Hanen Marouani est tuniso-italienne, docteure en langue et littérature françaises et auteure de plusieurs recueils de poésie publiés entre la Tunisie et la France, et… on peut dire que le hasard fait bien les choses, puisqu'elle a un lien particulier avec mon pays d'origine.
Voici ce qu'elle déclare elle-même dans un entretien accordé à Aziz Harcha (en octobre 2022) :
« Je m'intéresse actuellement dans mes recherches scientifiques postdoctorales que j'effectue à l'Université Politehnica de Bucarest (Roumanie) dans le cadre du programme des bourses d'excellence
Eugène Ionesco proposé et financé par le gouvernement de la Roumanie (le ministère des Affaires étrangères) et géré par l'AUF Europe Centrale et Orientale à l'égalité Femmes/Hommes dans le discours littéraire, aux stratégies énonciatives favorisant la promotion des valeurs de l'égalité sociale et de genre dans la littérature contemporaine et à son impact sur la vie au quotidien et sur les mentalités en général. Cette problématique s'effectue à partir de l'analyse des pratiques discursives et énonciatives repérées des textes en mettant l'accent sur la lutte contre les différentes formes explicites et implicites des inégalités sociales et de genre. »
J'ai eu, quant à moi, le plaisir de découvrir ses écrits poétiques avec ce magnifique recueil, publié en 2021 et dont la très courte, mais très pertinente préface explique le titre.
Je dois avouer ma légère réticence à la découverte du titre, car il me semblait, de premier abord, un peu terne, un peu trop « optimiste » à mon goût. Cependant, dès le premier poème, la magie a opéré, et j'ai ressenti cette luminosité dans la noirceur du monde évoqué : « […] Une infinie diversité sans bruit/ Qui se met à danser en toute liberté/ Qui fonce dans une extase d'idées/ Secrètes, orchestrées et sans clichés/ Pourquoi alors rater les intériorités/ Et passer au fond d'un monde égaré ? »
Une poésie « aux charmes enfouis » qui parle de la vie, mais surtout de la féminité, avec originalité et surtout une grande musicalité, une poésie qui utilise les répétitions avec beaucoup d'élégance, comme dans le poème « La lune orageuse », pour ne donner qu'un simple exemple. Une poésie qui dénonce avec force et ténacité « l'absence des mots égalitaires », et autres « privations ». La présence « d'oxymores ondulés » est une source d'émerveillement pour le lecteur qui appréciera également la présence d'un acrostiche (« Satin noir »), de belles assonances et consonances comme gage de prouesse poétique.
Que l'amour soit béni, oui, surtout quand il est « ailé », et même avec son « jeu de drame », car « déployer ses ailes » est en effet, un « art » ! « Tenir » à quelqu'un sans le « re-tenir », c'est simple à dire, mais si compliqué à faire, et c'est si beau, quand cela devient poème ! La sensualité dans l'évocation amoureuse et empreinte de délicatesse et de pudeur, mais elle se fait visible.
Ce recueil fut un délice que je n'ai pu me contenir de lire lentement, ce fut comme :
« [D]es fous rires autour des verres de thé vert à la menthe, aux amandes ou aux « bondok » autour des tables rondes tendres, chaleureuses et généreuses/ Dans les couloirs étroits de nos petites maisons clôturées parfaitement par nos traditions ».
J'ai aussi aimé les clins d'oeil à l'enfance et aux terres tunisiennes de l'enfance, ou l'éphémère élevé au rang d'éternité capturée, comme dans le cher à mon coeur, « Papillon à la mer ».
Le désir de liberté est subtilement décliné aussi par ce motif de l'« évasion sur une bicyclette » (« Sur une bicyclette, je fuis le sens/ Je ne pense à rien mais je danse »).
En terminant ma lecture, je n'ai qu'une envie, c'est de reprendre certains poèmes dont l'arôme doux-amer n'est pas sans rappeler le goût saturé en douceur du miel.