Dans la bibliothèque de ma mère, j’ai découvert un roman de Jo Jordan dédicacé : « Jo Jordan, Beppe pour les intimes ». J’ai emporté le livre dans ma chambre. Ça parlait de rencontres qui avaient lieu dans des villes sales aux murs blancs. Le soleil frappait sans répit, les soirées étaient moites, les rencontres nocturnes ponctuées de jazz et d’alcool. Le langage cru parfois ordurier utilisé par l’auteur pour parler de l’amour voulait déranger le lecteur, du moins il me semblait. Malgré le pseudonyme à consonance anglo-saxonne, le roman avait été écrit en français et publié en France. À côté de ce roman s’en trouvaient plusieurs autres, ceux-là sans dédicace. Certains étaient des traductions américaines.
Lorsque je suis retournée dans mon université, j’ai cherché à savoir qui était cet auteur. J’ai appris que Jo Jordan était le pseudonyme de Giuseppe Messina, que Jo Messina était saxophoniste, Joseph Messin journaliste. Des variations sur une seule et même personne. L’homme était né en 1928 à Tunis de parents italiens, il avait commencé sa carrière de journaliste avec quelques articles parus d’abord en Tunisie puis en France. Sur la Côte d’Azur, en 1961, il avait rencontré Ray Ventura et l’orchestre Caravelli. Son dernier roman datait de moins de quatre ans. On ne disait pas s’il était encore vivant mais je le supposai. À partir de ce moment, je sus que je voulais rencontrer cet écrivain. Découvrir ce Giuseppe, ce Beppe, que ma mère avait connu et aimé.