Émilie Parizot

Le défiant du regard, j’avance d’un pas qui met fin à toute distance entre nos deux corps. Je tire doucement sur la carte qu’il tient toujours entre les doigts et la lui plaque sur le torse en susurrant :
- Va au diable.

La couleur est moche. L'illustration ridicule. Et le pompon... ne parlons pas du pompon. Tout ça n'a aucun sens mais c'est le 24 décembre et s'il y a un jour où je peux porter ce stupide pull sans me poser de questions, c'est aujourd'hui.

En soufflant mes bougies à midi, j'ai souhaité avoir un message de sa part. C'est le vœu le plus con que j'aie fait de toute l'histoire de mes vœux d'anniversaire.

- Bien passé. Je te rappellerai après, je suis avec Blair, l'assistante de direction.
- Elle est sympa ou pas, alors ?
Mon Dieu.
Elle est insupportable. Le regard de Blair vient de faire volte-face de la fenêtre vers le téléphone.
- Je fais de mon mieux ! lance-t-elle.
Il y a un blanc et ma mère éclate de rire. Je suis mortifié.
- Tu m'as mise en haut-parleur ?
- On est en voiture, je te rappelle quand je rentre.
- Je serai au théâtre avec Nina. Elle m'a appelée ce matin pour m'inviter.
- Génial, marmonné-je.
- Je t'appelais juste pour te dire que j'étais passée chez toi te déposer des lasagnes et aérer le salon.
Je croise le regard narquois de Blair et soupire.
- Ma mère est ma voisine. Et elle a un toc avec l'ouverture des fenêtres.
- Je suis encore en ligne.
Blair laisse échapper un rire.
- Justement, on peut raccrocher maintenant ou tu as d'autres infos capitales ?
- Oui, je t'ai emprunté une bouteille de vin. La plus chère. Bon retour !
Elle raccroche sans me laisser le temps d'ajouter quoi que ce soit et je ris jaune en pensant à cette bouteille que je gardais pour une occasion spéciale.

Il n'y a que quand je suis en sa présence que je le ressens et c'est déstabilisant.

- Parmi ces surpises... Notez que j'aimerais des rennes.
- Des quoi ?
Je pouffe malgré moi et leurs regards convergent dans ma direction.
- Ah, c'était une blague ? Demande Sonny pour se rassurer.
- Non, je ne crois pas. C'est votre tête qui m'a fait rire, je lâche.
- Sachez que j'aime les surprises, Sonny, et que je prends les plaisanteries très au sérieux.
- Vous parlez de vrais rennes ?
- Oui ! Je les imagine se balader dans un décor fabuleux... Ou, encore mieux, porter le fromage sur leur dos ! Tout ça va être inoubliable !
Intérieurement, je meurs de rire.

– Et si on repartait à zéro ? Donc je suis le… sale type d’en face, j’ai trente et un ans et je ne suis pas aussi méchant que j’en ai l’air. D’ailleurs… il paraît que j’ai beaucoup d’humour. Et je voue une passion à l’art sous toutes ses formes.

Sa présentation est affreusement cliché mais il la fait avec un aplomb tel que je dois me concentrer sur un mauvais pli du tissu pour réprimer un sourire. Voyant que je continue mon pliage en silence, il revient à la charge.– Alors… Coline, à qui ai-je affaire ?

" All I want for Christmas is youuuu."
Ce qui est pratique en cette période, c'est que je n'ai besoin d'aucune excuse pour assumer mes goûts kitsch.

Lorsque je mets un pied à l'extérieur, le froid me saisit et je frissonne. Adam s'arrête, retire son écharpe et se rapproche de moi. J'essaie de protester mais il insiste.
- Je m'en voudrais si tu es clouée au lit demain et que tous tes clients se ruent chez moi.

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- (…) Aucun contenant n'est identique. J'utilise des pots à confiture, d'anciens photophores, de la verrerie que je chine à droite à gauche...
- Donc chaque bougie est unique. C'est original.
- J'avoue que je suis plutôt fier de faire ça de mes mains. Je propose des senteurs spécialement pour Noël, je suis surpris du petit succès que ces bougies rencontrent.
Je plisse les yeux.
- Donc je peux dire adieu à celles que je vends ?
Adam a un mouvement de recul et se frotte le menton, embarrassé.
- Tu en vends?
Lentement, je bois une gorgée de mon breuvage, ravie de prolonger l'attente.
- Non.
Visiblement soulagé, il secoue la tête avec un demi-sourire avant de porter la tasse à ses lèvres bien ourlées.

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