où il est né et a grandi ; et son œuvre n'eut de caractère que lorsqu'il la prenait pour thème. Quand le succès l'a mis en contact avec le monde littéraire, des hommes riches, des femmes élégantes, ce qu'il écrivit fut sans intérêt. Le succès l'a détruit.
Un rôle secondaire exige souvent un jeu intelligent et donc un comédien expérimenté, mais la direction l'estime à bas salaire, ce qui fait qu'il ne peut engager le comédien qui conviendrait. Le rôle est, dès lors, interprété de manière insatisfaisante et l'équilibre de la pièce s'en trouve compromis : une scène qui a son importance peut s'écraser faute de comédien approprié. Il arrive aussi qu'un artiste refuse un rôle parce qu'il le juge trop de second plan ou antipathique.
- Je lis beaucoup. J’ai apporté pas mal de bouquins et, si l’un d’eux vous tente, j’aurai grand plaisir à vous le prêter.
- Je ne crois pas tomber en panne de livres. Cela dit, j’aimerais beaucoup voir ce que vous avez : passer en revue les lectures des autres, c’est toujours amusant.
Il me jeta un regard pénétrant et ses yeux pétillèrent.
- Ça vous apprend aussi beaucoup de choses sur eux, murmura-t-il.
***Le baquet à lessive***
— Pourquoi vous tourmentez-vous ? dis-je. Qu'est-ce que ça peut vous faire que George ait un diplôme ou non ?
Il eut un petit rire.
— En somme, c'est bien vrai. À mon avis, l'intérêt d'Oxford, c'est qu'on sache que vous y avez été.
LA VOIX D'ISRAËL.
Après tous ces mois vécus au fond de la mine, c'était merveilleux
d'être ainsi dehors à l'air libre.
Je crois n'avoir jamais senti auparavant combien peut être apaisante
la vue d'un champ verdoyant ou la beauté d'un arbre dont les feuilles
ne sont pas encore tout à fait sorties mais dont les branches sont
comme déicatement enveloppées dans un voile de verdure naissante.
(j'ai vécu exactement cette expérience ! hormis la mine. Charlotte)
Il est mort, dit Ashenden.
Mort ! Il s'est empoisonné. Il en a eu le temps. Après tout, il vous a échappé.
Que voulez-vous dire ? Comment saviez-vous pour le poison ?
Il le portait toujours sur lui. Il disait que les Anglais ne réussiraient jamais à le prendre vivant.
Je l'ai suppliée de m'épouser. Je sais que j'en mourrai mais cela m'est égal. Personne ne m'aime. Je ne suis qu'un poids mort pour tout le monde.
Le père de sa femme, procureur général à Amiens, séjourne chez eux.
C'est un petit vieillard à barbe grise et carré. Il est extrêmement bavard et affirme avec infiniment de conviction ce que tout le monde sait depuis un siècle comme s'il était arrivé à cette conclusion à force de réflexion.
Il est parfaitement honnête, estimable, borné et assommant.
(1939)
Aucune exécution n'a lieu le dimanche. Si deux condamnés ou plus doivent être guillotinés à la même heure, on exécute d'abord celui dont la faute est la moins grave afin de ne pas lui imposer en outre le supplice de voir mourir ses camarades.[.................].
Quand la tête est tombée, le bourreau la prend par les oreilles et la montre à l'assistance, en disant : Au nom du Peuple français, justice est faites.
Si l'amour et le devoir se rencontrent, vous êtes touché par la grâce et vous goûtez un bonheur qui passe l'imagination.
Et n'est-ce pas admirable qu'avec ces simples objets et sa sensibilité de peintre, ce bon petit vieux ait fait quelque chose de si émouvant ? On dirait qu'inconsciemment il a voulu prouver, qu'à force d'amour et de sympathie, on peut créer de la beauté avec de la douleur, la misère, et même la méchanceté.
Il est faux que la souffrance ennoblisse le caractère ; le bonheur produit parfois cet effet, mais, la plupart du temps, le malheur rend l'être humain mesquin et vindicatif.
