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Citations de Yves Bonnefoy (459)


LE TOUT, LE RIEN

I


C'est la dernière neige de la saison,
La neige de printemps, la plus habile
À recoudre les déchirures du bois mort
Avant qu'on ne l'emporte puis le brûle.

C'est la première neige de ta vie
Puisque, hier, ce n'étaient encore que des taches
De couleur, plaisirs brefs, craintes, chagrins
Inconsistants, faute de la parole.

Et je vois que la joie prend sur la peur
Dans tes yeux que dessille la surprise
Une avance, d'un grand bond clair : ce cri, ce rire
Que j'aime, et que je trouve méditable.

Car nous sommes bien proches, et l'enfant
Est le progéniteur de qui l'a pris
Un matin dans ses mains d'adulte et soulevé
Dans le consentement de la lumière.
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La voix lointaine

III

Et je l'aimais comme j'aime ce son
Au creux duquel rajeunirait le monde,
Ce son qui réunit quand les mots divisent,
Ce beau commencement quand tout finit.

Syllabe brève puis syllabe longue,
Hésitation de l'iambe, qui voudrait
Franchir le pas du souffle qui espère
Et accéder à ce qui signifie.

Telle cette lumière dans l'esprit
Qui brille quand on quitte, de nuit, sa chambre,
Une lampe cachée contre son cœur,
Pour retrouver une autre ombre dansante.


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Nous nous étions fait don de l'innocence,
Elle a brûlé longtemps de rien que nos deux corps,
Et nos pas allaient nus dans l'herbe sans mémoire,
Nous étions l'illusion qu'on nomme souvenir.

Le feu naissant de soi, pourquoi vouloir
En rassembler les cendres désunies.
Au jour dit nous avons rendu ce que nous fûmes
A la flamme plus vaste du ciel du soir.
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Deux barques


Extrait 10

O amandier en fleurs,
Ma nuit sans fin.
Aie confiance, appuie-toi enfant
À cette foudre.

Branche d'ici, brûlée d'absence, bois
De tes fleurs d'un instant au ciel qui change.

Je suis sorti
Dans un autre univers. C'était
Avant le jour.
J'ai jeté du sel sur la neige.
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Je crie, Regarde
La lumière
Vivait là, près de nous !
      Ici, sa provision
D'eau, encore transfigurée.
      Ici le bois
Dans la remise
      Ici les quelques fruits
À sécher dans les vibrations
 du ciel de l'aube
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Lisse-moi, farde moi. Coloremon absence.
Désoeuvre ce regard qui méconnait la nuit.
Couche sur moi les plis d'un durable silence
Eteins avec la lampe une terre d'oubli.
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PAR OÜ LA TERRE FINIT
V

Tel accourait, nous suivait. On se prenait à vouloir lui donner un nom.

Il s'était pris d'amitié pour la petite fille. Pour les huit ans de cette année là, et jappais sans fin autour d'elle, à grands bonds et rebonds d'herbe mouillée.

Dormant parfois tout un jour, le nez dans un repli d'ombre.
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Partout où le regard pouvait suivre le ras du ciel dans les pierres, un prince a fait courir la muraille, qui, de ce fait, ne retient pas ce qu'il possédait, mais le visible. Un lieu et l'évidence ont été identifiés l'un à l'autre, l'ici et l'ailleurs ne s'opposent plus, et je ne puis douter que ce fut là l'ambition première puisque, n'embrassant que des pierres, de maigres arbres, quelques maisons, un fond de torrent, ce n'est pas la profusion vide des essences que ce trait de couleur légère cerne, comme l'enclos japonais, mais la présence, le fait du sol, dans son recourbement sur soi qui produit un lieu.
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L'été
Cette chevêche que cloue
Là, sur le seuil,
Le fer en paix de l'étoile.
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L'encore aveugle III

Ils me parlent. Quelle étrange chose que leurs voix !
C'est errant au-dessus du sommet des arbres,
C'est rouge et triste comme le son du cor.
Je vais vers là où j'imagine qu'elles s'élèvent,
Je parviens quelque fois à des carrefours,
Deux, trois sentiers couverts de fueilles mortes,
Je m'engage sur l'un, où j'aperçois
Un enfant à genoux, qui joue à prendre
Dans ses mains des cailloux de plusieurs couleurs.
Il m'entend approcher
Et il lève ses yeux vers moi, mais se détourne.

Et quelle étrange chose que certains mots,
C'est sans bouche ni voix, c'est sans visage,
On les rencontre dans le noir, on leur prend la main,
On les guide mais il fait nuit partout sur terre.
C'est comme si les mots étaient un lépreux
Dont on entend de loin tinter la clochette.
Leur manteau est serré sur le corps du monde,
Mais il laisse filtrer la lumière.
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Il pleut, sur le ravin, sur le monde. Les huppes
Se sont posées sur notre grange, cimes
De colonnes errantes de fumée.
Aube, consens à nous aujourd'hui encore
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LA NEIGE

Elle est venue de plus loin que les routes,
Elle a touché le pré, l'ocre des fleurs,
De cette main qui écrit en fumée,
Elle a vaincu le temps par le silence.

