From the Heads of the Hollers

Pour ceux qui ne le connaîtraient pas, Shelby Lee Adams est un photographe américain. Il est titulaire de diplômes en photographie du Cleveland Institute of Art, de l'Université de l'Iowa et du Mass College of Art. Ses photographies sont publiées et rassemblées dans les collections permanentes de plus de 60 musées et dans des collections privées ; il a exposé et donné des conférences dans de nombreux lieux individuels et expositions de groupe à l'échelle internationale depuis 1974. A ma connaissance, sa dernière exposition en France date de 1999 aux Rencontres photographiques d'Arles. En 1993, il publie son premier livre, "Appalachian Portraits". En 1998, son second, "Appalachian Legacy", avec un texte rédigé par ses soins. En 2003, "Appalachian Lives", son troisième livre avec un texte de Vickie Goldberg. En 2011, "Salt & Truth, ". En 2023, il publie From the Heads of the Hollers.
Pour aborder ce livre, il faut tout d'abord connaître la signification de "the hollers". Au Kentucky, un holler est une vallée étroite entre des collines coupées par un ruisseau. Une route est parallèle au ruisseau et les gens vivent sur des lots le long de celle-ci ou le long de routes nationales qui bifurquent dans les collines. Un holler a une embouchure, où le ruisseau se jette dans une rivière et le holler croise une autre route plus grande (cela implique généralement un pont) et une crête (head), le point où la route holler se termine (bien qu'en pratique il y ait souvent des chemins sur les collines en d'autres hollers). Vous montez le holler vers la tête (head) et descendez vers la bouche (mouth). L'expression From the head of the holler peut également qualifer entre autre des personnes vivant dans les endroits les plus reculés.
Cet ouvrage regroupe 90 photographies inédites de Shelby Lee Adams. Ce sont des portraits en noir et blanc pris à la chambre photographique. Ils sont issus d'un travail régulier dans les montagnes du Kentucky, dans ces fameux hollers. Elles représentent les habitants de ces contrées. Elles peignent les habitants de l'Amérique profonde, celle des oubliés. La thématique de l'ouvrage s'inscrit dans le mouvement "misérabiliste". Il dépeint une image d'une autre Amérique peu rutilente et profonde. Même si la misère sociale est omniprésente, j'ai ressenti une grande dignité chez ces personnes. Les images sont variées. Ce sont des portraits posés. Peu d'images sont prises sur le vif.
Ce qui m'a frappé, ce sont les regards des personnes. Ils ne sont jamais neutres et expriment toujours quelque chose. Les gros plans montrent des regards d'une grande intensité. Ce sont juste des images de personnes meurtries matériellement et socialement mais pas humainement.
Personnellement, je pense qu'il est possible de mettre en parallèle ces images avec des images de même nature de Walker Evans, Richard Avedon, Mary Ellen Mark et dans une certaine mesure de Dorothea Lange, pour ne citer qu'eux.
Techniquement, c'est un ouvrage d'excellente facture. le grammage du papier est idéal. Les tirages sont pleine page, une image une page sur deux pour la très grande majorité. La restitution des noirs et blancs est à la hauteur. Les images se suffisent à elles-même sans l'ajout d'un texte ou d'une légende que le lecteur retrouvera en fin de manuscrit ainsi qu'un texte de l'auteur (en anglais pour ma part ayant acheté cet ouvrage à l'étranger). Ce qui pourrait freiner par contre, c'est le prix. Mais il ne faut pas hésiter quand on se retrouve face à un ouvrage d'une telle qualité. Vous pouvez également l'introduire dans un liste de cadeaux de Noël ou d'anniversaire ; il a toute sa place dans une rubrique "Beaux Livres" à se faire offrir.