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Citations de Éric Vuillard (1003)


Dans un guide de voyage sur l’Indochine de 1923, après une page de publicité pour la maison Ridet & Cie, armurier du centre de Hanoi, fournissant "armes et munissions de chasse et de guerre, tous accessoires pour chasseurs et touristes, pistolets automatiques ou carabines", avant même que ne soit évoquée "la partie la plus pittoresque du Haut-Tonkin où se trouvent quantité de curiosités naturelles", on tombe sur un petit lexique, manuel de conversation à l’usage des vacanciers, dont voici en français les premiers rudiments : "va chercher un pousse, va vite, va doucement, tourne à droite, tourne à gauche, retourne en arrière, relève la capote, baisse la capote, attends-moi là un moment, conduis-moi à la banque, chez le bijoutier, au café, au commissariat, à la concession". C’était là le vocabulaire de base du touriste français en Indochine.
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Ainsi, la sédition. Elle surgit dans le monde et le renverse, puis sa vigueur faiblit, on la croit perdue. Mais elle renaît un jour. Son histoire est irrégulière, capricante, souterraine et heurtée. Car il faut bien vivre, il faut bien mener sa barque, on ne peut pas s'insurger toujours ; on a besoin d'un peu de paix pour faire des enfants, travailler, s'aimer et vivre.
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Comme si un énorme gendarme réglait la circulation de nos victuailles, le délectable et le gourmand prennent la direction de Versailles, le fade et le maigre celle des faubourgs. L'exquis, le savoureux cahotent vers l'ouest de la capitale, l'aigre va aux masures. Le moelleux et le succulent galopent à la cour, l'insipide et le blet s'en vont à Paris.
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Les querelles sur l’au-delà portent en réalité sur les choses de ce monde. C’est là tout l’effet qu’ont encore sur nous ces théologies agressives. On ne comprend leur langage que pour ça. Leur impétuosité est une expression violente de la misère.
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Un milliard. On n'a jamais assez pour les allocations, les aides; les protection de tous ordres doivent sans cesse attendre au nom d'un réalisme comptable; on nous explique le doigt en l'air, que si l'on dépense au-delà de ce qu'on peut rembourser, eh bien, c'est banqueroute. Et les vieux renards qui passent leur vie, museau penché, derrière les moindres virgules, et nous rabiotent ici un centime, là deux, les gardiens féroces de nos pièces jaunes, voici que soudain, pour une dépense aussi folle, aussi vaine, aussi meurtrière, ils ne connaissent pas une seconde d'hésitation, main sur la poitrine, chantant l'hymne national, ils jettent un milliard par la fenêtre tous les jours.
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Un mot suffit parfois à congeler une phrase, à nous plonger dans je ne sais quelle rêverie; le temps, lui, n'y est pas sensible.
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Du coté de la France et des Etats-Unis, il y eut en tout quatre cent mille morts, si l’on compte les tirailleurs, les supplétifs indochinois, troupes coloniales qui formaient l’essentiel de notre armée. Du côté vietnamien, la guerre fit au moins trois millions six cent mille morts. Dix fois plus. Cela fait autant que de Français et d’Allemands pendant la Première Guerre Mondiale
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Et voilà comment nos héroïques batailles se transforment les unes après les autres en sociétés anonymes
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Et comme d’habitude, c’est beaucoup moins drôle que dans les livres, beaucoup moins beau que sur des peintures, plus triste encore que dans les souvenirs
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on chie n’importe où, dans les tunnels, au bord des tranchées, on roule les morts le plus loin possible
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Mais si les militaires avaient bel et bien pratiqué la torture, le bombardement des civils, l’emprisonnement arbitraire, si les parlementaires avaient encouragé la guerre, adoptant à la tribune le ton des grandes heures, en revanche, les administrateurs de la banque n’avaient officiellement rien dit
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Le droit constitutionnel est comme les mathématiques, on ne peut pas tricher.
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Une fois tombé le camp retranché, l'humiliation fut trop grande, insupportable. Navarre eut de violents accès d'angoisse, il n'osait plus sortir..
... la bataille est presque terminée se dit-il, comme s'il pouvait entendre Diên Biên Phu ici, depuis Hanoi, depuis le jardin paisible du palais dont il serait le dernier locataire.