Davantage de lumière ce soir
À cause de la neige.
On dirait que des feuilles brûlent, devant la porte,
Et il y a de l'eau dans le bois qu'on rentre.
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La maison natale
VI
  
  
  
  
Je m’éveillai, mais c’était en voyage,
Le train avait roulé toute la nuit,
Il allait maintenant vers de grands nuages
Debout là-bas, serrés, aube que déchirait
A des instants le lacet de la foudre.
Je regardais l’avènement du monde
Dans les buissons du remblai ; et soudain
Cet autre feu, en contrebas d’un champ
De pierres et de vignes. Le vent, la pluie
Rabattaient sa fumée contre le sol,
Mais une flamme rouge s’y redressait,
Prenant à pleines mains le bas du ciel.
Depuis quand brûlais-tu, feu des vignerons ?
Qui t’avais voulu là et pour qui sur terre ?

Après quoi il fit jour ; et le soleil
Jeta de toutes parts ses milliers de flèches
Dans le compartiment où des dormeurs
La tête dodelinait encore, sur la dentelle
Des coussins de lainage bleu. Je ne dormais pas,
J’avais trop l’âge encore de l’espérance,
Je dédiais mes mots aux montagnes basses
Que je voyais venir à travers les vitres.
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Je dois beaucoup à Rimbaud, peu de poètes auront compté pour moi d'une façon aussi essentielle, révélation de ce qu'est la vie, de ce qu'elle attend de nous, de ce qu'il faut désirer en faire.
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L'orée du bois

I
Tu me dis que tu aimes le mot ronce,
Et j’ai là l’occasion de te parler,
Sentant revivre en toi sans que tu le saches
Encore, cette ardeur qui fut toute ma vie.

Mais je ne puis rien te répondre : car les mots
Ont ceci de cruel qu’ils se refusent
A ceux qui les respectent et les aiment
Pour ce qu’ils pourraient être, non ce qu’ils sont.

Et ne me restent donc que des images,
Soit, presque, des énigmes, qui feraient
Que se détournerait, triste soudain,
Ton regard qui ne sait que l’évidence.

C’est comme quand il pleut le matin, vois-tu,
Et qu’on va soulever l’étoffe de l’eau
Pour se risquer plus loin que la couleur
Dans l’inconnu des flasques et des ombres.

II
Et pourtant, c’est bien l’aube, dans ce pays
Qui m’a bouleversé et que tu aimes.
La maison de ces quelques jours est endormie,
Nous nous sommes glissés dans l’éternel.

Et l’eau cachée dans l’herbe est encore noire,
Mais la rosée recommence le ciel.
L’orage de la nuit s’apaise, la nuée
A mis sa main de feu dans la main de cendre.
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Navire d'un été,
Et toi comme à la proue, comme le temps s'achève,
Dépliant des étoffes peintes, parlant bas.

Dans ce rêve de mai
L'éternité montait parmi les fruits de l'arbre
Et je t'offrais le fruit qui illimite l'arbre
Sans angoisse ni mort, d'un monde partagé.

Vaguent au loin les morts au désert de l'écume,
Il n'est plus de désert puisque tout est en nous
Et il n'est plus de mort puisque mes lèvres touchent
L'eau d'une ressemblance éparse sur la mer.

Ô suffisance de l'été, je t'avais pure
Comme l'eau qu'a changée l'étoile, comme un bruit
D'écume sous nos pas d'où la blancheur du sable
Remonte pour bénir nos corps inéclairés.

(extrait de "Pierre écrite", 1965) p. 186
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LA PLUIE D’ÉTÉ

I

Mais le plus cher mais non
Le moins cruel
De tous nos souvenirs, la pluie d’été
Soudaine, brève.

Nous allions, et c’était
Dans un autre monde,
Nos bouches s’enivraient
De l’odeur de l’herbe.

Terre,
L’étoffe de la pluie se plaquait sur toi.
C’était comme le sein
Qu’eût rêvé un peintre.
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Quel souci y a-t-il dans le poème, sinon de nommer ce qui se perd ?
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[…] Il faut […] que notre conscience de ce que nous sommes s’abolisse pour que nous possédions vraiment l’objet que nous voulons voir ; […] il faut cependant qu’elle se maintienne pour que notre vision puisse mûrir en comme telle : si bien que l’apprentissage va et revient sans cesse de la séparation à l’union, de la passivité à l’examen, de l’éveil au songe […], jusqu’à cette improbable expérience pleine que serait la synthèse des voies obscures du songe et de la lucidité de l’éveil.
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Ils s'étaient aperçus de loin dans la foule,
Ils ne se connaissaient que par le regard,
ils s'assirent l'un près de l'autre pour écouter
la musique sublime de ce soir-là.
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