Car le poème
Car le poème c’est la voix qui vient
De loin, du fond des temps, du fond des cœurs,
Qui tourbillonne et qui vrombit dans toutes
Les fissures de toutes les murailles,
Qu’elles soient de pierre, de bronze, d’or,
Murailles de l’histoire où le poème
Tourbillonne et vrombit, flot de criquets
Dans l’esprit et l’oreille populaires.
Car la voix du poème est par-delà
Et en-deçà du flux de la conscience,
Elle qui se donne en toute confiance
À l’élan d’une vague d’entrelacs,
Une vague sans fin où être là
Transcende en transe toute transhumance.
Tristan Cabral, le tumulte insolent
Il n’a vécu que par pure insolence,
solaire au plein milieu de tout le mal
(il dit ne vouloir rien abandonner
du mal). Il porte des fusils plus lourds
que les épaules, portefaix patient
d’un crime qui revient quand la vision
d’un corps de mère excisé sous les arbres
active en lui les tourbillons violents
d’une enfance où les mots et les noms fuient
devant les transgressions inaugurales.
Il est au fond de lui un musicien
dont le haut bataclan est la clameur
de mille bataillons d’oiseaux aveugles
chantant envers et contre tout. Plantant
sa voix sur chaque sommet de colline
comme un vivant dressé au Golgotha,
il hurle : « Couchez-moi dans les bras d’un
enfant, car j’ai besoin de naître après
chaque massacre ! » Il parle de la chair
torturée, déchirée, déchiquetée,
brûlée, de chaque peuple assassiné.
De chaque peuple il dit la destinée.
Chant Premier (Chants des chants, I)
HISSA HILAL ET LE CHAOS
(ballade) /C
D’une émancipation en profondeur
Pour elle, bien sûr, mais aussi pour d’autres :
La liberté d’une seule n’est rien.
Ainsi « toutes pour une, une pour toutes »,
Voilà, par -delà le bien et le mal,
La devise implicite de son cœur
Qu’elle a su insuffler au nôtre, au vôtre,
Selon le flux d’un cosmos aérien
Configurant tout le chaos en voûtes,
Boutures aubinées d’Hissa Hilal.
Princes barbus qui en prenez ombrage,
Prêchi-prêcheurs au vice proverbial,
Tartuffes de tout bord, de toute rage,
Cette vague portant Hissa Hilal,
Vous ne la stoppez pas de vos barrages.
Chant Premier (Chants des chants, I)
HISSA HILAL ET LE CHAOS
(ballade) /A
C’est, en dactyles, voilée qu’elle chante
Car son visage est menacé de mort,
Oui, elle chante en dactyles soignés,
Et le chaos de toutes les fatwas
Qui gueulent assoiffées de mort violente
Est pour son chant un plomb pesant que l’or
De sa parole vient exorciser :
Dans la seule vague elle fait sa joie.
Telle est la destinée d’Hissa Hilal :
Contre toute oppression, ouvrir un bal.
…
Chant Premier (Chants des chants, I)
HISSA HILAL ET LE CHAOS
(ballade) /B
Un bal de mots tout rythmé de dactyles
Qui tracent dans l’air un nouveau visage,
Un masque protecteur paradoxal.
Une fine écoute entend dans la danse
De cette voix l’ode émue à un style
De vie pour des êtres libres et sages.
Tel est le geste inné d’Hissa Hilal :
Assumer tous les sens du mot prudence,
Envers et contre toute assignation,
Dans l’acte pur d’une émancipation.
…