Citations de Zéno Bianu (356)
ENFIN VIVANT
HOMME-CIEL
Il vient toujours
du sud ‒
des amonts infinis
Nuit après nuit ‒
le frémissement
des roseaux internes
Quelques syllabes
chaudes et secrètes ‒
il invoque le nom des planètes
p.74
CAHIERS
DE LA LIBELLULE ROUGE
En écoute vive
de ce corps de silence
qui te grandit
Renverse ton regard
arrête le monde ‒
descends
Lumière en point d'orgue ‒
c'est l'appel
du fonds des mots
Là ‒
immersion
dans la source profonde
p.12
Arbre du ciel axe des nuits
chemin d'éveil en infini
ce sont les peupliers qui vibraient
scintillaient
comme nacre sous ta fenêtre
frémissaient
vaguelettes de mercure sur l'eau
quand tu m'appelais chaque samedi
peupliers
compagnons de haute mélancolie
pour un frisson de vert
pour un frisson de bleu
pourvu que le souffle soit là
pourvu que le frisson frissonne
pourvu que le silence chante(...)
( extrait de " Le monde est un arbre")
À PERTE DE CŒUR
J'ai tout d'un coup conçu un amour immense et inégalable
seul
le silence de ton esprit
tout est si chaud
tu considères
chaque grain de lumière
à mesure
de son surgissement
ton cœur
ne cesse de danser
s'accorde
au tremblement d'amour
des nativités internes
J'ai tout d'un coup conçu un amour immense et inégalable
p.37
LE DÉSESPOIR N'EXISTENT PAS
RITUEL D'AMPLIFICATION
DU MONDE
Je commencerai par être
un verbe
sans limite
un langage
où rien ne serait dit
mais tout pressenti
dans le monde visible
et nulle part ailleurs
un grain de sable
qui dialogue avec les dieux
une élévation
dans l'affection et le bruit neufs
un miracle inouï
sous le soleil de la conscience
je commencerai par être
en devenant ce que je suis
p.115
CREDO
je crois au rassemblé
à l'ouvert
au levé
au tremblé
au centième de soupir
je crois que tout mot juste
vient de l'intérieur du ciel
et que ce ciel
brille au plus profond de nous
p.119
PRISES DE CIEL
ÉLOGE DES SURVENANTS
Ils s'allument et s'éteignent
au moment opportun
ils ne se demandent pas
à chaque seconde
s'ils vont mourir
où même s'ils sont nés
ils éclosent
ils se font jour
ils poèment
comme les pommiers pomment
et les poissons poissonnent
ils poèment
en force souveraine
en énergie vibrante
en crépitement liquide
ils poèment et poèment
tant et tant
qu'ils n'ont plus besoin d'être
ils poèment
jusqu'au point doré du tremps
ils poèment
en nouveaux loups des steppes
dans le splendidement
incompréhensible
p.21-22
LE PRÉNOM DU VISAGE
avec
ce battement d'énigme
où les vivants rejoignent leur visage
sous la chute sourde du ciel
avec le visage défait
du givre de l'année
jusqu'à la couleur du vide
qui étreint l'horizon
p.46
DANS LA BOUCHE D'UNE ÉTOILE
dans la bouche d'une étoile
le ciel entier de tes yeux
le temps dévêtu
la toupie du monde
j'écris un seul et même livre
pour ta nuit écorchée vive
p.114
DANS L'OUBLI DE LA CIBLE
NEUF MÉDITATIONS
SUR LE BLANC
sur le blanc
un corps d'arc-en-ciel
s'offre au vide
…
sur le blanc
éclair et flèche
un crissement de vif
…
sur le blanc
une sphère de solitude
sourit aux avalanches
sur le blanc
la houle des corps
attend la collision
sur le blanc
deux signes se contemplent
à la vitesse de l'abandon
p.57-58
sur le troisième caillou
à partir du soleil
la caillou bleu
le caillou du blues
il y a la vie
et c'est tant mieux
il y a la vie
et c'est heureux
il y a la vie
on n'a jamais inventé mieux
je voudrais extraire
l'essence de chaque lieu
l'essence
des êtres et des choses
composer décomposer recomposer
j'explore l'espace
du coeur-esprit
je pars d'un point
mais quel est ce
je
qui part d'un point
c'est un je
qui n'est que musique
un je
qui n'est que jeu
Pourquoi habiter la montagne de jade ?
L’esprit libre, je ris sans répondre.
Silence de l’eau, les fleurs de pêcher glissent –
Monde au-delà du monde.
Couvert de papillons
L'arbre mort
Est en fleurs!
Meurs mille fois par jour, si tu veux vivre pour toujours .
Penser, voir, respirer avec le coeur, me souffle le bleu. Il se déploie en continu tel un kaléidoscope d'états émotionnels. On dirait qu'il n'en finit jamais d'émettre son magnétisme. Pour qui l'écoute au plus vif, il permet de rayonner et de rêver juste.
Nuit de grand vent
extrait 1
Ce fut une nuit de grand vent que celle d’hier – une nuit d’étoiles
sans nombre.
Toute la nuit le vent joua dans ma moustiquaire
Qui tantôt se gonflait comme le ventre de l’océan pendant la
mousson,
Tantôt, s’arrachant du lit,
Voulait voler vers les étoiles ;
Par moments il me semblait dans mon sommeil
Que je ne l’avais plus au-dessus de la tête,
Qu’elle s’envolait, se rapprochant du giron d’Arcturus,
Comme un héron blanc dans la vague bleue du vent !
Quelle nuit merveilleuse !
…
// Jibananda Das (1899 - 1954)
/Traduit du bengali par France Bhattacharya
Dans tout ce qui existe à voir…
Dans tout ce qui existe à voir,
est-il objet plus beau
que le visage d’une jeune fille
aux yeux d’antilope
et vous souriant d’amour ?
Dans les choses que l’on respire,
y a-t-il rien de plus suave
que le souffle de sa bouche ?
Dans ce que l’on entend,
est-il rien de plus harmonieux
que sa voix ?
Dans les choses que l’on mange,
est-il rien de plus délicieux
que la saveur du frais bourgeon de ses lèvres ?
Dans le domaine du toucher,
sent-on rien de plus doux
que son corps ?
Qu’y a-t-il de mieux à voir en pensée
que l’image d’une jeune fille nouvelle éclose ?
Partout, ceux dont le cœur est aimant
éprouvent une émotion qui vient d’elle !
// Bhartrihari (VIIe siècle)
Il existe une couleur le bleu
Il existe une couleur le bleu
et une autre qui est celle du bleu sur ton corps
//RAGHUVIR SAHAY (1929-1990)