— il n’y a rien à faire !
— Mais si ! Dit l’opinion publique : en Angleterre, aux Etats-Unis, il y a, par exemple, la liberté de la presse, de réunion, d’association.
— Non, dit l’Etat.
— Mais vous la réclamiez, monsieur Emile Ollivier, quand vous étiez dans l’opposition ; mais vous l’avez réclamée, monsieur Thiers, dans votre discours sur les libertés nécessaires.
L’Etat répond :
— Cela est bon en théorie, mais non pas en pratique.
Qu’est-ce qu’une théorie ?
« Une théorie, c’est un ensemble de règles pratiques », a dit Kant.
Tout est théorie. Vous vous mouchez d’après une théorie.
Vous tenez votre fourchette d’après une théorie.
Quand vous dites : cela est bon en théorie et mauvais en pratique, cela prouve simplement que vous avez deux théories : une bonne que vous n’appliquez pas, et une mauvaise que vous appliquez sans oser la reconnaître.
A l’intérieur du lycée, l’obéissance passive : nul bruit du dehors ne doit y pénétrer ; on se lève au son du tambour, on mange, on s’amuse, on travaille au son éternel du tambour : l’étude est une compagnie de discipline ; le pion un sergent, sinon un argousin : la discipline est dure, triste, silencieuse : l’esprit se replie sur lui-même dans une sorte d’engourdissement ; et la préparation au baccalauréat développant la mémoire et excluant le jugement, il en résulte qu’au bout de huit ans, le lycée verse dans la société de petits perroquets pouvant enfiler des mots sans en comprendre le sens, mais incapables de voir et de penser par eux-mêmes.
Alors le jeune homme entre la société avec les idées de Plutarque et de Quinte-Curce, mêlées de réminiscences catholiques, et, ainsi préparé, choisit sa carrière.
Les gouvernements ont volontiers une tendance à traiter les individus comme autrefois les médecins traitaient leurs malades.
Ils croient que la fréquente saignée est un remède souverain.
Ils ont peur de la vigueur de leurs sujets : l’activité, l’intelligence de ceux-ci représentent le mal à leurs yeux, car elles sont la force ; et les gouvernements autoritaires ne sont forts que de la faiblesse des peuples.