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Citations de Éric Vuillard (996)


La vraie pensée est toujours secrète, depuis l’origine du monde. On pense par apocope, en apnée. Dessous, la vie s’écoule comme une sève, lente,souterraine.
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Ah ! nous ne pourrons jamais savoir, nous ne saurons jamais quelle flambée parcourt les cœurs, quelle joie; nous pourrons peut-être brûler du même feu, mais pas le même jour, pas la même heure, nous pourrons bien interroger minutieusement les mémoires, parcourir tous les témoignages, lire les récits, les journaux, éplucher les procès-verbaux, on ne trouvera rien. La véritable pierre de Rosette, celle qui permettrait d'être partout chez soi dans le temps, nous ne l'avons jamais trouvée. La vérité passe à travers nos mots, comme le signe de nos secrets.
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À l’époque où il était prisonnier des Italiens, jeune homme, pendant la Première Guerre, Schuschnigg aurait dû lire les articles de Gramsci plutôt que des romans d’amour ; alors il serait peut-être tombé sur ces lignes : “Quand tu discutes avec un adversaire, essaie de te glisser dans sa peau.” Mais il ne s’est jamais glissé dans la peau de personne, tout au plus a-t-il enfilé le costume de Dollfuss, après lui avoir pendant quelques années léché les bottes. Se mettre à la place de quelqu’un ? Il ne voit même pas où cela mène ! Il ne s’est pas glissé dans la peau des ouvriers tabassés, ni des syndicalistes arrêtés, ni des démocrates torturés ; alors, maintenant, il ne manquerait plus qu’il parvienne à se mettre dans la peau des monstres ! Il hésite. C’est la toute dernière minute de sa dernière heure. Et puis, comme d’habitude, il capitule. Lui, la force et la religion, lui, l’ordre et l’autorité, voici qu’il dit oui à tout ce qu’on lui demande. Il suffit de ne pas le demander gentiment. Il a dit non à la liberté des sociaux-démocrates, fermement. Il a dit non à la liberté de la presse, avec courage. Il a dit non au maintien d’un parlement élu. Il a dit non au droit de grève, non aux réunions, non à l’existence d’autres partis que le sien. Pourtant, c’est bien le même homme qu’embauchera après la guerre la noble université de Saint Louis, dans le Missouri, comme professeur de sciences politiques. Sûr qu’il en connaissait un bout en sciences politiques, lui qui avait su dire non à toutes les libertés publiques. Aussi, une fois passée la petite minute d’hésitation – tandis qu’une meute de nazis pénètre dans la chancellerie –, Schuschnigg l’intransigeant, l’homme du non, la négation faite dictateur, se tourne vers l’Allemagne, la voix étranglée, le museau rouge, l’œil humide, et prononce un faible “oui”.
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Et le Viêtnam reçut en trente ans quatre millions de tonnes de bombes, davantage que toutes celles larguées pendant la Seconde Guerre mondiale par toutes les puissances alliées, et sur tous les fronts. Pourtant, c'est petit le Viêtnam, ça en fait des bombes pour un si petit pays. En 1945, Hô Chí Minh avait seulement proclamé son indépendance, s'appuyant même sur notre déclaration des droits de l'homme, et, après tout, il n'avait déclaré la guerre à personne.
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(…) la guerre est déjà perdue dans les livres de comptes.
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(…) et trente ans de guerre ça a aiguisé les haines. Elles ont même eu tout le temps et toutes les occasions de devenir une sorte de science.
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Et voilà comment nos héroïques batailles se transforment les unes après les autres en sociétés anonymes.
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Un visage est toujours une difformité. Nos idées nous défigurent. Nous nous ressemblons. Pourtant, du haut de ce qu’on nomme avec trop de respect ou de componction une tribune, une parole peut soudain fendre un instant l’ordinaire concordance à soi.
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La cervelle est un organe étanche. Les yeux ne trahissent pas la pensée. Les mimiques imperceptibles sont illisibles aux autres ; on croirait que le corps entier est un poème dont nous brûlons, et dont nos voisins ne comprennent pas un mot.
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On a beau être à cheval sur le droit constitutionnel, les circonstances sont impérieuses, rien ne prévaut contre elles.
