AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782013660099
293 pages
Hachette Livre BNF (01/01/2013)
4.75/5   2 notes
Résumé :
Chapitres :
I. Monsieur qu'est ce qu'il fait
II. La chaste Agnès
III. Les Litanies d'un contemporain
IV. Le Petit Trôp-de-Vice
V. Warwick Junior
VI. Le Réflecteur
VII. Un Noble coeur
VIII. Le Ménage à trois
IX. Ce Farceur de Cavalier-Seul
X. Les Carnets du docteur X
XI. La Retraitée
XII. Les Hochets parlants
XIII. Les Femmes qui rieut
XIV. Un Procès en séparation
... >Voir plus
Que lire après Les chevaliers du macadamVoir plus
Citations et extraits (2) Ajouter une citation
XXI-ème nouvelle - "M. Vampire"

Demandez à ses voisins, demandez à ses amis, demandez à ses connaissances.
Tout le monde vous répondra :
— Papa Vampire ! ...Un très brave garçon !...

Et de fait, ne vit-il pas comme le plus suave des Prud'hommes (bourgeois) ? ne réalise-t-il pas l'idéal de la chanson :

- Un bon bourgeois dans sa maison,
- Le dos au feu, le ventre à table...

Et gras à lard ! Et gai à faire envie ! Une bouche qui se perd jusqu'aux oreilles, quand son rire s'épanouit !

— Papa Vampire !... Un bien brave garçon !...
Que fait-il donc ?

Rien, parbleu ! Il vit de ses petites rentes, et c'est précisément pour cela qu'il a pu parallèlement se créer des plaisirs d'un ordre tout spécial.
Chacun son goût, n'est-ce pas ?
Papa Vampire a le sien ; et comme rien ne le gêne pour y donner satisfaction, c'est en vérité l'homme le plus heureux du monde.
Vous allez voir !

Son journal, c'est la Gazette des Tribunaux. Il s'y est abonné, parce que là seulement on trouve au complet, et avec pièces authentiques, tous les débats des cours d'assises nationales. Les autres feuilles se mettent bien de temps en temps en frais de sténographes, quand il s'agit d'aller cueillir extra muros les réponses d'un scélérat exceptionnel. Mais, le reste du temps, elles vous parlent d'un tas de choses insignifiantes : politique, littérature, philosophie... que sais-je ?

Avec la Gazette des Tribunaux, M. Vampire est sûr de son pain quotidien.
Rien qu'avec les faits divers, il y a de quoi faire un repas ; il y a toujours une demi-douzaine de coups de couteau et d'écrasements.
De plus, les détails sur le crime épouvantable qui vient de porter l'épouvante dans...
De plus encore, l'interrogatoire de la paysanne accusée d'infanticide, dans les Landes, ou du paysan prévenu d'incendie d'une maison habitée, dans la Beauce...
Quel régal !
C'est pour M. Vampire le premier de la journée. En se mettant à table pour le déjeuner il déploie majestueusement la feuille :

—Artémise !... Léontine !... Venez donc !...
Artémise, c'est sa femme.
Léontine, c'est sa fille.

Elles viennent, car elles savent les usages du petit ménage. Et M. Vampire commence à leur lire, en en savourant chaque ligne, l'histoire du forçat en rupture de ban qui a coupé un M. DUPONT quelconque en morceaux, ou l'aventure de la ménagère qui a gratté des allumettes dans le potage marital.
C'est comme cela que M. Vampire entend former l'esprit et le cœur de sa famille.

Il est midi... Que faire de sa journée ? Cela dépend.
S'il a eu quelque beau forfait parisien, M. Vampire n'est plus un homme, c'est un sylphe ; il s'habille en grande tenue, fait habiller Artémise, fait habiller Léontine, et paye un fiacre.

Vous avez pu le voir à Pantin. Il n'a pas manqué pendant toute une semaine de s'y rendre avec sa « smala » (ensemble de tentes). Il remuait la terre du bout de sa canne, pour tâcher de découvrir quelque motte de terre à laquelle adhéraient encore des taches de sang, il se faisait raconter vingt fois les mêmes péripéties. C'est lui qu'on aperçut cubant la longueur de la fosse avec sa canne.
A la fin, il était devenu si fort sur la matière, qu'il s'était institué le cicérone officieux des nouveaux venus. Il leur faisait l'article comme un commis en terreur ; il les menait aux bonnes places, d'où l'on voyait le mieux l'ensemble du champ Langlois.

