Retombé au sol
le cerf-volant
a égaré son âme
Kubota Kuhonta
Mille petits poissons blancs
comme si frétillait
la couleur de l'eau
Konishi Raizan
Une alouette s'élève
je respire la brume
je marche sur les nuages !
Masaoka Shiki
Partie de campagne -
l'herbe collée à mes coudes
respire le soleil
Ôsuga Otsuji
Sans souci
sur mon oreiller d'herbes
je me suis absenté
Ryôkan
Sous la lune du soir
l'escargot
torse nu
Kobayashi Issa
REPRENDRE HALEINE
J'ai toujours voulu
tout accueillir tout aimer
tout faire vivre
d'un seul regard démultiplié
m'accorder à ma ligne de plus haute tension
par-delà la fatigue
par-delà l'épuisement
tout accueillir tout
aimer
aller
aller plus avant
vers les grands creusets de l'effervescence
ne jamais en finir avec l'infini
doter chaque instant
d'une présence authentique
dernier souffle premier souffle
SATORI EXPRESS, Le Castor Astral 2016, isbn 9791027800537, p.7
Sur la pointe d'une herbe
devant l'infini du ciel
une fourmi
Ozaki Hôsai
Un être humain
une mouche
dans la chambre vaste
Kobayashi Issa
Sur le sentier de la montagne
le soleil se lève
au parfum des pruniers
Matsuo Bashô
A la tombée du soir
un crapaud
vomit la lune !
Masaoka Shiki
Coucher avec elle
Coucher avec elle
Pour le sommeil côte à côte
Pour les rêves parallèles
Pour la double respiration
Coucher avec elle
Pour l’ombre unique et surprenante
Pour la même chaleur
Pour la même solitude
Coucher avec elle
Pour l’aurore partagée
Pour le minuit identique
Pour les mêmes fantômes
Coucher coucher avec elle
Pour l’amour absolu
Pour le vice, pour le vice
Pour les baisers de toute espèce
Coucher avec elle
Pour un naufrage ineffable
Pour se prouver et prouver vraiment
Que jamais n’a pesé sur l’âme et le corps des amants
Le mensonge d’une tache originelle
Robert Desnos 1942
un arbre dressé
qui regarde les veines du ciel
un arbre perdu
qui pousse au centre du monde
un arbre éperdu
qui se couche lentement sur le lit du vent
le monde est un arbre
le monde est un arbre
et nous sommes les feuilles
de ses branches(...)
(" Infiniment proche et Le désespoir n'existe pas")
TAM-TAM I
à même le fleuve de sang de terre
à même le sang de soleil brisé
à même le sang d'un cent de clous de soleil
à même le sang du suicide des bêtes à feu
à même le sang de cendre le sang de sel le sang des sangs d'amour
à même le sang incendié d'oiseau feu
hérons et faucons
montez et brûlez
Aimé Césaire
Naima
c'est impossible
impossible de surgir de si loin
Naima
d'écouter si profond
d'entrer à ce point dans le coeur du monde
Naima
d'entrer dans le grain de la voix
le grain de
la Voie lactée
d'entrer dans tout ce qui me noie
Naima
c'est le sang de ta voix
ma pulsation précieuse
(" John Coltrane"( Méditation))
Poème composé à partir d'une superbe ballade de John Coltrane dédiée à sa femme Naima.
Nuit d'été-
le bruit de mes socques
fait vibrer le silence
Matsuo Bashô
AURÉLIA, FACE B
INSPIRATION
Qui pour écouter vraiment
ce surgissement
irisé
cela perle
et chuchote
en rosée bienfaisante
cela veut sortir
respirer plus haut
plus juste
un seul coup de griffe
ouvre
le puits à rêves
repeuple
l'étang aux grandes rides
lumineuses
p.141-142
Regardez là, vers l'est
l'horizon est une lueur rose ;
les étoiles voisines
pâlissent devant la lumière croissante.
Écoutez le grincement et le fracas des roues
du char du soleil en route vers le sud ;
le bec de la lumière s'ouvre
et avale l'obscurité.
...
ouvrez chaque blessure
en une fleur épanouie ;
quand la cicatrice disparaît,
la blessure peut palpiter à l'intérieur
et dans l'eau qui court
faire fleurir le rouge lotus ;
comme le sang qui goutte
du pétale qui se fane,
la froide eau de la rivière
montre en son sein la traînée de sang.
Sacrifice - extraits.
Ayyappa Paniker (1930-2006)
Poète prolixe, en quête de célébrations toujours neuves, Paniker a vécu l'écriture poétique comme la possibilité réelle d'un surcroît d'espace. Livre après livre, qu'il écrive en malayalam ou en anglais, il décline une poésie-vertige, travaillée par les grands archétypes (chant, vision, sacrifice, exil...), une poésie capable de susciter un espoir vivant. | pp. 196, 198 & Notice : p. 311
il y a une brèche
dans ton visage
une présence tangible
loin des simulacres
une brèche
qui me révèle
je prends ton ciel
comme une main tendue
Je crois
qu'il faut prendre appui
sur le vent
s'agenouiller en mer
et se vouer
à l'infini.