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Critique de fulmar


« On ne sait jamais rien de ce qui se noue entre les êtres, eux-mêmes souvent l'ignorent, et le découvrent en se perdant ».

Je viens de sortir de la forêt, ivre, i-v-r-e, la vie qui erre (r), passer de la faune à l'aphone, je suis sans voix, comment retrouver la voie, qui m'a mené en bord de mer.
Falaises, d'Olivier Adam. Un mot, un seul, balaise, sans fioritures. Il commence par f, comme fuite, fracas. Il sonne comme malaise, qui commence par m, comme mère, mort.
Je m'étais dit, un court roman, moins de 200 pages, juste avant de recevoir celui de la masse critique, pour faire la jonction, une échappatoire de quelques heures, histoire de décompresser, changer d'horizon, mais je me suis retrouvé au bord de la mère, un court moment, près d'une maman. Ma ment, et fait un tour, tourment, elle lève les bras, en forme de v, vide, vertige, et en bas, être tas, Etretat, et trop tard…
Voilà, je suis embarqué, les d'sont jetés. Disparition, Deuil, Douleur, Détresse, Dépression. Lu en deux jours, plus qu'à faire la chronique, je suis à croc, mais il y a un hic, un accroc, anachronique.
Pas besoin d'un pavé pour une révolte, pas besoin de s'étendre pour se tendre, comme pour le titre, un mot suffit. Tous les autres, d'ailleurs, évoquent la même ambiance, méfiance, défiance, où est la confiance ?
« Sous la pluie », je vais « passer l'hiver », « à l'abri de rien », surtout s'il y a « des vents contraires », au risque de tomber à « la renverse », mais « on ira voir la mer », pour mettre « la tête sous l'eau », ou suivre « les lisières ». « Peine perdue », j'ai mis « mon coeur en cendres ». Mais « tout peut s'oublier », « je vais bien, ne t'en fais pas » !

Oui, à la fin, pour finir l'histoire en gardant l'espoir, avec le dernier mot, « lumineux », grâce à Claire, qui éblouit les heures sombres, et Chloé, jeune pousse, herbe naissante, croire en l'avenir.

« Nos vies sont les mêmes. Nos vies se débattent, crient dans la nuit, hurlent et tremblent de peur. Infiniment nous cherchons un abri. Un lieu où le vent souffle moins fort. Un endroit où aller. Et cet abri est un visage, et ce visage nous suffit ».

Au pied des falaises, la mer a tout englouti, même si quelques bribes de souvenirs réapparaissent à chaque marée. Mais le vent emporte les images, il appuie sur « suppr » et la mémoire ne trouve pas la touche « reset ».

« Ce qui s'efface de nos cerveaux s'efface aussi de nos corps, de notre sang, de notre vie, ne laisse aucune trace, ne creuse aucune empreinte, sinon celle d'un vide absolu, vertigineux et froid ».

Olivier Adam a la sensibilité écorchée, sur les rochers, et il lui faudra de nombreux allers-retours, passé-présent, pour arrondir les angles, et sur le rivage, lieu des naufrages, polir la pierre, pour en faire des galets, sans aspérités, le lisse qui glisse, sur le sable, et qui efface les traces, la quête, sans cesse recommencée.

« Et si la vie n'est rien d'autre que ce fil ténu qui nous rattache les uns aux autres, le mien était définitivement déficient, fragile et glissant, comme rongé par le sel ».

Un être peut-il se construire sur du sable, sans passé évanoui, sans amour parental ? Peut-on cicatriser nos plaies d'enfance grâce au sel de la vie ?
La mère, vaisseau fantôme qui disparaît en mer, et le père, qui se perd, dans la violence et le silence, jusqu'au frère, qui prend la mer, pour retrouver la mère ?
L'alcool, la drogue et le sexe sont des refuges précaires, des promontoires où l'on s'échoue mais qui sont submergés à la moindre tempête.
Il y a aussi les amis, avec des portraits gracieux et touchants, mais d'autres suicides, des naufrages irréparables, des vies englouties.
Onze ans à la perte de la mère, plus du double pour adoucir le goût qui permettra la perte de l'amer.

« Il me semblait que c'était là le sens caché de ma vie, fuir mon père et chercher sans cesse ma mère enfuie ».

Le héros s'appelle Olivier, comme l'écrivain. L'autobiographie se profile, est-elle véridique ? Peu importe, l'important c'est l'histoire racontée, par petites touches, qui nous touchent, qui font mouche, avec des phrases alertes et virevoltantes, pour montrer la vague, incessante, qui afflue et reflue, impalpable, inaccessible.
Fracas des lames et détresse de l'âme, c'est l'histoire d'un échouage sur la grève d'une enfance brisée.

« Noyés dans la masse nous dérivons, tremblants de froid nous avançons, comme des têtards aveugles. Sous nos pas tout se dérobe, et dans nos mains la vie s'enfuit comme du sable entre les doigts.
La vie abîme les vivants et personne, jamais, ne recolle les morceaux, ni ne les ramasse ».



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