(Notes : Le lieu de Pantin et du champ de M. Langlois fait référence à ce lugubre fait divers de 1869 "un paysan nommé Jean-Louis Langlois part bêcher son champ à Pantin. Alerté par des traces suspectes et un mouchoir ensanglanté, il décide de creuser un monticule de terre qui lui parait récent. Quelques coups de pioches suffisent à faire apparaître la tête ensanglantée d’un enfant. Il court chercher la police qui va déterrer les corps de quatre autres enfants et d’une femme (…)"

Ce sera un des beaux souvenirs de sa carrière !
Mais on n'a pas toujours de ces chances là !

Dans les temps ordinaires, il faut faire flèche de tout bois. Le moindre incendie devient un but de promenade. M. Vampire assiste même au déblai.
Quelles belles journées lui valut encore l'explosion de la Sorbonne ! (explosion d'un magasin de produits chimiques place de la Sorbonne en 1869) Ah ! Monsieur !...
Pourtant il ne se consolera de sa vie, car il est arrivé trop tard, lui qui demeure dans le quartier pourtant ; trop tard ! on venait d'emporter le corps de la dernière victime...
Il y a aussi pour lui les contingents imprévus. Pour cela, il a la main assez heureuse...

Rarement, il se passe une semaine sans qu'il rencontre un cheval emporté, un couvreur tombé d'un toit, un homme pris d'une attaque d’apoplexie...
D'ailleurs, les jours où il n'a pas d'itinéraire fixe, il aide un peu la fortune, et se promène de préférence sur les quais (les noyés ne sont-ils pas là ?... ) ou bien encore autour des monuments et colonnes, du haut desquels on peut faire un saut dans l'éternité...

C'est comme Bicêtre et Charenton (asiles psychiatriques). Rien de plus attrayant... à condition de ménager ses sensations.
Tous les trois mois, M. Vampire rend visite à chacun de ces établissements, pour voir s’il y a du neuf.
Il en sait par cœur les pensionnaires ordinaires. Il connait les fous agités par leur nom, et tape sur l'épaule des gâteux avec un air de protection.
Charenton et Bicêtre, des voyages charmants !
M. Vampire a eu une joie encore.
Par son médecin, il a obtenu d'aller à la Clinique, assister aux opérations du matin.
C'était en été, par un temps radieux. Il arriva dès six heures tant il avait peur de manquer le rendez-vous. On coupa beaucoup cette fois-là.
Je vous ai dit que M. Vampire est privilégié.
Les catacombes l'ont distrait au commencement ; mais c'est bien monotone, ces piles d'ossements.
Les cimetières sont un pèlerinage qui a son mérite à la Toussaint, quand il y a beaucoup de monde, ou quand on reprend chaque année les terrains à temps... à cause des exhumations, vous concevez.
Ajoutez à cette nomenclature les bocaux du Muséum, et vous comprendrez que M. Vampire, a toujours et même au-delà l'emploi de sa journée.

Ami des arts, du reste, Il a une collection très curieuse de portraits cartes, ceux de tous les criminels qu'on a guillotinés depuis l'invention de la photographie.
Il ne les montre qu'à ses préférés... L'avare et son trésor !
Vivant doucement ainsi, M. Vampire s'endort avec la lecture d'un volume de la collection des Causes célèbres (compilation de procès criminels célèbres), rêvant aux plaisirs du lendemain.
Comme je le disais en commençant, son portier le vénère, les siens lui brodent des pantoufles pour sa fête.
Et quand il aura rendu sa belle âme, on gravera sur sa tombe la fameuse épitaphe : Bon père, bon époux, bon tout ce qu'on voudra...

C'est ainsi qu'on écrit l'histoire.
Commenter  J’apprécie          32
LES HIRONDELLES DE PARIS
Je veux battre en brèche un préjugé. Il y en a tant qu'il en restera toujours assez sans celui-ci. Et d'ailleurs, je commence à être irrité de voir sans cesse célébrer sur tous les tons une réputation aussi usurpée.
Tous les ans, à la même date, je retrouve dans trente élégies les mêmes sentimentalités à propos de l'ennemi que je prétends combattre, et la patience finit par échapper.
À l'attaque donc, et pas de ménagements.

