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EAN : 9782070328253
168 pages
Gallimard (29/08/1995)
4.3/5   38 notes
Résumé :
La neige est à la fois événement météorologique, donnée concrète, et matière à transfiguration immédiate comme elle transfigure le paysage. L'apparente monotonie du paysage enneigé, l'atonie, presque, qui semble en résulter, figure le langage familier et son ordinaire emploi, la lassitude même où nous plonge le dèjà-vu permanent ; c'est cette situation de dénuement dont s'empare Bonnefoy, comme relevant ce défi à travers quoi, plus sûrement sans doute, se révèle le ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique

Je connaissais très peu Yves Bonnefoy, mort cet été .J 'avais envie de découvrir son univers.

D'abord admirateur des poètes surréalistes, il s'est ensuite éloigné d'eux, rejetant un certain"occultisme" de leurs textes et une inscription dans une idéologie qu'il ne cautionne pas vraiment.

Ce recueil rassemble des poèmes écrits entre 1987 et 1991, l'auteur a alors la soixantaine, on sent en effet l'angoisse de vieillir, l'envie de se réfugier dans l'enfance. Une enfance entre rêve et réalité, entre le " je" du présent et le "il" distanciateur du passé .Une oscillation perpétuelle entre le réel, le concret de la terre, à travers la maison, la pierre, les arbres, éléments omni-présents et l'appel du songe aquatique, de l'incertain, du flou:

" Et j'entends en moi cette voix qui sourd du fond de l'enfance: je suis venue ici déjà, disait-elle alors, je connais ce lieu, j'y ai vécu, avant le temps, avant moi sur la terre."

Certains poèmes en prose ne m'ont pas vraiment touchée, d'autres m'ont paru hermétiques mais j'ai apprécié les images saisissantes de la nature et cette volonté d'approcher poétiquement le réel.J'ai aimé en particulier toute la série de poèmes égrenant les multiples facettes de la neige.

" Hésite le flocon dans le ciel bleu
A nouveau, le dernier flocon de la grande neige"

Broder, rebroder le même thème, pour tenter de retranscrire cette réalité rugueuse et pourtant insaisissable, c'est ce que , pour moi, le poète tente de faire, de sa voix particulière. Une voix teintée d'ombres et de mystère, mais pas sans lumière...
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Comment lire la poésie? Comment lire Bonnefoy? Je parcours les pages du livre. Je m'arrête et relis. J'avance à tâton. Les mots se suivent et se ressemblent, toujours nouveaux. Pourtant, toujours la pierre, la rive, le chemin, l'arbre, le rêve, la neige, la lumière, le jardin, l'étoile, le feu, le souvenir, le temps. le langage se cherche, croit se trouver, le sens s'éclaire et s'assombrit. On croit comprendre, c'est limpide, on déchante, on s'était laissé abuser. Pour lire Bonnefoy (et la poésie moderne), il faut accepter de rester sur le seuil, d'entrevoir la barque qui s'éloigne sans nous de la rive souvenue (ou rêvée?). Sans doute faudrait-il tout relire mille fois, tisser les réseaux de sens en triturant cette exigeante poésie, mais l'effleurer, parce qu'on n'ira peut-être jamais plus loin, juste laisser passer les mots, suffit pour l'instant. Pourquoi ce poète-là est-il un grand? réponse impossible et évidente, comme sa poésie: "elle a vaincu le temps par le silence".
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La poésie de Bonnefoy se picore comme un oiseau viendrait se nourrir des fruits d'un arbre vertueux exposé au soleil offrant de la fraîcheur sous ses branches.
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Citations et extraits (19) Voir plus Ajouter une citation
Mais c’est la nuit maintenant, je suis seul,
Les êtres que j’ai connus dans ces années
Parlent là-haut et rient, dans une salle
Dont tombe la lueur sur l’allée ; et je sais
Que les mots que j’ai dits, décidant parfois
De ma vie, sont ce sol, cette terre noire
Autour de moi, le dédale infini
D’autres menus jardins avec leurs serres
Défaites, leurs tuyaux sur des plates bandes
Derrière des barrières, leurs appentis
Où des meubles cassés, des portraits sans cadre,
Des brocs, et parfois des miroirs comme à l’aguets
Sous des bâches, prêts à s’ouvrir aux feux qui passent,
Furent aussi, hors du temps, ma première
Conscience de ce monde où l’on va seul.
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LA NUIT D'ETE

Tu as été sculptée à une proue,
Le temps t'a corrodée comme eût fait l'écume,
Il a fermé tes yeux une nuit d'orage,
Il a taché de sel ton sein presque nu.

