Les contrées salées

En 1919, sur le quai de la gare, Vonceil, accompagnée de ses parents, est ravie de retrouver son grand-frère, Elber, parti combattre en France et qui rentre du front. Mais pour autant, la jeune fille fait la tête lorsqu'elle le voit embrasser sa chère et tendre Amélia puis s'agenouiller tout en lui passant l'anneau au doigt. Elle espérait secrètement le voir tomber amoureux d'une belle infirmière française. Vonceil rumine et a des idées noires. Elle ne comprend pas pourquoi il veut épouser Amélia et lui faire des enfants, reprendre la ferme. En somme, vivre une vie ordinaire qui ne lui ressemble pas. Elle ne le reconnaît plus. Au cours de la noce, le vieux grand-oncle Dell vient perturber la cérémonie en accusant Amélia d'être une sorcière et tente de lui jeter une pierre. Un comportement que personne ne comprend. Un jour, en ville, Vonceil aperçoit une belle femme, élégante et sophistiquée, tout habillée de blanc. Étrangement, elle la regarde comme si elle la connaissait. Elle fait part de cette rencontre à Elber qui, aussitôt, paraît troublé. C'est alors que cette femme, Greda, arrive à la ferme. Vonceil comprend alors qu'Elber et elle avaient une liaison à Paris. Comme ce dernier refuse de la suivre, se sentant de nouveau abandonnée, elle jette un sort à la source d'eau douce, la rendant salée. Vonceil va tout faire pour retrouver Greda et ainsi la raisonner...


Dans l'Oklahoma, si tout le monde se réjouit du retour du grand frère, Vonceil, elle, se désespère de le voir si différent, si changé même si elle peut comprendre les impacts psychologiques de cette terrible guerre. Aussi, lorsque cette femme étrange, semblant connaître Elber, jette une malédiction sur sa famille, Vonceil, s'armant de courage, va tout faire pour comprendre les raisons de sa rancoeur et de sa colère et tenter de tout remettre dans l'ordre. Si le début de cet album s'ancre dans la réalité, l'on bascule, peu à peu, dans un monde fantastique et magique. Juchée sur son cheval, prête à braver l'impossible, Vonceil va faire la rencontre de personnes aussi incroyables que complexes, notamment la Dame de Sere, le touchant Oncle Dell ou Madame Dee, aux pouvoirs extraordinaires. Ce voyage initiatique aux événements inattendus, qui va l'emmener loin, aussi bien dans l'espace que dans le temps, va lui permettre d'en ('apprendre beaucoup plus sur les autres, sur la vie mais aussi sur elle-même. Empruntant au merveilleux, au western et aux grands espaces, Hope Larson nous offre un album original aux multiples thématiques. Assurément, un album qui peut plaire à un large lectorat. Graphiquement, Rebecca Mock, par son trait expressif et ses couleurs pastel, nous offre de très belles planches variées, joliment nuancées de bleu, de rose ou de violet, tour à tour girly ou profondes.

Un conte moderne plein de surprises...

L'époustouflante couverture annonce la couleur : celle de la rencontre de l'Histoire, du western et de la magie.

Ce roman graphique semble d'abord s'inscrire dans un registre historique réaliste de la veine de la Guerre des Lulus par exemple. Oklahoma, 1919. Depuis qu'Elber est rentré des tranchées, sa petite soeur Vonceil ne le reconnaît plus. Moins insouciant, plus adulte, voilà qu'il se met en ménage avec l'insipide Amelia. Mais un jour débarque une envoutante dame blanche qui exige qu'Elber la suive. Furieuse de son refus, elle empoisonne la seule source d'eau potable des environs. Pour lever le sort, Vonceil n'hésite pas à se lancer tête baissée vers les contrées salées. Ses aventures nous font brusquement basculer dans une autre dimension…

Entre enquête, épopée et fantasy carrollienne, cet album ne cesse de nous prendre de court. Les paysages, les décors et costumes d'époque sont très bien rendus : on s'y croit, et en même temps, c'est un dessin très expressif porté par le tempérament de Vonceil. L'univers des contrées salées et sucrées et leur lot de créatures insolites donnent lieu à des planches splendides. Ils rappellent Alice aux pays des merveilles, le Magicien d'Oz mais aussi Les Vermeilles. Pour le merveilleux, la densité de sens et le récit d'apprentissage – puisque le voyage fera grandir Vonceil qui se frottera à la folie, à la solitude ou au désir d'enfant de certains adultes.

