De
Leila Aboulela, écrivaine d'origine soudanaise établie en Ecosse, j'avais lu et apprécié un extrait de son roman The Museum (en français :
le Musée, Editions Zoé, 2004) dans le volume de nouvelles Opening Spaces. An Anthology of Contemporary African Women's Writing, dont j'avais parlé ici, et c'est ce qui m'a poussé à emprunter
Minaret (2002 ; en français chez Flammarion, 2005) : c'est une lecture qui ne m'a pas beaucoup enthousiasmée mais qui ne m'empêchera probablement pas de lire un autre roman de l'auteure.
Comme l'extrait de The Museum,
Minaret repose sur des personnages qui ont quitté leur vie en Afrique et dont le présent se situe au Royaume Uni, les obligeant à remettre en question leur identité et leurs repères, et à se rendre compte de leur différence dans leur nouvel environnement. Dans
Minaret, c'est un coup d'état qui oblige le départ précipité de la famille pour Londres. A Khartoum, Najwa, son frère jumeau Omar et leurs parents avaient vécu jusqu'à leur départ dans les années 1980 une vie privilégiée : père proche du gouvernement, mère issue d'une famille aisée, la famille vit au rythme occidental avec domestiques, fêtes, éducation dans les meilleurs établissements anglophones, voyages de rigueur à Londres pour le shopping et les vacances. Najwa venait d'entrer à l'université, fille studieuse par devoir mais peu intéressée, ni par ses études ni par le regard critique que certains des autres étudiants portent sur l'aisance (aux origines douteuses, disent-ils) de la famille.
Cependant, le roman débute dans les années 2000, alors que Najwa s'apprête à entrer au service d'une famille soudano-égyptienne à Londres comme aide à domicile. Comment en est-elle arrivée là, de l'autre côté de barrière entre maitres et domestiques qu'elle avait connue enfant et adolescente ?
Par tranches alternant entre présent et passé, le roman retrace son parcours et les événements qui, en s'accumulant, l'ont privée de sa famille et de ses ressources. En même temps, il offre à son personnage principal une sorte de porte de sortie, représentée par le
minaret du titre.
En théorie, donc, le roman avait beaucoup pour me plaire, avec cet aspect historique récent (qui m'a fait prêter encore plus attention aux informations concernant le coup d'état récent au Soudan), cette évocation des communautés émigrées et/ou musulmanes à Londres avec toutes leurs solidarités et leurs fractures, et cette remise en question par Najwa de son identité à tant de niveaux.
Les bémols que j'ai ressentis à la lecture concernent la construction non-linéaire qui m'a paru une manière assez artificielle de créer du mystère autour du passé de Najwa ; un passé justement pas assez étoffé par moments, rendant moins crédibles certaines évocations du passé dans le présent du roman (notamment concernant sa première rencontre avec l'étudiant communiste Anwar) ; une écriture qui glissait parfois de manière inexplicable dans le registre d'un journal d'adolescente ; et le personnage de Najwa elle-même, trop souvent trop résignée, un peu trop anti-héroïne jusqu'à la résolution du roman qui peut être lue soit comme une libération par le haut (c'est probablement l'approche de l'auteure), soit comme une nouvelle forme d'asservissement.
Lien :
https://passagealest.wordpre..