Marlène Eloradana

— Ferme les yeux, chuchote-t-il. Laisse-toi envahir par ce que ma voix fait naître en toi. Peu importe que cela soit de la colère, du trouble ou de l’excitation. Il faut se saisir du moindre fragment d’émotion sans chercher à analyser le pourquoi du comment. Tu réfléchis trop lorsque tu écris. Tu manques de spontanéité et de naturel dans ta façon de construire tes histoires d’amour. La passion n’est présente à aucun moment alors qu’elle fait partie intégrante de la naissance d’un couple. As-tu envie de connaître un homme pour qui tu ne ressens rien du tout ? Pour quelqu’un qui n’éveille aucun désir au plus profond de toi ?

Bon sang, il est doué le bougre. Je frissonne et j’ai de plus en plus de mal à rester concentrée. Mes yeux sont toujours clos, je laisse mes sens prendre le contrôle et je comprends où il veut en venir. Il est plus intuitif que moi, il se sert de ses cinq sens pour créer alors que je me contente d’écrire des histoires qui sont censées me faire rêver parce que j’ai un sérieux problème. Un problème qui ne trouvera sans doute jamais de solution.

Mais ce n’est pas une raison pour le laisser avoir le dernier mot. Je vais devoir le supporter durant les deux prochains mois, et me livrer à l’activité la plus intime qui soit : l’écriture ! Entre nous, il ne sera pas question d’autre chose…

— Je vous remercie pour cette brillante analyse de mes textes, et je vous concède que je vous juge uniquement sur des a priori.

Autant être honnête !

— Je ne suis pas contre une remise en question, Charlie. Mes romans sont trop crus et manquent de profondeur, si je puis dire, ajoute-t-il en riant dans mon dos. Mais ils plaisent aux lectrices. C’est pour cette raison que la proposition d’Hazel m’intéresse. Je suis pour tester toutes sortes d’expériences. Pas toi ?

L’ascenseur s’arrête dans une petite secousse qui ébranle mon corps ainsi que mon esprit. Les portes s’ouvrent et je me rends compte que Garrett, alias King G, alias le roi du cul vient de me faire mouiller ma culotte. Cela réveille quelque chose de douloureux en moi et c’est loin d’être bon signe.

C’est officiel ! Aujourd’hui, j’entre en guerre contre lui et contre mon traître de corps qui n’est pas fichu de résister à quelques mots bien placés et chuchotés avec un certain doigté.

Regarde dans le ciel, si une étoile brille un peu plus fort, sache que c'est moi qui pense à toi.

— Viens tonton ! Il est là, c’est lui que je veux.

Je me rends à côté d’elle, et je le vois ! Oh, mon Dieu, elle veut sérieusement que j’achète cette chose ?

— Il est parfait, n’est-ce pas ? déclare-t-elle avec les yeux qui brillent.

Elle a vraiment un coup de cœur pour…

Je n’ai pas les mots. Le sapin en question lui arrive à hauteur du visage, il a l’air d’avoir fait un hiver tellement il est chétif, à tel point que ses branches sont un peu tordues. En bref, ce sapin est sans doute le plus mal en point que j’aie vu de ma vie.

— Je suis navré, mais il n’est pas à vendre, nous informe le tailleur de pied qui nous a rejoints sans que je ne le remarque. Vous vous trouvez dans la zone de stockage avant destruction.

Leia est choquée, elle se dépêche de tirer sur mon manteau pour attirer mon attention.

— Tonton, je le veux ce sapin. On peut l’acheter ? m’implore-t-elle.

— Tu as entendu le monsieur, il n’est pas à vendre.

Elle ne semble pas convaincue, et le vendeur me devance en disant :

— S’il plaît à la petite, je vous le donne.

— Non, moi je veux qu’on l’achète. Peut-être que les autres gens ne le trouvent pas beau, mais moi c’est lui que je veux parce qu’il est différent.

— Très bien, on le prend.

Je me tourne vers le vendeur qui a du mal à y croire. Je sors mon portefeuille, résigné à payer pour faire l’acquisition de cet arbre affreux. Il me regarde comme si j’étais un de ces papas qui cèdent à tous les caprices de leur enfant, mais ce n’est pas le cas. J’accepte parce que ça semble important pour elle.

