Citations de Zéno Bianu (356)
LE PRÉNOM DU VISAGE
avec
le poids des mains mortes
sur l'obscur du ciel
derrière les pierres de neige
aux pieds du monde seul
le visage ralenti
par évanouissement d'étoiles
avec
la saison d'amour
en son chaos blanc
le chant des couteaux aveugles
hors d'haleine
p.43
ÉTATS D'UNE MÊME PASSION
La nuit ouvre les yeux en nous.
Rien ne retient plus le regard.
On fait corps avec le cœur.
L'onde est porteuse.
juste à l'angle du temps.
La survie peut-être célébrée.
On puise, mais avec une telle précision.
p.52
Sur les murs du Bois de l’Ouest
Un regard d’horizon pour les cols,
un regard de ciel pour les cimes.
Haut et bas, proche et lointain
ne se ressemblent pas.
J’ignore le vrai visage du mont Lou –
Je sais seulement que j’y suis.
// Sou-Tong-Po
/ Traduction Patrick Carré et Zéno Bianu
Nuit de grand vent
extrait 4
Mon cœur s’emplit d’une odeur d’herbe,
Du parfum du soleil inondant l’horizon.
D’un souffle agité, gigantesque, débordant,
Pareil au feulement de la tigresse en amour
Et de l’ivresse bleue de la vie.
Mon cœur s’est coupé de la terre, s’est envolé,
Il va dans la vague bleue du vent, comme une aile enivrée ;
D’astre en astre il promène, tel un vautour cruel,
L’emblème d’une étoile lointaine.
// Jibananda Das (1899 - 1954)
/Traduit du bengali par France Bhattacharya
contre toutes les fins
pour tous les commencements
le monde est un seul mot
dont je cherche le bleu
inépuisable
"L'esprit ne peut être souple que lorsqu'il n'est pas enchaîné à une forme particulière de croyance".
LOINTAIN SOUFFERT
la souffrance
ne sait penser
qu’en angles morts
glissons
jusqu’à l’extrême étoile
pour perdre tous les angles
éprouvons d’un coup
la mesure de notre gouffre
dévoilons
ce qui jamais ne fut
plus haut
où tout s’affole
où scintille l’inattendu
Arbres de vie vivante
dont chaque feuille
est une prophétie
Arbres aux mélancolies fulgurantes (...)
Arbres aux tendresses
qui trouent le ciel
interprètes des vents solaires
babels de toutes les géographies
Je serai sérieux comme le plaisir (Jacques Rigaut)
Apprendre c'est être en mouvement à chaque instant
Assez de trompe-l'œil de trompe-
l'oreille
écoutez mes leçons d'obscurité écoutez
ma douce pénombre
c'est aussi une joie d'être
au monde
impeccablement désespéré
rien à démontrer rien à imposer
juste la petite musique meurtrie de
l'immensité
Mes ténèbres ne se sont jamais entièrement dissipées
elles se sont étoilées
À PERTE DE COEUR - Pour Joë Bousquet
...là où respire ta pénombre
par le frémissement
d'une note unique
où tu ralentis
dans le coeur noir
comme un Pollock endormi
où tu ralentis
comme un siècle de silence
dans le LA de ta lumière...
À PERTE DE CŒUR
Caresse étroitement ta dernière caresse
la souffrance
ne court plus
comme un feu à travers le bois sec
dans chacune de tes cellules
pulse une étoile
juste et sensible
charnelle
à cet essentiel pressentiment
tu dis oui
l'amour n'a pas de cause
le cœur n'a pas de cause
l'univers n'a pas de cause
Caresse étroitement ta dernière caresse
p.36
SEPT MÉTAMORPHOSES
7
je m'appelle O
le O où tout se retrouve
Rimbaud l'Oméga
et Artaud le Mômo
le O d'une orange
entre deux eaux
le O du soleil intérieur
le O
des hauts miroirs
le O
de mon visage
en ovale de brume
comme s'il pressentait
ici-haut
d'insaisissable destins
le O de Dylan Thomas
la moelle même de l'os de mon cœur
le O
de toutes les métamorphoses
le O de la spirales ouverte
qui bourdonne en moi
bourdonne
en profondeur
lumineuse
p.75-76-77
SEPT MÉTAMORPHOSES
2
…
ivre et survivante
je m'éternise
en chatoiements
constellation de fées
qui parlent par ma bouche
et hurlent en silence
avant-jour sous les paupières
coulures de couchant
sommets de sommeils
j'accueille
le soleil blanc des détresses
j'accueille mes frères inconnus
Prométhées invisibles
Icares phosphorescents
je cous accueille à jamais.
p.62
LE DÉSESPOIR N'EXISTENT PAS
RITUEL D'AMPLIFICATION
DU MONDE
Je commencerai par être
le refus
de rêver pareil
le refus
du bureaucrate intérieur
une exaltation sereine
un visage
qui se transforme
en tigre
à chaque émotion
un visage sans visage
qui accueille
tous les visages
un tremblement de ciel
je commencerai par être
jusqu'au paroxysme
p.119
PRISES DE CIEL
ROUGE HORIZON
j'avance
le long de ce fil rouge qui court
entre nos vies
tout au long
de cette ligne de plein cœur
qui fuse en continu
fil tendu
entre deux rêves
prisme de tous les possibles
j'avance
par cette ligne de faille
ligne de force
ligne de feu
ligne de chance
au fil des aubes
j'avance
sur cette ligne de partage des âmes
au fil des secondes éclairantes
ou crépusculaires
au fil des secondes cuivrées
et je glisse
chaviré
jusqu'au jour des jours
jusqu'à la nuit des nuits
danseur de corde
sur le rouge poudroyant
des vents magnétiques
p.19-20
INVOCATION
viens dénuder la haute blessure
dire la voie non tracée
d'un jour plus long que le nôtre
l'ardent souci
de solitude
l'aimantation
trouée de lumière
qui ne retient plus rien
d'elle-même
ne nous accorde rien
que la nuit coule vers le jour
que sourient les enfants morts
à la tombée des étoiles
p.70
DANS LA BOUCHE D'UNE ÉTOILE
dans la bouche d'une étoile
dans la chair de l'illimité
j'accueille ta fièvre
au nom de lune
la souffrance en sommeil
le sang tourné vers l'infini
p.105