Mais il n'entendait rien. Rien d'autre que les insectes se cogner au lampadaire, et cela lui déchirait les tympans comme le cri d'un sifflet à vapeur. Il se boucha les oreilles ; il était épuisé, et il avança d'un pas lent, si lent qu'on le devinait à peine dans le noir, et lorsqu'il atteignit enfin péniblement la tonnelle, il avait vieilli... il se crut seul. La nuit tomba. Il ne bougeait pas.

"Plus on approche du pouvoir, moins on se sent responsable" pensa-t-il.
Il ne se souvenait plus où il avait entendu cette phrase, et elle se mit à bourdonner en lui, autour de ce petit lampadaire qu'on appelle la conscience.
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Ainsi, ce 19 octobre 1950, Mendès sortit du rang. Son autre visage parut. Ce visage grave, et comme fendu, que, depuis, nous lui connaissons. Ce visage aux sourcils levés, trempant dans le doute, exposé. C'est si difficile de décrire un visage, mélange de chair et de pensée. Il y a dans le visage de Mendès quelque chose de rassurant et d'inquiet, de fragile et de cartésien, de coriace et d'hésitant, qui faisait son charme. Et lorsque quelqu'un dit la vérité, c'est-à-dire tâtonne dans l'obscur, cela se sent.
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Un visage est toujours une difformité. Nos idées nous défigurent. Nous nous ressemblons. Pourtant, du haut de ce qu'on nomme avec trop de respect ou de componction une tribune, une parole peut soudain fendre un instant l'ordinaire concordance à soi. Et j'imagine qu'alors nos visages nous reflètent entièrement, comme s'ils avaient été peints, et que le pinceau du maître, sagace, lucide, doué de je ne sais quelle ardeur folle, puisse interrompre un instant, une seconde, le dialogue narcissique auquel nous nous livrons tous...
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J 'imagine que par la force des circonstances, du drame qui nous lie soudain aux autres, violemment, tristement, quelque chose se trouble dans ce qu'on appelle notre image, et que l'on puisse y apercevoir d'un coup, brutalement, pour la durée d'une éclipse, le litige persistant, renié, refoulé, entre ce pauvre amour de soi, enseveli, mais sans cesse entretenu par le petit travail de notre égoisme, et autre chose qui nous est étranger, et qui est de l'intérêt de tous, et qu'on nommait jadis la vérité du temps.
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"Nous dépensons bien d'après Monsieur le ministre des finances, un milliard par jour pour la guerre.....Un milliard!.....On n'a jamais assez pour les allocations, les aides; les protections de tous ordres doivent sans cesse attendre au nom d'un réalisme comptable; on nous explique le doigt en l'air, que si l'on dépense au-delà de ce qu'on peut rembourser, eh bien, c'est la banqueroute. Et les vieux renards qui passent leur vie, museau penché, derrière les moindres virgules, et nous rabiotent un centime, là deux, les gardiens féroces de nos pièces jaunes, voici que soudain, pour une dépense aussi folle, aussi vaine, aussi meurtrière, ils ne connaissent pas une seconde d'hésitation, main sur la poitrine, chantant l'hymne national, ils jettent un milliard par la fenêtre tous les jours"
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Ça y est, pour la première fois peut-être, on entend ça : le glaive leur sera enlevé et sera donné au peuple en colère. Comme ça sonne, comme ça fait du bien !
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Les mots sont dits de nouveau : ni par l’argent, ni par le pouvoir, ni par les princes, ces mêmes petits mots qui changent de forme, de ton, mais pas de cible, et qui, lorsqu’ils reviennent au monde, toujours s’acharnent contre l’argent, la force et le pouvoir.
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Éric Vuillard
[Maurice Violette] l'homme qui se lève, ce 19 octobre, incarne superlativement l'Eure-et-Loire, morceau de Beauce et brin de Perche, composé d'industrie, de blé et d'élevage. Maire de Dreux pendant cinquante ans, il règne sur son département, il est un Charlemagne de bureau de tabac, le caïd d'Orgères-en-Beauce, le grand homme de Châteaudun. Lorsqu'il soulève son corps à la fois lourd et sec, ce corps étrange des vieillards, Maurice Violette a quatre-vingts ans. […] C'est donc une autorité, que dis-je, un monument qui se ramasse et se lève à 22H10 le 19 octobre 1950. […] Autant le nom est engageant, Violette, doux, amusant même, autant le visage est rebutant, sévère, presque méchant.
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