Ô sainte aux mains brûlées que recolore
L'adoration d'encore quelques fleurs,
Sanctuaire de l'épars et du fugitif
Au bout des champs ensemencés de rouille,

Que de sommeil dans ta nuque penchée,
Que d'ombre, dans les feuilles sèches sur les dalles!
On dirait notre chambre d'une autre année,
Le même lit mais les persiennes closes.
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LA OU RETOMBE LA FLECHE
V

Mais pourquoi gravit-il maintenant cette butte presque escarpée, encore que les arbres y soient aussi serrés qu'en dessous, le long d'étroites ravines ? Ce n'est surement pas par ici que le chemin passe.

Et ce n'est pas de la-haut qu'il aura vue.

Ni pourra crier son appel.

Je le vois pourtant qui monte parmi les fûts, dans les pierres.

S'aidant d'une branche basse quand il sent le sol trop glissant à cause des feuilles sèches parmi lesquelles il y a toujours ces cailloux roulant sur d'autres cailloux : losanges de bord acéré et de couleur grise, tachée de rouge.

Je le vois – et j'imagine la cime. Quelques mètres d'aplat, mais si indistincts du fait de ces ronces qui atteignent parfois aux branches. La même confusion, le même hasard que partout ailleurs dans le bois, mais ainsi en est-il pour tout ce qui vit. Un oiseau s 'envole, qu'il ne voit pas. Un pin tombé une nuit de vent barre la pente qui recommence.

Et j'entend en moi cette voix, qui sourd du fond de l'enfance : Je suis venu ici, déjà – disait-elle alors – je connais ce lieu, j'y ai vécu, c'était avant le temps, c'était avant moi sur la terre.

Je suis le ciel, la terre.

Je suis le roi. Je suis ce tas de glands que le vent a poussés dans le creux qui est entre ces racines.
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LE TOUT, LE RIEN

II


Oui, à entendre, oui, à faire mienne
Cette source, le cri de joie, qui bouillonnante
Surgit d'entre les pierres de la vie
Tôt, et si fort, puis faiblit et s'aveugle.

Mais écrire n'est pas avoir, ce n'est pas être,
Car le tressaillement de la joie n'y est
Qu'une ombre, serait-elle la plus claire,
Dans des mots qui encore se souviennent

De tant et tant de choses que le temps
A durement labourées de ses griffes,
— Et je ne puis donc faire que te dire
Ce que je ne suis pas, sauf en désir.

Une façon de prendre, qui serait
De cesser d'être soi dans l'acte de prendre,
Une façon de dire, qui ferait
Qu'on ne serait plus seul dans le langage.
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LE TOUT, LE RIEN

I


C'est la dernière neige de la saison,
La neige de printemps, la plus habile
À recoudre les déchirures du bois mort
Avant qu'on ne l'emporte puis le brûle.

C'est la première neige de ta vie
Puisque, hier, ce n'étaient encore que des taches
De couleur, plaisirs brefs, craintes, chagrins
Inconsistants, faute de la parole.

Et je vois que la joie prend sur la peur
Dans tes yeux que dessille la surprise
Une avance, d'un grand bond clair : ce cri, ce rire
Que j'aime, et que je trouve méditable.

Car nous sommes bien proches, et l'enfant
Est le progéniteur de qui l'a pris
Un matin dans ses mains d'adulte et soulevé
Dans le consentement de la lumière.
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Videos de Yves Bonnefoy (31) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Yves Bonnefoy
Les derniers livres d'Yves Bonnefoy (1923-2016) expriment son désir de transmettre le legs de la poésie par-delà la mort. « Lègue-nous de ne pas mourir désespéré », lit-on dans L'heure présente (2011). Quant à L'Écharpe rouge (2016), c'est un « livre de famille » testamentaire en même temps que l'histoire d'une vocation : « Il se trouve que j'étais apte à me vouer à l'emploi disons poétique de la parole… » La Pléiade fut pour Bonnefoy l'occasion de porter sur son oeuvre un regard ordonnateur. Il choisit le titre du volume, Oeuvres poétiques, sans céder sur son désir de faire figurer au sommaire quelques textes brefs que l'on qualifierait spontanément d'essais. Tous les livres ou recueils poétiques, vers, prose, ou vers et prose, sont présents. Bonnefoy ne se reniait pas ; il a souhaité donner dans les appendices quelques textes rares. Il a voulu aussi que soit présente son oeuvre de traducteur, de Shakespeare à Yeats, de Pétrarque à Leopardi. Enfin il a ouvert à ses éditeurs les portes de son atelier.
« Le souvenir est une voix brisée, On l'entend mal, même si on se penche. Et pourtant on écoute, et si longtemps Que parfois la vie passe. Et que la mort Déjà dit non à toute métaphore. » L'heure présente, Yves Bonnefoy
À lire – Yves Bonnefoy, Oeuvres poétiques – Coll. La Pléiade, Gallimard 13 avril 2023.
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