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On ne tombe jamais deux fois dans le même abime. Mais on tombe toujours de la même ma-nière, dans un mélange de ridicule et d'effroi. Et on voudrait tant ne plus tomber qu'on s'arc-boute, on hurle. À coups de talon, on nous brise les doigts, à coups de bec on nous casse les dents, on nous ronge les yeux. L'abime est bordé de hautes demeures. Et l'Histoire est la, déesse raisonnable, statue figée au milieu de la place des Fêtes, avec pour tribut, une fois l'an, des gerbes séchées de pivoines, et, en guise de pourboire, chaque jour, du pain pour les oiseaux.
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Ce n'est pas un désespoir intime qui les a ravagés. Leur douleur est une chose collective. Et leur suicide est le crime d'un autre.
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...au moment où la banque quittait l'Indochine, la guerre devint pour elle sa première source de revenus. En somme, au nom de l'honneur national, la banque encourageait, depuis le Parlement, une guerre meurtrière dont elle tirait profit, et qu'elle estimait, pourtant, perdue.
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Elle sait que les applaudissements, les bonjours compassés,les ronds de jambes, c’est son éloge funèbre qui a commencé .sa vie publique n’est plus qu’une routine souveraine.
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Mais que font-ils ici, tous avec des lances, leurs épées, leurs casques pointus et leurs chevaux de cirque ?
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Les fougères immenses, les énormes loutres qui glissaient à la surface des rivières, les racines dessinant de grands cercles sur le sol semblaient les signalements abstraits de leur existence antérieure. Oui, les soldats venaient d'une autre vie, d'un autre temps, ils sortaient de Jérusalem, d'Antioche, d'Alep. Les Turcs avaient repoussés jusqu'ici, parmi les eaux profondes, dans ce terrain lourd, argileux, dans ce monde de feuilles et de bourgeons. Et, à présent, un murmure montait, un va-et-vient régulier, le halètement des hommes et des bêtes.
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Ce n’est qu’un joueur de cartes, Schusnigg, un piètre calculateur ; il a même semblé croire à la sincérité de son voisin allemand, à la loyauté des accords qu’on venait pourtant de lui extorquer. Il s’effarouche un peu tard ; il invoque les déesses qu’il a bafouées, il revendique des engagements ridicules pour une indépendance déjà morte. Il n’a pas voulu voir la vérité en face. Mais, à présent, la voici qui vient à lui, tout près, horrible, inévitable. Et elle lui crache au visage le secret douloureux de ses compromis.
Alors, dans un dernier geste de noyé, il va chercher l’appui des syndicats et du parti social-démocrate, pourtant interdits depuis quatre ans
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Quelle puissance attractive peut donc amener chaque jour quarante mille personnes à venir voir ce spectacle ? Par quelle déclivité de leur vie fuyante glissent-elles jusqu'à la grande arène où des cavaliers galopent en hurlant dans des décors en carton ?
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Mais la mort est patiente. Elle se tient face au lit, comme le spectateur devant la scène. On ne lui échappe pas. Elle a payé sa place, et elle verra notre crevure.
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Mais la petite étincelle était encore ailleurs. L'idée centrale du WILD WEST SHOW était ailleurs. Il fallait stupéfier le public par une intuition de la souffrance et de la mort qui ne le quitterait plus. Il fallait le tirer hors de lui-même, comme ces petits poissons argentés dans les épuisettes. Il fallait que devant lui des silhouettes humaines poussent un cri et s'écroulent dans une mare de sang. Il fallait de la consternation et de la terreur, de l'espoir, et une sorte de clarté, de vérité extrême jetées sur toute la vie. Oui, il fallait que les gens frémissent - le spectacle doit faire frissonner tout ce que nous savons, il nous propulse devant nous-même, il nous dépouille de nos certitudes et nous brûle. Oui, le spectacle brûle, n'en déplaise à ses détracteurs. Le spectacle nous dérobe et nous ment et nous grise et nous offre le monde sous toutes ses formes. Et, parfois, la scène semble exister davantage que le monde, elle est plus présente que nos vies, plus émouvante et vraisemblable que la réalité, plus effrayante que nos cauchemars.
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