L'intrigue merveilleuse et le contexte historique se nourrissent réciproquement dans une symbiose étonnante. L'épopée s'appuie par exemple sur des éléments historiques comme les difficultés des fermiers américains, les traumatismes des survivants de la guerre ou la prohibition. Cela fonctionne très bien.

Coup de coeur des moussaillons !
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Les Contrées Salées, c'est le domaine de Greda, la sorcière du sel, qui par dépit amoureux a jeté un sort au puits de la famille Taggart. Vonceil, la benjamine de la famille, est bien déterminée à briser la malédiction pour sauver les récoltes : elle prend la route avec pour seuls indices les souvenirs d'un grand-oncle que tout le monde croit un peu fou. Au cour de son périple, elle rencontrera des personnages extraordinaires et prendra conscience de la nécessité de grandir...
J'ai passé un excellent moment avec cette B.D. jeunesse à l'intrigue suffisamment fouillée pour plaire aussi aux adultes et les personnages sont hauts en couleurs avec des motivations nuancées.
Les dessins aussi sont excellents. Très colorés, ils nous immergent aussi bien dans les paysages de l'Oklahoma rural que dans les domaines surnaturels des sorcières. Les personnages sont également représentés de manière très vivante.
Une chouette lecture...

On démarre sur un dessin un peu girly, doux et actuel, un peu trop académique à mon goût, assez agréablement coloré. C'est l'histoire d'une famille qui vit dans une région reculée d'Amérique, l'aîné revient de la guerre, celle de 14-18, et pour sa plus jeune soeur, Vonceil, ce n'est plus comme avant, ce n'est plus le grand frère complice, il est désormais fiancé.

Dans les cent premières pages du récit on se trouve dans une saga familiale rurale, au fin fond des Etats-Unis, je n'étais pas très enthousiaste, le côté “Petite maison dans la prairie”, ce n'est pas un genre qui m'emballe particulièrement, et soudain, on passe dans une univers beaucoup plus onirique, entre “Alice au pays des Merveilles” et “Maléfique” . Vonceil va devoir entrer dans un univers féérique pour délivrer sa famille de la malédiction d'une sorcière, celle des Contrées Salées.

Je me suis laissé surprendre par ce changement de ton qui m'a littéralement embarqué, alors que cette lecture me laissait envisager un relatif ennui, la surprise est belle et bien amenée. Peut-être que le démarrage est un peu long, mais il fallait ça pour apporter de la cohérence et faire monter la tension. Alors que ça semblait mal parti, je suis finalement très enthousiasmé par cette lecture qui aura réussi à me surprendre.

Depuis que j'ai commencé à lire des bandes-dessinées chez Rue de Sèvres, j'ai noté leur propension à mettre en avant des héroïnes fortes et aventureuses. J'ai donc adoré me plonger dans ce récit mélangeant revisite du Magicien d'Oz et âpre histoire de l'Amérique profonde dans un contexte post-Première Guerre Mondiale.


Hope Larson et Rebecca Mock sont deux jeunes autrices à l'âme aventureuse qui avaient déjà collaboré ensemble il y a quelques années chez l'éditeur dans un diptyque où deux jumeaux, Cleopatra et Alexandre, s'embarquaient à bord d'un bateau pour vivre une nouvelle vie. Je savais donc qu'elles savaient mener une histoire tambours battants et que l'Amérique était leur terrain de jeu.