L'ennemi dont j'entends parler, c'est — apprêtez-vous à bondir — c'est... l'hirondelle.
Oui, sans doute, je sais la popularité dont jouit cet oiseau voyageur ; mais je soutiens et je veux prouver que les hirondelles ne sont que les fausses bonnes femmes de l'air.
Leur célébrité est l'œuvre des poètes, qui n'en font jamais d'autres.
À force de rimer en l'honneur de ces volatiles, à force de faire chanter à tous les pianos leurs éloges en la bémol ou en sol majeur, on a fini par convaincre le public, qui s'attendrit de bonne foi, lui.
Et personne ne s'est aperçu qu'on faisait là tout simplement l'apothéose de l'ingratitude.
De l'ingratitude, le plus abominable des défauts, dont l'hirondelle est le trop séduisant symbole.

Comment ! Voici de petits êtres qui n'ont pour eux ni le chant, comme le rossignol, ni l'éclat du plumage, comme le pinson, ni la familiarité, comme ce bon garçon de pierrot.
Malgré cela, la France et l'Europe les hébergent pendant six mois avec toutes sortes d'égards. Nul n'oserait porter sur eux une main profane.
Paris même, qui sous ce rapport n'est pas très sensible, Paris ne leur fait pas payer de loyer et leur livre gratis ses plus beaux édifices — désintéressement rare par le temps qui court.
Bien plus, c'est à qui leur soupirera des compliments, et qui leur tournera des madrigaux.
Et les choses vont ainsi tant que luit le soleil, tant que le ciel est en fête.

Mais arrivent les nuages et les sombres jours. C'est l'heure où nous aurions le plus besoin de consolations, alors que l'automne jette un crêpe de deuil sur la nature.
C'est aussi l'heure que choisit notre poétique hirondelle pour nous abandonner. Insoucieuse et sans vergogne, elle part en battant les ailes, la gaîté au bec.
Pas un regret ! Pas un souvenir !

Le ciel est devenu noir, tant pis pour nous et bonsoir. Chacun pour soi ici-bas. Arrangeons-nous comme nous pourrons de la bise et des frimas.
Quant à elle, l'égoïste qu'elle est, pourvu qu'elle ait ailleurs un nid douillet et une brise bien tiède, c'est tout ce qu'il lui faut.
Encore pardonnerais-je peut-être à l'hirondelle, si ses défauts n'étaient pas contagieux.
Mais elle a fait école, et triste école, par ma foi !
Hélas ! Que nous en voyons chaque jour s'envoler d'hirondelles !

Piou piou... autour de nous s'abattait une nuée de volages courtisans.
Mais le vent a tourné. Un autre a pris votre place.
Piou ! Piou... Départ général. Plus un seul battement d'ailes autour de nous.
Les hirondelles politiques sont allées ailleurs chercher le soleil.

Connaissez-vous X... le prince des millions, le roi de la spéculation ?
Vive le grand, le généreux, l'immortel X... ! Soudain, le bruit se répand que X... en voulant trancher du Mondor, s'est coupé. Une ruine complète... Déjà les hirondelles de la Bourse sont allées porter ailleurs leur gazouillement. Piou ! Piou... piou...

Et cet homme de lettres ?
Au début, tout lui souriait ; les réclames ne proclamaient que son nom.
C'était à qui lui donnerait le bras sur le boulevard, à qui suspendrait son nid au fronton de sa gloire.
Mais bientôt la critique passa par là, donna un coup de pied dans le fragile édifice, qui croula. Les hirondelles de l'amitié avaient, au premier choc, pris leur vol à la recherche d'une autre célébrité en son printemps.

Et ce duo charmant, dont les paroles ne varient jamais :
— M'aimerez-vous longtemps ?
— Toujours...
Six mois, un an, deux ans se passent. Qu'est devenu le toujours ? Un hélas !
Car, parmi les hirondelles de l'amour, il en est qui n'attendent pas la fin de la saison pour émigrer.

Voilà pourquoi j'en veux aux autres hirondelles, à celles de là-haut, les ingrates, qui font parmi nous tant de disciples. Ce n'est pas du ciel que doit nous venir le mauvais exemple !
Commenter  J’apprécie          50

autres livres classés : classiqueVoir plus
Les plus populaires : Littérature française Voir plus


Lecteurs (2) Voir plus



Quiz Voir plus

Les Chefs-d'oeuvre de la littérature

Quel écrivain est l'auteur de Madame Bovary ?

Honoré de Balzac
Stendhal
Gustave Flaubert
Guy de Maupassant

8 questions
11162 lecteurs ont répondu
Thèmes : chef d'oeuvre intemporels , classiqueCréer un quiz sur ce livre

{* *}