Nous repartons avec notre sapin sous le bras. Je me demande comment je vais faire pour ne pas l’abîmer plus en le chargeant dans le 4x4. Sacrée gamine !

Eliott et Céleste ont insufflé de la vie dans cet endroit, cela ne fait que quelques heures que nous sommes arrivés
et pourtant, j’ai pu constater que ces gens vouent leur existence à faire rêver leurs hôtes. Ils sont avenants,
disponibles et terriblement attachants.

Il suffit que je repense à ce que l’on a vécu ces trois derniers mois et plus particulièrement au baiser que nous avons échangé pour être plus motivé que jamais.

Ses lèvres sur les miennes, sa langue aguichant la mienne pendant qu’elle tirait légèrement sur mes cheveux, tout ça m’a rendu fou. Mon sang s’est embrasé, ma queue est devenue plus dure qu’elle ne l’a jamais été et mon cœur a tout simplement implosé.

Je rêve de revivre ça et plus encore alors je n’ai pas intérêt à jouer au con. J’ai un plan bien précis à mettre à exécution pour qu’elle me mange dans la main. Le problème ? C’est qu’elle semble déterminée à faire de ma vie un enfer !

Je repense aux mots de Charlie : « Certaines expériences finissent mal… ». J'en suis conscient. Je suis sans doute masochiste de me lancer dans cette aventure, et malgré tout, je sais que je vais foncer et m'investir corps et âme. J’ai besoin de ressentir… C’est vital. Et le petit aparté entre nous dans l’ascenseur m’a donné un aperçu de ce que cela pourrait être de la pousser dans ses retranchements.

Une brève recherche sur le net ne m’a révélé que peu de choses sur cette autrice romantique. Tout en elle me donne envie de creuser et de découvrir ce qui se cache au fond d’elle. Et j’ai le sentiment que je vais en avoir l’occasion.

- Ca fait un bail, mais tu n'as pas changé, affirme-t-il sur un ton bienveillant.
Je hoche la tête et reste muette. Parler aux hommes n'a jamais été ma spécialité. Je finis toujours par bafouiller et par ressembler à une décérébrée.
- Classe le t-shirt, dit-il avant de se détourner pour nous laisser passer. Entrez, il y a une table qui vous est réservée près de la piste de danse.
Je souris timidement en remontant mes lunettes et me félicite d'avoir enfilé mon haut préféré. Il est blanc, orné d'un Nimbus 2000 et du message "Je me casse, y a trop de moldus".

Sam a toujours été présent pour moi, d’aussi loin que je m’en souvienne. Il fait partie des constantes dans ma
vie. Il est mon équilibre, ma source de réconfort. L’être humain que je préfère sur terre.

— Dallas, t’es toujours là ?
Le ton enjoué de ma jumelle me vrille les tympans.
— Ouais, réponds-je, sans entrain.
— Tu pourrais être un peu plus enthousiaste. C’est de mon mariage qu’il est question. Tu devrais sauter de joie à l’heure qu’il est.
Sauter de joie n’est pas une option. En revanche, me jeter du toit de mon immeuble semble tout à fait approprié à la situation.
Tu risquerais d’en réchapper et ça n’arrangerait en rien ton cas.
Au bord de la crise de panique, je fais les cent pas dans mon studio, téléphone vissé à l’oreille, en me flagellant d’être un idiot de la pire espèce. Pourquoi me suis-je inventé un mec, déjà ?

Le chemin est interminable, mes membres en coton ne sont plus à même de me soutenir. Quelques mètres plus loin, je m’effondre, tête la première dans la neige. Je tente de me mettre sur le dos, avec difficulté. Tout tourne au ralenti.

Mon voisin de chalet se penche au-dessus de moi. Au moment où il se met à râler, les traits de son visage se floutent, et je me retrouve avec le Grinch en face de moi.

Je me mets à rire, je délire en remuant dans la neige.

- Vilain Grinch, pas content, me marré-je.

Connor peste avant de disparaître de ma vue.

C’est étrange, j’ai presque cru entendre : cette blonde aura ma peau !