J'ai personnellement très bien connu un certain nombre de comédiens. Je les ai trouvés d'excellente compagnie. Leur don d'imitation, le chic qu'ils ont pour raconter des histoires, leur esprit les rendent souvent très distrayants. Ils sont généreux, gentils et courageux. Mais je n'ai jamais réussi à les tenir tout à fait pour des êtres humains, ni à développer la moindre intimité avec eux. Ils sont semblables à des grilles de mots croisés dans lesquelles aucun mot ne correspondrait aux définitions.
On a cessé de lire Anthony Trollope, pendant trente ans, parce qu'il avait osé avouer qu'il écrivait à heures fixes et veillait à tirer le maximum d'argent de son travail.
Je voulais savoir quel mobile précis avait pu induire un homme à tuer son épouse ou sa maîtresse. (...) Parmi les réponses curieuses que j’obtins, celle que voici ne manquait pas de sel. Elle provenait d’un détenu qui travaillait dans l’atelier de menuiserie et qui avait égorgé sa femme. Quand je l’interrogeai sur la raison de son acte, il répondit en haussant les épaules, et d’un air détaché : manque d’entente. Je ne pus me défendre de lui objecter que, si le commun des maris voyait là un motif suffisant pour occire leur conjointe, la mortalité du beau sexe augmenterait dangereusement.
***Un homme de scrupule***
Athènes. 1908.
J'étais assis dans le théâtre de Dionysos et, de ma place, je voyais l'onde bleue de la mer Égée. En pensant aux chefs d'oeuvre dramatiques qui avaient été représentés sur cette scène, je sentis des frissons me parcourir le dos. Ce fut réellement un moment d'émotion intense. J'étais ému, saisi d'une crainte révérente. De jeunes étudiants grecs arrivèrent et se mirent à bavarder avec moi dans un français approximatif. Au bout de quelques temps, l'un d'eux me demanda si j'aimerais qu'il récitât quelque chose sur la scène. Je bondis sur l'occasion. Je m'attendais à l'entendre déclamer quelque grand texte de Sophocle ou d'Euripide et, tout en sachant que je n'en comprendrais pas un mot, je me préparais à une merveilleuse expérience. Il descendit sur scène et prit la pose, puis, avec un accent consternant, ânonna : C'est nous les cadets de Gascogne.
Dieu, ces dernières années, est très en vogue parmi les gens de lettres, qui utilisent le Tout-Puissant avec désinvolture pour équilibrer une expression ou insuffler de l'âme à un paragraphe. Et voilà que G.B.Shaw et H.G.Wells s'y sont mis eux aussi, se hâtant de prendre la tête du mouvement. Il doit être ardu d'endosser le rôle de maître à penser quand on n'est plus aussi actif que naguère, et il n'y a rien d'étonnant à ce que tous deux semblent légèrement essoufflés.
(1917).
Il n'est pas de mouvement littéraire en France qui n'ait trouvé d'imitateurs en Angleterre, et il y a toujours eu dans notre pays des gens de lettres qui ne doivent leur réputation d'originalité qu'a la lecture attentive des revues françaises.
1917.
C’est la Voie et le Passant. La route sans fin où marchent tous les êtres; mais personne ne l’a créée, car elle est la vie. Tout et rien. Tout en sort, tout s’y adapte; pour finir, tout y retourne. C’est un carré sans angles, un son que l’oreille ne perçoit pas, une image sans forme, un vaste filet dont les mailles aussi larges que la mer ne laissent rien passer. C’est le sanctuaire, l’universel refuge. Il n’est nulle part, mais, sans chercher au-dehors, vous pouvez le découvrir. Il enseigne le secret de ne pas désirer le désir, de laisser les événements suivre leur cours. Qui s’humilie sera exalté. Qui s’abaisse sera élevé. La faillite est dans l’essence du succès, et le succès est la trêve de la faillite; mais qui peut prédire le moment du revirement? L’être torturé par l’amour peut retrouver la sérénité d’un petit enfant. Le charme donne la victoire à celui qui attaque et assure le salut de celui qui se défend. Pour être fort, il faut d’abord savoir se dominer.