Ici, c'est dans un volume unique qu'elles nous proposent de suivre les aventures rocambolesques de la jeune Vonceil. Celle-ci très attachée à son frère aîné voit d'un mauvais oeil le mariage de celui-ci et sa vie qui va changer. Alors quand l'ancienne conquête de ce dernier vient à la ferme où ils vivent et jette un sort sur celle-ci, Vonceil n'écoute que son courage pour partir à la recherche de la responsable et changer tout cela.

J'ai beaucoup aimé découvrir au fil des pages les multiples niveaux de lecture de l'histoire. Ce fut dans un premier temps un portrait subtil de l'Amérique d'après guerre. J'ai aimé découvrir la vie à la ferme de Volcien et sa famille, avec tout ce que cela impliquait. J'ai aimé qu'on évoque avec subtilité les conséquences de la guerre sur les anciens engagés américains.

J'ai aimé dans un second temps avoir une intrigue centrée sur des histoires de famille. C'est toujours un développement scénaristique que j'apprécie quand il est bien fait et c'est le cas ici. L'autrice a su sélectionner ceux auxquels s'intéresser et lesquels délaisser. Se concentrer sur cette jeune fille, les amours de son frère (amour d'enfance et conquête pendant la guerre), puis sur le passé d'un oncle qu'on croyait fou et qui se faisait maltraiter par sa famille, furent des choix judicieux.

Mais surtout, j'ai adoré le pan fantastique de l'histoire. J'ai eu l'impression de plonger dans une revisite singulière du classique américain qu'est le Magicien d'Oz, avec une Dorothy incarnée par Volcien, un lion incarné par son oncle, et des sorcières incarnées par celles de Sucre et de Sel qu'on croise ici. C'était très bien pensé. L'aventure qu'elle va ainsi vivre fut à la fois belle, émouvante et pleine de rebondissements, avec une jolie touche rétro.


Les autrices ont donné un joli rythme à leur histoire et ont mélangé avec brio tous les pans de leur intrigue pour pousser Volcien à vivre une grande aventure inspirante pour les petites filles. C'était beau de la voir partir seule sur les chemins américains pour tenter de sauver sa famille. On a tous les indicateurs des contes de notre enfance mais avec une héroïne et non un héros cette fois. le dépaysement est là, pour le lecteur occidental, quand on la voit cheminer ainsi d'une ferme à l'autre dans cette Amérique désertique. L'émotion est au rendez-vous quand elle croise cet oncle malade et séquestré, cette sorcière désireuse d'enfant, ou cette autre en quête d'un amour perdu. Elle-même se trouve, bien sûr, en poursuivant cette quête, ce qui offre une jolie évolution et un beau message, puisqu'elle va grandir et oublier ses jalousies infantiles.

Quant aux dessins de Rebecca Mock, ils sont d'une belle modernité. J'ai peut-être eu un peu de mal avec la colorisation numérique des planches où l'illustratrice a choisi un filtre un peu gris qui affadie les pages sauf en de rares occasions. Ce n'était pas à la hauteur de la couverture si douce et pure qu'on nous avait proposée. En revanche, j'ai aimé le jeu des palettes en fonction des ambiances. Celles toutes en nuance de violet pour la nuit sont superbes. Celles plus acidulées quand il y a la Sorcière du sucre sont pétillantes. le trait, lui-même, est d'une jolie rondeur et la composition des pages est dynamique avec des personnages variés, un rythme entraînant et un joli travail sur les décors.

Je suis donc ravie de la surprise que m'a apporté cette lecture avec cette revisite singulière d'un classique de la littérature américaine : le Magicien d'Oz. Avec Contrées salées, les autrices offrent un joli modèle d'héroïne forte et aventure, d'abord capricieuse, puis plus réfléchie et courageuse, aux jeunes lecteurs, le tout dans un beau cadre américain post-guerre avec les nuances que cela apporte. Il faudrait plus de lectures comme celle-ci !
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