Ce roman fut une lecture éprouvante et magnifique à la fois, où il est question de familles, d'exil, de dépossession, de retrouvailles.
Véritable ode à la puissance féminine, ce roman célèbre aussi la force des liens du sang, en dépit de toutes les épreuves qui puissent exister. Car peu de choses sont épargnées à la famille Baraka dont nous suivons les membres au fil des pages.
L'histoire débute comme un conte mystique, dans cette famille vivant à Beit Daras, un village palestinien non loin de Gaza. On y découvre une mère victime de crises de démence en lien étroit avec un djinn puissant et une fratrie composée d'un frère, Mamdouh, d'une soeur ainée Nazmiyeh et de Mariam, petite fille aux yeux vairons détentrice d'un don : elle a un ami imaginaire du nom de Khaled et semble détenir une vérité qui échappe au reste du monde.
Puis vient la Nakba. La Catastrophe. Une catastrophe pour la Palestine, et une catastrophe pour beaucoup de familles comme la famille Baraka.
Les voici éprouvés, brisés, exilés, contraints de rejoindre l'actuelle bande de Gaza.
L'exil se poursuit lorsque le frère, Mamdouh part s'installer aux Etats-Unis. Des années plus tard, c'est sa petite-fille, Nour, qui retourne en Palestine occupée, tentant de gagner l'amour d'un homme.
Elle y retrouve la soeur de son grand-père, l'incroyable Nazmiyeh, le personnage coup de coeur de ce magnifique roman.
On va de bouleversements en bouleversements et on découvre dans une sorte d''effet miroir, l'histoire des corps et d'une terre confisqués, outragés et aliénés, l'histoire d'une terre et d'une enfance volées.
Chacune des femmes de ce roman renvoie à mon sens à l'une des caractéristiques du peuple palestinien que l'auteure,
Susan Abulhawa a souhaité mettre en valeur.
Il y a d'abord Nazmiyeh. Mon Dieu, quel personnage ! La combative et sulfureuse Nazmiyeh m'a totalement subjugué. C'est sur elle que repose selon moi toute la charpente de ce magnifique roman. C'est une femme à l'aise avec sa féminité, à la langue acérée et qui porte en elle un amour et un attachement inconditionnel à sa terre, à sa communauté, à ses valeurs et principes, à ses enfants et à sa famille. Nazmiyeh n'est ni discrète, ni soumise. Elle porte en elle une dignité de fer même dans les moments les plus tragiques et humiliants. C'est une mère et une épouse dont l'amour s'exprime avec férocité. C'est la matriarche, c'est celle qui relie tous les personnages de par son amour infini et sa ténacité sans faille.
Il y a ensuite Alwan, enfant totem de sa mère, à la résilience discrète et deviendra elle-même mère d'un enfant supplicié. En retrait et pourtant, c'est elle qui porte sa mère, qui l'a aidé à survivre avant même d'exister.
Nour, celle qui souffre, se plie, se trompe, mais maintient le cap. Dans une forme d'analogie avec le peuple palestinien, Nour a été rejetée, dépossédée de son être, de son corps. Elle veut se retrouver, retrouver ses racines, de là dépend son salut et de là nait toute sa détermination.
Et Mariam, le point de départ et d'ancrage de cette histoire.
Les personnages masculins, tout aussi forts, combatifs et dignes gravitent autour de ces femmes. Mention spéciale pour Mazen, le personnage presque prophétique qui, s'il porte en lui le doute quant à son ascendance, devient par ironie du destin, l'arme qui terrorise l'ennemi.
Sensible à la cause du peuple palestinien, il m'était difficile de ne pas verser une larme en lisant l'histoire incroyable et tragique de cette famille. Des larmes d'émotion mais pas des larmes de pitié. Car ces personnages portent en eux une puissance admirable que je retrouve chez de nombreux palestiniens.
Un grand bravo à
Susan Abulhawa, pour cette force et ces caractères si marquants, pour ce conte familial extrêmement émouvant.